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Full text of "Mémoires"

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THE  ROYAL  ChNADm  INSTITUTE 


MÉMOIRES 


DE 


L'ACADÉMIE  DES  SCIENCES 


INSCRIPTIONS    ET    BELLES-LETTRES 


DE     TOULOUSE 


MEMOIRES 


DE 


L'ACADÉMIE  DES  SCIENCIÎS 


//l 


INSCRIFPIONS    ET   BKLLES-LETTRRS 


DE    TOULOUSE; 


DIXIEME  SERIE.  —  TOME  X. 


TOULOUSE 

1  M  PH  I  M  ICH  1 1^:     DOUE  A  DOUH  E-  V\\  IV AT 

3  '.) ,     HUE     SAIN  l'  -  H  0  M  K  ,     o\) 


1910 


AS 

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AVIS   ESSENTIEL 

L'Académie  déclare  que  les  opinions  émises  dans  ses  Mémoires 
doivent  être  considérées  comme  propres  à  leurs  auteurs,  et 
qu'elle  entend  ne  leur  donner  aucune  approbation  ni  impro- 
bation. 


608437 


Kcrire  le  nom  de  l'Aca- 
démie ou  Société  qui  reçoit 
le  volume. 


Reçu  iic  l'Aciuienn'c  Jt',)  ScienccA,  Inôctipticn^ 
et  Bellc^-Lctice.)  de  Toiiloii,)e,  le  K'oliinie  in-S^  de 
r  année  i(jlO     ,  ioiue    X  ("  X    "''  ^àiie). 

A .  Je. 19 


Signer    lisiblement     et 

dr^mntT  l'«(iresse  exacte. 


I 


ÉTAT   DES   MEMBRES   DE   l'aGADÉMIE.  VII 


ETAT  DBS  MEMBRES  DE  L'ACADEMIE 


PAR   ORDRE  DE   NOMINATION. 


OFFICIERS   DE    L'ACADEMIE 

COMPOSANT   LE  BUREAU. 

M.  le  baron  Desazars  de  Mgntgailhard,  >î<,  Président. 

M.  Fabre  (Charles),  Q  L,  §,  professeur  à  la  Faculté  des  sciences, 
Directeur. 

M.  DuMÉRiL  (Henri),  ^|  T.,  professeur  à  la  Faculté  des  lettres.  Secrétaire 
perpétuel. 

M.  Mathias,  O  I-,  professeur  à  la  Faculté  des  sciences  de  Clermont- 
Ferrand,  directeur  de  l'Observatoire  du  Puy-de-Dôme,  Secrétaire 
perpétuel  honorait  e. 

M.  GiRAN,  if  I.,  professeur  à  la  Faculté  des  sciences,  Secrétaire  adjoint. 

M.  Maurel  (Edouard),  0.  ^,  O  l.,  professeur  à  la  Faculté  de  méde- 
cine, Trésorier  perpétuel. 

M.  Crouzel  (Jacques),  0  I,,  bibliothécaire  en  chef  de  la  Bibliothèque  uni- 
versitaire, Bibliothécaire  de  l'Académie  (nomination  de  1908). 

ASSOCIÉS  HONORAIRES  NATIONAUX. 

M.  B.  Baillaud,  0.  ^,  O  I.,  membre  de  l'Institut,  directeur  de  l'Obser- 
vatoire, à  Paris. 
M.  Mistral  (Frédéric),  C.  ^,  à  Maillane  (Bouches-du-Rhône). 

M.  N 

M.  N 

M.  N 

M.  N 


VIII  ÉTAT  DES   MEMBRES   DE  l' ACADEMIE. 


ASSOCIES  HONORAIRES  ETRANGERS. 

1860.   Don  Fhancisco  de  Cardenas,  anc.  sénat,  membre  de  l'Acad.  des 
sciences  morales  et  politiques,  calle  de  Pizzaro,  12,  à  Madrid. 
1878.  Sm  Joseph  DaltonHookeii,  anc.  direct,  du  Jardin- Royal  de  botani- 
que de  Kew,  associé  étranger  de  l'Institut  de  France,  à  Londres. 

M.  N 

M.  N 

ACADÉMICIENS-NÉS. 

M.  le  Préfet  de  la  Haute-Garonne. 
M.  le  Maire  de  Toulouse. 

ASSOCIÉS  LIBRES. 

1859-1889.  M.  Ad.   Baudouin,   ancien   archiviste  du    département   de 

la  Haute-Garonne. 
1886-1897.  M.  Moquin-Tandon,  Q  L,   professeur  à  la  Faculté   des 

sciences,  allées  Alphonse-Peyrat,  4. 
1886-1908.  M.  Parant  (Victor),  #  A.,  docteur  en  médecine,  directeur 
de  11  maison  de  santé  des  aliénés,  allées  de  Garonne,  17. 
1885-1908.  M.  Frébault,  ||  L,  professeur  à  la  Faculté  de  médecine, 

boulevard  Carnot,  75. 
1880-1910.  M.  Hallberg,  ^,  f>  L,  §,  professeur  honoraire  à  la  Fa- 
culté des  lettres,  rue  Lamarck,  9. 

M.N 

M.N..... 

M.N 

M.N 

M.N 

ASSOCIÉS   ORDINAIRES. 

CLASSE  DES  SCIENCES. 

PREMIÈRE  SECTIOrV.   —  Sciences  mathématique». 

MATHÉMATIQUES  PURES. 

1886.  M.  Rouquet  (Victor),  -î^,  p  I.,  professeur  honoraire  de  mathé- 
matiques spéciales  au  Lycée  de  Toulouse,  rue  Valade,  17. 
1909.  M.  Drach,  i>  L,  prof,  à  la  Faculté  des  sciences,  rue  du  Japon,  12. 

M.N 


ÉTAT  DES   MEMBRES   DE   l' ACADÉMIE.  IX 

MATHÉMATIQUES   APPLIQUÉES  ET   ASTRONOMIE. 

1885.  M.  Abadie-Dutemps,  ingénieur  des  arts  et  manufactures,  rue  In- 
gres, 21. 

1893.  M.  CossEKAT,  Q  l.,  professeur  à  la  Faculté  des  sciences,  direc- 
teur de  l'Observatoire  de  Toulouse. 

1901.  M.  JuppoNT,  CJi  A.,  ingénieur  des  arts  et  manufactures,  allées 
Lafayette,  55. 

4905.   M.  Yersepuy,  ingénieur,  directeur  de  l'usine  à  gaz,  rue  Périgord,  7. 

1908.  M.  Saint-BlaiNCat,  i|  I.,  astronome  adjoint  à  l'Observatoire,  rue 

du  Dix-Avril,  66. 
M.  N...  . 

PHYSIQUE. 

1896.  M.  Marie,  Q  I.,  professeur  à  la  Faculté  de  médecine,  rue  de 

Rémusat,  11. 
1904.  M.  Camichel,  Q  l.,  professeur  à  la  Faculté  des  sciences,  rue  An- 

dré-Délieux,  29. 

M.  N 

DEUXIÈAIIi:  8ECTIO:\.   —  Sciences  physiques  et  naturelles. 

CHIMIE. 

1873.  M.  JouLiN  fLéon),  0.  ^,  rue  des  Arts,  7. 

1885.  M.  Sabatier  (Paul),  ^,  i|  I.,  ^,  C.  ►!<,  correspondant  de  l'Ins- 
titut, doyen  de  la  Faculté  des  sciences,  allée  des  Zéphirs,  11. 

1895.  M.  Fabre,  41  ï.,  ^,  professeur  à  la  Faculté  des  sciences,  rue 
Fermât,  18. 

1909.  M.  GiRAN,  Q  I  ,  prof,  à  la  Faculté  des  sciences,  rue  de  Metz,  29. 

1910.  M.  Hérissom-Laparre,  0.  ^^,  ingénieur  en  chef  des  poudres  et  sal- 

pêtres, directeur  de  la  Poudrerie. 

ZOOLOGIE. 

1907.  M.  Labat,  ^,  0.  ^,  C.I  A.,  docteur  en  médecine,  directeur  de 

l'Ecole  vétérinaire  de  Toulouse,  à  l'Ecole  vétérinaire. 

1908.  M.  Lkclainche,  ^,  0.  ^,  Q  A.,  professeur  à  l'Ecole  vétérinaire, 

rue  Ingres,  25. 
1908.   M.  Abklous,  Q  I.,  correspondant  de  l'Institut,  professeur  à  la 

Faculté  de  médecine,  allée  des  Demoiselles,  A  bis. 
1910.   M.  Girard,  $,  professeur  h  l'Ecole  vétérinaire,  rue  Joliment,  9. 


ÉTAT  DES   MEMBRES   DE  l' ACADÉMIE. 


BOTANIQUE. 

1903.  M.  Leclerc  du  Sablon,  Q  I.,  professeur,  doyen  honoraire  de  la 
Faculté  des  sciences,  rue  du  Taur,  79. 

1909.  M.  Prunet,  *ftî,  ip>  I.,  g,  professseur  à  la  Faculté  des  sciences, 

grande  rue  Saint-Michel,  14. 

GÉOLOGIE. 

1891 .  M.  Garrigou  (Félix),  Q  l.,  chargé  de  cours  à  la  Faculté  de  méde- 

cine, rue  Yalade,  38. 

1892.  M.  Caralp,  Q  I.,  professeur  ta  la  Faculté  des  sciences,  rue  de 

Réniusat,  21. 

MÉDECINE  ET   CHIRURGIE. 

1888.  M.  Maurel  (Edouard),  0.  ^,  Ql.,  professeur  à  la  Faculté  de  mé- 
decine, houlevard  Carnot,  10. 

1901.  M.  Geschwind,  G.  ^,  p  A.,  médecin  inspecteur  de  l'armée 
(cadre  de  réserve),  allée  des  Demoiselles,  29. 

1907.  M.  Tourneux,  |>  T.,  professeur  à  la  Faculté  de  médecine,  rue  Phi- 
lomène,  14. 

1910.  M.  Jeannel,  Q  I.,  doyen  de  la  Faculté  de  médecine,  rue  Ozenne,  1 . 
■  M.  N 


CLASSE  DES  INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES. 

1884.  M.  DuMÉRiL  (Henri),  #  L,  bibliothécaire  honoraire  de  l'Université, 
professeur  à  la  Faculté  des  lettres,  rue  Montaudran,  80. 

1886.  M.  Lapierre  (Eugène),  Q  l.,  bibliothécaire  honoraire  de  la  ville, 
rue  des  Fleurs,  18. 

1890.  M.  LÉCRivAiN,  0  I.,  professeur  à  la  Faculté  des  lettres,  rue 
des  Chalets,  37. 

1890.  M.  Crouzel  (Jacques),  4>  L,  bibliothécaire  en  chef  de  la  Bibliothè- 

que universitaire,  ^^ue  des  Trente-six-Ponts,  82. 

1891.  M.  Massip  (Maurice),  #  L,  bibliothécaire  de  la  ville,  rue  de  la 

Pomme,  30. 
1894.  M.  le  baron  Desazars  de  Montgailhard,  ^,  rue  Merlane,  5. 


ÉTAT   DES    MEMBRES   DE   l' ACADÉMIE.  XI 

1899.  M.  Pasquier,  Q  I.,  archiviste  du  département,  rue  Saint-Antoine- 
du-T,  6. 

1899.  M.  Cartailhac,  ^,  O  L,  C.  ►î^,  correspondant  de  l'Institut,  mem- 
bre non  résidant  du  Comité  des  travaux  historiques  et  scienti- 
fiques, rue  de  la  Chaîne,  5. 

1901.  M.  DE  Santi,  0.  !^,  médecin  principal  de  la  Compagnie  des  Che- 
mins de  fer  du  Midi,  rue  Deville,  11. 

1903.  M.  F.  Dumas,  0  I.,  doyen  de  la  Faculté  des  lettres,  Porte- 
iMontgailhard,  6. 

1907.  M.  l'abbé  Maisonneuve,  chanoine  honoraire,  doyen  et  professeur  à 

l'Institut  catholique,  rue  Saint-Remésy,  12. 

1908.  M.  Marsan,  if  l.,  professeur  à  la  Faculté  des  lettres,  boulevard 

de  Strasbourg,  74. 
1908.   M.  Eydoux,  avocat,  rue  Boulbonne,  14. 

1908.  M.  Barrière-Flavy,  Q  I.,  boulevard  d'Arcole,  14. 

1909.  M.  TouRRATON,  ^^,  0  A.,  présid.  du  Tribunal  civil,  r.  Pharaon,  28. 

1910.  M.  Saint-Raymond  (Edmond),  rue  des  Paradoux,  51. 

1910.  M.  Trouverez,  O  I.;  professeur  à  la  Faculté  des  lettres,  rue  du 
Pont-de-Tounis,  1. 

M.  N 

M.  N 

COMITÉ   DE   LIBRAIRIE  ET   D'IMPRESSION 


1909.    M.    JUPPONT. 

—     M.  Labat. 

~    M.  l'abbé  Maisonneuve. 


1910.  M.  Versepuy. 

—  M.  Prunet. 

—  M.  Massip. 


COMITE  ECONOMIQUE. 


1909.  M.  Abadie-Dutemps. 

—  M.  Marie. 

—  M.  Eydoux. 


1910.   M.  Leclainche. 

—  M.  Abelous. 

—  M.  Marsan. 


ECONOME. 

M.  Abelous. 


XII  ÉTAT   DES   MEMBRES   DE   l'ACADÉMIE. 


ASSOCIES  CORRESPONDANTS. 

Anciens  membres  lilulaircs  devenus  associés  correspondants. 

CLASSE  DES  SCIENCES. 

1874-.  M.  Léauté,  0.  »}^,  membre  de  l'Institut,  ingénieur  des  manufac 
tiires  de  l'État,  professeur  honoraire  à  l'Ecole  polytechnique, 
administrateur  délégué  de  la  Société  industrielle  des  Télépho- 
nes, boulevard  de  Courcelles,  20,  à  Paris. 

1895.  M.  d'Ardenne,  docteur  en  médecine,  à  Malirat,  par  Villefranche- 

de-Rouergue  (Aveyron).  " 
1900.  M.  Maillet,  ||  A.,  ingénieur  des  ponts  et  chaussées,  répétiteur  à 

l'École  polytechnique,  11,  rue  Fontenay,  à  Bourg-la- Reine 

(Seine-et-Oise). 
1904.   M.  Le  Vavasseur,  ||  I.,  professeur  .à  la  Faculté  des  sciences  de 

Lyon,  14-3,  avenue  de  Saxe. 
1910.  M.  Mathias,  Q  L,  professeur  k  la  Faculté  des  sciences  de  Cler- 

mont-Ferrand,  directeur  de  l'Observatoire  du  Puy-de-Dôme, 

10,  cours  Sablon. 
1910.  M.  Roule,  ^,  i}  ].,  ^,  C.  ti*,  professeur  au  Muséum  d'histoire 

naturelle,  57,  rue  Cuvier,  à  Paris. 

CLASSE  DES  INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES. 

1878.   M.  Loubers  (Henri),  0.  ^,  conseiller  à  la  Cuur  de  cassation,  rue 

d'Assas,  28,  à  Paris. 
1881.  M.  CoMPAYRÉ,  C.  ^,  41  L,  membre  de  l'Institut,   inspecteur 

général  de  l'Instruction  publique,  à  Paris. 
1889.  M.  Thomas,  ^,  #  L,.  membre  de  l'Institut,  professeur  à  la  Faculté 

des  lettres,  10,  rue  Léopold-Robert,  à  Paris. 

1896.  M.  Fabreguettes,  0.  t^,  conseiller  k  la  Cour  de  cassation,  rue  Ri- 

chelieu, 85,  à  Paris. 
1898.   Ms^  Douais,  ||  I.,  évêque  de  Beauvais. 
1910.   M.  Fauvel,  professeur  d'histoire  naturelle  et  de  physiologie  à  la 

Faculté  libre  des  sciences  d'Angers, 
1910.   M.  Renauld,^  A.,  professeur  au  collège  Rollin,  à  Paris. 


KTAT    DES    MEMBRES    DE    L  ACADEMIE.  XIII 


CORRESPOiNDANTS   iNATIONAUX. 


CLASSE  DES  SCIENCES. 

1818.  M.  RoNJEAN,  pharmacien,  ancien  président  du  Tribunal  de  com- 
merce ,  à  Chambéry  (Savoie). 

1849.  M.  llÉiiARD  (llippolyte),  ^,  docteur-médecin,  place  Laborde,  12  bis, 
à  Paris. 

18G1 .  M.  NoGUÈs,  ingénieur  civil  des  mines,  professeur  de  physique  indus- 
trielle ta  l'Université  de  Santiago  (Chili). 

1861.  M.  Delore,  ex-chirurgien  en  chef  de  la  Charité,  ancien  professeur 
adjoint  d'accouchements  à  la  Faculté  de  médecine,  Romanèche- 
Thorins  (Saône-et-Loire). 

1861 .  M.  Rascol,  docteur  en  médecine,  à  Murât  (Tarn). 

1872.  M.  Chauveau,  C.  ^,  inspecteur  général  des  Ecoles  vétérinaires, 
membre  de  l'Institut,  avenue  Jules-Janin,  10,  Paris-Passy. 

1872.  M.  Arloing,  C.  -î^*,  ||  L,  correspondant  de  l'Institut,  professeur  à 
la  Faculté  de  médecine,  directeur  de  l'Ecole  vétérinaire,  quai 
Pierre-Acéze,  2,  a  Lyon. 

1888.  M.  Rel  (Jules),  Q  A.,  botaniste,  direct'  du  Musée,  à  Gaillac  (Tarn). 

1888.  M.  SiCARD,  docteur  en  médecine,  avenue  de  la  République,  1,  à 
Réziers  (Hérault). 

1890.  M.  Rouillet,  docteur  en  médecine,  place  Capus,  1,  à  Réziers 

(Hérault). 

1891 .  M.  Willotte  (Henri),  ^,  ingénieur  en  chef  des  ponts  et  chaussées, 

lauréat  de  l'Académie,  rue  de  Rrest,  6,  à  Quimper  (Finistère). 
1898.  M.  E.  Reer,  pharmacien,  rue  Sainte-Odile,  6,  à  Strasbourg. 
1901 .   M.  Emile  Relloc,  chargé  de  missions  scientifiques  au  Ministère  de 

l'Instruction  publique,  rue  de  Rennes,  105,  à  Paris. 

1908.  M.  Joseph  Comère,  QX.,  pharmacien  honor.,  quai  deTounis,  60, 

à  Toulouse. 

1909.  M.  Chalande  (Jules),  #  A.,  rue  des  Paradoux,  28,  à  Toulouse. 

1910.  M.  Lala,  Q  l  ,  ij,  maître  de  conférences  adjoint  de  physique  à  la 

Faculté  des  sciences,  boulevard  de  Strasbourg,  16,  à  Toulouse. 
1910.   M.  Raylac,  CJ  a.,  docteur  en  médecine,  professeur  agrégé  à  la 
Faculté  de  médecine,  médecin  en  clu^f  des  hôpitaux,  rue  de 
la  Pomme,  70,  à  Toulouse. 


XIV  ETAT  DES   MEMBRES   DE   L  ACADEMIE. 

1010.  M.  BvuDiER,  C.|  A.,  docteur  en  médecine,  agrégé,  chef  des  travaux 
de  physiologie  à  la  Faculté  de  médecine,  rue  Saint-Etienne,  10, 
;\  Toulouse. 

1910.  M.  Dop,  C.I  A.,  chargé  de  cours  à  la  Faculté  des  sciences,  rue  Jon- 
quières,  26,  à  Toulouse. 

1910.  M.  Mengaud  (Louis),  professeur  agrégé  au  Lycée,  rue  Lakanal,  7. 


CLASSE  DES  INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES. 

1848.  M.  Tempier,  avoué  prés  le  Tribunal  civil,  à  Marseille. 

1863.  M.  HossiGNOL,  homme  de  lettres,  à  Montans,  par  Gaillac  (Tarn). 

1872.  Dom  du  Bourg  (Antoine),  religieux  bénédictin,  à  Paris. 

1875.  M.Serret  (Jules),  avocat,  homme  de  lettres,  rue  Jacquart,  1,  à 

Agen. 
1879.  M.  DE  DuBOR  (Georges),  attaché  à  la  Bibliothèque  nationale,  place 

de  Valois,  5,  à  Paris. 

1881 .  M.  Chevalier  (Ulysse),  ^,  Q  L,  chanoine  honoraire,  à  Romans 

(Drôme). 

1882.  M.  l'abbé  Larrieu,  ancien  missionnaire  apostolique  en  Chine,  mem- 

bre de  plusieurs  Sociétés  savantes,  curé  à  Montbardon,  par 
Saint-Blancard  (Gers). 

1882.  M.  Tardieu  (A.),  Officier  et  Chevalier  de  plusieurs  Ordres  étran- 
gers, membre  de  plusieurs  Sociétés  savantes,  etc.,  à  Herment 
(Puy-de-Dôme). 

1885.  M.  EspÉRANDiEu  (E.-J.),  ^,  >ï< ,  <y>  L,  correspondant  de  l'Institut, 
commandant  à  l'état-major  général,  59,  route  de  Clamart,  à 
Vanves  (Seine). 

1887.  M.  le  marquis  de  Croizier,  ^,  OI.,  président  de  la  Société 
académique  indo-chinoise  de  France,  grand'croix  du  Christ  du 
Portugal  et  grand  -  officier  de  plusieurs  ordres  étrangers, 
boulevard  de  la  Saussaie,  10,  parc  de  Neuilly,  à  Paris. 

1887.  M.  SoucAiLLE  (Antonin),  0  I  ,  secrétaire  de  la  Société  archéolo- 

gique, scientifique  et]  littéraire  de  Béziers,  correspondant  du 
ministère  de  l'instruction  publique,  avenue  Saint-Pierre,  1 ,  à 
Béziers  (Hérault). 

1888.  M.  Ed.  FoRESTiÉ,  ^,  archiviste  de  l'Académie  des  sciences,  lettres 

et  arts  de  Tarn-et-Garonne,  rue  de  la  République,  23,  à 
Monlauban. 


ETAT  DES   MEMBRES   DE   L  ACADEMIE.  XV 

1891.  M.  n.-P.  Cazac,  Q  L,  C.  >l^,  0.  *,  >J<,  de  l'Académie  de 
Mikon,  ancien  vice-président  de  la  Société  académique  des 
Hautes-Pyrénées,  proviseur  du  Lycée  de  Bayonne  (Basses- 
Pyrénées). 

1910.   M.  Gros,  Q  I.,  inspecteur  primaire,  quai  de  Tounis,  24,  à  Toulouse. 


CORRESPONDANTS    ETRANGERS. 

CLASSE  DES  SCIENCES. 

185G.   M.  Paque(A.),  professeur  de  mathématiques  à  l'Athénée  royal  de 

Liège  (Belgique),  rue  de  Grétry,  65. 
1871.  M.  Bellucci  (Giuseppe),  docteur  en  histoire  naturelle,  professeur 

de  chimie  à  l'Université  de  Pérouse  (Italie). 
1897.  M.  Cabreira  (Antonio),   ^,  membre  de  l'Académie  des  sciences 

de  Lisbonne  et  de  l'Institut  de  Coïmbra,  36,  rua  da  Alegria, 

Lisbonne. 
1899.   M.  PiLTSCHiKOFF  (Nicolas),  professeur   de  physique  cà  l'Université 

d'Odessa. 
1908.   M.  le  Dr  Da  Costa  FEimEiRA,  à  Lisbonne  (Portugal). 
1909. .  M.  le  chevalier  de  Lindheim,  consul  général  de  Roumanie,  I.  Grill- 

parzerstras?e,5,  àVienne. 

CLASSE  DES  INSCRIPTIONS  ET  BELLES -LETTRES. 

1859.   M.  Levv  Maria  Jordao,  avocat  général  à  la  Cour  de  cassation  du 
Portugal,  à  Lisbonne. 

1907.   M.  le  professeur  Doct.  Giovanni  di  Casamichele,  via  Vitt.  Em.,  20, 
à  Lucca  (Italie) . 


XVI  ETAT   DES    MEMBRES    DE    L  ACADEMIE. 


NECROLOGE 

(au    15  FÉVRIER   1911.) 

ASSOCIÉS  ORDINAIRES. 

M.  Basset,  *{^,  #1.,  professeur  honoraire  à  la  Faculté  de  médecine. 

M.  Deloume  (Antonin),  ^,  Q  I.,  doyen  honoraire  de  la  Faculté  de  droit. 


CORRESPONDANTS  NATIONAUX. 

M.  Bastié  (Maurice),  docteur  en  médecine,  à  Graulhet  (Tarn). 
M.  Debeaux,  0.  -î^,  pharmacien  principal  de  l'armée,  en  retraite. 


MÉMOIRES 


DE 


L'ACADÉMIE  DES  SCIENCES 

INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES 

DE     TOULOUSE 


SYNTAXE  DES  VERBES  COMPOSES 

DANS  PSELLOS  (Suite). 


KATA—  (suite). 

-xavcupY£uo;j.ai  ac.  Clir.,  61,  18  tc-j;  ôp.ocpuXou;.  Cf.  Bas.,  1,  468. 
-7:éi):Kcô  ^  à7:6  gén.  B.  G.,  IV,  446,  2.  Cf.  B.  G.,  V,  49, 19  àvwOEv  x. 
^  è7c(  (^a^.  B.  G.,  IV,  446,  2. 

*  àTTo  ^en.,  £-1  <:^«/.  B.  G.,  IV,  446,  2  "EXXr^Œt  oczcT  àvwOsv 
xàç  6u'/àç  àzç  Ttov  U7:£py,£u^jiv(.)v  GçatpôJv  y, — cjOat  £7:'  ct7,ovo[j.îa  xà^ 
7:A£io'j;  y-pciiTovcç  èvTajOa  Cw^/Ç. 
-TTi-To)  ^'  gén.  Chr.,  9,  13  tou  Tx-ou. 

àxo  é^e'fi.  C/^r.,  177,  5.  Cf.  Hom.,  II.,  XVI,  386. 
£i;  ac.  Pat..,  649  A  x.  sic  to  pXac7f^a£Îa6ai  toÎç  lOvsaiv. 
è-iac.  C/<r.,  177,  5. 

àxi  gén...  ir.i  ac.  CJir.,  177,  5  àxb  ty)(;  \JT.ivr^q  •/. — (ov  l-l  ty;v 
v/)Tr<v.  Cf.  Demetr.  Phal.  et  Tlies. 
-TÛ.iaab}  au  ps.,  ^  \).zxd  gén.  Pat.,  897  A  y.—yArri  \).iO'  GoaTs;. 
-TzXio)   *  T.pôç,  ac.   Chr..,    124,   33   xaxaxAîjjaç    xpcs;    xbv   Tupavv£ry 
£-£'.Xr^[j.[j.év5v  ;  204,  17. 

-xovT'Çw   rfa^    B.  G.,  V,   175,  9  r})v  "EXXr^v   xr^  OaAaxxY)  y. — ouji. 
Cf.  D.  S.,  13,  86. 

-xxuco  /;^>z.  /nt*.,  203  x.  x'.vi^.  Cf.  Ar.,  Ran.,  1179. 
-péw  £i;  ac.  Pat.,  789  C  £t;  aùx6v;  Méd.,  380.  Cf.  Tlier.,  1,  5. 
^  £7c(  ac.  Paf .,  792  B  èxl  xbv  XéÔYjxa. 

IQe   SKRIK.   —  TOMK   X.  1 


2  MÉMOIRES. 

xxxa — 

-pr,YVj[j.i  dq  ac.  Chr..  83,  14  d;  soa^oç  xaTcppr^^vuio.  Cf.  Str.,  223. 

■^  xaxa  ^^n.  C/ir.,  38,  30  y.aià  yY);. 
-ptÇ5(.)-to  ^  dat.  C/ir.^  168,  4  Tf^  -(f^. 
-pt-TÉw-à)   £t;  ac.  Pat.,  829  G  sic   ou;  rrjv  twv  aTOcrTéXoiv  y, — z\Jai 

7rp:cr-oYop(av.  Cf.  Maiietho,  4,  288. 
et  -piTTTo)  *  c^«^.  Chr.,  126,  34  ty]  yy)  y.aTéppiTTTO. 

■^  £tc(  ^m.  C/ir.,  59,  7  eauxcv  Itui  Ttvoç  y. — wv  cTTpw[;.v^ç. 
— ay.£uâCco  *  àx  ^m.  Fa^.,  557  A  y,a-£a — [jivot  el^lv  è/.  /.puGoD. 
-j-ato-w  ci;  ac.  Pa^.,  1041  G  tcv  'Apic7X0TéXr,v  elq  ty)v  eauToO  SoÇav. 

Gf.  Luc,  De  mar.,  2,  2. 
— j-cipo)  £tç  ac.  Pa^,  965  A  si;  xcv  àypcv. 
—Gxoyà^iù,  au  moy..,  gén.    B.    G..,   IV,  333,  23  xwv  Tupayi/àTwv. 

"  Gf.  Basil,  (voir  Thés.)  et  Tlieopli.,  Instit.,  1,  17,  271. 
— GTpaTY)Yé(o-w  ac.  Chr.,  12,  23  tgv  aji^y-paxopa.  Gf.  PoL,  3,  71,  1. 
— c7Ùp(o  £i;  ac.   Pa^.,  549  G   £1;  y.p'/;[j.vsb;  y.al  ÊapaOpa  y.aTaa'jpévTaç. 

Gf.  D.  Ghr.,  1,  196;  Poil.,  1,  125. 

— Tocajo)  Tivà  (xi)  c^a^  Pa^,  549  D  i%  7:péêy.'a  y.aiaTâTT£t<;  cpwxi  tou 
Œou  7:poc70)7:ou.  Gf.  Pol.,  8,  11,  5;  Ghrysipp.  (Athen.,  6, 
267  b). 

-Téavo)  ^  aç  ac.  Pat.,  548  G,  D  dq  [xupiy.ç  c5?a;  ;  796  G  ;  Ps.,  87  A, 
132  k;B.C.  H.,  I,  127,22. 

— i(Oy)|j.i  £tc(  ^en.  C/^y.,  41,  31  è^l  Tf^;  jxptop-^ç  /.axéOexc.  Gf.  Hom., 

P.,  3,  293. 
— xQ)v[j,a(t)-w  gén.  Clu\,  67,  31  ':râT^;  app£voç  hhuùq-,  82,  10;  221,  12; 

230,  25;  B.  G.,  V,  49,  16;  127,  25.;  285,  16;  511,  5;  P5., 

75  B.  Gf.  Pol.,  3,  103,  5. 

-  xp£/(.)  gén.  Chr.,  56, 19  -^av-b;  xcu  Y£v:u;  y.ax£xp£/£v  ;  ylcc,  383, 13; 

'  402,  13.  Gf.  Alh.,  220  c;  D.  L.,  7,  187. 

ac.  Chr.,  10,  24  y.a-éîpap.s  xr^v  £y.£ivsu  7:po[j//j0£iav  ;  ^cc, 
48,  14. 

-  xpu^aw-b)  ^cn.  C/ir.,  154,  6  xy];  toj  y.p7.xojvxcç  à6£>ar<pia;  ;  174,  4; 

175,  22;  235,  10;  240,  32;  B.  G.,  IV  443,  27;  P.  G.,  V, 
61,  21  ;  127,  13;  251,  7;  264,  20;  446,  27;  467,  25;  Pat., 
1181  D  x(ov  /ap'Xfov.  Gf.  Greg.  Naz.,  1,  167  b;  Eustath., 
1616,  32. 
-u6p(Ç(.)  rtC.  Ps.,  93  B  xbv  /pwxa  aùxou  y,— ou^i.  Gf.  Soph.,  EL,  522; 
Eur.,  P/.,  698. 


SYNTAXE  DES  VERBES  COMPOSES. 


•/.aTa- 

!J-£Ta- 


-uXaxTéo)-w  gén.  B.   G.^  V,  253,  13  kov  wicv  toO  7:p(i)TsaJV.pf(Ti<; 

y.— Yjaac.  Cf.  Bas.,  3,360. 
-u-Ep'o^avcûciAai  *  ^en.,  C/ir.,  229,  31  y,— aôai  xivcç  ;  J?.  G.,  V,  457, 

19  TOij  IpWTOÇ. 

-cpépw  T'.và  (ti)  "^  gén.  Acc,  46,  5  t:v  (^xjfAsa  isu  Opcvou  ;  M?;.,  43. 
[Thés,  ne  porte  cette  synt.  que  pour  le  sens  :  enfoncer 
dans;  Geop.,  2,  2,  3.] 

èy.  gén.  Pat.^  1177  A  tttt^vcv  è/,  toD  àépo;  ;  /*5.,  77  A. 

£i;  ac.  Ch)\,  48,  8  d^  tusg'.v  y.aTsvexOsi;  ;  232,  20;  Ps.,  77  A. 
Cf.  Alex.  Aph.,  Probl.;  Hesych. 

èx  gén.,  ci;  ac.  Ps.,  77  A  xb  opa;j.a  èy,  y.(0[j/,y,Yi;  S(i)t;,oAo/îa; 

— Ypcv£(o-Û)  ^en.  C/ir.,  11,  21  tÔw  T.Ep\  xh  crôj^.a  y.ca[j.;./^  ;  24,  11 
35,  23  xf,q  (ioL7Ûdooq  ;  58,  32  ;  67,  4  ;  73,  14  ;  75,  22  ;  77,  19 
143,  11,  14;  150,  14;  152,  16;  181,  6;  199,  32;  230,  12 
236,  12;  248,  27;  B.  G.,  IV,  441,  11;  451,  31;  452,  7 
B.  G.,  V,  34,  13;  493,  4,  18;  508,  7;  513,  23;  521,  14 
538,  22;  ^  ce,  411,  11  ;  Ps.,  76  A  ;  Inv.,  202;  Pat.,  657  D, 
905  B,  909  A,  etc. 

[*ac.  Le  ms.  Chr.,  11,  21,  porte  tcv  x:a[j.cv,  corr.  par 
l'éd.  en  twv  yôjixwv.] 

—■/piz[j.y.',-M'^.v.  dat.  B.  G.,  V,  533,  22  -at;  cjuvfjOîai  y.,  cpwvatç. 

-6y)ç{Ccij.3'.':  tî  Ttvo:  C/^r.,  90,  30  OâvaiGv  toutou  ;  158,  19  ;  Acc,  35,  7. 
*  t{  T'.vt  Chr.,  146,  4  àfatpsaiv  ajToiç  tcov  o[j,[xâTwv  y,.  Non 
classique.  Cf.  Thés,  sur  Basil.,  Ep.  ad  Deni.,  834,  26. 

— (opùojj.ai.  Cf.  y,aTOCjpc[xai. 

META- 

-âyo)  £'!;  ac.  Chr.,  219,  7.  Cf.  PoL,  5,  1,  9;  Hdn.,  3,  5,  2;  8,  10. 
"^TTpô;    ac.    B.    G.,    V,    437,   5    r.zWzX   zpcç   xà  y.p£iTT(.) 
i;.£TYix6r,7av. 

*èy.  ^^n.  C/ir.,  219,  7. 

dq  ac.^,  èy.  f/cn.  C/ir.,  219,  7  tov  y.ojjxcv  £i;  xà^iv  èy,  ty); 

-aXXacGo)  £t;  ac.  Z^.  (5^.,  V,  500,   16  tyjv  07;rr)V   dq  £T£pav   [j.— arai 

TTO'.dTYlTa. 


4  MEMOIRES. 

-a[j,£(6w  ^dq  ac.  Chr.,  146,  14;  B.  G.,  V,  383,  7  iJ.— Of^aexai  eiç 
fAuy.uTYîxa;  500,  19;  B.  C.  H.,  I,  130,  19. 

^iizà  gén.  B.  C.  H.,l,  130,  19. 

ly.gén.  CJir.,  146,  14.  Cf.  Mosch.,2,  52. 

"^  àxc  gé7i.^  "^ûq  ac.  B.  c.  H.^  \,  130,  19  là  \h — [/eva  àç' 
èxépcu  févou;  £iç  sTspcv. 

£x  gén."^^  dq  ac.   Chr..^  146,  14  i^  àx[r^ç  y.ai  la/uoç  dç 

— ap[j.dÇ(.),  mécL-2yss.j  dat.  Chr..,  49,  34  toT';  ttpsjwtcck;  y,al  icTç  y.aipotç 
[j.sOr^piJLo^sTo.  Cf.  Hermias,  p.  219  f. 

TTpôç  ac.  Chr.^  47,  31  xpbç  Tcaciav  loéav  toW  6[j.iXo6vtwv 
\).—\).vKq;  154,  2;  169,  30;  177,  4:  178,  15;  201,  3;  256, 14; 
B.  G.,  V,  98,  15;  Pat.,  905  A.  Cf.  D.  H.,  10,  51;  Philo., 
de  V.  on.,  2. 

-6aLV(.)  dq  ac.  Pat.,  736  D,  780  B,  1032  A,  1180  G  ûq  GopiwBstç 

Tzpiq  ac.  Ps.,  77  B  T.poq  i\LÏ  [j.ETy.6i6rfAe. 
àr.6  gén.  Pat.,  736  D,  1032  A. 

àiuo  gén.,  dq  ac.  Pat.,  736  D  à^'  stéocu  [j. — si  eic  è'-spcv; 
1032  A.  Cf.  Luc,  ^m.,  24. 

-6âXXw  ctç  ac.  C/?r.,  3,  18;  B.  G.,1Y,  372,  9;  B.  G.,  V,  96,  19; 
527,  23;  Pat.,  708  D,  749  D,  792  B;  Ps.,  153  A;  Par., 
147,  8;P/z.,XVI,  525. 

Trpoç  ac.  5.  6r.,  V,  244,  15  [j.sxaêéoX'/î^a'.  Tïpbç  zy.q  èv  icuici; 
(pa)vaç;418,  7;  Pa^,  861  G. 

èzi  ac.  Chr.,  98.  6  èx'  àWo  xt  [j.£xa6£6X*rî[jivcç  ;  5.  G^.,  V, 
499,  5. 

i%  gén.  Clir.,  3,  18. 

àTuo  ^cn.  B.  G.,  V,  499,  5. 

ly.gén.,  dq  ac  Chr.,  3,  18  è;  àv£t[jivo'j  /3(cu  £iç  xb  auvxovov 

(J.£X£6âXX£XC. 

(XTub  ^cn.  ird  ac.  B.  G.,  V,  499,  5  \}..  xb  xoj  'ApiaxoxéXouç 
)>OYty.bv  "Op^avov  à^rb  xou  à^açojç  l'ut  xb  aaç-éç. 

-6'.!âCo)  ilz  ac.  B.  G.,  V,  .527,  18  xaùxr^v  sic  xr^v  zp£''xxova  [j,— £iv  xw 
AbY(;).  Cf.  Pol.,  1,  41,  4. 

■>^7:pfç  ac.  Chr.,  202,  14  rpb^  xbv  y.paxcjvxa  [X£xa5i6acraç 
xbv  Xgyov;  b.  g.,  V,  297,  20;  T3:.,.348;  An.  Ass.,  IX,  215. 


SYNTAXE  DES  VERBES  COMPOSES.  O 

-6:jX£uo),  au  ?noij.   (changer  de  détermination  pour;  d'où   : 

accepter  en  se  ravisant),  "^  ac.  Chr.y  195,  20  àXXo  ti  twv 

eXaTicvtov  |x — aôai. 
-St$a)[j,i  Tivi  Tivo;  C/îr.,  110,  17  a  ctuvsiXyj/eiv,  tcutwv  zaj'.v  ix£Téca)xa  ; 

^cc,  386,  16.  Cf.  Eur.,  Or.,  450. 
-£i|j.i   (et  -épxoiJ.ac)   ac.   P5.,   186  G  ci  xà;   gavaùjouç  twv   ts^vôjv 

[j. — |j.£voi.  Cf.  Ar.,  Arch,^  121. 

£Îç  ac.  C/ir.,  215,  10  £iç  tcv  Mr/av)).  y)  tyjç  gaaiXeia;  (j.ixf^Xôe 

8taoo/Y]. 
— £pao)-w  (transvaser  dans)  ci;;  ac.  Pat.,  1125  B  [j. — jOwi^.ev  Otug  0£C'j 

£i;  Tc:::v  àuXov.  Cf.  Diosc,  5,  26. 
-£-/w  ^en.  C/ir.,  77,  24  rr^ç  auvécEtoç  [x.  ;  233,  16;  245,  16;  B.  ^., 

IV,  431,  20;  B.  G.,  V,  467,  15;  495,  18;  An.  Ass.,  XIII, 

250  ;  Pat.,  701  B,  716  B,  800  D,  828  B,  856  A,  864  G,  872  G, 

920  A,  1073  A,  1177  B,  etc.  (Saephis). 
en  regard  :  [).".iyo[fm  "^  br.ô  gén.  (participari  ex)  Pat., 

701  A  c'j  iraç  vouç  [j.£T£/£Tai  uTib  Tcar^ç  ^'J'/,'')?,  et,  plus  loin 

encore,  6  vojç  Gtu'  cùo£[j.iaç  «I^u/yî;;  [aeOextoç  icr-iv. 
— i'y)[j-i  èx  ^^/z.  Ps.,  50  A  [j,£Ô£iç  £x  TÛv  /Eipwv  xàç  Xapiiaç.  Gf.  Syncs., 

cité  par  Thés. 
— iGTT^ij.i  gén.  Chr.^  98,  19  [j..  tcDtov  twv  [îiaaiAEitov  ;  171,  20  iGiv  Tf,S£; 

i?.  a.,  IV,  314,  20;  405,  17;  446,  14. 
au  PS.,  £i;  ac.  B.  G.,  V,  92,  19;  Ph.,  XVI,  529. 
ax6  ^^n.  B.  G.,  V,  92,  19. 
àxo  ^en.,  ciç  ac.  /?.  G.,  V,  92,  19  £t;  O-^pîwv  icéav  àrb  kov 

Xp£lTTCV(OV  [XOp^WV  [J- [Xîôa. 

-  xaAéto-îo  £i;  ac.  Ch)\,  114,  15  eu  to  BuÇâviiov.  Gf.  Philostr.,  IIe7\, 

538. 

*  ^<^n.  C/ir.,  100,  30  [A— Eiiai  zf^q  G-cpopia;. 
— y.ivé(.)-(o,  ■'^  £i;  rtc.  Pat.,  1180  D  [j..  t};v  àj7ri8a  vuv  \j.b/  £t;  §£^ù,  vjv 

c£  £i;  £jd)vu[j.a;  T^,,  365. 
-7,C[A'Çf.)  "^rpcç   ac.  P5.,   137  B   Ta  [/îv   [j, — vte;   Tzpoz   :'ù;  -/.aiaipEiv 

£Oo;av. 
-Xavyàvo)  f7cn.  P«^.,  829  B  to)v  TTîpiiTMij.âKov  tj- 
-Aa;j.6àv(i)  gén.  CJir.,  238,  31  XéY(»v  (y.ai)  Trpi^Ewv  [a.  ;  Pa^,  577  B, 

677  D;  PS.,  137  B. 
-lAopç/C(.)-(o  "^  ÈTÎ  ac.  (7//r.,  239,  2^i  \).—^cf.z  auTsv  (.s'/c.  /c^.)  ètti  t3 

ocy.sjv  9piy,(.)G£ST£pCV. 


6  MÉMOIRES. 

[XZICH. — 


-)f  ^./ 


p6q  ac.  Chr.^  96,  6  jj. — [jàvm'j  T.poq  xb  Xa[j.-pcT£po 


-or/i(o-w  ^7:p6;  ac.  -G.  G.,  IV,  447,  16  6  Tcpbç  là  ôîïa  [j.ETor/z/iaaç 
àvâxTopa. 

-c'.xtCw  "^  âx  ^én.  Pa^.,  657  A. 

dq  ac.  Pat.,  657  A.  Cf.  Luc,  de  sacrif.,  11;  Argum,, 
A?\  Pac,  in  eod.  Veii.  (cf.  Thés.). 

"^  èx  gén.,  dq  ac.  Pat..,  657  A  èy.  toutcov  [xsTwy.taO-^aav  dq 
àper/jv. 

— cvo|j.âÇ(o  "^  £1;  ac.  Ch?\.,^221,  32  |x.  si?  o  Xéycviat. 
— c'/cXcùo)  "^  Tupcç  ac.  B.  ^.,  V,  152,  7  [j.sxwxcTsuO'/jjav  Tïpbç  'Ol^-^Ç- 
-7ur^oaw-ô)  iizi  ac.  B.  G.,  V,  200,  27;  Ps,,  11  G.  Cf.  Athen.,  7,  281. 
àTTo  gén.  B.  G.,  V,  200,  27.  Cf.  J.   Ghrys.,   de  prec. 
(voir  Thés.). 

aTco  ^e?^.,  £711  ac.  /?.  6^.,  V,  200,  27  à^'  £T£ptov  àzùpwv  £9' 
£T£pa  [J. — av  àxupa. 
— TTixTio  :i;  ac.  Chr..,  71,  30  [x — £i  £t;  ibv  àvî^'^bv  f^  tqD  xpâxcuc  ciaBo/r;  ; 
i5.  6^.,  V,  436,  13,490,  18. 
m/r.,  "^^rpcç  ac.  Pa^,  864  A  Tcpbc  ôlqv.o\)  \)..  oyjiij.oL. 
—izoiiiù-îù  ^  zlq  ac.  Chr.y  106,  32  d;  tyjv  aùir^v  t-?;ç  ^vwir^ç  icéav  [;,£T£- 
Tuotf.er^Œocv;  168,  2;  5.  6^.,  V,  100,  18. 

^  7:p5c;  ac.  C/i7\,  211,  24  xpbq  xb  |j.a)vax(OT£pov  [j. — 0-/;a-£!70at  ; 
B.  G.,  V,  418,  7;  T^.,  365,7.* 

■^  £ûi  ac.  £?.  (t.,  IV,  439,  6  èirl  xà  xpîdTo)  xbv  p(ov  [j.£Ta- 

-  péto  d.q  ac.  Pat..,  656  B  dq  ikq  (]^i»/à;  [j.£T£ppu'^.  Cf.  Athen.,  5, 

212  A;  Jos.,  B.  /.,  1,  4,  5. 

'  P'jO[j.((Ig)  "^Tipcç  ac.  CV^r.,  83,  8  [j. — aOa'.  Trpbç  xb  £jcryr^ij.ov£ax£pov; 
^.  6?.,  V,  68,  15. 

-  c7y,-/;vo(i)-Ô3  "^  TTpcç  ac.  i?.  (t.,  V,  85,  16  7:pbç  xbv  vcr^xbv  7:apa5£iŒCv 

[J.£X£T/.r,VWJ£V. 

-7xéAA(.)  "^£1;  ac.  i?.  O.,  V,  418,  27  xr^v  Bii/usiv  £iç  £'jçp2a6v/]v 
[j.£X£jx£X7.£v.  [Thés,  ne  porte  le  verbe  que  dans  la  forme 
moyenne]. 

-7Tp£cp(i)  T.Çiôq  ac.  C/ir..,  32,  6  7:pbç  àGurq()i7-tpzv  ^(ov  [j.£X£7xpa'::xo  ; 
B.  G.,  IV,  444,  22. 

■  (r/r,\xoc-Âlo)  "^  £i;  ac.  C/ir.,  93,  8  [x — Ô£taav  £ic;  gacriXabv  |3suA£ux-/ip'.Gv; 
PS.,  120  G. 


SYNTAXE   DES    VERBES    COMPOSES.  7 

;xîTa — 
7:apa — 

-Taa^o),  méd.  ps.,  r.Ç)iqac.  Ch)\,  188,  24  j;.— ;â[j/.vo;  7:pc;  Tr/;  y.psÎTTO) 
Wrci.  Cf.  Philo.,  2,393,  18. 

■^  ÏT  ac.  Clu\,  183,  20  è-i  -rb  7Ôvr,  [AiTiTa—ETO  ;  i?.  G., 
V,  450,  8. 

-^  à-c  é^m.  i?.  (7.,  V,  450,  8. 

*  â7:i  ^e/l.,  £::(  ac.  B.  G.,  V,  450,  8  à-b  twv  TrXr^Osocwv 
àY^pôv  £7:1  ty;v  ày^EXar^v  Ç  '>"''r''  [J.îTîTâçavTo. 

--t(Oyj[j.i  ac^.  g^  moy.,  gén.  Chr.^  170,  23  twv  SaTtAEiwv  aj-bv  [x — C7t 
:Tpâ?£wv;170,  27;  P5.,  124  A. 

£t;  «C.  (7/ir.,  152,  7  xb  xpâTo;  £i^  ia-j-bv  [j.£Ta6£70ai  ;  238,  13; 
B.  G.,  V,  436,  15;  Pat.,  780  B,  1012  A. 

Tcpcc;  ac.  C/ir.,  67,  6  Trpb^  xbv  0£bv  [;.— xai  ;  70,  14;  195,  14; 
B.  G.,  V,  450,  17.  Cf.  Pol.,  3,  111,  8. 

ïizi  ac.  B.  G.,  IV,  373,  8.  (Cf.  Hdt.,  5,  58.) 

^h.gén  B.  G.,  IV,  373,8. 

à-îzz  gén.  B.  G.,  V,  450,  17.  Cf.  Fol.,  17,  3,  5. 

*  £/,  gén.,  ird  ac.  B.  G.,  IV,  373,  8  va  OaXajrr^;  iz\  tV 

r,â£'.pSV  (J.£T£l(Ô£TO. 

à-o,  gén.,  Tupiç  «c.  /?.  G.,  Y.  450,  17  à^'  bépa;  irpbç  Exépav 

[J.£T£t£6Y)V  ^(o-r)v. 
— Tpéro)  ■'^  TTpc;  ac.  5.  6^.,  IV,  367,  Î4  7:pbç  xà  èvavxia  [i — [j.£voç. 
— xu7:ba)-(o  £l;  ac.  Pat.,  861  B  £?;;  iï^r^  T/r^ixixiù^  ]x — [j.£vov. 
—'ui^iù  elq  ac.  Chr.,  105,  23  zlq  xà;  uTC£pY}9r^o'j;  pi.£X£V£Yy.i»)v  àp-/âç  ; 
269,  4;  J5.  ^.,  V,  215,  10;  572,  19;  Pat.,  1025  A;  P,s\, 
69  B. 

TCpôc;  ac.  B,  G.,  V,  74,  19  izphq  xb  £'j£X7:'.  ;j..;  324,  27; 
469,  19;  Pal.,  605  C,  905  B;  Ps  ,  56  A  :upbç  xàç  •;i[j.£X£pa; 
O£(op''aç  xà  XcY'.a  [j.£T£V£Yy.£tv. 

£-{  ac.  B.  G.,  V,  528,  26  \)..  xô  Oy)Xu  è-irl  x*/^v  -izoorq^ooiT^  xoj 
0-riX£o;. 
— -/(opéfo-Ô)  £l;  ac.  B.  G.,  V,  228,  8  £•!;  £X£pav  or/.:'j;jivr<v  tj.. 

T.pôq  ac.  Pat.,  864  B  Tcpbc  àXXo  cr/^[xa.  Cf.  PliiL,  Demetr., 
29. 

HAPA— 

-a-ffé/Ad)  £i;  «C.  Ch7\,  43,  36  T:apaYY£(Xa;  âç  xo'j;  icciYjxtxo'jc  XÔY^'^-i 
5.  ^.,  IV,  410,  16. 


«  MEMOIRES. 

-âvw  dq  ac.  B.  G.,  IV,  453,  80. 

^  àr.ô  gén.  B.  G^  IV,  453,  30;  454,  5;  P^ï^,  732  D. 
VA  gén.  Pat.,  656  C  è/.  tcO  [xyj  cvto;  T.apriyOr,q.  Cf.  Dion. 
Aresp.;  voir  Thés. 

a-o  gén.,  dq  ac.  B.  G.,  IV,  453,  30  àWo  à~'  àXXou  Tcapa- 
YvVte;  clç  TY]V  'îrpWTr^v  y,:p'j^f|V. 
-atp£(i)-co  Tivi  (t()  Tivcç  ylCC,  389,  1  Twv  àTC7:r([j.aT(ov  xa/'  àv  tiç  aÙTCV 

TrapatpYjjYiTai.  Cf.  Eiir.,  /.  T.,  25. 
— a7.cXo'jOé(o-a)  (^«^.  i?.  (7.,  IV,  403,  1  ^laat  7:apr//.GXouOYî7.o);  ;  B.  G.^ 

V,  488,  4  ;  Pat.,  857  D  ;  Rhet.,  Y,  599,  4. 
-aWdaao)  dq  ac.  Chr.,  11,  32  z— cucrr^ç  sic  to  yeTpov  apyr,ç.  Cf.  Plut., 
i2ow.,26;Philotr  ,  601. 

"^  ây,  gén.  Chr.,  71,  10   è;  JTrepêaXXojar^ç  ei^  èxsTvov  aiâooç 
7:apY)X)vaTT£. 

— a[j.'.).Xao|j.at-w|j.a'.  f^a^.  5.  (?.,  IV,  390,  11  tw  [j.sy^^V  cp(0(7-'?îpi 
::— ŒÔai.  Cf.  Phot.,  ^i?.,  378,  8. 

-a-GAau(o  ^e>^.  C//r.,  3,  24  if.q  gasiXsLatç  ;  44,  12;  88,  32;  235,  3; 
B.  G.,  V,  89,  21  ;  313, 19,  21  ;  453,  1  ;  Pat.,  828  G.  Cf.  Phil., 
2,  36;  Luc,  Alex.,  2,  45. 

-6aiv(o  (transgresser)  ac.  Pat..,  549  A  ty]v  ivTcX-}]v  t:. 

-6a}s).w  Tiva  (it)  dat.  Pat.,  901  B  oko  i^obXti  TrapaéaAetv  ;  P5.,  83  B 

TU.  to:tcv  TCO  crui;  131  G;  intr.,  B.  G.,  V,  220,  7  Tïavr^Yupsai 

où    TU. 

Tupcç  ac.  Chr..,  19,  1  Tupbç  hiouq  av  eT/î  i:o!.poL6y.\eï^ '.^  Pat.., 
GXIV,  197D. 

-êXéxw  (despicere)  ac.  (xiva,  tO  Pa^,  545  D  TuapeêXé^axo  jj.s  6  t^ç 
Sr/.aioa6v'/îç  r.kioq.  Gf.  Pol.,  6,  46,  6;  Nyss.,  2,  292. 

-Yi(T)voiJ-at  dat.  Chr., IIQ,  9  tu.  tÔ  gasiXci;  187,  28;  189, 14;  209.  2; 
227,26;  B.  (?.,  V,  319,  17. 

"^  aTuo  gén.  Pat.,  708  D  dcTub  t'?;c;  tcI)v  acripwv  aTucppotaç  tw 
cw[j.aTi  TU — Tau 

*  £7.  ^î'i.  ^55.,  XIII,  261,  5  ^ri  r^Oi/.Y]  I?  lOsuç  tu— xat. 

— Ypocçw  (ia^.  Pat.,  971  B  (écrire  le  long  de)  y.av  o'jtcoç  Tuapaypacpst? 
(leg.  TU — tpsis)  xouTotç;  1012  B  tivi  ypacpYjv  c&cvou.  Gf.  Synes., 
202  A. 

ky.  gén.  Pat.,  950  A  l^saxt  tu — crôai  ox;  èÇ  àvap^upiaç  com- 
petit  exceptio  de  non  numerata  pecunia. 


SYNTAXE   DES   VERBES   COMPOSES.  9 

xapa — 

— SoYi^axCÇd)  ^  Ti  Pat.j  817  A  'KOLpE^o^\Ldx{(j<x'^  eyspaiv  àXXoTpiwv. 

— Buvac-ceud)  f?a^.  C/r/\,  10,  12  i:.  ÏTépiô. 

— sixaÇto  c?«^.  Pat.^  553  D  ïtcttg)  as  irapsixaja  cpc[j.iy.(t)TaT(i)  ;  558  G, 

564  G,  572  A,  B,  613  A,  617  A,  624  A,  649  B,  Qic.^ saepnis. 
— £t{j.t  (sTvai)  eîç  «C  B.  G.,  IV,  372,  6  iq  rauTO  TîapY^ffav  (peut-être 

corr.  — f^crocv).  Gf.  Hdt.,  1,  9,  etc. 
-z.i\)A  (et  -épxo[xai)  ac.  Pat.,  808  B,  853  B  xàç  7:apà  tc  BjÇàvi'.cv 

7c.  >c(b[/.aç.  Gf.  Hom.,  /^.,  8,  239;  Hdt.,  7,  109;  etc. 
£l;ac.  C/ir.,  123,  9. 
■>^àx6  ^^?z.  C/^r.,  123,  9;  Pat.,  600  G  (2  fois)  Tcapf.XOcv 

àx'  aÙTwv  (twv  àYTéXiov). 

■^  £7.  ^en.  Pat.,  600  G  TrapvjAÔov  èy,  twv  aY^éXcov. 

à7:6  ^e?i.,  £?;  ac.  Ch7\,  123,  9  àzb  twv  a7.£uocp6p(ov  £t(;  xb 

(7Tp axr^Yîïv  xap£Xr^XuOo)(; . 
— £Xy.66)  £7,  ^é"n.  Rliet.,  III,  697,  10  X£T6X|j.Y)xa'-  g'  i\  cjpavcD  xy)v  vÙ7.xa 

7uap£>a6ov.  Gf.  Pol.,  9,  20,  6. 
— éoi7.a  6?a^.   Ps.,  152  A  xàXXa  xoTç  ty)ç  'rj[;.£xépac;  Tuapeoixcxa  aùXyîv;. 

Gf.  Diosc,  2,  189. 
— ôapp'jvci)  ^Tupoç  ac.  Ch7\,  114,  18  x.  (xtvà)  7:pc;  x-}]v  eI'cjcoov. 
-{7:xaii.ai  "^  ac.  P<2^,  1172  D  -?]  [j.éXiaaa  x — xai  xb  pé$ov. 
— laioi-w  dla^.  Pat.,  624  B  oùBèv  Tuaptaoîixa'.  xt^  sùtoota  x-^ç  Ôeixr^xoç. 
-{c7T-f)|7.i,  aç^  et  moy.,  dat.  Chr.,  232,  9  xw  aùxoxpixopi  ;  5.  6^.,  V, 

289,  9;  372,  19;  Pat.,  596  B.  Gf.  ^Pat.,  857  G  à^^cD  luapa- 

axàç  XYJç  7,X(vy;(;. 
— 7.£q;.ai   C^a^.    Pa^.,   764   G   £7.dax(;)   àaxépt   [j-éviaxa   £xy]  7:apaV£ixat  ; 

Ps.,74B. 
-7.£X£6w  xiv{  +  infin.  Pat.,  685  G  t:.  a-jxw  çpuY£tv.  Gf.  Pol.,  7, 16,  2 ; 

Plut.,  M.,  195  a. 

-/.oTTxo)  £t;  ac.  B.  G.,  IV,  355,  27  àç  xà  gaaO.Eta;  431,  8;  B.  G.,  V, 
28,  27;  Pat.,  549  B,  852  B,  1184  A.  Gf.  N.  T.,  Joli  ,  20, 
11,  etc. 

— Xa{j.6ivG)  (xi)  £7.  ^^71.   Pat.,  1156  A  xàç  èx  xwv   (iapêâpow   çYjiJ.a; 

TCapaXa[i.6<3tvovx«(;. 

— XoY(Çoi;.ai  *  x£p{  ac.  J?.  (7.,  IV,  446,  24  r. — vat  7U£pi  xb  irpâYixa. 
-[xévG)  rfa^.  Chr.,  145,  17  xo)  x*jpavv£6cravx'.. 

— lJ.£xp£(i)-o)  dat.  B.  G.,  IV,.  318,  21  xoDxo  r^oiu)  xi;  av  û^zi  TTEipaxr^pic-j 
7:apaiJ.£xpY;a£t£v.  Gf.  Luc,  Proni.,  15;  PJut.,  Af.,  1042  d. 
10e  si':aiE.  —  TOME  X.  2 


10  MÉMOIRES, 

xapa — 

izpoç  ac.  Clir.^  262,  31  xauxa  cùt,  av  iiç  7:apa[j,£Tf£tv  T.ph:; 

£T£psv  SûvaiTc  ;  B.  G.,  IV,  419,  31. 
—\j.i-^vu\>l  Ti  dat.  Pat.,  832  G  cl  tw  [j.î}ay,paT(i)  -t: — vie;  xb  Sr^X'/5Tf,picv. 
-Çé(i)  ûîC.  Inv.,  315  Tcv  xapacv  aùiq)  ';:D  tccBcç  TrapaHécjaç.  Cf.  Anth., 

7,  478;  Hld.,5,  32. 

"^  TTpcç  ac.  P^.,  91  A  Tïpbç  xà  £Ùx£Xéax£pa  xwv  G'7:oy.£qjivo)v 

7:apaçé£tv  éauxcuç.  (Cf.  dat.  dans  Eun.,  J9.  97.) 
-or/iw-w  ^a^  ^.  ^.,  V,  395,  11  x(5  ''^5-^;  Pa^,  1172  A. 
-o>acr6aivw  -^  gén.  B.  G.,  IV,  450,  4  xoj  céovxo;. 
-oiJ.cic(ù-w  (^af.  Pa^.,  572  A  xo(Ùxy;v  y.pivo)  tu — ot. 

-o?6va),  ai^.  moî/.,  -ûpcç  ac.  B.  G.,  V,  300,  29  T.phq  -yjq  6£p|j,oxépcuç 
xôv  ).iY(ùv  TU— p.£VG;.  Cf.  Pol.,  2,  22,  2. 

— op{j.â(o-ô)  Ttva  et;  ac.  Pat.^  593  G  elç  à^pav  zoLpzp\j.x  xouç  0-/;p£Uxàç. 
Gf.  Xén.,  Cyr.,  2,  3,  12. 

7:pc;  ac.   Clir.^  102,  20   £y.£Tv:ç   \xz  'Tupcç  xouxo  7:ap(i)p[;.Y3C7£. 
Gf.Pol.,1,  4,  2. 

— oxpùvw  Tïpéç   ac.    5.    6^.,  V,   416,   27  aou  7:pcç   xouxi    îj.£   ■:: — vxoç. 

Gf.  Luc,  ro^.,35. 
-TTciOw  (xivà)  ^  £i;  ac.  5.  (?.,  IV,  385,  2  cùS'  av  xiç  Pac-/a(vo3v  £?;  àXXo 

[X£  7:apa7:£''a£i£V. 

-T,i\).ruù  dat.  Pat.,  669  B  aypiç  av  aùxcv  7:apa7:£[xtl;"f]  xoJ  vw  donec  eum 
ad  mentem  transmiserit.  Gf.  Plut.,  Sol.,  29. 
£iç  ac.  C/i?\,  230,  20  £t;  fiaarA£iav. 

— cxeudCo)  -lîpcç   ac.  Pat..,  637   B    xo6xou;   'ïïap£(7y,£uac:a    TTpcç   xpt^Guç 
Gfox'^piaç;  P5.,  145  G,  149  B. 

-^axcx^aÇojj.ai  ^cn.  ^.   (3^.,  V,   290,  8  xou  |j.£XXovxoç  tt.  Gf.   Sext., 
173  Bhn. 

— acpaXXw  gén.  Pat..,  661  G  7:ap£C7cpaXY][ji,£V  xat  xt  x-^ç  à}//50£faç.  Gf.  Pd., 
N.,  11,  41;  0pp.,  ^.,3,  200. 

— xac7c7w  rfaif.  Ps.,  123  B  oxav  èy,  xwv  x£ac77.po)V  7:X£Upwv  xéaaapo-iv  l'aaiç 
çâAay^i  Tïapaxa^Yjxat  xiç. 

-x£(vw  dcTTo  gén.  Pat..,  1157  B. 
■)^  £7ui  ac.  Paf.,  1157  B. 
à-Tuf  ^cn.,  *  £7:t  ac,  \).Er/j.  gén.  Pat. ,1161/  B  àTub  xy^c  'QpCTrtaç 

£7:1  Bûaiv  -ruapaxETvov  i^i/p'^  xy;ç  MeyapiScç. 
— xpéTUd)  £ki  ac  Chr..,  194,  24  è^l  ôâx£pcv  ::.  [)Àpcq. 


SYNTAXE   DES    VERBES    COMPOSÉS.  11 


xa  pa- 
ît— 


méd.  ps.,  gén.  Chr.,  182,  29  el  xauTY);  Trapaipaxer/)  i?;; 

— Tpéçiw,  aups..  dut.  Chr.,  156,  16  oùy,  oXi-^r^  t'-p'iç  *'J'c<?  Traps-rpéçîTo 

était  nourrie  à  ses  côtés  (à  sa  table).  Cf.  Anth.,  211  f  ; 

Plut.,  Artaœ.,  27. 
-Tpé/;o  ac.  CJir.^  108,  30  oùoè  xaûrr^v  TuapéSpat^.ov  ;  226,  5;  267,  9; 
^  i?.  6^.,  V,  510,  24  ;  B.  C.  H.,  I,  201. 

dat.  Pat.^  901 'B  xou  tcXsiscji  7ïapacpa[jivTc?.  Cf.  Honi., 

IL,  22,  157. 
— Tpiê<o  dat.  Ps.,  186  G  6  "/pujovvwij.wv  tcv  y^p^j^h?  t. — £'.  vq  aîOw  ty^ 

Yva)[j.cvi.  Cf.  Hdt.,  7,'l0. 
-Tuv/âvco  c^a^.  C/ir.,  258,  13  :?  :: — cvts;  ajxw  ;  Pat.,  664  A. 
-çépo)  TTpc;;  ac.  Chr.  178,  22  7:pcç  touxô  [j-e  xap-/;vsYy,av  6ia;. 
-cpOeipo)  "'^  Ti  Tivi  (■'^insinuer  corruptivement  quelque   chose  à 

quelqu'un)  Pat.,  1181  D  Ga{[;-o)v  xi;  vcYjjxa-ïa  x-.va  cujsX/r'.cjxiai; 

[j.£7xà  x^  4"^Zfi  <72U  TCapéç-ôîtps. 
~9'jx£uto  dat.  Ps.,  55B  TrapaTUcçùxEuxai  xy^  dy.ôvi  xoj  y,£c7[i,cu.  Cf.  Porph., 

Ani.  Nymp.,  32,  auquel  se  réfère  Psellos;  Pat.,  780  B 

-/Mpéo)-w  XI  xivi  ^CC,  398,  21  xauxa  xw  TCaxptap/Y]  i: — 7£X£;  41,  20 

xiv(  xivo;  C/i;\,  2,  14  xou  tuXsiovo;  aùxw  t:.;  10,  3;  62,  8 

93,  3;  174,  4;  190,  15;  203,  28;  227,  15;  230,  30;  236,  1 

237,  5;  243,  27;  255,  31;  B.  G.,  IV,  305,  31;  342,  14; 

412, 19,  etc.,  sœphis. 
-'>x6m  g&n.  B.  G.,  V,  150,  20  t:— £-.  tô)v  xoj  [j-E^aXcu  i/viov.  Cf.  Plut., 

M.,  971  e. 

REPI— 

-  âvo)  cl;  ac.  Chr.,  54,   11   xb   xpâxc;  si;  xb   ^évc;  t:.  ;  i?.   6r.,  V, 
431,  19.  Cr.  Xen.,  Ages.,  1,  15;  Poil.,  5,  io2;9,  122. 
^àr.ôgén.B.  G.,  V,  431,  19. 

•^  àxo  gén.,  el;  ac.   B.   G.,  V,   431,   19  (aùxYjv)   à^b  xwv 
ày.p3x*^jX(ov  £l;  x'rjv  [j.saéx'/jxa  7::ptif)YaYcv. 
-aipi(.)-(o  X''  xtvo;  C/^r.,  253,  30  x-?;;  y.î^aX-^;  TC£pt£Xo[j.£vr^  xb  y,âX'jiJ,[j,x  ; 

Pa^,672A. 
-i-xf.)  ^^<ir^  Pâ!^,  896  A  [j-îxwxo)  rspiaç/Osiç. 
-auYa2;(.)  ac.  Chr.,  38,  3  xà;  èy.sivou  7:£prr;uYaG£  y,:pa;.  Cf.  Hhl.,  8,  9. 


12  MÉMOIRES. 

-SiXliù  Tiva  Tivi  Ch7\,  264,  16  xivà  tt^  asovtt^  t;.  Cf.  Hom.,  IL,  11, 
454;  Plat.,  ^2/>"i?-,  S19b. 

èTCi  dat.  Pat.,  549  G  :u~[jiv*/3  et:'  à^éXaiç.  (C/f.  de  Spt., 
Ca7it.  Cant.) 

au  ps.,  ac.  Pat.^  557  B  'zgiyr^^oq  Tcspi^séAYj^ivoç  tyjv  xaTcei- 
vsçpoaùvYjv  ;  672  B,  913  G. 
-Ypaçd)"^  èv  dat.  Pat..,  552  G  èv  ^  t:— [j.ai. 
— Buo)  Tiva    Tt    ^CC,    41,    22   B6o  xb    [lo^fT/r/o'^    -ûspiSucraç    xpiêwvicv. 

Gf.  App.,  Cet;.,  5,  67. 
— sXiffao)  <^a^.  C/ir.,  192,  6'aùvXov  nvà  xspisXi^aç  auxô.  Gf.  Poil.,  5, 18e. 
int7\,  ^  ac.  (s'enrouler  autour  de)  D.  G..,  V,  403,  1 

— eilj.t  (et  -i^yo\)m)  ac.  Pac,  1165  A.  TcepisAsuaY]  xà  àv6r^. 
— Ça)vv'j[j.u    ait  moy..,    ac.   CJir..,  2,   7,  20  xr;;  '?;7£[Aov[av  -^ — [xsvsc; 
5.  6=.,  V,  107,  30.  Gf.  Plut.,  Rom.,  16. 

— *rî/éco-w  <2C.  P5.,  138  G  oî  xéxxiysç  xbv  àspa  -:: — ojcl  Gf.  Plut.,  M., 

720  d. 

"^£i<;  «C.  -S.  6^.,  IV,  326,  2  sxp'^v  xr^v  vs*/]xy]v  (jyXr^i-^^(y.  dq 

Sl-kol^to!.  7r£piY)XYiŒ£'.v  xà  Tiépaxa. 
-(7ixa{j.at  ac.  Paf .,  1172  D  x— xai  xauxr^v.  Post  cl.  Vid.  Thés.  :  Nie. 

Dav.,  in  Greg.  Naz.,  p.  81, 11. 

tr..^  xtvi  XI  Chr.,  49,  20  xciauxr^v  aùxf^  izepihxriai  T^^v  cppoupâv. 
— i(TX*r][xi  m^r.,  ac.  (xiva)  C/zr.,  200,  34  oi  icsptsaxr^ycxiQç  Yiixaç  TiGÙyccGcn^; 

B.  G.,  IV,  378,  5.  Gf.  Eschl.,  fr.  395;  Hdt.,  1,  43,  etc. 
au  moy.,  elq  ac.   Chr.,   1,   17  TCîpujxaxai  ri  gacjiXsia  dç 

Baaasiov.  Gf.  Plut.,  Per.,  6. 
—y.aXuTTxco  ac  Pat.,  545  D  véçou;  -t: — d^avxcç  |j.£  àOeiaç. 

■^  uizô  (sous)  gén.  Pat.,  669  A  bizo  àaxa/ucov  ai'xou  -:: — \).vku. 

(Gf.  le  cîa^.  seul  dans  Plut.,  M.,  51  d.) 
—y.e\.\ioL'.  ac.  Pat.,  545  B  xb  xyjç  àasêstac;  (52C.  leg)  axcxo;  tï — [jivcu;. 

Gf.  Thcr.,  23,  14;  Plut.,  Arat.,  17. 
— xu-/,Xco)-o)  ac.  C/ir.,  199,  19  xoùxcuç  /opbç  -TCîpiey.uy.Xco  ;  206,  9; 

227,  21  ;  Pat.,  580  A,  604  A,  641^A. 
—\oL[).6hiù  ac.  Chr.,  87,  30  6pto[j.£V  xbv  hpov  T,tp'.eiXr,'^ii::c;  olzov  ;  Pat., 

557  D,  580  A,  680  A,  etc.,  saepius. 
-vocrxéw-w  ac.  Chr.,  248,  18  Supiav  r.—i).ivoz;  Pat.,  600  B.  Gf.  Ar., 

PI.,  121. 


SYNTAXE  DES  VERBES  COMPOSES.  13 

— ooeûo)  ac.  Ch7\^  240,  5  yjX(ou  xuy.Xov  -:: — aavxc;. 

-xtTUTco  dat.  B.  (9.,  V,  203,  28  tïoXaoT;  àêouXïjTciç  t: — pi-ev  7:pâ7{X3cai  ; 
Pa^,  644  B,  D. 

— -Xy;0(o  é)'^^-  Chr.^  94,  35  OâXaxTav  èHavTXïÎTai  ^r^Yl-'-'^'^^'^''  Xpucrwv 
TTspixXïiOcujav.  Cf.  Q.  Sm.,  H,  160. 

—TîT'jjJO)  ac.  Ps.,  66  B  TO  7:Aé-fiJi.a  toDxov  TC£pt7:'cuÇa{;,£Vov  xal  oiai^av  £?; 
{/.éaov.  Cf.  Eur.,  Med.,  1706;  /.  .4.,  992. 

— TToXîùo)  (versari),  èv  <^tt^  Pat.^  561  G  èv  aùifi  (tyj  'EyaX-rjaia)  t:. 
Cf.  Kall.,  Schol.  Nie.  Al.,  339. 

—T.o\iii)-(ù  ac.  Pat.^  641  B  wç  b  opciç  ty)v  y.Ticnv  t: — gvk  Class.; 
cf.  Plat.,  Phaed?\,2m  b. 

— oy.tpxaw-w *  ^?a/.  /?.  (t.,  V,  465,  10  tw  nuOavopsdj)  ::.  BéYi^air, 
P5.,  77  B. 

—aizxcù-u)  èy.  ^e?i.  i?.  (7.,  V,  470,  27  è/,  S-joiv  èriaipoçtov  Tiepiaicw. 
Cf.  Fol.,  1,  76,  5. 

— Ti'0*rj|j.(  Ti  Tiv.  Pat.^  893  B  TrîpiTiôsl?  ko  [xezùi'Sïiù. 

— TpéTïw  (ti)  £t;  ac.  B.  G.^  V,  417,  22  ty^  paaiXeia  7:£ptéxp£({>a;  ty;v 
alTx6vr)v  elç  ej^o^iav.  Cf.  N.  T.,  Âp.,  26,  24;  Jos.,  i^.  /., 
9,  4,  4. 

-Tpé/w  gén.  B.  G.,  IV,  394,  10  xf^ç  oooO.  Cf.  Nicand.,  Th.,  503, 
542. 

—TJY/^w  (/a^.  CJir.^  216,  24  ictç  àvavTictc  t. — wv. 

— çpâxT03  xt  -ivn  Acc.^  48,  22  cxîTuaax'/jpbtç  o-Xciç  xâvxoôev  èauxoùç 
t:— vxa;.  Cf.  Theniist.,  Or.,  21  b;  Pliot.,  Ep.,  28,  38. 

— ^pov£w-w  ^^n.  Pat.^  869  B  xyîç  à3pav£(a;  i:. 

— çuXaGŒO)  (xivà)  "^  àirô  ^^n.  Pat..,  60i  C  tt — vx£(;  xr;;  (^u/yjv  à7:b  xwv 
£7Ui6o'jX£UOVX(i)V  7rv£U{xaxcov  x^;  T.orr,piy.z. 

—96(1)  xt  Tivt  P5.,  82  G  y;  oùgiç  où  -Kipi^uig  xcuxo)  zxepi. 

— -/aîvci)  c?a?.  5.  (t.,  V,  407,  11  eu  7:£p7a{v£i;  xw  p£6[xaxi  ;  Gf.  Glem. 
AL,  242. 

— /:/p£UC.)  *^   cV    ^to^.   /?.   G.,   IV,  310,  28  7U£p'.£)rip£l)£V    aJXO)   £V   XO)   £rc£'   -^ 

— Xpio)  ^  double  ac.  /V(^,856  A  èvyp-aij.axâ  xiva  7:£pi/p{ca;  xô)  ocpOaA[X(ô. 
— (oOéw-o)"^  TCpiç  ac.  Pat.,  821  B  ot.'foi^(v.-fi  k\j.ï  TrepiwaO-fjvat  Trpb;  tXtYYcv. 


14  MÉMOIRES. 

npo— 

— àyto  (xivi)  gén.  Ps.^  123  A  Tcpoia^i;  XéYsxai  to  tou;;  t^iAcuç  Trccafciv 
Tr^ç  Twv  oTiXiTtov  ©àXa7Yo;.  Arstd.  Œcon.,  2,  30. 

sic  ac.  Clir.,  222,  20  akoù;  t..  elz  r.zXzixov  ;  B.  G.,  IV, 
314,  6. 

ïrd  ac.  B.  G.,  IV,  314,  14,  22  £7:1  tï)v  (ia^iAsiav  ;  B.  G.,  V, 
276,  25. 

£x  ^e?2.  5.  6^.,  V,  477,  11  tyjv  àreipiav  èy,  tcu  Ivbç  7:poYÎ/6at 
aTUCfpaivoiJievoç. 

■^[X£/pi    ^m.    Pa^.,    1181   D    [ji/pi    T(7Jv    Kapa7r,[j.(ov   rr^ç 

£ÙTU/^ta;  Tï. 

-  6aiva)  ây.  ^e^.  i?.  G.,  IV,  392,  8  è;  àçsr/jpia;  ::pc6£5v/.(;jç.  Cf.  Luc, 

^.  C071S.,  29. 

-  êaXXo),  ^r.,  Pa^.,  916  B  tu.  ÇY;r/3'j.a;  m^r.,  P5.,  147  G  GiYaT£,  y.ai  ty)v 

T'/i[j.£pcv    GÙ   'Âpo6aXX£T£   ne   me   posez    pas   de  questions. 
Cf.  Arstd.,  1,  41. 

med.  ps.^  gén.  (se  porter  devant)  C/ir.,  8,  35  6  lï 
TipcSéoX-riTo  T^q  dvAoLq  §uva[X£(i)c. 

-^àTuc  ^m.  i?.  G.,  IV,  424,  12  Tb  Zzv.tXv  à-o  twv  tcD  'Vaigu 
TTpoêsêX-^aBai  àvaioXcov. 
-êtcâÇo)  <^a<f.  (7/ir.,  236,  24  6  tt;  PacrfA£ta  t:— jO£':ç  ;  Ps.,   162  G. 
Cf.  Spt.,  Deut.,  6,  7.        ' 

£i;  ac.  Pat.,  CXIV,  188  A,  G  ou  Tuposê-êa^av  £?;  Trpaçiv  xr^v 

àp£Tf(V. 

^  izpôq  ac.  Chr.,  229,  24  r..  iivà  Tupbç  tyjv  PacriXsiov  àpy;/]v. 
■^1::':  ac.  C/zr.,  244,  10  è-l  Tuacrav  èv£pY£iav  ::.;  B.  G.,   V, 
449,  14. 
"^■^— rffiÇo)  (^a^.  Pa^.,  560  G  upcîYytaaca  tw  7ïoOou[jiv(o  Ao^to. 
-£'.[;.'.  (et -£p/2[xaO  gén.  Chr.,  9,  6  t^;  c^iXav^o;.  Gf.  Xén.,  C?/r., 
2,  2,  7; 

£i;  ac.  CUr.^  264,  9  pic  TCpoïouca  èç  àxpov  ;  i?.  (t.,  V,  455,  3.- 
^  -jTpi;  ac.  Pat.,  1073  G  a^alpav  xcotojaav  Tupcç  Yj[j.a;. 
âxi  ac.  Pat..,  IIOOD  ï-kX  [j//]7.iaTcv  Trpobjcra.  Gf.  Xen.,  Cyr., 
^  6,3,9. 

^  'Ir.ô  gén.  B.  G.,  IV,  305,  7  tow  ougTv  àç'  cov  7:pc£V/]XuO£i 
TTVrojv;  305,  12;  445,  9;  B.  G.,  V,  459,  3;  495,  15;  Pat., 
1048  D,  1069  G,  1085  B,  1152  G  ;  0.  C,  12,  26. 


SYNTAXE  DES  VERBES  COMPOSES.  15 

VA  gén.  B.  G.,  V,  6,  5  è/,  tcicutwv  -^virr^zcpor^  y;  èixY)  xpoeXif;- 
XuOe  [j:h-T,p',  Pat.,  616  D,  649  D,  709  G,  1049  D,  1073  G; 
Med.,  969.  CL  Xen.,  HelL,  7,  5,  25  ;  Luc,  etc. 
— é-/(ù  gén.  Pat..,  708  G  Tuavxwv  twv  ar£p[;.aT(i)v  xpsé/E'.. 
-rf|'£C[;.a'.-cîi{j.a'.  ^e^i.  Pa^,  792  D  Trpor^YctTai  y;  àcTTpaiTY;  ty^ç  gpuvxYîc  ; 

793  B.  Cf.  Xen.,  ffipp.,  4,  5;  Pol.,  12,  13,  11. 
-06(1)  gén.  Ace,  63,  24  x — siv  toj  XaoO.  Gf.  Eur.,  /on.,  805. 
-izvr^^.i,   act.    et   moy.,   gén.    B.    G.,    V,    269,   8    ::av7(.)V   àvcprov 
ro;    'EUaccç  ::poiaTaTai  ;  491,  13;  530,  23;  Acc,  393,  5  r, 
42,8;  Pa^,829B. 

dat.    Pat.,   868  A  ïxipo\q   excpot  Trposjr/jy-^ccr'.v.   Gf.   Hdt., 
1,  129;Sopli.  Aj.,  1133. 
— {cr/w  eu  ac.  Pat..,  861  G  (2  fois)  t:.   ttç  ajxb  xi  yp(.)[j.àx(ov  ei8y). 

Gf.  Dexipp.,  ^/5^.  ^^c,  16,  6. 
— y.aOaipto  "^xiva  x'.vo;  Pat..,  569  B  à-'.crxiac;  y.al  /.TAixc,  7:psy.axapfiévx£;. 
— xaXéw-C)  £1;;  ac.  P«f.,  935  B  £i;  xà  [rr^xépwv  TpaYjj.axa  xcb;  -iraTca; 

TTpsy.aXeîxa:. 
-y,£'.[j.ai  dat.  B.  G.,  V,  59,  18  xoîç  àXT^ciç  7:pcy.£ÎcrÔai  ;  Pat..  1181  B. 
-y.'.vBuv£6(o  ^en.  Chr.,  137,  20  cr^wv  tu.  Gf.  Xén.,  Hier.,  10,  8. 
-V.ZT.-ZIÙ  £lç  ac.  Pa^,  588  G  dq  y.cCkà^  ;  620  A. 

TTpcç  ac.  Pa^.,  548  B  izaay.  (j.£XXouTa  'Vj/y;  7:pbç  àp£Tà;  7:pc- 
y.f7:x£tv  ;  560  G. 

£v  c?a^.  P«/.,  549  G  -rj  vùj;.^/]  xpc/.ctl^aaa  âv  [j.£xavo(a.  Gf.  D.  S., 
^^c,  554,  69. 
— y.ptvo)  <7én.  Chr.,  246,  3  x(7)v  àXXo)v  rpoy.£y.pixai. 
-y.uXivo£C|j.ai-ou[j.a'.  ^m.  ^CC,  66,  27  iz.  x(ov  ttoowv. 
— y.67:xo)  f7m.  Chr.,  198,  9  6  f^Xts;  7:pox£y.'Jcpwç  xcj  opiÇovxs;  ;  208,  4. 

Gf.  Alephr.,  3,  30;  Babr.,  116,  3. 
-[j.£A£xâw-o)  XI  P5.,  142  G  iz — vx£ç  xà  £p(.)XY)|j-axa. 
-pr^7X£U(.)  aumoy.,  xtvi  xi  C/ir.,  120,  8  aùxY^  ^y.:jCLi[a-^  -p5£pr,GX£!j£XS. 
Gf.  Alcphr.,  1,  37. 

au  ps..,  dat.  Pat..,  541  A  r<  i: — Ô£Taa  X(o  Xpi^xo)  'Ey.y.Xr,(j(a. 
-co£'j(.)*  £iç  ac.  Ps.^  64  G  t: — œeiç  £iç  areipsv. 

-TélAZo)  Tzpéq  ac.  Pat.,  GXIV,  208  A  xoùç  àyiouç  Tupb;  U7:£py.:a(xicv 
2;(or,v  xauxr^vTu — vxa;.  Gf.  Plut.,  Pyrrh.,  717,  16. 

£7:(  ac.  Chr.,  227,  22  £7:1  xà  [aei^w  ^aaiXeia.  Cf.  Synes.,  55. 
7:Y)5aw-â)   ô'^'n.    C//r.,   8,    30    xy);    çâXafi'o;   ::— a  ;    /'.s'.,    l''3    A. 
Gf.  Babr.,  107,  13;  A.  Tat.,  2,  34. 


16  MÉMOIRES. 


7:po- 

TZPOZ- 


-:rcÀeiAéa)-ÔJ  gén.  Ps.,  136  G  TuaipiSoç  %.  Cf.  PoL,  2,  48,  1. 
— T(Or;{;.t  Tiva  (t()  tivoç  C/^r.,  259,  24  tcOto  twv  iraviov  -::.;  i^.  (?.,  V, 
226,  2. 

£içac.  C7ir.,  83, 23  e?ç  àyopàv  Tipoùxiô-^;  Pa^,  CXIV,188G. 
Cf.  Hdt.,  1,  206,  etc. 
—ipéizcù  TZpôq  ac.  Pat.,  537  B  tu — i^evoç  izpcq  io  àY0c6cv. 
— çépw  iv.gën.  A .  6^r.,  III,  112  e?  axpwv  Trpoçépsxai  xà  xpia  xwv  /stXéwv. 
— Xéo)  éi'^^.  C/ir.,  88,  16  Baxpuwv  pojç  TrpoexsTxo  xwv  otpôaXjj.wv;  i?.  Cr., 
V,282, 15.Poet.  (cf.  Hom.,  ^.  i?À.,  etc.)  etHdn.,  5,  5,  16. 
dat.   Clir.^  66,   11    àxâar^ç   7:pox,u6£Î!7-/;ç  auxw  xf^ç   -7:0 A£o);. 
Cf.  Onestae  Anth.  Pal.,  11  46.     ' 

aTuo  ^en.  Pat..,  541  G  à'i>'  ou  'Kpoyio^To.i  oî  xy)ç  BiSaaxaAiaç 
xpcuvou  Gf.  Hom.,  //.,  2,  465. 

d;  ac.  Pa^.,  701  A  £i;  xb  aTretpov  TupoysTxat  -fj  Y£Vv*/)(7'.ç. 
~X(^péw-u)  £i;  ac.  C/ir.,  74,  23  dq  [jà-^ol  t:.;  171,  31. 

lizi  ac.  Chi\,  213,  26  tu.  èTui  xb  péXxtov.  Gf.  Luc,  Z)c  m07H.^ 
12,  2. 

npo2— 

-dY(ù  <^a^.  B.  G.,  y,  175,  10  xV  "Hpav  t— cri  x(o  Au;  Pat.,  1173  D. 

"^■^— àvxàw-o)  <:?a^.  B.  G.,  IV,  323,  30  ^olgiXzÏ  Trivxa  TcpoGTi'ny.. 

— azxG)  c^a^.  5.  (t.,  V,  58,  17  'i:6x£pcv  xoùxwv  '7upc7adi2{j.£v  xw   Oew  v^ 

cùS£X£pov;  Tz.,  349  ;  A7\  miss.,  614,  14. 
-apaaaco  ac.  Chr.,  84,  14  xàç  irûXaç. 

x(  xtvt  5.  6r.,  V,  270,  1  ;  525,  12  oj/  éxépctç  xàç  /.EçaXàç 

Tupoaapaaaouatv    (SZC    ?C^.     ^ro    Tîpocappaaouatv).    Gf..    Luc, 

t^cmcr.,  15,  2;  D.  G.,  48,  47. 
— apiAot^G)  dat.  Cfi7\,  27,  25  J^r^^j^iBaç  xivàç  tt — {xévrj  xô  aœjji-axt  ;  182,  21  ; 

B.  G.,  V,  61,  17;  90,  21;  491,  25;  517,  3;'  Pat.,  1012  G. 
et -apfjLoaaco,  ^r.  et  int7\,  dat.  Ace,  45,  14;  Rhet.,  V,  601,  4; 

^r.  miss.,  614,  17,  24. 
— apxût(j)-â)  dat.  Chr.,  27,  26  tu — waa  Éauxrjv  TrpoaapxYjjxact  ;  5.  G.,  V, 

234,  28. 

:rp6ç  ac.  P5.,  91  A  iauxoùç  tc.  Tupb;  xyjv  jxtjj/^aiv.  Gf.  PoL, 
•     3,  46,  8. 
-6a(va)  dat.  B.  G.,  IV,  426,  12  tu — £i  xoîç  TU£pl  £y,£tvov  SivjY'/jiJi.aat. 


SYNTAXE    DKS    VERBES    COMPOSEES.  17 


;oc  — 


-êâAAw  (fjft .  B.  6r.,  V,  r)01,  T)  TM  y.jv.  /.ai  T(o  ■/.â-:(;)  ;a:v:j  r.pzziîxWiy  ; 
/V//..  :)68  A.  905  R:  /^s■..  ;r,  C.  Cf.  Eiir.',  /V/.,  731. 

"^  krd  gén.   Clir..  ()4,  '2(5  è--.  tt,:  ;;.£-; :xAcz:A£a);  TTp:TZ7£V£T:. 
— Géo)  C?a^.  5.  (9.,  IV,  3'2"2,  IS  zlz  il  àva-f/zr^;  7:pG70cC£[j.£Oa  y;  -CGG/.£(;j.£Oa. 
Cf.  Hdt.,  6,  1J9;D.  S.,  17,  41. 

— sYT^Cti)  t7\  et  mtr.,  dat.  Cfir.^  45,  S2  TupoaeY^'Ta;  to)  7:Gr|'!xaTi; 
198,  27;  222,  9;  242,  17;  i^.  O.,  IV,  329,  9;  3:5:.,  2.;';  IL  G., 
V,  105,  15;  150,  21  ;  333,  23;  Ace,  66,  15;  Tj.,  352;  Pat., 
565  B,  785  C,  792  A,  805  D,  etc.,  saepîus.  Cf.  {tr.)  Luc, 
vlw.,  53;  (intr.)  Anth.,  7,  442;  D.  S.,  3,  16. 

ac.  Pat.,  935  A  (vers)  ::.  ty);  ::£Tpaç  xb  t:pct£':/;.t;j.x. 
Cf.  Luc,  Arnov.,  53. 
-cr/.iCw  <^^/<5t^.  B.  G.,  V,  171,  15  tcv  agvgv  tw  sl'Bsi  7:pG7£iy.aÇGv. 
-=i[jA  (et  -ép/o[j.ai)  <^a^  C/^r.,  7,  17  iivi  ;  65,  17  'v/Aa-ziz  Trpoa'.ivT.;  : 
91,  19;  134,  25,  207,  5;  255,  20:  B.  G.,  V,  271,  10;  322,  4; 
534,  11  ;  535,  23;  Ace  ,  401,  26;  73,  29;  Ps.,  75  B,  77  A, 
84  B,  88  A,  93  C. 

ac.    Chr.,   34,    6    oùy.    av    irpc^totTO    izoXuT^.'kzXq    d'/.ooz\).i;. 
Cf.  Eur.,  Aie,  471. 

£i;  ac.  Chr.,  41,  8  ei;  v^^v  T,T/r;{\jpv/  r.pzzeXtuazy.zvoz  r^■JZZl- 

Zip',  (jc/i.  Pat.,  877  C  zcL/daç  ïtjizÏz  -zà^  leAsuxà:  -£:''.  tbv 

T.ZZZr^l'ZT)  £!J,aVT£UOVXO. 

•£'::'/£ipé(.)-r.)  ■'^  gén.  Cll)\,  97,  4  tgj  [jiX^.ovio;. 

-=py.'f>Xb)dat.  B.  G.,  Y,  376,  8xa(  l'.va  tcùto)  7:pzar,pTn^cLzz.  Cf.  D.  H., 
Camp.,  9. 

-£p£lC(j)  rf6</.    P.S'.,   132  C    -bv    àv/,(,)Va    TY^    7f,  -pG7rip£t7£V.    Cf.    l*ol..   4. 

19,  3. 
— £703,  (fct .  et  y>^o//  ,  <J(tl.  li.  G.,  I\'.  :/i:>.  19  ir,  7.aAA(vTY;   tmv  m^mv 

g:   7:pc7£/si;.£V  ;    /y.   ^/.,    V,    14,   H:   r,;;i).    'j};    /'.//.',     ll;VJ    li, 

1136  C;Vur.,  403,  6;  45,  7. 
-Yi/.o)  dat.  Chr..  98,  15  èy.£':v(;)  -.;  240,  12;   B.  G..   i\  ,  324,   l'i  ; 

B.  G.,  V,  515,  16,  Pai,  1017  H,  etc. 
-Y,AG(.)-Ô')  (^/i.  C/îr.,  244,  34  7:poaY)Ao)!jivr/^  (-hco  y.xi  :i:v  -:ir,: :/,;;.: /r,v  ; 

P.s  ,  IVi  A.  Cf.  I).  S  ,  4,29,  V);  IMiit.,  M..  V.'i;  !.. 
-'':r^\).\,  moy.,  ne.  Chr..   litC).  2ti  -pz-'f^7.■/.xz  Tr,v  -^;   :;,.// 

10e   SKHIK.    —   TOMl';    \.  3 


18  MRMOIRKS. 

TZpOÇ 

—i(jvri\ki  dal .  Fat.,  1173  A  tw  Oj[xo)  - — -x'..  Cf.  Eschl.,  Sept.,  V26  ; 

Hdr.,  1,  :29,  etc. 
-7,aAé(i)-;7)  si-  ^^c.  Pa^.,  561  A.  £u  oeTzvov;  684  B.  Cf.  Xen  ,  Mém., 

2,  9,  5. 
-y.£i;j.at  <:to^  j5.  G.,  IV,  311,  7  Guvvota  Trpcj/.EiV^'^sç  ;  322,  18;  352,  23  ; 

421,  7;  B.  G.,  V,  464,  6;  Ps.,  61  A;  An.  Ass.,  IX,  214. 
— y. AT) p 6(0- G)  dat.  Pat.,  1028  G  ojaia  ^u^jv/mc,  izpzcvLZ'AXrfpiùixirQ  br^z^ou- 

aioiq.  Cf.  Plut.,  M.,  738  D ;  Luc,  ^w.,  3. 
-xvùÇw,  <:m  >9?0i/.,  (^a/.  B.  G.,  V,  460,   1  xcïc  k[xoXq  tucoI  t: — [j.i^oi. 

Cf.  Hld.,  7,  10;  9,  10. 
— y.oA/sd(o-G)  ^^«^  5.  G.,  V,  445,  25  oùj^l  lô  XpujiTTTro)  TipoT/£y.cAX'rj[;.£6a; 

Pa^,  660G,  1128G. 
-/.CTÛK.)  dq  ac.  Pat.,  672  G  zlq  izlziix-fi-cf..  Gf.  Aret.,  123,  45. 
-y.pouM  dat.  Chr.,  62,  7  [^acriXEi  ;  112,  27  ;  236,  7,B.G.,Y,  230,  7; 

/Icy:.,  66,  29. 
xp6ç  «c.  ylcc,  403,  25  Tupcç  (j/r<o£|j.{av  twv  '?;[j.£T£p(ov  -â — ci 

(corr.)  çwvwv. 

-y.Tâo{j.ai-(7j|j.ai  xi  xivt  5.  ^.,  V,  435,  13  'k — [A£vcç  tw  ciy,£({o  xai  xb 

àXXcxpiov. 

-y.uv£o)-w  6?a/.  C.r.,  43,  20  xw  fiaaiAEÎ;  ^.  (t.,  V,  53,  28;  Ace, 
392,  28.  Gf.  N.  T.,  Matth.,  2,  2  et  11;  /o/i..  4,  23,  etc. 

— XtrapÉcù-Ô)  "^  «C.  /i.  ^.,  V,  207,  11  x — oùaYjç  aùxcv  x-^ç  [îiaaiXiSoç  ^ 

-aapxupÉw-u)  x(  xivi  (léuioigiier  de  quelque  chose  en  faveur  de 
quelqu'un)  Pat.,  569  D  -;:— wv  xw  A^yw  xw  xyjc  v6[A(5r^c  ; 
.4n.  ^s.s.,  IX,  213.  Gf.  Plut.,  ^W5^,  25'. 

— {j.£iotâ(i)-a)  t/<^^.  C/iy\,  72,  32  axsiBàv  xcuxoj  {j.£xa6oAY]  TrpaYiJ.axtov 
K— a£t£.  Gf.  IMut.,  M.,  28  a,  etc. 

~ljJ.-(YJi).i  dat.  B.  G.,  V,  171,  29  Aiwvt  7:p2créiJ.i?£v ;  Pat.,  1020  D. 

-vE'jw  <:^a^.  B.  G.,  V,  513,  26  auçiax£U£iv  £7îc/£'.pci3c7'.  â — vxat  ;  535, 
8,  10.  Gf.  Orib  ,  p.  123. 

^  TTpcç   ac.    CJir.,    184,    1   r.poq    xb    Y£V£Ô}aaAoYr/.bv    [Ji-ép:; 
7:psc7V£v£uy.a. 


1,  Beaucoup  de  verbes  qui,  quoique  se  construisant  avec  le  dat., 
étaient  susceptibles  de  s'employer  passivement,  se  sont  ainsi  em- 
ployés, à  l'époque  bj^zantine,  avec  Vac.  La  préposition  contenue  dans 
le  verbe  favorisait  le  développement  de  cette  tournure. 


SYNTAXE   DES   VERBES   COMPOSÉS.  19 

irpoç— 

— oty.£'.c(i)-o)  dat.  Chr,^  175,  18  xcv  [j.àv  -w  SaatAît  -KpoGcoxeitosa;  ^.  ^.. 

IV,  350,  15.  Cf.  Str.,  244  ;P\ut,  Ant  ^  60,  etc. 
— c'./.éa)-(o  rfrt/.  Pa^,  1032  B  Trpcato/sîw-ai  ty^  Yji/ôiépa  ^u/^. 
-oy.éAXo)  rfrt^.  C/?r.,  262,  18  toi;  }dij.=ii    Cf.  Aret.,  Caus.  m.  diut.^ 

2,  10. 
-cij.'.A£(o-(o  rffl'/.  C/?r.,  50,  11  Oeîstç  àvapâai  :  72.  17;  90,  2  (cf.  empl. 

absol.,  26,  1;  134,  32);  5.  ^;.,  IV.  371,  29;  5.  6^.,  V,  7, 19; 

86,  27;  104,  26;  206,  21  ;  271,  14;  281,  21  ;  286,  20;  308,  25; 

361,  7;  367,  5;  463,  22;  464.  6;  467.  26;  468,  7;  507,  10; 

Ace,   413,  22,  24;  69,  24;  Pat..   576  D,  593  B,  609  C, 

613  A,  etc.,  saepius;  An.  Ass.,  IX,  216,  222;  B.  C.  H., 

1,131,  9;  207. 

— ov£'.$(Ç(o  ^  Tivî  Tivoç  Pat.^  1165  A  TY^ç  èTricioXY];  o'jx'  è7ï£Yy,a).éc77.qx( 

cet  o5t£  TCpoaovcioicraiiJ.i. 

-op[jL{Ç(i)  dat.  Chr.,  75.  26  tw  Xtfjivi.  Cf.  Luc.  ^^î?.,  1  ;  E]l.,  F.  ^., 
8,5. 

^h.gén.  Chr.,  199,  13. 
*£i';ac.  C/ir.,  199,  13. 
*  £x  ^m..  £Îç  «C.  67zr.,  199,  13  èx  guOoO  £iç  Ya/z/jv-r^v  z. 

-ouôiÇo)^  6^6?/.  C/ir.,  167,  13  xb  yclvu  t"»^  ytÏ  ;  ^-  ^-^  ^^  269,  29. 
(Cf.  TCpoacuBfe  xa|j.a{,  dans  Procop.,  B.  Gotth.,  4,  8.) 

— TraîÇto  c^rtif.  C/l/'.,  91,  2  y;  TïXvjQùr  'KpcaïuaiÇavTEç  tcûtciç  ;  ^B.  6^.,  V, 
247,  30;  Pat.,  1173  B.  Cf'  Xéri.,  Mém.,  3,  1,  4. 

— iraXafw  c?rt^.  5.  (?.,  V,  345    7  6   'Iaxà)6  'KÂkot.i  à^véXo)  '::pcjz:aXa{aaç 

f^TTYjTai. 

-7:£AâÇ(o  dat.  Chr.,  89,  29  7rpccrx£>vaW  tô  pY)(j.aTi;  137.  22;  144,  3; 
262,  1;  256,  15;  B.  G.,  IV,  431,  14;  B.  G.,  V,  64.  2: 
511,8;  Ace.  75,  7;  As.,  162  A  ;  An.  Ass.,  IX,  207,  1. 

-  Tréxci/ai  (/<:</.  Pat.,  836  C  xoTç  £iBo)Xci<;  âx  xoO  àçavcD^  Sa{[j,ovéç  xiv£<; 

Tipcaxxàvxcç   TiapaxaOéCcvxat.   Cf.    Eschl.,    Pr.,   555;   Xén., 
Mém.,  3,  11,  5. 

-  kV^vui^/!  x{  xtv.  .0.  ("r.,  V,  81,  26  *^  Oavaxr^cpcpcç  v:;7s;  oBcvxaç  aci  Tp:7- 

7cV)aacra.  Cf.  Eur.,  fr.  680;  D.  C,  63,  2. 

-TTiuxc.)  6?«^.  CVir.,  65, 11  7c.  ToTç  £y.£(vou  Y^vaTt  ;  192.  9  ;  Pat.,  781  A. 
784  A,  808  D,  1075  h  (corr.  (1(3  Boiss.  ;  ms.  cpûaiv),  1184  B. 

-TrXâaao)  xt  xivi  ^cc,  402,  27  /pj^f,  y£9aXf^  /.^^p^Ç  ^^-^^  7::Ba;  icpoc- 
TTAâxTciç  (.S7V-  /(v/.).  ce.  BÎul.^  M  ,  831  a. 


20  MÉMOIRES. 

— TCiaito   dat.  Pat.,   756  C  f^xtç  TrpoaTuxaiou^a  xtvl   àviiiuTro)  ové[j.aTi. 

Class.;  cf.  Dém.,  104. 
—  péw   rf/'«/.   Ch7\,    145,   9    cî   7:A£tcuç   tô  aÙTcxpoticpt  7:pcc£pp6"/;crav  :, 

191,  11.  Cf.  PluL,  M.,  760  a  ;  Brut..  16. 
— TYj*/.(.)  dat.  B    G.,  V,  446,  3  IlXâTcovt  y,3!l   'Axa8r^jj.{a  7:pcc7T£rr(7.évai  ; 

530,  26.  Cf.  Plut.,  M.,  524  d,  600  C. 
-xi^r,\j.i,  act.  et  moy.^  dat.  Ch7\,  137,  16  ko  3«(Ti}.£t  ^pocrO-riacaBai 

l)rendi'e  paili  pour  le  roi;   171,  34;  B.  G.,  V,  152,  19; 

445,  19;  Pat.,  1180  C;  Ace.  393,8;  B.  C.  H.,  I,  195. 
-Tpiyjù  dat.  B.  G.,  V,  456,  20  i:—guc;ol  tw  àvBpi.  Cf.  Ar.,  Av.,  759; 

"  Xén.,  An.,  4,  3,  10. 
-Tptêo)  Tt  Tivi  C/?r.,  102.  14  ijm)\).ov  aùxo)  ;  202,  31    àXX(ùv  àX'Xo  xt 

t:— vx(.)v  èiio(  ;  i?.  (7.,  V,  60,  25  ;  446*,  6.  Cf.  D.  C,  Prooem.,  5. 
—'jçaivco  dat.  Pat.,  1044  B  tyjv  àXo^ov  ^'^X'*!''  '^ — iJ.i^TfV  xo)  Xo^ty-û. 
-ç^épo),  cfrt^.   x(  xtvi   r/;r.,  38,  17  cùBé  xtva  7upoaYiV£Yy.£  xw  TrptîcYtJ-axt 

l/.Y;xav/;v;  53,  31  ;  54,  29;  220,  21,  30;  Pat.,  54i'b,  589  D; 

Ps.,  90  A. 
au  moy.  (se  comporter  à  l'égard  de),  dat.  Chr.,  7,  1  ; 

42,  24;  239,  29;  256,  13  b.aaxo)  £7:i£iy,(7);  7:pccr'f£pqj.£voç. 

-'^£Ùv(o  ^/«^  C/«r.,  6,  21  (;)  7:poa7rc(p£UY6x£ç  ;  90,  14;  156,  34.  Cf.  Plut., 

Pomp.,  46. 

*u7:o  «c.  Pa^,  GXIV,   204  C  r^\xO^^)  X(T)V  tt — vxwv  Ottc  x-r;v 

a-/.éT:Yîv  aou. 
-90£Y7O{j.ai  xiva  C/^r.,  153,  30  7rpûa£çO£Y?axc  [rrj  96£Y?â|J.£Vov.  Cf.  Eur., 

^/c,  331  ;^/j9;;.,  1097. 

-ooix^w-ôj  f/a^  C/^r.,  115,  12  Tra/.Xaxr^  -k— av  ;   ll7,  33;  B.  G.,  V, 
'229,  13.  Cf.  Str.,  644;  D.  H.,  Rhet.,  9,  11. 

-'^ûw  ^?6^/.  B.  G.,  V,  530,  26  -zcXq  a/;/i;;ac7i  TïpoaTTeçùy.aai  ;  P5.  83  C. 

— o(ov£w-G)  6?rtL  i?.  6^.,  IV,  414,  27  ÔTicaa  àvaaxàvxi  'Kpoaçwvo"-/[j.-:V  0£w  ; 
^.  ^.,  V,  86,  27.  Cf.  D.  L.,  7,  7;  N.  T..  /!;?.,  22,  2. 

-/pâoi;.ai-(op.ai  (/«?.  i?.  G.,  V,  510,  30  xcD  'ÀTrcaxcAou  tt — (JGj/ai  pYjixaxi  ; 
P«r^.,868A. 

-/wpéw-w  rf<2^  C/ir.,  65,  28  xw  paai>v£Î  ;  66,  2;  191,  26;  5.  (9.,  IV, 
428,  l;i?.  G.,  V,  22,  24. 

TTpoç  ac,  B.  G.,  IV,  340,  11  xb  Tupbç  Tuàvxa  TïpoaxeywpYjxéç. 
Cf.  Hdt.,  1,  172;  8,  60. 

-6a6w  c^a^  B.  G.,  V,  535,  7  tu— £tv  X6J  oùpavw.  Cf.  Pd.,  fr.  86,  2. 


SYNTAXE  DES  VERBES  COMPOSÉS.  21 

2YN—  et  ZYN— 

*  * -avaXX'.âÇo)  dat.  B.  G.,  Y,  221,  4  GJV/jaOy.aciJ.ai  aoi  toîc  7a[j.'.xcïç 

TTpociiJ.istç  y.al  èfj.oÙTOiç  ax'pxY){j.aat  c — aci;,ai. 
-aYâAXo|j.at  rfa^  5.  G.,  V,  486,  29  âXXa  [izi  y.oivf^  aovaYaXXctaOs. 

Cf.  Greg.  Naz.,  I.  703  A  ;  In  Julian.  lnv.,'\,  10. 
-aYstpo)  ây.  ^en.  B    G.,  \,  497,  18  èy.  xwv  XcOt  Ta;  àpîxà;  à^spixwv  tyiv 

£j9r^[AÎav  7 — £iv  suoOsv. 

—  avpu-véw-w  *dnt.  B.  G.,  V,  21.  11  o-'ov'y.a  jj.ot  [jicwv  YJvrJ<y/  juvy)- 

Ypuxveiç  àvaYivway.ovTt. 

*  ^  -  a^upTsùo)  rfa^  ^cc,  387,  4  a— vtîç  TauTYj. 
-â>)  dat.  Chr.,  237,  36  xtva  tivi. 

cu  r/c.  r/^r.,  136.  13  cic  Tajxb  j.  xà  cTpaTsuixa-ra;  252,  11  , 
5.  G..  IV,  401,2;  Pat,  692  B,  921  C,  1100  B;  Ps.,83G; 
An.  Ass.,  XIII,  277,  14. 

Tcpcç  ac.  Pat.,  664  B  izpcç  xaur^v  àvaiaiiy-wç  juyayôeTja. 
£x  éC^^^-  P<^«t,  1100  B  èy,  TÔJv  {j-epr/.wv  a — -ceci, 
h,  gén.,  £i;  ac.  Pat..,  1100  B  è;  Ivtatcu  a — xai  £i;  TuXrOo;. 
-x7o)viÇciJ.at  rf^t  ;?.  (9.,  IV,  384,  3  cruvY)Y(.)viÇ£T6  aot  ô  àSsXçc;;  5.  G., 

V,  419,  12. 
-acixéw-w  cf^/.  ^.  G.,  V,  278,  2  cuvaSiy.YjG-rjjcxai  tw  àBiy.cufxévo). 

-  a^w  (^«t  B.  G.,  V,  67,  15  qcîoucri  auvfiS£  ;  262,  15  ]  Pat.,  853  A. 

— aOpotÇo)  £l;  ac.  Pat.,  921  D  o  juvaOpoiaaç  âxaviaç  £iç  'àv  xuxxiov  ; 

B.  C.  ^.,  I,  128,  5. 

irJ.  ac.  Pat.,  673  D  £7:t  xb  auxi. 
— 7.'.v£o)-Ôj  rfat  C/?r.,  39,  26  xw  Twpâ-fiAax'.. 
-aipéro-ô)  e?ç  «c.  Chr.,  193,  21  c.  a';  cpâXa-ffaç  ;  ^^i.  .Iss..  XIII, 

256,  12. 
—cuipo),  au  moy.,  dat.  B.  G.,  V.  506,  7  [rr,  îpYÎ^cic  [j.si  £l  [j.y)  jsi 

auyxopoôavxio)  xai  auvaipc^xai.  Cf.  Plut.,  Galt).^  18,  etc. 
— r/.[;,âCw  cî^t  Acc,  404,  2  ô  a'jvaxj^.âî^aç  Ilopcpupto)  xw^iXcaccpo)  ;  P«t, 

1048  A;  B.  C.  H.,  I,  131,  24.  Cf.  Arslt.',  fr.  420;  PoL, 

Plut.,  Luc,  etc. 
-ay.oXouOéto-o)  rfat    C/ir.,  237^  8    xà   o'    àXXa   xcùxco    c7avr<y.cXc60£'.  ; 

^n.  /I5i-.,  IX,207,  26. 
-aA^étù-to  rfat  /^.  G.,  V,  19,  5  àXpvcjj.évciç  7uvy;X7£i  ;  421,  4;  455,  19; 

^cc.,409,  13. 


28  MÉMOIRES. 


**— «{j^aupcto-Ô),  OU  inoy.y  dat.  Pat,,  1048  B  cruva/ij-i^cuai'  xe  tw 
(j(0|jLaTt  "/.al  G— vTai.  Cf.  Eust.  Thess.,  J9.  396,  Tafel. 

—cL\).iWdc\j.0Li~G)iJ.ixi  dat.  B.  G.,  IV,  394,  12  xzioù'oiç  àvBpaat  a — [xevoç; 
410, 12.  Cf.  Naucratiusa/;.  Sirmond.  opp.,\,foL  h, recto, 
fin  (éd.  Venet.). 

—a^^x'^y.d'Çb)  *  eiç  ac.  Chr.,  231,  29  xb  vicr^jj.a  £?ç  TO'Jxé  [j.e  j — ai. 

—  a7uoSY)|xéw-(i)  rf«^.  5.  G.,  V,  28,  22  àv5p''  xtvi  twv  xàvu  ^ewaitov  K£pl 

Toùç  X07CUC  (^pa/^u  Ti  ai)va':ioSY)[j.Y;aaç  ;  172,  9.  Cf.  D.  S.,  4,  4. 
-aiToXauto  ^m.  B.  G.,  IV,  406,  31  auvaTCoXauaco  xwv  èxeivcu  y.aXfov  ; 

413,  27;  427,  1.  Cf.  D.  S.,  ^^'C,  ^.  22,  Mae;  Luc,  Mus. 

bac,  8. 
-âTCTG)  dat.  Chr.,  24,  12  -^ii^épaç  ^uvr^xis  vuHf  ;  99,  20;  5.  G.,  IV, 

395,  25;  5.  G.,  V,  457,  10;  509,  3;  520,  1;  Pat.,  544  C, 

557  B,  669  C,  1025  C,  1040  A,  1085  C,  1132  A  ;  Pat.,  CXIV, 

208  A.  Poet.;  cf.  Eur.,  H.,  f.  213;  Ai.,  Th.,  925,  etc., 

etNonn.,  1,  467. 
*  {A£Tâ  gén.  An.  Ass..,  XIII,  263,  8  Œuvr,pi,iAéva  [ki-à.  ty]c 

çauXoTYjTOÇ. 

h  dat.  B.  G.,  V,  452,  3  cr.  r.xnaq  èv  evl  Ypa|j.|j.aTt.  Cf.  Eur., 
Bacch.,  545,  615. 

£711   dat.    Ps.,    60  B   £7ul   tcùto'.ç    xai  xà   AciTuà   auvairiéov. 
Cf.  Bion,  2,  5. 

TTcpi  ac.  Pat.,  564  C  7U£pl  lauTv  Guvâ'J>Li.  Class.  (Arstt., 
^.^.,3,7). 
— ap£ay.ti)  c^a^.  /*«^,  1048  C  xoXç  Ov/]ty)v  vo[j.{Ço!jg'.v  aJTYjv  g. 
— apô|jL5(i)-û  *  dat.  Pat.,  1145  B  Tupocpopiy.w  Xé^w  auv/ip6[j.o)G£v. 

-apiB|xé6)-ô3  cfa^.  Chi^.,  141,  9  tuXt^Oc;  TioXt-iyaov  tw  /.oittû  gt{ç£'.  0., 
171,  16;  B.  G.,  IV,  445,  2;  B.  G.,  V,  255,* 23;  260,  27; 
304,  27;  362,  3;  451,  16;  ^cc,  398.  30. 

"*^  (j.£Tâ  gén.  B.  G.,  V,  316,  26  \).iTà  lôjv  àTy/£GTiTcov  g — G)  ; 
^cc,  407,  35;  Ps.,  151  C  £T£pa  [xitol  tîôv  {j.ù9wv  g — vxcç. 

— ap[;.6^tù  rfa^.  C/ir.,  17,  19  g— cGaç  xaï;  iXaiç  xb  Gxp axc7:£oov  ;  18,  28; 
148,  30;  154,8  ;5.  (9.,  V,  176,  11;  An.  As.s.,Ylll,20S,  IS- 
iy.  gén.  Pat.,  905  D  èv,  izi^Tiq  lUxç  Hurripfj.oGTat.  Cf.  Xén., 
rm,5,  31. 
£i;  rtc.  .4n.  ^ss.,  VIII,  212,  28  g.  £i(;  àv.piSr,  guij.ttyjciv. 

-  aGO£vÉo)-to  tto^.  B.  G.,  Y,  \Q\,1  g.  xûÏç  aGÔEvouGU  Cf.  Greg.  Nyss., 

III,  264  a;  Jean  Kuchait.  (Fabric,  B.  G.,  VIII,  632,  fin). 


SYNTAXE  DES  VERBES  COMPOSÉS.  23 

■^^-axTaXo)  dat.  Ff.  G.,  V,  411,  31  tw  vecyiag)  s — £i«  àTiaAcvTt. 

— auA!çC[j.at  f/rt^  B.  G.^  W ,  521,  29  -aïç  toj  a:£Acpcj  [Jiovaï^  xw  ©avxaa- 

[;.axi  C7 — £xai.  Cf.  A  «nia  Comn.,  272  C;  Prov.,  22,  24. 
— au;âvto  (et  — aù^o))  dat.  Pat..,  897  A.  auvao^cjjisvov  Taîç  xtjç  a£A'/jv*/j; 

ixùÇYja£ai;  P5,,  82  H,  84  C 
— 6a(v(i)  dat.  Pat.,  1128  B  èr/jYr^j'.ç  xw  Xpi!7Xiavr/.(0  Xc^fo  a — cucra  ; 

P5.,  152B;  Met^.,  977. 
£x(  ^''«^  P<2/.,  545  C  c-£p  £-1  xcT;  à7:sjx:Xoi;  c:'jix6é6rf/.£. 
-6âAX(o,  <2C^  et  moy.,  dat.  B.  G..,  V,  531,  11  ^\i\x6t6\r;/.cf.^i^  àWri'Knq 

x(o  X^'^P- i  ^^-5  ^1  I^  au[j.6£6Ar<xat  xoj  TUpâ^H'^'^'  '0  opo^-rj;  80  A. 
act.  et  moy.,  izç^iz  ac.  Pat..  1056  G  -rj  7:£pl  ^u/r,;  (zayjôeg- 

xâxY)  Yvwatç  ■Âipoç  TTajav  ipiAsjocpiav  a-u[j.oiXA£xai. 

£i;  «C.  P^f^.,  1056  G  'f)  O£(op(a  xcO  •?;[jL£X£poi>  voO  /.al  £iç  6£oXo"ï'{av 

|j.£Yâ}.a  c7'j[ji.6iAA£Ta'.  ■  a'j[j.QâAA£i  Sa  'fjjATv  /.ai  '^pb;  xr^v  ^U7i*/.r,v  •. 
£7.  ^en.  Pat.^  1044  A  è^  Éxépwv  aùxoD  auYYP^tl^-lJ-âTwv  cufji,- 

6aX£Îv  Ijxiv. 
— 6xxx(2^(i)  rfa^.    5.   (r.,  V,  36,  16  yj  cpu/Y)  xw  cra)|J.aTi  au[j.é£6à-xiaxa'.. 

Gf.  Hld  ,  4,  20. 
— êa7iX£j(o  ofa^    C//r.,   19,  26  xw    'ItoàvvY]   (ruvcéaaf  A£ua£v  ;    113,  19. 

Gf.  Pol.,  30,  2,  4;  Pliit.,'L2/c.,  5.' 
-6i6dCw  dat.  Chr.,  13,  5  j— wv  à\\i[koiq;  98,  1. 

£l(;  r?C.  C/ir.,  11,  27  xi  x^c  àp/YJc  £i;;  àpjxoviav  ^aa'.Aiy,Y)v  7.  ; 

B.  G.,  IV,  352,  30. 
—êioieùbi  *  <:^<^/.  P.s'.,  94  A  xojxs  •^jjj.Tv  xc  Çwov  7 — £'.  -î^Staxa. 
— 6ic(.)-w  6?a^.  J5.  6r.,  V,214,  24  xw  NrACAiw  ju|ji,6£6((oyv£v.  Gf.  ju^aw-o). 
-Y£vvâ(0-w^  £tç  rtC.  ^.  C.  H  y  I,  129,  18  STUcaa  èç  gt6X(a  auYTîyîv- 

-Yi(Y)vs[j.at  tto^  C/ir.,  205,  22  èx£iv(i)  |j.5v(p  auYT£Tovcx£c  ;  B.G.^  IV, 

307,  5  ;  356,  8  ;  365,  28  ;  B.  G.,  V,'223,  24  ;  238*,  17  ;  253,  16  ; 

427,  12;  505,   19;  520,  26;  Pat.,  672  B,  8'i0  G,  1017  G; 

B.  C.  H.,  1,319;  Tz.,  357. 

xivi  ^  £iç  ac.  Ace,  66,  28  o'Jxoj;  de,  ôj^iXtav  0£u)  juv£y(v£xo. 
-Yt(Y)va)ax(.)  x(  ûivt  C/<>\,  104,  34  âuyYvwOî  [j.oi  /.al  tg5xg  ;  B.  O.,  V, 

493,  15. 

1.  Noter  dans  la  niAmo  phrase  l'alternance  des  deux  tours  tk  -h  «c. 
et  TT&o;  4-  ac. 

2  Construction  sin^ndiôre,  toutofois.  Pont-être  ley  juYyeyevTJxaatv, 
à  lactif,  forme  posléiienre  du  parfait  de  au^^î{y)^ou<xi. 


24  MÉMOIRES. 


— YVM[j-ovéa)-(o    dat.    {gén.    de    la   cause),    B.    G.,    IV,   387,   15 

xa(  [izi  c7L»YYva)[xsvotT,;  àû  x%q  èxl  toj    Af^to  -iXp.r^ç  ;  422,  20. 

Cf.  Epiphan.,  I,  410  G,  798  A,  etc. 
Ypâ'fo)  ^bfdat.  B.  C.  H.^  1,  310,  26  h  liueaiv  aùxà  auYYpf^^'^^^P-voç . 
-Béo)  Tt  P^^/.,  700  G;  xiva  xivi  ^.  ^.,  V,  456,  15  Tc^q  auv§£5e|jiévYjç 

àvSpi.  Gf.  Eur.,  P/i.,  538. 
— BY3|jiioupYéo)-w  rfa^.  B.  O:^  IV,  446,  4  xàç  auvOYjjj.ioupY^^lJ'^vaç  (t]^j/àç) 

ToTç  aa)ij.ac7tv.  Gf.  lainbliq.  (Stob.,  Ed.  phys..  l,  1068). 
— îtaiTâw-w,  a^^  moy.,  dat,  B.  (7.,  IV,  444,  10  TïVcUij.aT'.y.otç  àvBpaai 

G-aôai;  P^?^,  849  B  ;   Tz.,  350,  351.  Gf.  Plut.,  Num.,  4. 
ooÇaCw  Ttv(  "^  èx(  dat.  B.  G.,  V,   183,   11  iizi  toTç  au-cT;  ô  7 — wv 

IXcfvW  à7U£7.0Y£ÏTO  BsaiTYÎTOÇ. 

— GuaTuxéw-(o  *  t/(^^  C/ir.,  227,  24  g — aavxe;  èxsivw. 

-sYYiÇo)  ^^/^.  Pa^.,  844  A  a— Cwv  xw  oùpavô  ;  848  A.  Gf.  D.  S. ,  2,  51  ; 

3,  72;  Pol.,  3,  69,  13. 
—cSptaCw  dat.  B.  G..,  V,  563,  15  -ao  c?7,-:((o  7— crwv  7:axp(.  Gf.  Phst., 

)5/W.,  480,  28. 
— £i{ji.i  (auvETvai)  dat.  Chr..,  114,  29  x^  ^uvaixl  c:uv£C7ciJi,£Vo^  ;  153,  21 
235, 19;  250,  2'4-;  B.  G.,  V,  40,  12;  172,  9;  234,  19;  270,  H 
357,  7;  431,  2;  Pat.,  757  G,  857  B,  909  B;  Ps.,  143  A 
Ace,  413,  27. 
— £ilAi   (et  -£pxo[j.at)  c?a^.  C/ir.,   192,  33  eXç  xaùxb  £y,£ivw  guveXOeTv  ; 
5.  G.,  IV,  325,  2;  ^.  G.,  V,  9,  10;  477,  29;  ^cc.,  413,  27; 
An.  Ass.,  XIII,  276,  13 1. 

£ic  ac.  Chr..,  136,  31  £i<;  xaùxb  xaç  ^^/bi[f.oLq  auv£XY)Xi>6oT£ç ; 
175^34;  192,  33;  206,  20;  B.  G.,  V,  9,  10;  Pat.,  920  G  ; 
B.  C.  H.,  I,  195;  A^i.  Ass.,  XIII,  275,  2. 

Tupcç  ac.  Chr.,  88,  24  Tupo;;  \ls  aTu^o)  cuv£XYjAuÔ£xr<v. 
£x  ^en.  B.  G..,  V,  9,  10.  Gf.  Zonar.,  Annal.,  I,  25  b. 
èy,  ^^?i.  £iç  ac.  B.  G,,  V,  9,  10  auvr^XôéxYjv  àXXvjXoiv  èy.  xfiç 
aux'^ç  op.otcxY]xoç  £iç  XY)V  IVr^v  6[j.cvoiav. 

— £(p(i)*  Tupoç  ac.  C/ir.,  41,  21  o\  xàXXa  xpo;;  xoîîxo  auv£tpovx£(;;  Pat.^ 
561  D. 

— £Xa6v(o  ûc,  ac.  Chr.,  103,  4  £lç  xaùxb  xéXoç  auv£Xa6va)v.  Gf.  Anth., 
7,  604. 

1.  Je   lis,   avec  le  ms.,  àTreTsXsaav,  dont  tv   sTSoç,  comme  le  prouve 
siTouv,  sq.,  est  le  complément  direct. 


SYNTAXE   DES    VERBES   COMPOSÉS.  25 

juv — 

-ev:(.)-a)  ti  dat.   Pat.,  ^\))i  A   y.^-yXq  7uvr,v(0[jiéviv._Gf.  Sext.,  Adv. 

Maih  ,  9,  130. 
—éTîoaat  dat.  Chr.,  87,   26  w  yA-(iù  auv£i7ï6[xr^v;  90,   19;   151,   34* 

160,  18;  5.  G.,  V,  83;2. 
-"£pav'Z(o  f/a^.  (/iJé?  destination)  B.  G  ,  IV,  422,  28;  B.  G.,  V,  22,  5. 
(it)  £7,  ^CH.  5.  (t.,  IV,  422,  28  £l  [j.Yj  Tiç  a'jTfj  xbv  è?  àirâvTwv 

Xéywv   C7uv:pav(c7£i£v;   /?.    (?.,   V,  381,   10  a — tjci   Ia  iropiaiJ.wv 

Btxaûov  ç,y.vicy.q  xivâ;. 

(ti)    EIÇ  aC.    i?.    6r.,    V,    22,    5    \).rizh    ti    coi    £VTfj6£V    £?;    £UfY;- 

jjL'av  a'jv£pa7ic:a',[/£v  ;  Ps.^  52  A. 
-£7T'.à(.)-(r)  daf.  Ch7\,  183,  15  tguto)  ;  B.  G.,  V,  37,  21. 
*^— £u^''jsps[jiG)-a)  tiJa^.  i^.  (7.,  IV,  444,  18  [j/)î  j — £Tv  toutw  G'jvaij.£Voç. 
— 2uO'j[jio)-(o  c^a^  B.   G.,  IV,  378,  27  ihjzq  OL-(^i\o\jq   c — £Tv  £-/,£Îv(;). 

Cf.  Tliem.,  Or.,  8,  102  d.  ['l'hes.  ne  porte  ce  verbe  que 

sous  la  forme  moyenne.] 
— .uvi^w  dat.  Ace,  68,  6  cpr/wv  xf,  'OXu|ji'Kta^i  a — [j.£Vc^.  Cf.  Soph., 

0.  i?.,  982. 

-£U(i)'/éo;j,ai-c;j!j.a'.  <^a^  B.  (7.,  V,  415,  13  cr — VTat  TuaTpî  ;  ^n.  Ass.^ 
"  IX,  211.  Cf.  Luc,  F.  ^.,  2,  15;  Ep.  sat.,  36,  etc. 

-Çâ(o-ô)  dat.  B.  G.,  V,  34,  18  vw  cuÇf|  i^ivo)  ;  204,  24;  206,  4;  234, 
18,  29;  371,  19;  Pat.,  916  B.  Cf.  cru|j.6i6(o. 

-Ç£6YVUiJ.'.  c?«?.  C/iA'.,  99,  18  tw  riX^pw  auÇ£uxO£TTa;  B.  G.,  V,  79,  13 
[):qipvAOLXç  /£p<Tt  auÇ-:6;aGa  ;  /*a^  ,  957  B,  1081  B.  Cf.  Arstt., 
ad  Nie,  10,  8. 

^"^-rfiiTAiô  dat.  Ps.,  93  B  a.  tw  Oép£t.  (Constr.  comme  GuvY|6àw; 
cf.  Plut.,  M.,  409  a.) 

—rfio\j.y.i  dat.  B.  G.,  V,  161,  3  to)  -kC.jj.vi'w  a — Tai  ;  172,  13;  221,  4; 
455,21. 

—Tf/icù-b)  dat.  B.  G.,  V,  517,  8  a.  txTç  Taa£at  twv  /opSwv.   Cf.  'l'ii.. 
Char.,  6;  Bol.,  2,  29,  li. 
hi'ùj,)  dut.  B.  G.,  IV.  3'.)'i.  T)  i/.£':v(;)  rj^/--(ir,\û);.  Cf.  (ieorg.  Sync, 
122  A. 

— 6au[j.a(^(i)  "^  <^^</.  /'///..  908  C  tcjt(;)  ùï  iuvfia()\j.7.'Ct  axi  c7'JYxapTép£t. 

— Ô)a6(.)  t^a^.  Pttt-,  757  D  cjvO/aSoiJ.évwv  t(ov  jc)[xaT(i)v  àAAriXo^. 
Cf.  Plut.,  M.,  427  (L  r!\  <•. 

-Ovf)ax(i)  ^/a/.  P.  G..  \\  79.  -J:^  tjvOzv^Tv  tt;  O/.r^cr/.ojcrrj  ;  P^//.,  9i:>  A. 
Cf.  Soph..  7'/'.,  798;  fr.  690. 

iO«  SÉRIE.    —   TOME   X.  4 


26  MÉMOIRES. 

(TUV 

-i7Tr^|j.i  £7.  gé)i.  B.  (7.,  IV,  424,  8  -z  /.patxa  -^jt^wv  è?  èvavxtwv  auvéjTr|/,£ 
^ùcriwv;  i?.  G.,  V,  186,  8;  538,  8;  B.C.  H.,  l,  207;  Rhet., 
V,  604,  2.  Cf.  Ps.,  152  A.  èxeiOcV  xà  Travia  cruvéaTYjxe 

■^  aTTO  ^m.  Pat.,  792  A  xà  vécp*^  auvfcrTavxat  àxc  rr^c  yy^ç  y,at 
ÔaXaacYjç  ;  1148  B. 

-•/.aXuTuxto  6?a^.  Pat.^  111  B  ocTpâxw  c: — \}.v)oz.  Cf.  Hom.,  Oc?.,  5, 
293;Them.,  59  b. 

— %apx£p£co-w  ^  dat.  Pat.,  908  G  xouxw  Bà  C7uv6a6|j.a^£  y.al  cuY/,apxép£t. 

— 7.£i[jt,ai  £/.  gén.  Chr.,  265,  26  àx  Bus^v  xoTv  èvavxisiv  ^ — [j.£voç  ;  5.  ^., 
IV,  310,  27;  B.  G.,  V,  40,  15;  Pat,,  561  A,  713  G,  800  B, 
1041  A,  1069  D,  1080  B,  1081  A,  G,  1125  A,  1149  B,  G,  etc.; 
Ps.,  118  G;  Tz.,  356;  An.  Ass.,  XIII,  275;  Rh.  Mus.,  I, 
623,  13;  624,  3;  626,  1  ;  etc.,  saepius.  Glass. 

H.£xâ  gén.  Pat.,  813  D  a-(X£voç  ij.£x'  àXXou.  Gf.  Th.,  II.  P., 
1,2,1. 

£t;  ac.  Chr..,  268,  20  èç  xoDxo  [j.aXuxa  ç — [j.£vci  ottioç  xyjv 

— /,£pàvvu[j/.  C^a/.  5.  ^.,  IV,  455,  26  xàç  iSéaç  Tuâca;  à7J.YjAa'.;  £i;  çtXiav 
c:uv£A£paaxo.  Gf.  Anth.,  11,  154. 

£/,  ^en.  B.  6^.,  V,  18,  14  éj  àjj.^oTv  xouxwv  yj  àp£XY]  auv£-' 
7i/.paxo;241,  1  ;  453,  7;  Ps.,  74  A. 

£iç  ac.  B.  G..,  IV,  455,  26  xiç  xàç  tBéaç  àXX-qXaiq  zlq  çtAïav 
c7UV£y,£paaaxo. 
— y.ivSuv£U(o  tifa^.    ^.    (r.,    IV,   334,    23    èoîixvjEV   olq    auv£y,ivouv£U£ 
xivBuv£6ovxt  ;  5.  ^.,  V,  513,  1. 

-xiv£G)-àj  (ia^  Pat..,  1068  G  a — OriaExai  aùxû  ;  P6'.,  60  G.  Gf.  Luc, 

Apol.,  5. 
—x-'pvaiJLat  *£ic  «c.  5.  (3^.,  V,  477,  16  dq  xaùxb  cjv'/'tpvâij.svx  ;  Ps., 

52  A. 

— y.Xaito  C?<^^.  5-  (t.,  V,  411,  20  xoTç  |j.£V  auY7.Aaj7o;j.ai  yAaicuGi. 
Gf.  Luc,  As.,  22;  Anth.,  9,  573. 

-xXfvw  «^a^.  C/zr.,  235,34x0  .8aatA£Î  auvcxéy.Xivxc.  Gf.  Pol.,  7,  12,4. 

Gf.   GL>VV£U(i). 

— y.oivo)véw-u)  xivi  ^én.  5.  G.,  Y,  88,  17  xwv  aùxwv  TCaiO£U[j.ax(i)V  g.; 
99,  22;  522,  24. 

xivi  *£7u(  ^e?2.  C^?\,  88,  26  g— £Tv  xô  gaaiAsî  iizi  i-qz 
xay,o)j£{A)c. 


SYNTAXE  DES  VERBES  COMPOSÉS.  27 

(7UV 

— y,oXXâ(o-w  dat.   Acc,  37,  12  wç  àTCsppr^YjjLÉva  (jiXr,  t:T;   jviaivoujt 
a— a;  PS.,  125  A.  Cf.  Luc,  Aleœ.,  14. 

*  Tcpi;  <^C.  P«^.,  1140  A  01  è[i,xa6£Ïç  xpb?  -ajxa  7 — ^Tai. 

-xopu6avTiâio-(o  ^  dat.  B.G.^Y^  506,  7  [j.y]  GpytÇc'.ô  [j.si,  £?  ;jr,  gsi  j-jv- 
xcpuêavTtw;  /Icc,  400,  11. 

— xpîvw    dat.    Chr.,    13,    18  toi;   TrpoXaêojcri  t7.  £V£CT(oTa   GDf/.pt'var; 
231,  31.  Cf.  Anth.,  12,  204;  Plut.,  C.  Gracch.,  4. 

TUpÔÇ  «C.   Ch7\.,   49,   2   JU^XplVOfJ.EVOÇ    KpCÇ   ÈXEIVOV    6    'I(oâvvY]ç  ; 

164,  16;  5.  (9.,  V,  472,  20;  P«r.,  905  B,  1173  B;  Ps.,92C; 
Afeé^.,  352.  Glass.  (Arstt.,  Rhet.,  1,  9,  38)  et  Pol.,  4,  11,  1. 

— xpoTsw-à)  èx  ^en.  5.  G.,  V,  453,  11  ib  è/,  tuXsicvwv  (TUYX£y,poTT,[;ivov. 
Cf.  Hdn.,  2,  14,  12. 

—v.pzùcù  dat.  Pat..,  792  G  a — [i.évcov  aAAYjXotc  xôv  vsçwv. 

-y.uêcuo)  dat.  B.  C.  H.,  I,  130,  1  a — aavta  tyj  ArjiJ.rjTpi.  Cf.  Hdt.,  2, 
122,  etc. 

— Xé^w  £i;  rtC.  Chr.^  187,  33  £i;  Taùib  auv£iX£Y[jivsi. 

— AOY''(^o(j.at  £7.  ^en.  Pa^.,  GXIV,   185  D  va  -zCù-^  uiyxipiùv  -x  irptoxa 
a— |jL£vcç.  Gf.  Arstt.,  Rhét.,  1,  2,  13;  Pol.,  9,  30,  8. 

— [j.apTJpéw-w  dat.  Ch7\^  107,  28  {j.ci  cu[jL[j.apTupY)a£T£ ;  Acc,  386,  8. 
— [j.a/£G)-ô)  dat.   Ch7\,  122.  32  œ — vtwv  èvuov    aùiou.    Gf.    Soph., 

Ant.,  7^0;  Ph.,  1366,  etc. 
— {j.£Yc66v(o  c^a^.  Ps.,  82  B  auvauravEi  tw  SECTroTY]  /.at  (7uij.|j.£7£6uv£'..  (Gité 

par  Thés,  d'après  Psiell.). 
-(X£i6w-ô)  c?ai.  Pat..,  897  A  auvau$:[/£Vov  y.at  a — [j-£Vov  xaT;  tyjç  jeat^vy); 

a'j?Y;a£ai.  Gf.  Eustath.,  /^.,.834,  59. 
-(XY5/avaci;.at-a)[j.at  c?«^    5.   ^.,    IV,    401,   25  zoAAà  ko    'Apyt[j.ifjS£t 

G— [XEvo;.  Glass.  (Xén.,  Cî/?\,  1,  6,  11,  etc.) 
-Ix'YV'Jjj-i  dat.  Pat.,  772  B  oià  ic  (j^^\xi\}Xyjici.^  aÙT-i^  ir;^  àvaO'j[j<(ajiv  ; 

^n.  ^ss.,  XIII,  267. 

aups..,  ^  £y.  ^en.  5.  (9.,  V,  538,  11  yj  (xéaY)  àpixovia  à?  «[j^^o- 

xépwv  To)V  ày,p(i)v  cru[j.iji[;.i7,Tai. 
-v£y.p6(.)-(ï)  c?a^  Pat.,  548  A  auvvExpwOeïaa  Xpiaiw  ;  552  A,  601  B, 

640  G.  Gf.  Anon.,  Laud.  Calvitii,  44,  19  (éd.  Miller). 
•vEuo)  dat.  Chr.y  235,  34  to)  pacriXcT  auvvEvvEuy.aai  te  y.al  auvEyixXtvxo. 

Gf.  Luc,  Anach.,  1. 

xp6ç  ac.  Chï^..,  4,  7  xb  jxpaxiwxr/.cv  àxav  cuvvejcv  e/cov  zpbc 

xb  èy.Eivou  pcuXyjiJ.a.  Gf.  Pol.,  3,  32,  7. 


28  MÉMOIRES. 

ffUV — 

-cSsùto  dat.  Pat.,  808  A,  B  a.  xw  y^Xio).  Cf.  Plut.,  Pom/^.,  40; 
M.,609d. 

-c'Ba  t(  xivi  B.  G.,  IV,  388,  24  a'j{j.'KavT£ç  cuvicraji  xo)  àvopl  xy)v  li:\  xoTç 

or/iw-w  dat.  Chr.,    27,  15  ^   auvcox-z^crev.  Cf.  Esch.,    C/i.,   909; 

Soph.,  Tr.,  545. 
— crz-i'Cto  c^a^   B.  G.,  IV,  324,  28  a — £t   xoDxov   eauxû  xoîç  àBùxoiç  ; 

5.  (?.,  V„457,  12. 
-cAicr6a(v(o  dat.  Acc,  397,  22  [j.y]  6  Xcnzhq  aùxYj  aovoXiaOYjaY)  oXy.éç; 

B.  C.  //.,  1,  318.  Cf.  Plut.,  M.,  807  d. 
—o\).iXicù-b)  dat.   Chr.^  78,   2  àvop£ç  sic  xàYw  auvw^jiXr^aa  ;  79,   7; 

J9.  6=.,  V,  64,  1;  431,  2;  444,  5;  522,  2;  P«^,  905  B;  ^cc, 

398,  19;  23,  32.  Cf.  N.  T.,  Ap.,  10,  27. 

-  o\).z\o^iiyi-(i)  t(  xivi  Chr.,  92,  33  aùxY]  a — eT  xà  irpoç  x*}]v  àpy;rjv  \  B.  G.^ 

IV,  318,  13;  327,  20;  5.  (7.,'  V,  233,  8;  234,  16.  ' 
-opy^M-G)  dat.   B.    G.,   V,   467,  14   aé  ^e  a)(j.Y)v  auvop)^ifjaaa6a(  [j.c:. 
Cf.  Plut.,  M.,  13  a  ;  Luc,  Sait.,  11. 

-  7:aO£(o-Ô)  C?a^.  Ps.,  138  C  cr — aOs  -zXçïr.izoiç. 

--afÇco  <:/a^.  5.  6^.,  V,  64,  2  Bspa^raîvaiç  auvéTuat^s.  Cf.  Soph.,  0.  /?., 

1109. 
—Travrj'/upiCw   cl!a^.    Chr..,    246,   30    ai>[j.7i;avY)Yupi^£i    xcTç    ^aaiXsuouat. 

Cf.  D.  H.,  4,  25.  Plut.,  Demetr.,  25.' 
— TiapsBpsuw  c^a^  Pa^.,  868  A  àXXct  àAXoiç  a — criv.  Cf.  Luc,  3,  268. 
-tAt/jù  b.  g.,  V,  410,  23  xw   ppé^si  auvénaa/ ov  ;  454,  28;   Pat., 

'  617  D  ;  Ace,  409,  12;  0.  C,  :.^5. 
— TCevÔéco-o)    dat.    B.   G.,    V,   366,    '22    Tva    y.at   àY]p   au|j.7U£vOYi    \j.oi. 

Cf.  Esch.,  C/i.,  199. 
- 7:£paiva)(xi)  elç  ac.  B.  G»,  IV,  315,  16  èç  xoOxo  xoùç  Xo^ouç  èxEtvwv 

au[j.7:£pavavx(i)v  ;  i?.  (9.,  V,  148,  16.  Cf.  Nicetas,  Ction.,  3  d. 
"^  èv  dat.  Pat.,  817  A  auveTuépavav  xy]v  xoXaar^  èv  xpivw. 
ex  ^en.   (concludere   ex)  Pat.,  CXIV,  185  D  èy,  xwv 

xpoxépwv  xà  0£ux£pa  xyj  (pûaet  a — [jl£voç.  Class. 
— 7uéxoiJ.ai  ûîa^  C/ir.,  265,  8  xoiç  y^P*^^^'?  au[j.'jréx£C76at.  Cf.  Philostr., 

Imag.,  812,  /?n. 
— XYjyvuii.i  èy.  ^én.  B.  G^.,  IV,  309,  8  è^  biiikiù^  eiSôv  aL>[j.7C£'jïYi*fa{J.£v  ; 

5.  6?.,  V,348,  17. 
— -KiTTxo)  cZaif.  Chr.,  40,.  2  Tcivxa  auv£7:£7cxo)y,£t  aùxto  xà  Sua/Epr;  ;  Pat., 

857  B. 


SYNTAXE  DES  VERBES  COMPOSÉS.  29 


— zXéy.(ji)  dat.  Pat.,  661  D  a»  /.ai'  £7:i6u[/''av  xw  TCOVYîpw  a — {j.evai  ; 
821  A,  1036  A. 

^  Siâ  ^^n.  Pat.^  736  B  au[X7r67:X£YlJ'évY)  Bià  iroXXwv. 

— TCvéo)  6Za^.  C/i/\,  117,  10  ''va  aÙTO)  aï  paaiXiBeç  au^j.Trvéwat  {sic  leg. 
pro  7U{j,7UV£((»)ai). 

— 7:oA£y.é(o-ti)  zivi  y,aTx  r/^n.  Chr.^  211,  4  y.aià  twv  ^apêàptov  tw  PaaiX£Ï 
ou{ji.7UoX£i/.Y;aovTar . 

— z2p£joiJ-ai  dia^.  P5.,  145  G  où/l  Ti^aYtotç  a — aôai  ^Xâvicv. 

— -TrpaacTa)  rfa^.  fî.  G.^  V,  176,  lO^o^Xà  loÛTto  /.al  tôv  y.oivwv  juvéTipaEa. 

-péTuo)  dat.  Pat..  616  A  àXXY)Xoiç  cr-viaç.  Cf.  Pd.,  iV^.,  3,  119; 
Arislot.,  1,  12;  Plut.,  Phil.,  11. 

— pocTUTo)  "^  £i;  ac.  B.  6^.,  V,  403,  24  èç  àaxbv  tc'jç  àv£[;.cu«;. 

— péo)  «îa^.  -S.  6^.,  Y,  513,  27  tcT;  '?)iJL£-£poiç  auv£ppur,y.6T£ç  auYYpa[j,|j,aji. 
Cf.  Luc,  Herm..  86. 

£Îç  ac.  ^CC,  37,  2  £iç  TY)-"  [j.sYaXyjv  cuvsppu-^^y.aat  ÔàXaTxav. 

xp6ç  rïc.  ^.  (t.,  IV,  316,  21  tcO  Travxb;  [j-épcuç  r^^^oc,  èy.£Tvsv 
(7uv£ppuY)y.6Tcç  ;  Pi'.,  74  G.  Glass.  (Xén.,  //^//.,  2,  3,  18). 

-  cry.£uaÇ(j)  xi  /.axa  gén.  Chr,.,  38,  13  xbv  xax'  ocjxoî)  au!7y,£uaî[c(jL£Vov 
^i-^cL-zo^  0L%vm\\i^y.^.  Gf.  Plut.,  Artaœ.,  18. 

— T/.tpxâo)-o)  *  ^af.  5.  (?.,  V,  412,  1  xo)  v£CYiXw  (7. 

-ffxato-o)  c^a^.  commodi  Chr.^  110,  15  aùxà  xfi  è[jt,Y^  cuvEfficafftJcpLr.v 
(tuxf)  pour  mon  âme. 

— axaup^M-o)  dat.  B.  G.,  V,  -^150,  16  b  Xpiaxcç  ('•>  ;:uv£axa6pto[j.at  ;  Pat.., 
616  G,  D;  652  B.  Gf.  N.  T.,  Marc]  15,  22;  GaL,  2,20. 

-~ax£A/(i)  £tç  TifC.  -G.  6?.,  V,  515,  21  elq  ^pT/yicn'^  ^iacpop:v  xb  -rX-^Ôcç 

!Tuv£ax£'.À£  x(T)v  T^Otov  ;  Pr/i.,  861  B. 
TTpGç  rtr.  P.S.,  81  G  6  voOç  auvéaxaXxat  lupbç  xy;v  B6va[j,tv. 
-cjxpax£6(.)  dat.  Chr.,  203,  29  xivà  tô,v  ^—\).bnii'^  i\).oi\   249,   22; 

B.  C.  H.,  I,  131,  10. 
-7xpaxY)Y£(i)-ô)  rf«^.  5.  G.,  IV,  400,  27  auv£axpaxâYY]c7£  axpaxr^^^Tç. 

Gf.  Str.,  6,  114. 
—jxpécpa)  £iç  ac.  P5.,  79  B  £?<;  èa-jxb  Œujxpa^év. 
-jçatpcw-G)  rfa^  Pa/.,  785  D  xy^  yy^  y.a'i  a^xb  a— îj.£vsv.  Gité  par  Thés. 

d'après  Psell. 

-a/ra^-af^'^w  rfa^  Pa^,  557  B  xf^  /pda  a— [j.£voî.  Gf.  N.  T  ,  Rom., 
\2,\\\Petr.,\k.  '       . 


30  MÉMOIRES. 

auv — 

-axoXâÇfo    dat.  B.   G.,  449,   18  Scw.    Cf.   Ath.,    168  a;  Plut., 

Dio.,  17,  etc. 
— TaAai7:(jûpé(o-â)  dat.  B.  G.^  IV,  346,  6  TaXairtopouiAÉvou  cuvcxaXat- 

xo)p£i.  Cf.  Aret.,  Caus.  m.  ac.^  2,  2. 
— lâaaa)  C?a/.  C}l7\^  125,  23  toutoiç  a'JVTSTayijivoc. 

et;  ac.  Pat..,  928  A  Tobç  voixr/.cùç  a.  cl;  piéXiov.  Cf.  Plut.^ 
ac.,30. 
Tupéç  ac.  5.  (7.,  V,  453,  15. 
iy.gén.B.  G.,  V,  453.  15. 
ây.  gén..,  %pô<;  ac.  B.  G.,  V,  453,  15  èv.  oiaçcpwv  zpsç  ts  ajxb 

— TeAé(i)-a)  c?a^.  (faire  un  sacrifice  avec  quelqu'un)  Chr.,  58,  20 

01   èy.ElV(p  (T'JV'U£T£X£/,CT£Ç. 

(contribuer)  £iç  ac.  B.  G.,  IV,  327,  23  to-jto  auvTsXéast 
£tç  h{y.tù\tio\)  u:r6B£atv;  5.  6r.,  V,  22,  7.  Cf.  Arstt.,  H.  A.^ 
3,3,  1,  etPhil.,  .SoZ.,  20. 

TCpiç  ac.    C/27\,  34,   10  t(  àv  œuvteXoî*/)  rpb;  xbv  Oeïov  xr^ç 
cja£6£iaç  cxcxcv;  ^?i.  Ass.,  XIII.  253.  Cf.  Arstt.  G.  A.^  1, 
12,  et  Plut.,  Lyc,  25. 
— xiÔYjixi  XI  dat.  Chr.,  103,  19  xctç  7:pbç  èy.îTvsv  £Y/.o)[j.(oiç  xoù;  uTiEp 
aùxou  Xô-'ioMq  ?!Jvx£G£i7.a  ;  225,  31. 

EX  é^en.  Pa/.,  545  A  âÇ  eGvwv  auvExéOr,  ;  696  B,  1141  D; 
Ps.,  66  B;  Par.,  144,  14. 

"^  £7u(  ac.  C/^r.,  35,  16  àXXo  èx'  àXXo)  cuvxiGeiç. 
-xp£/a)  rfa^.  Pa^,  1184  B  cuvBpajj.wv  xpoaopaacvxi. 

£1?  ac.  Chr.,  190,  26  è;  xaùxb  7uv§cûpatj.r,yix£;  ;  5.  (t.,  V, 
155,  30;  Pat.,  929  B.  Cf.  fr.  Thés.  (Athen.,  10,  454  c). 

TTp6c  ac.  B.  (7.,  IV,  446,  31  £t  xàXXa  c7uvBpà{j.ot  r.çtcq  dcpExf^ç 
£ÙSox'V,aiv ;  5.  6^.,  V,  297,  19;  Ace,  36,  23.  Cf.  Hdt.,  I,  53. 

-xuyyivo)  dat.  5.  ^.,  V,  411,  9  cpfXo'.ç  GUVX£6^ciJ.ai  îXapa  xfj  ^vwij.y]  ; 
^  Pat.,  832  A. 

-xupavvéco-u)  ^  dat.  Acc,  42,  4  iy.Eivw  7 — £Îv  eÏAexo. 

-u^l^éco-w  c^a^  Pat.,  617  D  cruvutl^oSeY)  xoi  Xpiaxw  ;  652  B   Cf.  Cléni., 

780. 
— çépo)  (^a^.  Pa^,  876  A  eI'  roxé  aoi  auvEVsyÔEiYjij.ev. 

Eiç  ac.  C/ir.,  16,  11  xavxa  èç  xaùxb  (S2C  /C^.)  cjuvEvr^voxo);  ; 

107,' 10,  18;  5.  (?.,  V,  224,  5. 


SYNTAXE   DES   VERBES    COMPOSÉS.  31 

auv — 

'J7C£p 

— 9=67(1)  dat.  Chf\,  145, 10  (tw)  ©jycvti  rj[j.âé9£UY-  ''  y-^t  cJUY*/.a-é9UYïV. 

Cf.  Hdt.,  4,  11,  Eur.,  P/i.,  167). 
-^Ostpo)  dat.  Pat.,  1049  D  cr— lai  aiJio>. 
— cptAoaoçéw-ô)  T'.vi  Ti  5.  G.,  IV,  444,  12  a — £Îv  toutw  là  ty^ç  ojaiaç  ; 

/W,  20;  ^.  G.,  V,  49:,  11.  Cf.  Str.,  757.  ' 
— (ppovTiÇa)  c?a/.  C/i7'.,  205, 19  xwv  (7U[j.(ppov-cc7avT(i)v  ajT(5.  Cf.  Syn.,  23. 
— '^6pw  dat.  B.  G  .,  V,  541,  15  d  y.al  xr^  iXJï  a'j[j.7U£çupY]Tat  ;   Pat., 

833  G  ;  Glass.  (Plat.,  Phîl.,  51  a)  et  cf.  Diosc,  2,  26. 
-cîùfo  dat.  B.  G.^  V,  270,  1 1  au^j^Tré^uxa  ty^  <^u/y^  ;  529,  12  ;  Ps.,  77  B, 

83  A. 

£7.  ^e^^.  B.  G.,  V,  71,  30  iv.  twv  7:poy.ap7u(cov  ^axtuXoi  a'j[X7U£- 

9U7iT£ç.  Cf.  Th.,  P/.,  4,  12,  3. 
— çcov£(o-w  6/a^.  -fî.  G.,  IV,  354,  7  irûç  av  ô  p.ovaBr/.cç  /Sicç  tw  y.pyi=zoL' 

Ttxw  au[jLcpcûVYjaei£V. 
-/^aipw  cZa^.  B.  G.,  V,  307,  14  cùriaipi  i).zi;  411,  21;  Pa^,  GXIV, 

208  A. 
-Xop£Ûo)  *  dat.  P5  ,  80  B  g—zi  èy,£iva)  ;  Pat.,  GXIV,  208  A. 
— y(op£o)-w  Tivî  Ti  C/^r.,  67,  35  a-uY/top£T  xaùrf]  xr^v  irpbc  ajxbv  ciacSov  ; 

107,  26 ;  Ace,  398,  34  ;  73,^  30. 


'YREP— 

-dYaiÀai  ac.  5.  (7.,  V,  522,  3  ts  rfizq  bizipr^yda^^.  Gf.  EL,  F.  H., 

12,1. 
-  aYaTCaw-o)  ^^n.  Cfir.,  230,  8  (atjibv)  twv  àX7>(i)v  u.  Gf.  Jos.,  ^.  /., 

12,  4,  6. 
— aYwvtÇo{jLat  gén.  Pat..,  613  D  ociioD;  628  D  'jravTs;  y.aXo'J  G — jOjcu 

Gf.  App.,  C/î;.,  1,  96;  Jos.,  B.  J.,  2,  12,  7. 
— ai'pw,  ai^  ps.,  gén.  B.  G.,  IV,  379,  14  iracYjc  uTcspapOeic  96j£a)r  ; 

B.  G.,  V,  535,  6.  Gf.  D.  S.,  20,  91.        ' 
-ay.cvTtl^o)  ac.  (xt)  Prt^.,  904  A  x?;v  Ar|iJ.oa6£vr/.Yîv  Y^'^jxxav  u.  Gf.  Ar., 

PI.,  666. 

xiva  xtvi  B.  G.,  IV,  403,  26  xw  otà  iiâvxfov  èXOEÎv  xoù;  ojxw 

5i£Ar/AuOsxa;  jTUEp'/îxcvxias.  Gf.  Ar.,  Av..,  363;  Luc,  /nd,  14. 
-àAAoïj.ai  <7m.   C/ir.,  80,  21   xou  àîâ-^pou;   'j^[j.£vc(;  ;    Ps.,   162  A. 

Gf.  Honi.,  P.,  5,  138;  0pp.,  H.,  3,  103;  El.,  N.A.,  12,47. 


32  >  mémoire's. 

'JlT£p 

ac.  Chr.^  7,  23  aùiriv  ttjv  ôiXaaaav  ;  109,  2;  218,  8;  An. 
Ass.,  IX,  221.  Cf.  Hom.,  IL,  20,  237  et  class. 
— a7:oXoY£0[j.at-ou[xai  ^dn.  Chr.^  189,  29  twv  aujTpaf/jYwv  uTïepa-oXo- 
7r;aaa6at  èxetvou  £7cr/.£x,£tpY]/.éxa)v  ;  /Icc,  389,  3,  15;  416,  19. 

Ti  Tivoç  iy.  (?.,  IV,  396,  29  oùx  l/co  5  xt  Û7r£pa7coXoYY)ao[ji.ai 
Tou  àv^pcç;  5.  ^.,  V,  205,  6. 
^^-apTàto-ô)  Trpcç  ac.  Pcl^.,  797  B  ux£p'^pTiQTai  r^çto;;  Yj|;.aç  6  P6p£ioç 

TUOXOÇ. 

-6a{va)  ac.  Chr.,  162,  3  £6§o|XY)%oaTbv  U7:£p5àc7a  Itoç  ;  174,  28;  Pa^., 

943  B;  PS,  143  G. 
— 6àXAa)  ac.   Pa^.,    901    B   twv  aoçiaTEuaâvxwv   irapa6aX£Tv  ;  905  B; 
^cc.,36,  3. 
dat.  (xiva  Tivi)  Pat.,  901  B  èxdaTOu  iraai  -Trâviaç  u'7:£p6aX6vTO;;. 
aumoy.,  ac.  Chr.,  118,  33TCaaav  çùaiv  uTCep£6aXX£T0  àpp£va; 
223,  29  ;  234,  17. 

— eXauvd)  Ttvà  (xt)  "^  £Ïç  xi  Pat.,  565  A  yf^v  xaaav  u';:£pYjXaa£V  eiç  xyjv 
Yj5u6oxp6av  uvae  suavitate  ceteris  omnibus  regionibus 
antecellit. 

—BJjyo^M  gén.  B.  G.,  V,  262,  13  xr^ç  ï^%q  br.s.peù'/ri  Cwvjç-  Cf.  Glém., 
p.  868. 

-é^w  ac.  Pa^.,  685  G  u.  xà  y.oTXa  ;  805  B. 

gén.  Pat.,  661  B  0.  xwv  ItiI  yy^ç  àvBpwTUJov. 

— /j/^éw-u)  ac.  B.  G.,  IV,  419,  25  aaATrrf?  xàç  àXXaç  u7i£pY)XY;c7affa. 
Gf.  Arstd.,  1,  123. 

-iBpuo)  gén.  Pat.,  1152  B  u — [aevoi  xwv  ôeûv;  0.  C,  18.  Gf.  Dionys. 
Areop.,  De  dîv.  nom.,  2, 10,  p.  532(66?.  Antv.,  de  Ghristo). 

— iTTxatJLat  ac.  Pat.,  656  D  xoùç  vo£poù<;  oçôaXixobç  xy^  ày,axaX'/jt]^ia  u — [/.at. 
Gf.  Hom.,  //.,  13,  408;  Od.,  8,  192;  Soph.,  Ant.,  113. 

gén.B.  G.,  Y,  408, 11  uTCpiTïxajjLai  xwv  X£t[xo)va)v.  Gf.  Ghor., 
153,  23. 

— x£i{Aat  ^^n.  r/îr.,  215,  28  b — cOai  xr^ç  xûv  xu^^axtov  e^rtppoY^ç  ;  Pai^., 
588  D,  597  A,  645  A,  649  A,  B,  lUlB,  1157  G;  Pat., 
GXIV,  120  G. 

xivo?  ^  e(q  XI  B  G.,  IV,  304,  20  xb  u — aOai  xwv  £7:iaY][Aoxép(i)v 
£tç  àp£X-r;v. 

— -/.ukXo)  ac.  Pat.,  549  B  èv  xw  xy)v  èxt^àvetav  xwv  alo-ôrjxwv  u'ji;£px64'at. 
Gf.  Plut.,  Lyc,  15;  them.,  293  b. 


SYNTAXE   DES   VERBES   COMPOSÉS.  33 


'jTuep— 
inzo — 


gén.  Ch}\,  182,  32  twv  xâvxtov  G-Ep-Au^ai  \  B.  G.,  V,  539, 
24.  Cf.  Luc,  Luct.,  16. 
-cpâw-o)  (7^w.  B.  G.,  IV,  379,  19  irivitov  uTispiotov;  Pa^.,  665  B, 

905,  F^,  D;  Ace,  411,  11. 
— Traui)  â!C.  5.  C.  H.^  I,  129,  9  tojtcv  tov  àpiOjj.cv  [xu0£u6|j.£v:'.  j — sl. 
Tivi  Tivi  (surpasser  quelqu'un  en  quelque  chose)  Ps., 
75  B  èvtcu;  u— £1  Tfj  /apix^  Class.  (Dém.,  1217,  18). 
-TtY)Bd(o-w  ac.  CUr.,  141,  28  ty5v  Ta^puv  u— vt£c;;  5.  6r.,  V,  49,  27; 
Ace,  36,  4;  ^>z.  .455.,  IX,  222.  Cf.  Ar.,  Vesp.,  675;  Luc, 
Ind.,  7. 

*  gén.  B.  G.,  V,  539,  "^Q  ^pay^u  ti  toj  àépc;  jttepskV^^tsv. 
— a-ou$aÇo)  ^  gén.  Ace,  41,  13  y.àv  luavj  tiç  èy.Eivou  u — £tv  iOéXci. 

— Tsivco  «C.  -5.  G.,  IV,  304,  11  'j7:£pT£(v£i  xbv  }v6y2v  tû  ty^;;  àp£TYiç 
HiTe6oç.  Cf.  Arstt.,  iV/c,  3,  1,  7. 

ai*  moy.,  gén.  Ps.,  124  A  oiav  -r;  çi^ay;  tt^ç  èvavi'ia; 
0 — T£'>/]Tai  (52C  /^^.  /?ro  'jkîv.t.)  lorsque  la  phalange  déborde 
sur  la  phalange  opposée  ^  Cf.  0-£p£XT£ivG). 

-t''6y3[j.i  int.  *  gén.  B.  G.,  IV,  420,  26  xw  cuva[/£i  toj  \hftv)  tôW 

àXXtOV  UTUEpcTlÔElÇ. 

-oaXaYY^'Ç^    *  ac.    P5.,    124  A    oiav    icî;  B-jal   xépaji   T7)v    èvaviiav 
uâ^pcpaAa-fYic'f).  Vid.  Thés.,  art.  •j7:£p9a>.aYY£a). 

-(pp2V£a)-a)  ^én.  P«^.,  537  B  tcutwv.  Chiss.  (Eur.,  Bacch.,  1326; 
Ar.,  iVtt^.,  1400,  etc.). 

<p(i)véu)-u)  ac.  B.  G.,  V,  480,  8  oaa  tyjv  cpuaiv  u'jr£p£9a)VY)aav.  Cf.  Luc, 
i2/i.  ;?raec.,13;Philstr.,  194. 


'Yno— 

a^xcoviÇo)  Ti  Ttvi  P5.,  149  A  ty;v  yv.ç>i  ty;  Yvaôw  u — vteç  sôulenii 
de  la  main  son  menton.  (Constr.  analogique  de  'j7:oti6y;{x( 
V.  Tivi.)  Cité  par  Thés. 

-iv^o  TTpfç  ac.  Ch}\,  101,  33  o(  \j.h  T.pzc  xb  irpa^^xa  uttyjyov. 

aiv(aao;jai  B.  G.,  V,  132,  23  tcDto  yj  à/voyoç  j — xai  ;  Pat.,  625  A. 
Cf.  Dém.,  348,  6,  et  Plut.,  Rom.,  8. 

1.  Cf.  Gemoll,  Leœ.  de  Xénophon,  HelL,  u::ecTe(v£^Oai  xo  x^pa;. 

lO»  SÉRIE.   —   TOME   X.  5 


34  MÉMOIRES. 

UTCO 

-aipéw-w  gén.  An.  Ass.^  VIII,  210,  8  tov  ^t^  tyjç  àp/^Y^ç  ha^zXô^vioq. 
-TAOùtù  dat.  Pat.,  880  D  xoiç  y-V/iTopaiv  0 — atv. 

gén.  Pat..,  597  G  y.xXsaâo-Y)?  [j,cu  toOtov  Tupbç  à7:6Xauaiv,  ou/ 

'j7:'/jx,oua£V  ;  600  A. 
-avxao)-^)  c?ai.  C/ir.,  69,  25  loaTTcp  Ôeû  u7uavTY]a£iv  {jiXXovTe;;  ;  100,  35  ; 

B.  G.,  IV,  365,  21;  447,  28;  B.  G.,  V,  576,  3;  577,   10; 

/Icc,  42,  21. 
ac.  B.  G.,  V,  577,  8  (dans  un  texte  en  langue  vulgaire) 

uâY;vr^a£v  ty)v  'AêiÇcu  lyz^jQT).  Tour  byzantin.  Cf.  Appian., 

C/î?.,  5,  45. 
-avua^c.)  dat.  Chr.,  91,  6  u— atv  aiioTç.  Cf.  Pd.,  P.,  8,  13;  Eschl., 

Pers.,  834. 
-apy/o  ^en.  Pa^.,  705  G  rîiç  Oeiaç  [xcipaç  u.  ;  etc.;  saepius. 
— 6aîvioac.  r2:.,349, 15  5  à'r]p  tû  Tuup  j-oêiêr^y,!.  Gf.  Theodoret.,  4,  155. 
— 6Xé7:o)  ^  Tivi  Ti  ^.  (t.,  V,  53,  21  0 — cusa  \xoi  tyjv  ô[jMXfav. 
-Ypaij,[AaT£6to  dat.  Chr.,  82,  24  t(o  [^aai^sT;  98,  14;  235,  12. 
-Sù(o  ac.  C/ir.,  14.  13  ojtco;  uzéBu  ty;v  aréYYjv  ;  257,  27  ;  Pat.,  837  G, 

848  G,  856  A;  Ps.,  89  G.  Cf.  Hom.,  Od.\  4,  435;  5,  481  ; 

Plut.,  Thés.,  6. 
-£ix(o  dat.  Chr.,  243,  26  j.  aùif^  ;  ^.  (9.,  IV,  410,  11  ;  Inv.,  223. 

^  7:p5ç  ac.  C/ir.,  136,  14  r.çtoq  xà  £X£ivcov  u.  (;iouX£U[j.aTa. 
—v.\).\  (et  -  £p/c(j.xO  ac.  B.  G.,  V,  510,  31  u7:£X0à)v  xcv  to5  Kupfou  Çuycv; 

Pat.,  CXIV,  196  D.  Gf.  Hom.,  Od.,  5,  476;  12,  21. 
— £07C(o  ac.  B.  G.,  IV,  319,  30  Xav6âv£t  xtc  Gsép-ouaa  xà  Ivocv  y£tpicr^ 

aiàÔ£c^.  Cf.  Eschl.,  Ch.,  464;  .4^.,  270;  Philslr.,  500. 
-Ô-rjYw  £1?  ac.  Pat.,  848  G  £1^;  £[jt[j.av£tc;  £p(OTaç.  Gf.  Suid.,  siib.  v. 
-vq\)A,  inir.,  gén.  Ch7\,  244,  24x7);;  à'/.pi6=iaq  b<^f,v.s.. 
— iaxY]|j.i  (subjicio)  "^^cyi. Pa^. ,616  A y,axà  xàç u!p£C7xÔJx7;  auxwv  Buvâjjiîtç. 
(nasci  ex)  âx  ^c^.  Pat.,  556  G  è;  r^ç  y;  àxoXaata  u  — xai. 
a^^  moy.,  ac.  Pat.,  816  A  £7ïI  axaupou  xr^v  véxpwa'.v  'juoaxa;. 
— y.£i[j.ai  (^a^.  C/ir.,  108,  23  àXXai  p.aÔYjcrs'c  xauxaiç  'jTCix£r/xat  ;  199,  9; 

Pa^.,  916  A,  928  B;  Ps.,  160  B.' 
— -Âivéw-ÔL)  *  £-î  ac.  C/ir.,  88,  5  ï\)k  |jpa-/uc  xiç  ix'  £a£Tvov  'j7U£xtv£t  6u[j.5ç. 
-yXiK^dat.  Ps.,94G'j — £ixw  TCcS£y.£X£uovxLGf.  Nonn.Dion.,43,47. 
— -/.)a'va)  dat.  B.  G.,  V..  526,  2  xy]  xoj  xay.cîj  ^eu^Xy]  xbv  xpayj^Xcv  0 — vxaç  ; 

Pa^,  588  A;  ^cc,  409,  16.  Gf.  Hom'.  Od.,  5,^463;  Anth., 

9,71;  Orph.,  ^4r^.,851. 
-[jivw  (sustineo)  ac.  Pat.,  1144  A  u.  xyjv  Suva^xtv. 


SYNTAXE  DES   VERBES   COMPOSÉS.  35 

uiro — 

—'Ki[j.'Kkriit.i  au  ps.,  gén.  Chr.^  31,  28  Oapacu;  br.oTÙ.ricdziq.  Cf.  Plut., 

M.,  289  a. 
gén.  de  la  chose  dont  on  est  rempli,  ac.  de  la  partie 

remplie  CJu\^  9,  11  ay.cTcu;  uTwO-XoaOévTa  ty)v  y.E^aArjv  ;  157, 

10;  231,  18.  Cf.  Luc,  de  inar.,  12,  2. 
-xiTîKo  "^Tzpoq  ac.  Chr..  73,  11  -z  Tzpôq  xtva  uTTO'Ke^rTwyiç  le  fait  d'être 

tombé  sous  la  dépendance  de  quelqu'un. 
— TUXYjŒJco   ac.   Chr..,  125,  26  Tuavxcov  ÛTro-ir^ravTfov  èzEivsv  ;   126,  8. 

Cf.  Eschl.,  P/\,  960. 
-péo)  rfa^.  C/ir.,  6,  9  O-oppsou^aç  aÙTo)  xàç  skrcioaq  cpwv.  Cf.  Eur., 

/•/\  499,  5. 

dq  ac.  Pal.,  1153  G  et;  xc  ciwOb^  û-eppur^  TcâOoç.  Cf.  Plut., 

iV2C.,  1. 

-(jTzd(ù-bi  "^  6^a^.  C/^r.,  142,  31  'Ii(X[j.[lou  'wKoaTzoLGOdrqq  aùxô.  Mais,  sans 

doute  corr.  b-cTraaOEiŒ-^;  (Bury). 
-avqpi^iii   (sustineo)    ac.    Pat.,   605  B    uTrsjxYjp'^av    Xptjxoj    xy;v 

'Ey.y>r,7{av.  Cf.  Theophyl.  Sim.,  //«s^.,  109  d. 
— crupéço)  "^  7:p6;  ac.  Chr..,  143,33  r.pbz  xcv  yipcc/.x  G — atv;  Pa^,  804  G 
£701  ac.  Chr.,  68, 10  è-t  xyjv  eir}]  vbrccrxpé'l^a;.  Gf.Hdt.,4,  140 
— axp(I)vv'j[j.i  (Za^.  Ch)\,  12,  9,  34  UKCJxpwjavTsç  koLUzouq  xw  XlxXvjpw 

Gf.  Eur.,ire/.,  59. 
-xcxjaw  rfa^  P5.,  73  A  u — [j.îvgv  xc  i  à[j.'^c-épo',q.  Gf.  PoL,  3,  36,  7 

Plut.,  Luc,  etc. 
— x(6Y][j.t  XI  ofa^  5.  6!=.,  V,  323, 12  oiov  [xaYi^iov  uTuexéOr^v  xcïç  çQ^yy^^? 

Pa^.,  616  A  ;  An.  Ass.,  XIII,  261. 
-xpé^co  (praetercurro)  ac.  Pat.,  1076  B  (2)  G7:o5pa|X5î)(ja  xcv  vcyjxcv 

(p(079cpcv.  Gf.  Héliod.,  8,  16,  403. 
— ^lovéw-w   *  £tç  ac.  Pa/.,  848  A  elq  xb  xoD  ày.o6cvxcç  eu;  ({;tOup(Ç(ov 

— /aXaw-w  /7C?^.  -B.  6^.,  IV,  417,  14  OLzpi\).x  u-cyaAa  x(ov  cejfj.wv  xr;; 

svwaeo);;  5.  (?.,  V,  221,  9.  Gf.  EL,  N.  A.,  12,  46. 
— /wpéw-w   xivi    xivcc   C/ir.,    200,    12    sy.aaxcç    uTre/wpîi    Oaxépco   xy;; 
oiaX£Ç£0)ç.  Gf.  Ar.,  lùm.,  790. 

*  ^én.  c?e  ^a  personne  B.  G.,  IV,  325,  17  uTrr/wpYjcrav 
aÙTcu  céder  la  place  à  quelqu'un. 

gén.  de  la  chose  B.  G.,  IV.  375,  23  xcu  Opcvcu  b — Yjaai; 
376,  24  ;  410, 10.  Gf.  Plut.,  Apoph.,  237d  ;  Greg.  Naz.,  etc.; 
vid.  Thés. 

ird  ac.  Chr.^  237,  26  li:\  xy;v  [J.OY^^'/  j—zÏ. 


36  '  MEMOIRES. 


11.  VERBES  COMPOSÉS  AVEC  DEUX  PRÉPOSITlO^iS 

I.  ier  élément  :  'ANTI— 

'ANTAN(A)— 

-/.Xâoj-(o  Tzpiq  ac.  Pat.^  796  A  à — xat  yj  ^^^zxio&.  c^J^iç  'Kçioq  tov  '?(7aov  ; 

PS.,  60  B.  Cf.  Jos.,  ^.  /.,  8,  1,  3. 
•{(TTY][j-i  *  :rpcç  ac.  B.  G.,  IV,  331,  1  r^fzq  rr/;  twv  7:aOGJv  àviavéaiYj 

cpcpav. 

'ANTAnO— 

-zpivo[j.xi  ^  Tiva  Pat.,  568  B  à.  xbv  vj[x^(cv.  Thés,  renvoie  bien  à 
Psell.  {loc  cit.,  in  Can^  Catit.,  1,  15)  mais  pour  le  sens 
seulement,  sans  citer  le  texte. 

*  7:p:<;  ac.  Pat..,  685  A  yj  v6[xçir|  à — [j.irq  zpoq  tcv  vujj.^îcv. 

'ANTIAIA- 

■(jziWiù  Ti  c?a^.  Pat.,  1057  D  à.  i-V;  uXyj  xat  auvOéio)  ç6a£i. 
Cf.  Sexl.,  P.,  1,  9. 

'Kpôç  ac.  Pat..,  1009  B  ri  Ypaç-}]  icpbç  xyjv  oiy.r^v  àvii^iéaTaXiat  ; 
1073  G.  Cf.  Schol.  Hephaest.,  p.  1. 

'ANTEI2— 

-v.[JA  ^TTpo;  ac.  Chr..  69,  5  izçibq  aùxà  (là  hiy.zopOL)  à— y)£1. 
çépo)  ^  Tigén.  Ps.,  142  A  è'to;  Bs  xîvcç  eux  àvTciasvéYy-^û  "^^  axOicç  îr.ç 
YXwxrrj;;  ^cc,  398,  14. 

'ANTEN— ,   'ANTEM— 

-6âAAoj  T'.  ^ci/.  C/ir.,  265,  15  Ac^otç  à— £i  Xc^cuç;  Ace,  414,  7. 
Cf.  Th.,  ZT.  P.,  9,8,  7. 

'ANTEK— ,   'ANTEI— 

-TaCo)  T'.  rf^^^  5.  (9.,  IV,  432,  30  à'/.^loïc  oc—ixvki.  Cf.  D.  H.,  VI, 
754,  7. 

T.poz  ac.  Ace,   385,    11  ïrj.  r.pzq  i/.v.vy.  zzhz  iwv  aîpsGEtov 
Ai^cu;  à— Çr^-E.  Gf,  Plut.,  iV/.,  65  b. 


SYNTAXE  DES  VERBES  COMPOSÉS.  37 

'ÀNTEn(l)- 

— aivéïo-fo  ac.  Pût.,  568  C  à — aaaa  y;  rj\).o'q  ibv  vjjj.^tov. 

-pouXsùo),  «c^.  et  moy.^  ^dat.  Chr.,  75,  17  fepoç  Oa-épo)  à— si  ; 

192,  17. 
— o£iy.v'JiAt,  au  moy.^  dat.  B.  G.^  V,  190,  6  el  \).ri  cpopiixoç  ujj-tv  B6?a'.[X'. 

Tw  T£x,vix(i)  à — |;-£vo;.  Cf.  Plut.,  Ant.,  <?3. 
**-yAa{o)  dat.  Chr..,  228,  5  rT]  [).'/)-:?{. 
— xXjCw  Ti  ^.   (t.,  V,   385,  15  y.av  aj-rb;  cXy]  ce   àvTS'Kiy.Xujto  "kT^yt^. 

Cf.  Nicet.  Eugen.,  9,  34. 
^^-TzXr^actsidat.  B.  G.,  V,  486,  11  à— vtwv  àWr^Xoi:;. 

ANTIKAT(A)-  (-KAO-) 

—rt\)M  dat.   B.    G.,  IV,   345,  4  à—\j.=vzq  tw  csaxoTY].  Cf.   Xen., 

Hîpparch.,  8,  20. 
— (air^ai  ac^,  Tt  c/a^.  P5.,  81  A  à — et  xb  [jixpov  Ty;ç  "rjiJipx;  tw  ty]; 
vuy.Tcc;. 

moy  .,  dat.  Chr..,  250,  31  toÎc  èvavT'c-;  à — aOat;  255,  21; 
B.  G.,  V,  113,  19. 

xpcç  «c.  C/ir.,  257,  4  à — xai  irpcç  xojxcv. 

'ANTinAP(A)- 

^*— /.ivé(o-w  ^en.  Chr..,  51,  17  xôiv  ScSsYt'*-''^''  dcvxirape/.îvîi. 
—t\\i.\{e{—iç>/o\j.cLK)dat.  Ps..,  123 G  oxav  ::avx£;  âvxticapéXCcojiv  aùxw  èr' 

(xjTTiîa.  Cf.  Olympiod.  (Cousin,  /.  des  Sai\,  1835,  p.  149). 
-/(opéw-w  cia^.  B.  G.,  IV,  310,25  à— vxe;  oiXXt^Xok;.  Cf.  Basil.  M., 

tJO/.  2,  ^.  70  E. 

'ANTIHEPI— 

-àY(o  ??2^t/.   ^5.,  (/a^.    i?.    ^.,  V,   473,   5   à — [jm   x(o   p:uX£6{j,axi. 

Cf.  Ptol.,  Math,  comp.,!,  213  e. 
-l'jTYjj;/.  ?9?e<:^.  ;?5.,  ^^«^  ^n.  Ass.,   XIll,  273,    13  à — (j.evsv  xco 
e£pij.(p;  cf.  Pat.,  781  G.  Glass. 

*7rp:ç  ac.  A7i.  Ass..,  XIII,  273,  10  à— xa-,  xb  6£p^».bv  irpc; 
xb  ^l^uxpîv. 

'ANTI2YN-,   'ANTI2Yr— 

—v.pi'fo)  XI  *  dat.  Chr..,  93,   17  o);  [j.yj  I'/î'.v  £X£pac  à — Tvai  xaùxa'.;; 
/y.  (7.,  IV,  /i26,  2. 

*  Tzoiq  ac.  B.  G.^  IV,  308,  24  Sus  ce  x'.v(.)v  -fzz  oClVc^.zm^ 


38  MÉMOIRES. 


IL  ier  élément  :   'AHO— 

'AnAN(A)— 

-(GTY3[xt,  au  moy.,  gén.  B.  G.,  IV,  488,  20  tcj  BuÇaviiVj  à— xar, 
Pa^.,  1165  A.  Glass. 

'AnOKAT(A)-,  (-KAO-) 

■'iQxr^\jx,  act.  et  moy.,  z\q  ac.  Pat.^  904  G  £i;  sauTov  auOiç  à — xai  ; 
1125  G.  Gf.  PoL,  8,  29,  6. 


III.  i^r  élément  :  AIA— 

AIAMOI— 

-pàXXo)  Tcepi  ^en.  C/zr.,  83,  23  [).ri  B — wv  'ûspi  toj  ttXsiovoç. 
Gf.  Théophyl.  Simoc,  ffist.,  174,  A. 

AlAnO—  (AIAO— ) 

■i'q\)A,  au  ps..,  ^ gén.  B.  G.^  V,  54,  4  o'jq  où  xaTécT/ov  xou  uttvcu 

AIEK—,  AIEZ— 

siy.i  (et  —ip'/o\).y.{)  ac.  Pat.,  601  D  S'.E?£p/c|jivr^  xàç  tojv  o)vWV 
cpùjst;.  Glass. 

IV.  ier  élément  :  'EK— 

'EZAN(A)- 

(crxr^lj.i  ^en.  Chr.,  203,  15  toj  ôpévou  è?avaa-iç;  237,  13.  Gf.  Soph., 

0.  C,  47;  ^î^^,297. 
-t(7)(^(o  "^  Tipôç  ac.  Pat..)  861  G  yp6i\j.oiTéq  iivoç  eBoç  Tupbç  ib  toj  !TO)[j.aTc; 
è — wv  Tïépaç. 

'EEAnO— 

-aTéXXto  ■'^Tupôç  ac.  C/i?\,  255,  35  Ypa|j.[j.aTa  Trapà  toD  pa^tXéwc;  irpoç 
âxEtvov  è^aTTsaTéUcvTo  ;  5.  G.,  V,  264,  13;  P«^,  580  R. 

si;  ac.  Pat.,  580  B  ï^OL-eaTiX-q  elq  to  Ç(OYp£'J£tv  Ta;  ^ir/âç. 
Gf.  Psalm.etD.  S.,  19,102. 

"^ exî  ac.  CVzr.,  250;  30  t:c (Suvajj.s'.c)  ii:'  aXXo  xt s^aTroaTéXAeu 


SYKTAXE   DES    VERBES   COMPOSES.  39 


V.  i^r  élément  :   'EN- 


'ENAHO- 

-0Xi6a)  *  ci;  ac.  Ps.,  153  A  xbv  ài^j/ov  sic  u^wp  â.  Tlî.  renvoie  à 

Psell.  {loc  cit.),  mais  pour  le  sens  seulement,  sans. citer 

le  texte. 
-7,£iliai  dat.  Pat.,  585  B  tgv  è— [j.£vov  yj[j,Tv  oTrépov.  Cf.  Plut.,  jEmil., 

14;  AT.,  961  G;  Phil.,  1,  277. 
—yXtuù  dat.    Pat.^  793  A    6t£  •?]    àvaO'jij.iacx'.ç   ty)    ytj    èvaTucy.XsiTOYj. 

Cf.  A.  Aphr.,  ProbL,  1,  53;  Artem.,  130. 
-Aatj,6av(o  rfa^  P5.,  153  A  èvaxoXYjcpÔévTe;  TusXdYecriv.  Cf.  D.  S.,  1,  7. 
-tjivw  dat.  B.  G.,  V,  308,  22;  522,  31  BrripiOYjaav  à-'  àU/jXwv  ci 

àAAY)Actç  £va7:c(j.£tvavT£ç  ;  Ps.,  87  A;  Pa^,  676,  G.  Gf.  Glém., 

1,721. 

'ENAIA- 

-TrpéTTw  "'^  £v  dat.  Pat.,  GXIV,  204  A   k.  h   àp/caq  xaï;  r^ç  /.iico 

auY*/,X'riTO'j. 
— Tp(6(i)  tto^.  P«^,  865  B  oQzi  Tcxoi;  è — aiv  aù/ij/r^potc.  Gf.  Pol.,  3, 

88,  1  ;  6,  18,  5. 

'ErKAT(A)—  (-KAO-) 

-(idWiù  dat.  B,  G.,  V,  359,  22  oxt  aot  a7:£p[j,a  ç'.Xccccpcv  è — êéôXvîTai 

Tfi  <}u/Yi.  Gf.  A.  Rh.,  123:3. 
— -rjjj.ai  dat.  Pat.,  776  A  xfov  TiExpwv  afç  èYxaOr^Tat  ;  1165  A.  Gf.  Aret., 

acut.  m.  Caus.,  2,  7,  19  (23);  Tzetz.,  ffist.,  4,  940. 
-iBp'jw  dat.  Chr.,  97,  35  toTç  [^aaiXixoT;  Op:voiç  £Yxa6iBp'jO-/;.Gf.  Eur., 

/.  T.,  978. 
£v  6«a^.  C/îr.,  186,  5  èv  i£por;  Opôvciç  l^x.  Gf.  Ath.,  473  b. 
— (Cw  £t;  <rfc.  -5.  Cr.,  V,  154,  24  èç  xcv  5[/oiov  èy^'^^^'^^s  Opcvov. 
— larr^iJLi  rf«^  C/ir.,  240,  19  £T£pov  è'f/.aTacrTYicrai  tcT;  7:pâY|j.aat  ;  5.  (7., 

IV,  323,  17;  B.  G.,  V,  486,  2.  Gf.  Eur.,  /.  T.,  982. 
*  *  -xpivto  rfa^  J5.  ^.,  V,255, 18  d  toT;  y^'^'^^w'^^'Ck;  £YxaTaxptvat{;.(  ae. 
— XéY(i)  ^rr^  C/«r.,  4,  26  ko  ty;;  £yaX-/3j{a;  /.Xyjpo)  ï — aiv  ;  ^.  (7.,  V, 

205, 12.  Gf.  Luc,  Paras.,  3. 
— Xst'irw   rfa^.   ^.    G.,    V,   242,    10   loTç   «ptXoaoço'.ç   u[j.Tv   y;  y^*»^'^^* 

è— XéX£i7:Tai.  Gf.  Eup,  (Com.  fr.,  2,  458). 


40  MÉMOIRES. 

-\)Â-^y\j\)A  clat.  B.  G.,  IV,  427,  3  là  i\)À  xoXq  èxdvou  è  — Çw  ;  B.  ^.,  V,  13, 

.     27;460,22;Pa^.,1141G.Gf.  D.  H.,  6,  2;  Luc,  P7^07n.,  7. 

— a7U£ip(ù  dat.  Pat.,  777  G  h(v,aixéaizeipvi  h  Sioq  tcTç  Cwoiç  ouva{j.etç 

TrpoYvwair/aç  ;  1141  B.  Gf.  Plut.,  Thes.,  3;  C^C.,  14. 
~Taaa(ù  *  £t;  ac.  CJir.^  5,  6  xà;  8uva[j.£tç  si?  Xo/cu;  £7/.. 
-TiÔYjixt  ^a^.  Chr.,  20^,  3  £Y7,aTaT£Ô-rio-£Tai  TaTç  u[j,£':£pa'.ç  ^u/aTç.  Poet. 

Gf.  Hora..  //.,  14,  219;  Hes.,  0.,  27;  Thcr.,  17,  14. 

'EMnEPI— 

—'K.ccié(ù-b)  dat.  Pat..,  632  G  èvcr/.ow  xai  £;j.':u£pi7ra-:àjv  àv  xaTi;  diu/atc. 
Gf.  Luc,  7nc?.,  6. 

'ENYn(O)- 

-apy/o  c^a^  P<2^  ,  553  A  (à7uiiJ.£X£ia)  è— cuaa  ty]  ppij/r^y.i  ;  697  B,  872  G. 
Gf.  Arstt.,  Anal,  post.,  1,  4,  7. 


VL  i«r  élément  :  'Eni— 

'EnAN(A)— 

-ayco  Trpcç  «C.  B.  6?.,  IV,  322,  7  £7uavaY£t  zpoi;  ty)v  TraipiSa  tov  Tuapa- 
vi|;.(o;  TajTY^ç  teAaOévxa  ;  B.  G.,  V,  101,  21  ;  509,  4;  531,  10; 
PS.,  140  B,  141  A  et  B  ;  Pat.,  557  G. 

àiut  ac.  B.  (t.,  V,  317,  31  £TC(xvay£  aîauTcv  =7:1  xb  £'jbu[xdx£pov. 
*£/.  ^en.  Pa^,  557  C  î3  xptij.£p£,;  xr,;  ^'•J/'^Ç  ^^  '^o"'  xapà 
cpuatv  TCpbç  xb  y.axà  eucrtv  èTîavaYaytov. 
-et|j.i  (et  — cpxo{j.at)  dq  ac.  Pat.,  780  A  xb  £l(;  aùxYjv  èxaviov. 
-Ç£UYvuij,t  *  dat.  Chr.,  6,  3  xû  paa'.).£t  è — at. 

■^  -Kpôq  ac.  P5.,  89  B  TTpbç  xb  crxY]{j.a  è. 
-xaXéw-to  £i;  ac.  r/^r.,  120,  2  èç  xojouxcv  àYaY5vx£ç  xbv  Xc^cv,  âirava- 

y.aX£(70)[ji,£v  auôtç  £tç  xy)v  S£6aiTX'rjv.  Gf.  Aret.,  p.  11. 
xajj.Tîxw  £i(;  ac.  P5.,  88  A  elq  xb  otxEÏov  c7*/;tj.£Tcv  à — cyaa.  Gf.  Glem., 
Str.,  8,  777;  Nie  Greg.,  Hist.,  1,  15  b. 
*7îp6ç  ac.  B.  (7.,  V,  116,  2  è.  xpoç  èrj.aoxcv. 
-Xuo)  ^  dq  ac.  Ps.,  84  G  dq  xb  [j.yj  £Tvai  Tj^iq  è — xai. 

Tupcç  ac.  Pat.,  560  B  èTr.iYOjJiévr^v  Tcpbç  XpKJio'f  xaXox;  àzava- 
Xuaau  Gf.  Greg.  Nyss.,  I,  118  b;  Alhan.,  2,  272  d. 
■TCauG),  act.  et  moy.,  dat.  Ch7\,  149, 15  xr^  xXivy]  ;  B.  G,,  IV,  336, 
23:  B.  (5^.,  V,  255,  2;  ^n.  /l5s.,  IX,  214^  12.  Gf.  Nyss.,  1, 
510  d,  633  a. 


SYNTAXE  DES  VERBES  COMPOSÉS.  41 

£-{  dat.  Clir.,  2U,  î28  à::av£7:aj£T0  £-'  cùosvt  twv  àXXwv. 
Cf.  El.,  iV.  v4.,5,  56. 

:£{j.::ii)  "^ dat.  Pat.,  652  D  xà;  yX-^y'r^zv.^  tw  fiasiXsT  i — yiva;. 

r.^zz  ac.  D.  G.,  V,  'Z2'è,  16  l'ooi;jiv  js  Tpo-a-.o^ipov  è-avasTpÉ- 
^ovia  Trpcç  r^\j.y.q.  Cf.  Hdn.,  3,  8,  10. 

£-{  ac.  Ace,  GO,  26  à-l  xà  raôka  o  Xr;:;   è7:av£7Tp7/vO(o. 
Cr.  Basil.  M.,  2,  79.  /i5  cl. 

"  r/C/^   7^.  (}.,   V.  21,  4  c-iT£  ;j.£  àvr/.p-.v::;  tcO  c'.ca7y.aA£':cu 
è — 'iTM-y.. 

*i-àgén.  B.  G.,  V,  398,  8. 

^  à-i  ^e/2.,  £?;  rtc.  ;B.  (7.,  Y,  398,    8  à-o  T(ov  Xqjivwv  d; 
OaXajjav  auOiç  £-2va7Tp£'v(i)v. 

:£{v(0  dat.  Acc,  39,  14  àiJ.^GTépoi;  Ta:  y£rpa:  £-av£T£i'vaTC.  Cf.  D.  S. , 
-      /s'.rr.,628,  70;  Luc.',  Ca/.,  13.  '   ' 


'EHANA—  {addenda.) 

i\\}x  (et  ~£p/s[j,aO  '^  dat.  Clir.,  224,  10  £7:av£i7'.  r?^  tSkv.. 

ci;  «r.  C//r..  20.  3  tU  rrjv  ajTcv.pâTspa  7::p'.(.)7:r,v  ;  121,  S: 
184,  32;  B.  G..  IV,  434,  27;  /y.  V;  ,  V,  172,  4;  342,  19: 
370,4;  P«/.,617B,  780  A. 

xpicrtC.  C/^r.,  257,  25 -pb:  t:v  7Tp7.Tv;:v  £7:x7£p-/-TZ'.;  /?.  ^'.. 
IV, 379,5;  406,  27;  B.  G.,  V,  229',  15;  Pat.,  CXIV.  19;M.. 

£7:t  ac.  Chr...  126,  29  è-l  tcv  zl/.tïo'f  à-aviévai  yapay.a;  127. 
21  ;  128,  23;  135,  18  ;  162,  34  ;  184,  32  ;  B.  G.,  IV,  398,  27  ; 
B.  G.,  V,  534,  3;  Ace,  42,  31. 

^  gén.  Chr.,  KO,  15  i-v.lr^  tc^z  ir.zzzpioi;  i-7.'n\r,lù'')ii. 

*  iT.6  gén.  B.G.,  IV,  379,  5:  /V//  .  (.17  B  £::7.v£p7£70a'.  ::.-;: 

TOJV  TaTUÎtVÔJV. 

£7.  ^c>z.  7?.  G.,  IV,  434,  27  ;  Pat.,  668  B  •?;  iy,  icO  tÎov  ::aO:.,v 
'7roXé[-».:u  £7:av£p/C[jivr^  7:Xr,%q. 

kv.  gén.,  £i;  ac.  B.  G,,  IV,  434,  27  va  [j.i-.tjz'.olz  dz  Tr,v 
cpujtv  £7:av£A-/jXuO£v. 

àizz  gén.,  izpiq  ac.  B.  G.,  W,  379,  5  àizh  tÔW  T.z'y.[j.C<yj  r.-.zz 
T'}jv  Trr^Y'^T^  èiravcX'^XuOMç. 

V.(.)  £l:  «c.  Chr.,  74.  33  £Î;  Ta:  ::psT£pa;  cr/Tptcâç.  Cl".  l\ius:ii\, 
3,  9,2;  Alex.,  301  d. 

10e  SÉRIE.    —  TOME   X.  6 


42  MÉMOIRES. 

"^  ï-l  ac.  B.  G.,  V,  338,  8  è7:avr];£ic;  è-l  r);v  dvrf/,ojc:av. 
-{aT-riixi  (lai.  Clir.^  132,  l^TrcAAà  [jiAAsi  è — crTr^cs^Oa'.  tw  [iasiAsT  osiva. 

'EnAn(o)  (-A0— ) 

âza^v/.s.  Cf.  Plat.,  k.",  241  1)';  Pans.,  1,  12,  3. 

"^  TTpo;  ac.  Chr.,  80,  20  7:cbç  Tra'.o'àç  sauTcv  ÈTraçYÎy.s. 

'EHEN-  (EREr— ) 

-Y£Àa(.)-.~)    c^^/f.    ^rc,    402,    19    iTrsv.'sAà    r^cif.);    to)    y.aTcpOtôjj.aTi. 
Cf.  Sopli.,  /!/.,  989;  Xen.,  /In.,  2,  4,  27." 

-7-aA3(o-(7)  6^^?^.   /?.  G.,   V,   4C5,   18   â — cTv  ov,  tcT;   cîac.-.    Class. 
(Cf.  Lys.,  112,  17.) 

T'wVi  "^T'.v:;  P<1'^,  1165  A  TTÏ;  è-'.JTOAr^;  cr/.  lr.v(7.yXicy.i[v.  zzk 
{sic  le  g.  pro  i-avy..). 

'EHEII— 

-âvo)  ^/«/.  /i.  C.  IL,  I,  196,  6  t:v  vs^v  è— £i  tsi;  -paY|xar.v.  Cf.  Hld., 
1,  9;  D.  S.,  16,  68. 

-y,p''vo),  act.^  "^  dat.  Clir..,  119,  25  â — 1\  -yXz  'jAa'.;  Ta;  tîov  y.ps'.TTcvwv 

zapou^iac. 

— y,'jy.A£w-u)  ^n.  Ass..,  IX,  210,  14  Travia  xbv  "0[r^pov  8-£'.(7y.'jy.AY;G(o 

T(o  Aivef.v.  Cf.  Basil.,  Ep.  ad  Diod.  ;  Lgn.,  Sub.,  22,  4. 
et    ^^-y.uy-AGw-u)    dat.  B.  G.,  V,  330,  1  Xcvou;   èTUciarjy.Xcuv   TaT; 

âTTLCTTSAaT;. 

-:T-/ÎGio)-ô)f?a/.  C^r.,9,28  7:£7£vT'.  tw  rjpâvvo)  è— v";.  Cf.  Philstr.,  18. 

-:::7:t(o  dai.  B.  G.,  IV,  317,  6  £-£i  tcOtg-.c  ;  P5.,  63  A;  Pat., 
849  A.  Cf.  Eur.,  Rhés.,  448;  Xen.,  Cyr.,  7,  5,  27. 
^£1-  ac.  C1u\,  124,  32  £t;  Ta  Ry.z'Xv.7.. 

—r.vio)  "^  dat.  B.  G.^  V,  346,  10  k-'.-y.zz')  zzXz  dv£[x:i;  ;j.*)]  £7:£ic7-v£j7a'. 
Tfj  TC'JTOO  £K'.7y.c7:y;. 

--cpp£o)-;o  ^zepiac.  Pci!^.,833GTajTa  7:£pi  r.z\'.-dy.v  i — {7£t  Tr,v  *?;[;-£X£pav. 


SYNTAXE  DES  VERBES  COMPOSÉS.  43 


'EHEN-,   'EHEM— 

-êiUw  dat.  B.  G.,  V,  128,  18  -zi-xi  è.  toT;  7^^.901;.  Cf.  Eur., 

/.  T.,  935. 
"^■^  -o:'.â;:(o  È::''  dat.  Clir.^  75,  14  è.  krÀ  tt,  t:j  fia^'.AsucvT:;  7V(.');rr,. 

— c6(o  T'.vi   c?c.    (ti)   Pat.^   1137  G   c6o  '/iTwvac  è — cjji  t-};v  'Vj/r,v  :• 
XaAcatct.  Cf.  rnf  /)s.  dans  Plut.,  PcL,  11. 


EHEK— ,   'EHEI— 

'.[v.    (et   -ép/oyai)    ^;^f^.    Arc,   56,    5  tcI;  7:pc-/;0Ar//.:7iv  ï-ic=izi; 
B.  G.,  iV,  323,  2\  ;  /y.  ^;.,  V,  1  Jfi,  14. 


'Eni2YN—    'EnilYM— 

-a—o)  daL  Chr.,  35,  14  7:A-/iOr,  i— ojv  ttX/iOsgi  ;  218,  14.  Cf.  Pol.,  3, 
2,  8;D.  S.,  14,  94. 

■Syhtù  dut.  D.  G.,  V,  280,  18  d  hziz^j'^^iîr^Az-z^  [j.zi  r.i^ni  ■  489,  7; 
Pf^^.,  548  C,  681  G.  Cf.  SexI.,  7;///..  130. 

■Tpé/o)  *  ^^(^/.  /i.  ^.,  V,  184,  2  £7:i::uvGpatjivT0)v  xw  •::pâYi^-^*^- 


VIL  i^»-  élément  :  KATA- 


KATAAI(A)— 

atp£(.)-o)  dç  ac.  Pat.,  1080  G  7. — siTa'.  xb  è-txpiTcv  h  v.aTsv./.w  vévîf  ci- 
•r;[j.iTcvtcv  y.ai  tcvcv  sesquilertiiiin  iiitorvnlliiin  in  génère 
diîitonico  in  seniitoninin  et  loiiuni  disix'ililur.  Gf.  1).  H., 
4,  19;  Spt.,  PS.,  54,  9. 


KATEK-,  KATEZ— 

^•j7',aÇo)  (jé/i.  Pat..,  934  A  t(ov  -.v/Jivnuvj  à;  a^TCJ  cj  7. — £'..  Cf.  N.  T 
i/a////.,  20,  25. 


44  MÉMOIRFJS. 


KATEnd)- 

dob)   gén.   CJir.,  203,  1    (-i)  y.axsKÏocv  r/^j.xv.  Cf.  A  non.  (Suid.). 

'  Cf.  Greg.,  231  ;  Greg.  Naz.,'l,  889. 
a(po),  ait  moy.,  gén.  B.  G.^  V,  19,  2  Xé^M  TrJTa  où-/  wç  è/s.'vy;;  vr^; 
To)v  T£7,cvT(ov  7.aT£7:aip:ix£V7iç  (Lu/y;;  ;  332,  13;  448,  6  :  519,  16. 
Cf.  Svmm.,  P5.,60,  4.     "  ' 


KAOYnEP— 

£pi(i)-;o  ■^('^ri'/.  7?.  G.^  V,  325,  27  £710  zz\  7. — to  ir^  v/^ÔTTr^.  Constr. 
unique. 

KAGYnO—  (-YO— ) 

■ir^[}A  gén.  B.  G.,  V,  ^i5,  8  7.aOu_;-f^7.:  tg^  'i;âAA£',v.  Cf.  Cléni..  287. 
ac.  Pat.,  CXIV,  180  A  v.  -oj  iJ.v:i/.—pz-:jz  y.aOu^siç. 


VIII.  P'^-  élénieni  :  META— 


METAMOI- 

60,  3.  Cf.  Plut.,  7V/c.,3. 


IX.  ier  élément  :  IIAPA- 


HAPANA— 

:a)>o)  r/<'?^.  CIi)\.  198,  8  Y][j,tv  6;j/.7.cu7iv  r,i)Apy.  T.—é'ziXfj;  Par.^ 
147,  24.  Cf.  Porphyr.,  Etisch.  Pr.  év.,  92  b;  Ptol.,  Carp., 
228,  8.  etc. 


SYNTAXE  DES  VERBES  COMPOSÉS.  45 


nAPEI2- 

GJii)  £t;  ac.  Ace.  64,  5  £?;  -à  (îajiXcia.  Cf.  Hpc,  1160  G;  Hdn., 
2   12   1 

^Osfpsixai  dut.  Chr.,  151,  53  tcî;  èv  léXst  x.;  5.  (9.,  V,  520,  19. 
Cf.  Jos.,  B.  /.,  4,  2,  1,  et  Greg.  Naz. 
"^£t;  ac.  Cftr.^  155,  15  si;  vç^  ^uvar/.wvtT'.v. 


nAPEK— ,  HAPEZ— 

-cXauvo)  ^en.  B.  (?.,  IV,  391,  24  r.oipizqXoiGt  zcrjq  ïnzouq  rf^q  sjOuTépa- 
cooj.  Cf.  Greg.  Naz.,  69, 26,  qui  joint  ce  verbe  à  Tuapaipé-KW. 

■z'.[j.'.  (et  -ép/oixai)  «c.  P/2.,  VIII,  167,  20  zy-pz^iouii  r^txTv  rr^v  auX'.cv. 
Cf.  D.^C,  74,  5. 


zùcù  mt7\,  Tïpcç  ac.  P6\,  165  B  xcv  ck  içphq  ibv  xatj.zxrjpa  Traprf/.Ai- 
vovToc  T£  7,at  7:ap£-/-Vc6ovTa.  Cf.  Gonst.  Porpli.  ,Z>c  i/iiag.  Edess.y 
100.  Tlies.  cite  aussi  Pseil.  (/oc  c^7.). 


HAPEN—  ("EP—    -EM— ) 

-/.Aivo)    £tç    ac.    Chr.^   200,    3   'rjiJ-îç   T.%pi^;vXXvy.i    elq    xà    £'j(ov'j;;,a. 
Cf.  Arstt.,  H.  ^.,2,  1. 
'Kpéç  ac.  Ps.,  165  B.  Cf.  'KOLpzv.'nùiù. 

•c/Xéw-ô)   dat.    Pat..,   864  B   xb   x-î^  ^-"/-^  T.xpvizyXr^iT)   oxijj.ôv.cv. 
Cf.  Arstt.,  /^/icY.,  2,  4,  21.   '        ^ 

-TTiTCXco  "^ dat.  Pat.,  765  D  àvaOu;j.{aaiç  t: — ou-a  xf^  OaXajsYj. 

'KAéxo),  ai(,ps..,  dat.  Pat..,  905  A  b.a^x-/]  oisfXéy.xo)  xb  cty.cTov  ûapsjj,- 
7C£7uA£7,xx'.  pp6/r,[;,x.  Cf.  {act ^)  Eustli.,  2,  /m/^;  iSuid.,  s.  v. 

SixXaata^a'.. 

-xp(6w  dat.  C/ir.^  206,  26  ou;  i7[j,£v  xr^  juY/.ArjxixYi  irap£vx£xp'.[x;.£vou;. 
•Cf.  Epiplian.,  1,  1:51  (-. 

x'JY/âvo)  ^  dat.  Chr..,  48,  12  aixco  t:.  cL>(JL7:caiâCovxi. 

"^  r.OLpy.  (jén.  B.  G.,  V,  483,  9  7uap£V£xi>*/:v  7:apà  x:j  xpxxx'.sj 
f^xGJv  aCixo/.pâxcpc;. 


46  MÉMOIRES. 

nAPAKAT(A)  (-KAO— ) 

-é'<;o\jm  dat.  Pat.,  836  G  toÏ;  ûo(ù\oic^  Trpscr-TavTsç  t:— VTai.  Cf.  Plut., 

Artax.,  26. 

"^zepiac.  Pat.,  836  C  y.'jv'c'.a  r.ip'.  to'j;  totts-j;  twv  [j,a7,éXX(i)v 

t: — naL 
-•Q'ioLi   dat.  B.   G.^  V,   19,  5  vscrcusi  Trape^âOr^To  ;  ^^.   Ass.,  IX, 

211,  27. 
-(^0)  dat.  C/ir.,  210, 12  ::— (aa;  -^jij.Tv.  Cf.  D,  S.,  ^c^.,  503,  86;  Plut., 

Mar.,17;  M.,  58  d. 

X.  ier  clément  :  HEPI— 

nEPIKAT(A)-  (-KAO-) 

-Y)|;.a'  ac.  (xiva)  Ch7\,  228,  2  TrspirAaOvjTc  tojtov  xb  ^^vo;.  Cf.  Hdt., 
3,  14. 

XL  ier  élément  :  UVO— 

nPOAN(A)— 

— aipéw-ôj   {/en.    Pat..,    1128    A.    [j-y]    TrpoaviX-/];   crauibv    toj    Gavaiou. 

Cf.  Heliodor.,  6,  9.  '  . 

-apTïaÇw,    <ra^    ?noy.,    gé)i.    CIu\,    120,    14    :: — lai   xwv   àXTwîcwv. 

Cf.  Plut.,  Pomp.,  76. 

npoAno— 

-OvfjT/.o)  gén.  Pat.,  912  A.  eu  TrpoaxoOavsTv  av  rjVÉyy.aTo  t'.ç.  Cf.  Ant., 
125,  25. 

nPOKAT(A)—  (-KAO— ) 

-ri\j.y.i  gén.  Chr..,  94,  2  -Kpo'jy.aO'/jvTo  a;j/fto  -zo")  [jaTiXr/.oO  (j-r][j.aTSc;  ; 
5.  6^  ,  IV,  390,  13;  B.  G.,  V,  142,  5;  191,  16;  482,  13. 

npoYn(o)— 

— avxéw-w  dat.  Chr..,  75,  8  86Çav  sD/^îç/Wv;  wc  Trpo'jKavxr^joi  aÙTO)  ;  Z?.  G^., 
V,  536,  ll.Gf.  Jos.,'^.  /.„'8,  1,"2;7?.  J.,  2,  5,2* 

-X£'.[j/ai  {/C)l.  P<:^/.,  760  I^  çajt  xo:;xo  Trpcj-cy.EtjOa'  xgu  y.:c7;xsu. 
Cf.  LgQ.,  >Sw&.,  8,  1  ;  Éustath.,  43,  33. 


SYNTAXE  DES  VERBES  COMPOSÉS.  47 


Xll.  i^'-  Clément  :  IlPOi:— 

nP02AN(A)— 

-a-TCO   dat.    B.    G.,    Y,    120,    14   cl   tc   ^ivzq    tw    ^Ih.yax    t:— vt£;. 

Cf.  Schol.  Ar.,  Av.,  568. 
-^afvw  ^to^  B,  G.,  IV,  405,  8  7:-6ov7.i  Oiw.  Cf.  Plut.,  Thés  ,  1. 
-iyxù  dat.  Clir.^  107,   13  toT;  cr-cuGatOTépotç  7:poc>av;r/ov   [J.a0'/;{j.7.c7'.  ; 

i?.  6=.,  V,  385,  17;  .Icc,  392,  17;  Pat.,  913  B;  /l/i.  Ass,, 

IX,  214,  23  Oco).  Cf.  Pol.,  4,  60,  8. 
-7,i'.\}M  dat.  Ch)\,  58,  28  91X0769:^.  Cf.  Plut.,  M.,  314  a. 
-960J  ^  <:^a^.  ^.  G.^  IV,  421,  7  xpoa/,stixaî  azi  'a%\  -rjoéo);  xpocjavxTréçj/.a. 
-çwvéw-Ô)   ^  tic,  ac.  B.  G.,  V,  563,  11  6  A:yc;  à;  r})V  àviAr/V.v  Iq'.-aî 

t: — 0-?ivat   Toj  Xp'C7"oD.  [Thés,  ne  porte  qu'un  Tpssava^ojvÉw 

«  vitiose  pro  -^psava —  j).] 

nPOlAlA— 

— Aé^o),  «1/.   inoy.^  dat.  Pat.,  685  B  tw  v'jjj/fuo  xal  TajTa  t: — Ta».  ; 

An.  ^6-6".,IX,  211,27. 
— Tpiêw  6?a^.  Chr.,  236,  14  xw  orrffYj[j.aT'..  Cf.  Arstd.,  1,  135. 

nP02Eni—  (-E<t>— ) 

*^-ap[jiÇw  c/a^  yln.   ^SS.,  IX,  213,  32  tTjV  Trpoo'.or/.r.atv  -m   Ar^o) 
7v — (7W[Asv.  Cf.  Orig.,  3,  416  (Trpcjs^apixoaxéov). 

nPOlKATA—    (-KAO— ) 

-  r^;j.7.'.  -:/^</.  Clir.,  93,  11  eI' ti;  [i/.srjpb;  y^J'zl^  —o-.v/JSVrr.o.  Cf.  lldt., 
6,  94;Th.,  C7/«r.,  29. 


XII.  7«''  élément  :  ZX^^  (et  SïN— ) 

2YNANiA)— 

■aipéw-ô)  *  £/.  (jéih.  Pat..,  1060  C  auvavîtXsv  h/,  tou  'j7::x£'.{A£v:'j  t:ç 


48  MÉMOIRES. 

— 6a'v(i),  tr.^  (ti)  dot.  Pat.,  617  D  i-z\  auvavé6'/]ç  \).zi  [^ouvbv  ajicv  tcv 

Tcu  Ai6âvcu.  Cf.  Luc,  Charid.,  19. 
m/r.,  c^cï^  P«/.,  673  B  (juvavaêrjvai  xaÛTY].  Class. 
—£'.[;/.  (et  — £pyc[j.ai)  £7:(  ac.  Chr.^  253,  23  è-l  tgv  .SaaiXsuovTa  cuvaviaai. 

Cf.  136  Xeiiophont.  Schol.  Plat.  Aie,  I,  389. 
-•xtovi(.)-T)  c^f'i!/.  C/l)\,  101),  26  7.7.1  T(T)v  rjO(T)v  g'  èv.cfvc.ç  G-uvav£/.{pvaTO 

o-caciç  '0  à-AcTTi;  cruvÉrps-s.  Cf.  Eiist.,  Gemin.  FA.  .4s/r.,8  a. 
— -^a-jw,  ait  moy..,  dut.  Clir..  118,  31  lu)z  av  tyj  ili6a7TY^  7uvy.vy.i:oL\)TiZOLf.  ; 

P5.,  94  A.  Cf.  D.  H.,  RheL,  d]  4;  Plut.,  M.,  125  a. 
— 7:X£y,t.)  c^«^.  Ch7\.,  106,  35  tsOio  xauiaiç  {-dXq  TraioiaTç)  tgjto)  (t^rtif. 

comniodi)  a — wv.  Cf.  Lucian.,  Gall..,  c.  13;  Eusth.,  0/)., 

316,  58. 
-GTpioiù  dat.  B.  G.,  V,  209,  3  cpXuap:'.;  àvopy.-'.  a— aOat.  Cf.  Diod., 

'  3,  58. 
-léAXo)  (?a^.  PS.,  79  B  Tfo  lap'.;  84B.  Cf.  El.,  V.  II.,  13, 1  ;  Nonn., 

1,  175;  3,431. 
-cpupo),  at*  ?noy..,  dat.  Ace,  410,  3  tgT;  toioutoi;  g — jOa».  G5Y[j.a(7t. 

Cf.  Luc.Ep.  sat.,  28. 

2YNANTI— 

—la.[).6TKù,  au  ?noy..  dat.  Chr..,  38,  24  tojto)  y.at  àX).o  ti  auvavxc- 
Xa6£TQ;  132,  15.  Cf.  Spt.,  Ex.,  18,  22." 

2YNAn(0)-  (  Act)— ) 

-ayto   £iç   ac.    Z^rt/.,   833  C    de,  xauTa  cjuvarx/O'riacvTai.  Thés,  cite 

Psell.,  /oc.  C2Ï.  (P6\,  de  op.  dacni.,  p.  26). 
— aipo)  c^a/.  (itvi)  CA>\,  249,  8  àvaY'/.'OV  xcu   cj— £iv   tojto)  ââYjVcY/.cV. 

Class.  (Cf.  Xén.,  Ci/r.,  8,  3,  23). 

£l;  ac.  C/ir.,  69,  11  £i;  xà  fiaaiXc'.a  g— cri.  Cf.  Diodor.,  5, 

49;  Luc,  Toxar.,  18. 
— y£Vvâto-w,  au  ps.,  dat.  An.  Ass.^  IX,  221,  7  cjpavbç  ypcv(.)  cruva- 

7:£Y£vvf,ô-^.  Cf.  Basil.  M.,  I,  8  a;  III,  478  b. 
—z{\jj.  (et  — £pyo[j-aO  c/aif.  5.  6^.,  V,  88,   8  ïva  iay]  tw  àizzoeà-rurqv.'^.i. 

cruva^riXOciixcv  ;  260,  25.  Cf.  Jo.  Actuar.,  de  7ninis,  6,  24. 
-ôvfjT/.o)  6Za^  i?.  6=.,  V,  137,  29  vt^  -kt/X^.  Cf.  Hdt.,  3,  16;  5,  47,  etc. 
—'.'ZXT^\L\  dat.  Pat.^  828  C  izXq  y.'j-u)  suva7:cc7T5cctv  r^-z''.\).y.:;':o■x. 
— y.AÎvw  dat.   D.   G..,  V,  34,    1  I  -aaav  I-x^scj'.v  cL»;;.[;,£TaYXi'O^J':a  Osw  "/.7.1 

GUvaTuoxXivaaa.  Cf.  Lib.,  4,  1088.  (Cf.  cu[j.[j.£TaYto.) 


•     SYNTAXK    DES    Vl'HRI'.S    C.oMl'oSKS.  49 

-AT-o)  ddt.  PS.,  82  B  TpiT::;;iv(;)  —zz  vé-v^  7— ei ;  An.  Ass.,  IX, 
218,  1.  Cf.  Philostr.,  Iwng.,  8U  ;  Tliémist.,  Or.,  3,  47  n. 

-c'i-Jixt  rfr^^  Z?.  6=.,  V,  29,  9  à-:Ào)A6T'.  ;— la-..  Glass.  (Cf.  Plat., 
'  Crlt.,  121  a). 

^  ^  -cAc^upsixr.  (/t^^.  i>\  G.,  V,  531,  8  a— VTa-.  irjTr.;  a?  Oiopoi. 

-s:.'.)  r?//^  Arr..  r)2,  IOtÔ)  TTy.psArrAuOiTi  y.aipw  auva-éppEUTE.  Cf.  Aster., 
Huntil..  [).  li(K  iuillen  (p.  85  K  Coinbef.);  Mich.  Nicetas, 
dans  Tafel,  de  TJiessal  .,  375  b. 

2YNAI(A)- 

~a'.pÉf.)-(T)  Tt  T'.v.  C/ir.,  92,  32  ibv  ty);  [^asO.£''a;  y,XY;p:v  laur?^  te  y.ày.E'VY] 
G — ii.  Cf.  Zonar.,  Amial.,  I,  31  b. 

2YNEI2— 

— i^o)  dat.  Pat.,  716  (.^^  tr^v  ùuyr^v  Tto  c7(0[j.xti  a-c.  Cf.  Plut.,  M., 

91b. 
-6£/J.o)  ^  -pic  ac.  B.  G.,  IV,  361,  27  zpoq  xb  ajxb  y.ai  b[j.zu  c— vi3ç. 
-Ei;j-t  (et  -  épyz[iv.)   ^  c6v  <:^<:(^.  5.  (7.,  V,  574,  8  guve'.7'?îaOe  g'jv  tgTç 

— y.o[x((^w  "^<:^a^.  Pat.,  1016  B  rr^v  auvTÉAE'.av  to)  or,[j.c7i(;)  a — vteç. 

—  KiTTTo)  ^^a/.  (7/ir.,  7,  6  y.aià  vwtcj  toutoi;  g.;  /^.  G.,  IV,  363,  30. 
Cf.  Hdt.,  3,  78  et  class.  (The,  etc.) 

-'^épM  dat.  Cliv.,  102,  9  ^xGav  EÙ'^r^ijiav  touto)  g.  ;  232,  22;  235,  1  ; 
Pat.,  901  C,  1016  B.  Cf.  Epiphan.,  I,'965  a,  996  b. 

■^  £v  dat.  C/u\,  107,  20  ttaé^v  -i  G'jvE'.GEVE'.'y.ETv  Èv  t:T:  ;;.ÉpE7'.. 


2YNEK—  (-EZ— ) 

:yZ(>)  dat.  Acc,  66,  30  Ta)  izzXtM  ^A'J-^'}  zxiili-.i'Çi-.z. 

iib)-u)  -'.  Tiv.  /^.  ^.,  V,  63,  13  gjveç'.tsjv  tq  oiv.yiVi  -zzlç  x\^( r,[j.XT'. . 

Cf.  D.  H.,  10,  16;  D.  S.,  2,  10. 
z'/iz\).v-y'j\).v.  (salhire  a<])  ^ -iz'\  (te.  Put.,  1)05  (<   (av)  g — -a'.T: 

\'iiu)dat.  Chr.,22>>,^'\  tjv;/.~v£'jg7.vt£;  èxelvco.  Cf.  Vaw.,  l.   T.,  (IS'i 
Luc,  pro  ^a^Asif  m/cr  salut.,  3. 


50  MEMOIRES. 


2YNEn(l)— 

*  ^ -aYâXXoixat  tiv.  gén.  B.  G.^  V,  82,  6;  521,  17  tyj  èvr.aoùa-fj  ty;ç 

-  y.oupéw-w  Ci^a^.  Chr.^  232,  16  cTUVîTrî/.GÙpiuv  ç£p:[jivoi(;  tcTç  7:pdYiJ.aat 
xaT'  cpOdv.  Cf.  Xen.,  Cyr.,  1,  6,  24;  Sext.,  M.,  5,  32. 

— Xa[jiavtù  t'.vi  ^c>z.  ^.  6^.,  IV,  398  19  zl  cuio;  èy.sivo)  .uvs-KsXacETC 
rr,;  vis/viaEcoç  ;  410,  2.  Cf.  M.  Tyr.,  14,  7. 

— vsud)  c?<^^.  C/zr.,  87,  7  yj  lyaptioç  çu[j-7:aca  a'jvîTTiViVEuxsi  ir^  ©soBiopa. 
Cf.  Plut.,  M.,  146  a,  242  b. 

-(T-aw-w,  au  moy.,  ii  clat.  comm.  Chr.,  142,  22  Béooixa  [j/rj  Tr;;  Oe'av 

'^  |j.£iâ  ^(3/2.  Pat.^  loi  B  Tb  a — aOai  (j.sO'  lauTCj  ojjiav  va  tgj 
vécpcu;. 

2YnKAT(A)—  (-KA0-)  ' 

— 5aiv(i)  c?a^.  Pat.^  665  A;  673  B  àTraiTYjaâcr^;  ty)v  B'.Bd7y.aXov  auYx.aTa- 
êy^vai  aÙTaiç.  Cf.  Eur.,  A7idr.^  505. 
Tupiç  ac.  Pat.,  668  A.  Cf.  Arstt.,  PoL,  1,  16;  Grégor.,  295. 
"^ex  ^e/^..  <:/a^.  c/e  destin^  Pat.^  665  A  cruY/.aTéSr^v  ex  tou 

■^  ây,  ^e/z.,  TTpo;  ac.  Pat.,  668  A  auvxaTâêxivî  aTub  xou  u'i>cu; 

Tf^ç  [j.ucrTty,r^(;  6£03p{aç  7:pcç  rr^v  t^vat^')  BiJaay.aAtxv  y;[xôjv. 
— ci[Ai  (et  -£p/cy.a',)  d<:^f.  /?.  G.,  IV,  449,  23  tcv  vsOv  cToe  p/rj  Œuy- 

y.aitivTa  To)  (jb)\j.y.-i.  Cf.  Luc,  c^e  mort.,  7,  27. 
-c'jBg),  c^a^.  C/ir.,  38,  6  7— wv  t-jî  Paai)a'$t;  154,  14;  B.  G.,  319,  13. 

Cf.  Esch.,  Ch.,  906. 
-£uvdÇ(i)  6?a^  C/i?\,  229,  19  bv  ty^  Giiio'.  7— ^'v.  [ïhes.  ne  porte  que 

la  f.  moyenne."]  Cf.  Zonar.,  Annal.,  I,  183  D. 
-r,ijm  dat.  Chr.,  36,  12  ty^  gacriXtai.  Cf.  Str.,  16,  775. 


1.  Dans  cette  phrase,  yswpYEî'v,  employé  absolument,  doit  s'entendre, 
d'après  le  contexte  (668  B),  -^ZM^^-^tX^  xà;  àpetaç  :  je  suis  descendu  des 
hauteurs  de  la  contemplation  mystique  (pour)  vers  les  âmes  qui  cul- 
tivent les  vertus  cardinales  comme  des  noix.  Le  traducteur  latin 
explique  —  supposition  vraisemblable  —  comme  si  un  7:p6?  était 
tombé  devant  xdtpua  :  descend!  ad  animas  virtutis  excultrices  tanquam 
ad  nuces. 


SYNTAXE  DES  VERBES  COMPOSES.  51 

-i^(i)  dat.  Chr,,  128,  19  aî  ^jxg'X'Zzz  exaTépwOsv  aùtâ  (Tuvy.aOïga^a'. 

{sic   corr.    Kurtz    pro   o-'jvy.aOïaTaja'.)    Oswpd    tcu    0p'.a;;,6c'j 

£Y'>rvovTo.  Cf.  Spt.,  (9m.,  15,  11  ;  Poil.,  8,  94. 
—lt(o)  Tivà  (ti)  "^  [j-stâ  ^m.   /?.   (9.,  V,  316,  28  r};v  GiTEp  toÎ>  y.aXou 

'r:po6'j[j/'av  [j^sià  to)V  [xapxupwv  G'jY7.aTa).é7(0. 
— AVi'Q  "^sL:  flC.  /?.  6^.,  Y,  454,  18  il;  tc  ■/pw[J.a  c — ^aja. 
-lacrcrw    c?rt^.    /i.    6^.,    V,    362,    4    àrcsTcXcç   cr— [j.svc;.    Cf.    Jos. 

Hj^pomn.,  70. 

2YMMET(A)— 

— ayo)  dat.  B.  6r.,  V,  34,  10  Tuacrav  Içeuiv  c-u[X[j.£TaYaYoîjaa  Ocw  y.ai  o"jva- 

T.oyXivy.7x.  (Cf.  auva7:oy.A(v(o.)Gf.  Eustath.  ^/?/.s^  <^n^e  Convn. 

Dlomjs.,  75,  32. 
-6aXXo)  <^a^.  Pa/^.,  704  C  a— :t  toi;  vocu;;ivo^;  917  B.  Cf.  Anth., 

15,  46;  Plut.,  Luc,  39. 
—£•/(.)  zv)[  'VK:;  Chr.^  183,  20  kêzùleiz  [j/rjoéva  ci    àXXwv   cr — c'.v  tôW 

c'.oiy.'ria£(ov  ;  196,  28;  B.  G.,  IV,  378,  28;  B.  G.,  V,  37,  15; 

396,  22;  522,  29;  Pat.,  625  B,  832  C.  Cf.  Eur.,  Bacch., 

63;  Plut.,  Pyrr..  4. 
-\y.[j.0TH<)  gé7l.  B.  G..  V,  61,  12  twv  ajTwv  Xé^wv  jujj-ij.EXE'.Ar.oajiv. 

Cf.  M.  Ant.,9,  41. 

2YMnAP(A)— 

-ïKïV^l'''*^  ^^t'  Chr.^  207,  6  ys'.vf^  èxE'vo)  c; — iJ,£vct. 

— s'.p/.  (et  — £pxo[xa'.)  "^  <'^a^  C/ir.,  116,  34  £0£ac7avTO  a'jtj.Traptcjcrav  tjcT; 

— ''7UTa[j.at  dat.   B.   (9.,    V,  20,    14  xw  xaxpi  c6a-7:£p    àîX'.Sr,;  a — (j.ai. 

Cf.  Luc,  d.  deor.,  20,  6. 
-(axr^tj/.  dat.  Chr.j,  91,  13  x'.;  aùxot;  a-j'j.Tuapaaxâç.  Cf.  Pd.,  0.,  6,  72. 
—ç^i(ô   dat.   An.    Ass.,    IX,   221,   10  xà   àXAa  xo)   xpcvo)  j — cvxa. 

Cf.  Nicet.  Dav.,  />^  G/'cg.  Naz.,  62,  lo';  61,  U\  Greg. 

Nyss.,  I,  629  A. 

lYMnEPI— 

-co£6o)  dat.  B,  (9.,  V,  130,  18  x(o  Aajj.Trpô)  xojxo)  ^(ojxf^pi  c — ouax 

x-^XauYY)ç  iaxi.  Cf.  ArstL,  Mimd.,  4,  3,  5. 
-cpÉpw  rfa^  Pa^,  745  D  x(|)  cjpavo)  a--[AEvct.  Class.  et  Pol.,  2,  17,  2; 

Plut.,  M.,  124  b,  etc. 


52  MÉMOIRES. 


2YMnP0— 


-£i[jA  (et  -i^yo\jm)  dal.  B.  G.,  IV,  444,  12  crjtx-poïéva'.  to)  cpOuo; 
Pat.,  CXIV,  192G;P6-.,84B.  Cf.  Greg.  Nyss.,  8,' 395  b; 
Synes.,  Ep.  ad  Heliodor. 

*  [xi-zâ  gén.  B.  G.,  V,  306,  11  -oT;  (xsià  toùtcu  c7D[j.7:poï:jaiv 
cùSev  aTuavr/jast  oeiviv. 


XIII.  ier  élément  :  YIIEP- 


'YREPANA— 

-6aiv(o  ^en.  ^.  G.,  V,  537,  9  TravTwv  G:r£pava6âç.  Cf.  Gléin.,  455. 

«c.  Chr.,  27,  16  xcù  toj  xùeiv  U7:£pava6£6rjx£'.  /pcvov;  27,  32; 

198,  10;  151,  11;  i^.  G.,  IV,  421,  16;  460,  24-  B.  6^.,  V, 

65,  15;  368,  17;  497,  16;  540,  11;  543,  8;   Tz.,  348  ty^v 

6v/;r})v  h.  çuaiv.  Cf.  Zosim.,  2,  53. 
é-/o)  (surpasser)  gé7t.  Ps.y  83  B  xwv  [xEpwv  àiJL^oiépwv  u7U£pav£/ov. 

Cf.  Planud.,  Oy/c^.  Me^,  12,  352;  Procl.,  in  Plat.  AlcW., 

I,  137. 

(soutenir)  ac.  Pat..,  649  A  oia  ctuXo'.  0— c-at  xbv  A^fcv. 

[Cf.  CyrilL,  en  Joan.^  c.  13,  iTxais  avec  le  sens  de  supero., 

eœcedo.] 
■i(j-r,'ji  gén.  Ace,  65,  3i  'j7î£pav£7TT//.£vai  xwv  aAAwv  xw  y,6-/,X(j)  xGJv 

àp£xo)v;  Prt^,  613  C,  617  A.  Cf.  D.  H.,  1,  15;  9^  68. 
-x{6-/;[jLi  *  gén.   Pat..,  645  A   o   \):r^bi  xGW   ovxwv  'j-£pavax'.0£i;   xoj 

voou[j,évcu. 

'YREPEK- 

T:Xrt7jb)  ac.  Chr.,  216,  8  u7:£p£y.'j:XaY£iç  xbv  OipuSsv.  Cf.  Luc,  i?/L 
^r.,  13;  Doni.,  3. 


'YnEPKVT(A)—  (-KAO-) 

-r<txxt   ^en.  ^;i.  ^55.,   XIII,  250,   9  0.   xr^ç   (]/u/f^;   f^iJ.ôJv   6   voue. 
Cf.  Xen.,^n.,  5,  1,  9. 


SYNTAXE  DES  VERBES  COMPOSÉS.  53 

XIV.  i^r  élément  :  TnO— 

'YnAN(A)— 

[zvr^\)A,  au  moy.^  dat.  Chr..  247, 28  6— tOoci  \).oi  xpoctcvii.  Cf.  Hdt., 
2,  80;  Xen.,  Lac,  15,  6,  etc. 

'YnOAI(A)— 

-a'.p£w-w  (xt)  -^  £i;  rtC.  Ps.,  120  B  rr;v  tts^/z/ov  0— tésv  £i;  6-XiTa:. 

'YREIS— 

£t;j.i  (et  ~épyQ\jM)  ac.  B.  G..  V,  893,  16  OttsusXOwv  ^w/.écv;  Ps., 
95  B.'cf.  Luc,  M.  con«^.,  11. 

'vnEK— ,  YnEz— 

âY(t)  gén.  Chr.,  228,  27  trauTcv  b — zic  twv  paa'Asuov;  Pat.,  1177  A. 

Cf.  Hom  ,  Od.,  20,  300;  Hierocl.,  68;  Choricius,  182,  1. 
a'.péw-o)  (iiva)  gén.  B.  G.,  V,  318,  24  ojy.  -^SuvYiOYjv  jTrEhXETv  ty^; 

è7:£V£/0£iVr,c  ao'.  a-j'x^cpaç.  Cf.  Soph.,  EL,  1420;  Sext.,  P.. 

1,  206. 
-c6o)  gén.  Chr.,  170,  5  tsj  ^£AâYouç  •j7:£/.o6;.  Cf.  Plut.,  Dém.,  9, 
£t[j.'.   (et   — £p70[j.a'.)  gén.   Chr.,  75,  2  twv  TpaYi^-attov  'j'::£;£XO£Tv  ; 

254,  lÔ;  A7^,  608  A.  Cf.  Anon.  Siiid.,  5.  h.  v. 

ac.  (ti)  b.  g.,  IV,  418,  10  icv  O£rov  v£à)v  'jk£;£Xy3X6Ô£i. 

Class. 
-'.G'fiiJÀ  gén.  Chr.,  50,  4  toj  6pav  ajTr^v  uTrc^f^iaTO.  Cf.  Hdt.,  3,  83; 

Luc,  Amor.,  17. 
T£{v(.),  «?^  moi/.,  ^  gén.  P.s.,  124  A  ur^pyipaTiç  èaiiv  o-av  -q  çaXaY? 

y.aO'  £v  Twv  7.£pxT(i)v  ajr?;;  r?^ç   èvavTia;  •j-£7,T£{vr;Ta'.  oâXaYY^; 

lorsque   lîi   phalange   se   déploie   derrière   la    plialange 

opposée,  (r^e  verbe  est  aussi  dans  Pliot.,  Epist.,  147,  43.) 

Mais,  sans  doute,  lire  u7:£pT£'>r,Tai.  Cf.  biz-piii^fu). 

'YHEN- 

-cjo)  Ttvà  11  Chr..^  43,  5  tcv  M.  vr^'t  ttsaTiV  jTrîvBjaaaa.  Cf.   Alex. 
(Ath.,568). 

YnOKATA—  (KA<t>— ) 

-r,[j,a'.  dat.   Tz.,  344.  4  £i  oi  v.z  tj-u)  •jTToy.àOYjTai  ivvsia.  Cf.  Pol., 
4,29,7;  D.  H..  11,37. 


54  MÉMOIRES. 


III.  VEIIBES  COMPOSÉS  AVEC  TROIS  PRÉPOSITIONS  ' 


I.  1^'  élément  :  KATA- 


KATEZANA— 

iarr^ij.i.  gén.  B.  G.,  lY,  37G,  25  -u  v.y.ipo~j;  B.  G.,  V,  129,  14  ty;c 
Ij.r.xpfç.  Cf.  PluL,  Alex.,  6. 


II.  i^'-  élément  :  RPO- 

nPOEnKATA— 

'^^-cwlK^o   -a   gén.    CJir.^    184,   14   -rà;    àXc^cj;   Cwà;  xwv   acjT.pwv 
à7:oyaji3"/.:vT£i  7,71  to)V  tcu  TravTbç  [xspfcov  tcD  coV^aior  r.  —  'Çz'ozvi. 

nPOEZANA— 

-laroij.i  ^^e?i.  5.  G.,  V,  142,  29  to^  Xoyo'j;  316,  10  to:  y.aipoO. 


III.  ier  élément  :  SÏN— 

2YNEZAnO- 

"^■^— X-rjYtù  dat.  B.  G.,  V,  126,  17  0£0ci7.ct£ç  [j.yj  (t — a-/jÇy;  tw  gacfAst 
xà  TT^ç  s'j-uyjaç  aoitov. 

1.  Aug.  Grosspietsch,  de  xsTpaTr^Gîv  vocabulorum  génère  quodain 
(dans  Breslauer  philologische  Ahhandlungen,  1895, 7e  vol.^b^  cahier), 
ne  cite  clans  son  lexique,  sous  la  référence  de  Psellos,  que  les  deux 
verbes  7:ço£y/.atoi/.(Çoi  et  (Juv£;a-oX7JYw. 


SYNTAXl']   DKS    VERBES   COMPOSES.  55 

2YMnAPAKATA— 

r^]),v.   *  clat.    B.   G.^    V,   134,    13   7i»[jt.7:ap£7,3tOY;|xr<v   ècuvwjjivo). 

IV.  ie»-  éléme^it  :  *VnO— 


'YnEZANA— 

■h'Ttixi,  act.  et  moy.,  "^  gé?i.  C/ir.,  68,  3  r^;  yXlrCtÇ  •j-e^avt'jTaTat 
(sic  leg.  cum  ms.  pro  0 — -x'o)\  Fat.,  569  G  t?;;  'zCù^ 
TraOojv  uT:£;avÉsTr/^  (TUY/uaso);;. 

dat.   (xtvi)  (se  lever  devant  quelqu'un)  C/^r.,  197,  30 
ur£;avéar/)  '?;[j.tv  .Spa/6  ti.  Cf.  Plut.,  L?/c.,20;  Luc,  Dém.,  63. 

Emile  Renauld. 


FIN. 


ERRATA 


Dans  les  capitales,  attribuer  partout  à  P  la  valeur  de  f- 

Dnns  le  titre  'EK— ('EX-).,  leg.  'EK- ('El— )  ;  dans  'YRERKATA, 
leg.  — KAT— ,  pro  — KVT— • 

Leg.  partout  [J^^xpi,  (^xpi.  Ainsi  suh  hi-f\yM  eipasshn. 

Siib  àva — 

— dtTiKo  :  leg.  enflammer  pro  attacher. 

Sub  (XVTl  — 

— aaiXÀaio-o)  :  leg.  —aij.iXXdtoij.ai-wij.ai  dat.  Chr.,  239,  80  àvGr)[j.tÀXàTo 
zoXXa/.iç  àvTiTwfxcTOuaiv  {sic  COrr.  Clim  Miller,  pro  aÙTio  tûtttouœiv). 
Cf.  Luc,  lin.,  15. 

— Xéyw  :  delendn  toute  la  ligne  :  gén.  *Chr.,  33,  36,  etc. 

Sub  à.T.0 — 

— o8io7:o(j.;iê'o;j.ai-oû[j.a'.  :  leg.  — 5io7:o[j.7:Éoij.a'.-ou[j.at,  et  reporter  à  l'ordre 
alphabétique,  %iosl  — ôéw. 

—ixoyiZtM  *gén.,  etc.  :  leg.  -Qzoy6.X,o\m\.  gén. y  etc.  Cf.  Alhanas.  Yid. 
Thés. 

Sub  h.— 

-dtTito)  :  Reporter  ht  synt.  :  dal.  Chr.,  224,  9,  etc.,  à  supra 
—éiT.xisi  =  enflammer. 

Sub  h— 

— pfTTTw  :  delenda  toute  la  ligne. 

Sub  Ir.i— 

— cjxripf^o)  (ligne  4)  :   leg.  STîeaxrjpiyas'vov. 

Sub  auv — 

— àp0a6(o-C)  :  leg.  ir.(:^6h)-M,  eicorr.  auvrjpOuojaev  en  ouvr^fOp.  (Kurtz). 

— aTxaXto  ;  corr.  i^el  -aiTaX/w,  vel  —oL-zd'kXtM  (Kurlz). 

Suh  uTco — 

—  y.XaÇto  :'  leg  — oxXa^To),  et  l'eporter  à  l'ordre  alphabétique,  pos^ 
— [j.év(o. 

<St*fc  auyxaxa — 

— 6afvw,  note  1  :  delenda  la  parenthèse  (668  B). 

E.  R. 


TRAITEMENT   DES    ANGIOMES. 


TRAITEMENT   DES   ANGIOMES 

PAR  L'ÉLECTROLYSE. 

NOUVEAU  PROCÉDÉ  OPÉRATOIRE 

PAR  LE  D^  T.  MARIE'. 

Professeur  à  la  Faculté  de  médecine  de  Toulouse. 


L'électricité  est  appliquée  maintenant  à  un  grand  nombre 
d'aflections  de  l'appareil  circulatoire.  On  modifie  l'hyper  et 
l'hypotension  artérielle  par  les  courants  de  haute  fréquence, 
on  traite  les  ulcères  variqueux  avec  succès  par  des  diverses 
formes  de  courant  électrique.  L'étude  de  toutes  ces  applica- 
tions de  l'électricité  m'entraîneraient  trop  loin  et  je  me  limi- 
terai dans  cette  communication  aux  anévrysmes  et  aux  an- 
giomes, c'est-à-dire  au  traitement  des  dilatations  des  gros 
vaisseaux  et  au  traitement  des  tumeurs  provenant  de  la  mo- 
dification et  de  la  multiplication  des  petits  vaisseaux. 

On  désigne  sous  le  nom  d'électrolyse  la  décomposition 
des  substances,  salines  par  le  courant  électrique.  Dans  le 
corps  humain  il  existe  des  chlorures,  des  carbonates  et  des 
phosphates  mais  comme  le  courant  électrique  (surtout  avec 
les  taibles  intensités  qu'on  emploie  en  thérapeutique)  n'agit 
que  sur  les  substances  salines  normalement  à  l'état  de  dis- 
solution, et  que  le  chlorure  de  sodium,  sel  de  cuisine  ordi- 
naire, est  de  beaucoup  le  plus  abondant,  on  peut  admettre 
que  le  courant  électrique  a  pour  effet  unique  de  décomposer 
le  chlorure  de  sodium  en  ses  éléments,  chlore  et  sodium.  Le 
chlore  se  dégage  au  pôle  positif,  où  il  se  transforme  secon- 

L  Lu  dans  la  séance  du  9  décembre  1909. 

IQe  SÉRIE.    —  TOME   X.  7 


58  MÉMOIRES. 

clairement  en  acide  clilorbydrique,  tandis  que  le  sodium  se 
dégage  au  pôle  négatif,  où  il  se  transforme  secondairement 
en  soude  caustique.  L'action  thérapeutique  du  courant  élec- 
trique est  liée  directement  à  l'action  chimique  de  ces  subs- 
tances et  par  conséquent  à  la  quantité  mise  en  liberté.  Cette 
quantité  dépend  de  l'intensité  du  courant  et  de  la  durée  de 
son  action.  Comme  ces  deux  facteurs  peuvent  être  mesurés 
avec  une  très  grande  précision,  il  en  résulte  que  l'action 
thérapeutique  cherchée  peut  être  aussi  graduée  avec  la  plus 
grande  exactitude.  C'est  un  premier  et  très  grand  avantage. 
On  peut,  en  effet,  étendre  l'action  du  courant  électrique  tout 
autour  des  pôl-es  à  une  distance  plus  ou  moins  grande,  dis- 
tance que  l'on  connaît  à  chaque  instant  d'une  manière  pré- 
cise par  les  modifications  de  couleur  qui  accompagnent  la 
destruction  des  tissus  par  les  produits  chimiques  de  l'élec- 
trolyse.  Un  deuxième  avantage  non  moins  important  résulte 
do  la  coagulation  du  sang  contenu  dans  les  vaisseaux  de  la 
région  traitée,  coagulation  que  le  courant  électrique  pro- 
duit très  rapidement  et  qui  se  manifeste  par  une  dureté  de 
plus  en  plus  grande  de  la  tumeur.  Evidemment  la  coagula- 
tion est  plus  parfaite  au  pôle  positif  qu'au  pôle  négatif,  sur- 
tout quand  on  emploie  des  aiguilles  d'acier  qui  donnent 
du  perchlorure  de  fer  avec  le  chlore  mis  en  liberté  à  ce 
pôle,  mais  même  au  pôle  négatif  la  coagulation  se  produit  et 
il  est  rare  qu'on  ait  un  écoulement  de  sang  quand  la  région 
ne  contient  pas  de  gros  vaisseaux.  Dans  ce  dernier  cas  la 
méthode  est  encore  applicable,  mais  au  lieu  d'employer  les 
deux  pôles,  de  faire,  suivant  l'expression  des  électriciens,  de 
l'électrolyse  bipolaire,  on  n'emploie  que  le  pôle  positif,  ce 
qui  constitue  l'électrolyse  monopolaire.  C'est  ainsi  que  l'on 
procède  avec  les  anévrysmes  de  Taorte  pour  lesquels  il  serait 
très  dangereux  de  faire  une  coagulation  incomplète,  car  un 
fragment  du  caillot  pourrait  se  détacher  et  causer  une  em- 
bolie mortelle.  Ce  danger  fait  reculer  souvent  les  médecins 
électriciens,  bien  que  les  rayons  X  permettent  maintenant 
de  connaître  beaucoup  mieux  qu'autrefois  la  place  exacte 
de  l'anévrysme. 


TRAITEMENT   DES   ANGIOMES.  59 

Il  ne  faut  pas  perdre  de  vue  que  les  malades  ignorent 
presque  toujours  qu'ils  sont  atteints  d'anévrysme  de  Taorte, 
et  leur  proposer  une  intervention  délicate  pour  une  lésion 
dont  ils  ne  soupçonnent  pas  Texislence  est  souvent  impossible; 
aussi  le  nombre  des  cas  d'anévrysmes  de  Taorte  traités  par 
rélectrolyse  est-il  très  peu  élevé.  Ce  n'est  que  dans  des  cas  ex- 
ceptionnels qu'on  peut  se  croire  autorisé  à  intervenir.  Je  m'y 
suis  toujours  personnellement  refusé,  car  rien  ne  peut  nous 
faire  connaître  avec  certitude  le  degré  de  résistance  des 
parois  d'une  poche  anévrysmale.  Certaines  poches  petites 
peuvent  avoir  des  parois  très  minces,  plus  minces  que  celles 
de  poches  beaucoup  plus  volumineuses.  Je  n'insiste  donc 
pas  sur  ce  traitement  des  anévrysmes,  qui  ne  représente 
qu'un  cas  très  particulier  de  l'emploi  de  l'électrolyse. 

Il  n'en  est  plus  do  môme  pour  les  angiomes,  dont  le  traite- 
ment par  l'électrolyse  constitue  une  méthode  admirable,  bien 
supérieure  aux  interventions  chirurgicales,  au  double  point 
de  vue  du  danger  d'hémorragie  pendant  l'opération  et  du 
résultat  obtenu.  Il  faut  faire  cependant  un  choix  parmi  les 
divers  angiomes.  Vous  savez  qu'on  désigne  sous  le  nom 
d'angiome  les  tumeurs  congénitales  constituées  par  des 
vaisseaux  de  nouvelle  formation.  Dans  une  première  caté- 
gorie d'angiome  la  tumeur  reste  plane,  ou  fort  peu  saillante 
à  la  surface  de  la  peau  :  c'est  l'angiome  plan,  qu'on  désigne 
aussi  sous  le  nom  de  nœvi  materni. 

Pour  celte  première  catégorie,  le  traitement  électroly tique 
est  long  et  pénible.  Ces  taches  lie  de  vin  ou  écartâtes  enva- 
hissent souvent  des  régions  fort  étendues,  et  comme  elles 
sont  fort  superficielles,  on  est  obligé  de  les  traiter  par  peti- 
tes fractions  pour  éviter  les  altérations  du  tissu  sain  sous- 
cutané  et  les  cicatrices  persistantes.  Dans  ces  dernières 
années,  on  a  souvent  remplacé  l'électrolyse  par  le  radium, 
par  les  rayons  X  et  môme  par  les  courants  de  liault^  Irè- 
quence.  Les  résultats  sont  beaucoup  plus  rapides,  plus  sa- 
tisfaisants qu'avec  l'électrolyse  et  ces  nouvelles  méthodes  se 
généralisent  de  plus  en  jtlus. 

La  deuxième  cal<''i;ori<'  (raiigioinos  comprend   ceux  «{ui 


60  MÉMOIRES. 

sont  formés  de  vaisseaux  lacuneux  analogues  aux  tissus  ca- 
verneux des  organes  érectiles,  d'où  le  nom  de  tumeur  érec- 
lile  par  lequel  on  les  désigne  souvent.  Ils  sont  souvent 
aûectés  de  battements  presqu'aussi  nets  que  dans  Panévrysme 
vrai. 

Ils  sont  caractérisés  par  une  coloration  particulière  de  la 
peau,  coloration  qui  se  modifie  par  les  efforts  musculaires 
(pleurs,  cris,  mouvements  de  défense,  etc.).  La  tumeur  a 
une  compressibilité  très  grande;  elle  se  laisse  réduire  pres- 
que complètement  sous  une  compression  un  peu  prolongée 
pour  reparaître  ensuite  quand  la  compression  cesse.  Les 
efforts  musculaires  augmentent  le  volume  de  la  tumeur  en 
même  temps  que  sa  dureté.  Cest  dans  le  traitement  de  ces 
angiomes  caverneux,  érectiles,  que  Télectrolyse  est  sans 
rivale.  Le  mécanisme  de  son  action  est  maintenant  parfaite- 
ment connu.  Il  y  a  d'abord  coagulation  du  sang  contenu 
dans  les  vaisseaux.  Mais  en  même  temps  les  parois  de  ces 
vaisseaux  sont  détruites,  ou  tout  au  moins  enflammées  sur 
une  certaine  étendue.  A  cette  inflammation  succède  une 
transformation  fibreuse  avec  rétraction  secondaire  qui  pro- 
duit une  oblitération  mécanique  des  vaisseaux.  On  a  long- 
temps reproché  à  Télectrolyse  cette  rétraction  cicatricielle 
qui  produit,  disait  on,  des  cicatrices  permanentes.  En  réalité, 
c<3s  cicatrices  vicieuses  sont  toujours  le  résultat  d'un  défaut 
de  technique,  conséquence  du  manque  d'expérience  de  l'opé- 
rateur. Cette  rétraction  cicatricielle,  au  lieu  d'être  nuisible, 
est  au  contraire  précieuse  quand  elle  est  bien  dirigée.  Elle 
permet  d'isoler  des  îlots  de  la  tumeur  sanguine  et  d'arriver 
beaucoup  plus  rapidement  au  résultat  cherché.  La  masse 
sanguine,  contenue  dans  chaque  îlot'dont  les  parois  fibreuses 
résultent  de  transformation  électroly tiques,  s'affaisse  peu  à 
peu  et  se  résorbe  car  elle  ne  reçoit  plus  de  sang.  On  distin- 
gue facilement  ces  îlots,  dont  la  couleur  noirâtre,  due  au 
sang  non  oxygéné  qu'ils  contiennent,  fait  contraste  avec  la 
couleur  presque  blanche  des  parois  fibreuses.  Cette  manière 
d'agir  est  rationnelle,  elle  permet  de  réduire  la  destruction 
électroly  tique  au  minimum  indispensable.  Elle  est  bien  en 


TRAITEMENT   DES    ANGIOMES.  61 

rapport  avec  ce  caractère  particulier  de  la  tumeur  qui  partie, 
d'une  région  très  limitée,  quelquefois  un  point  à  peine  visi- 
ble, s'étend  toujours  par  la  périphérie  et  envahit  les  régions 
voisines.  Ces  tumeurs  isolées  de  l'organisme  s'étiolent  et 
disparaissent  régulièrement.  L'expérience  m'a  conduit  a 
adopter  les  règles  suivantes  :  1°  commencer  la  destruction 
électroljtique  dans  les  régions  convexes  où  par  conséquent 
il  y  a  excès  de  surface  cutanée;  2°  abandonner  la  tumeur  à 
elle-même  dès  qu'elle  est  suffisamment  circonscrite;  3«  à 
partir  de  ce  moment  n'intervenir  que  si  la  tumeur  tend 
à  rompre  le  cercle  fibreux  qui  l'entoure.  Avec  ces  précau- 
tions, non  seulement  on  évite  les  brides  cicatricielles  disgra- 
cieuses, mais  on  ramène  la  surface  cutanée  correspondant  à 
la  tumeur  sanguine  au  môme  niveau  que  la  surface  cutanée 
avoisinante. 

Pour  bien  comprendre  l'importance  pratique  de  ces  rè- 
gles, il  suffit  de  se  rappeler  que  les  angiomes  occupent 
généralement  les  parties  découvertes  du  corps  et  plus  parti- 
culièrement la  face  et  le  cou. 

Les  angiomes  érectiles  sont  très  fréquents  et  il  me  serait 
facile  de  multiplier  les  exemples  pour  vous  montrer  la  jus- 
tesse des  conclusions  que  je  viens  de  vous  donner.  Pour  ne 
pas  rendre  cette  communication  trop  longue,  je  me  contente- 
rai de  ces  considérations  générales  et  je  passe  maintenant  à 
la  description  du  procédé  opératoire  que  j'ai  adopté. 

Pour  produire  la  destruction  électroly tique,  il  faut  em- 
ployer des  électrodes  nues,  à  la  surface  desquelles  les  pro- 
duits chimiques  mis  en  liberté  pourront  s'accumuler.  D'autre 
part  il  faut  que  ces  électrodes  puissent  pénétrer  dans  les 
tissus,  car  les  angiomes  sont  souvent  profonds.  Pour  ces 
deux  raisons  on  emploie  des  aiguilles  métalliques.  Tant(M 
elles  sont  faites  d'un,  métal  qui,  pendant  l'opération,  reste 
inattaqué,  c'est  ordinairement  le  platine.  Ces  aiguilles  peu- 
vent être  fiambées  sans  que  leur  surface  s'altère  et  leur  in- 
troduction dans  les  tissus  ne  peut  pasprovoipier  d'infec-tion. 
Tantôt  elles  sont  simplement  en  acier.  Je  préfère  ces  der- 
nières pour  les  deux  raisons  suivantes  :  1°  leur  pointe  est 


62  MEMOIRES. 

beaucoup  plus  acérée  et  par  suite  leur  introduction  dans  les 
tissus  beaucoup  plus  facile;  on  peut  les  diriger  très  exac- 
tement suivant  la  direction  que  Ton  a  choisie  à  Tavance  et 
on  risque  moins  de  léser  un  organe  avoisinant  délicat,  tel 
qu'un  filet  nerveux  ou  même  l'œil,  autour  duquel  les  angio- 
mes sont  souvent  placés  ;  2°  à  l'action  électrolytique,  s'ajoute, 
au  pôle  positif,  l'action  coagulante  du  perchlorure  de  fer 
qui  permet  un  arrêt  plus  rapide  et  plus  complot  de  la  circu- 
lation sanguine  dans  la  tumeur. 

Pour  utiliser  le  mieux  possible  cette  action  coagulante  du 
perchlorure  de  fer,  je  place  toujours  une  aiguille  négative 
entre  deux  aiguilles  positives.  Ces  aiguilles  d'acier  ne  peu- 
vent pas  être  flamblées,  car  leur  surface  s'altère  dans  la 
flamme,  et  alors  leur  introduction  devient  plus  difficile 
que  pour  les  aiguilles  de  platine.  Pour  supprimer  l'inconvé- 
nient do  la  septicité  des  aiguilles  d'acier,  il  suffît  d'avoir  un 
matériel  électrique  de  fonctionnement  assez  sûr  pour  n'avoir 
jamais  à  retirer  une  aiguille  enfoncée  dans  les  tissus  avant 
que  le  courant  électrique  ait  passé  pendant  un  temps  suffi- 
sant. Les  produits  chimiques,  tous  très  actifs,  résultant  de 
l'action  du  courant,  produisent  l'antisepsie  beaucoup  mieux 
que  le  meilleur  flambage.  Cette  sécurité  dans  le  fonctionne- 
ment de  l'appareillage  électrique,  je  ne  l'ai  pas  trouvée  dans 
le  matériel  existant  dans  le  commerce.  Les  deux  appareils 
les  plus  communément  employés  pour  l'électrolyse  sont  le 
manche  double  construit  par  Verdin  et  le  porte-aiguille 
simple  de  Gaifïe.  Ils  présentent,  l'un  'et  l'autre,  surtout  le 
manche  double,  plusieurs  points  dont  le  nettoyage  n'est  pas 
possible  et  qui,  par  suite,  peuvent  causer  l'interruption  du 
courant.  C'est  ce  qui  m'est  arrivé  plusieurs  fois  au  début  de 
ma  pratique  électrolytique,  et  dès  ce  moment  j'ai  cherché  un 
meilleur  appareillage,  tin  autre  inconvénient  de  ces  deux 
appareils  m'a  confirmé  dans  cette  résolution.  Comme  vous 
le  voyez,  ces  deux  porte-aiguilles  sont  assez  volumineux, 
assez  lourds,  et  il  n'est  pas  possible  de  les  abandonner  pen- 
dant l'opération.  Or,  cette  opération  dure  toujours  plusieurs 
minutes,  quelquefois  un  quart  d'heure  et  au  delà,  et,  quelle 


TRAITEMENT   DES   ANGIOMES.  63 

que  soit  la  patience  de  l'opérateur,  il  lui  est  impossible  de 
garder  une  immobilité  absolue.  Chaque  mouvement  de  Topé- 
rateur  se  traduit  par  une  douleur  pour  le  malade,  par  suite 
du  déplacement  de  la  pointe  de  l'aiguille  au  fond  de  la  plaie. 
Au  début,  l'opérateur  parvient  à  garder  une  immobilité  sut' 
lisante,  mais  peu  à  peu  les  muscles  se  fatiguefit  et  les  mou 
vements  commencent.  Ces  douleurs  provoquées  se  manifeS 
tent  donc  surtout  vers  la  fin  de  l'opération,  précisément  au 
moment  où,  la  destruction  des  filets  nerveux  étant  terminée, 
l'opération  devient  beaucoup  moins  pénible  pour  l'opéré. 
Elles  lui  sont  particulièrement  désagréables.  Pour  supprimer 
ces  deux  inconvénients,  je  fais  souder  simplement  des 
aiguilles  à  coudre  de  grosseur  convenable  pour  l'opération 
sur  les  fils  électriques  venant  de  la  source  ;  et  pour  éviter 
qu'une  soudure  mal  faite  ne  cède  pendant  l'opération,  j'ai 
soin  de  faire  passer  un  ou  deux  brins  du  petit  cable  électri- 
que dans  le  trou  de  Taiguille.  Depuis  dix  ans  que  j'emploie 
cette  méthode,  je  n'ai  jamais  eu  un  mauvais  contact.  Le  pre- 
mier mouvement  que  j'ai  signalé  est  ainsi  radicalement  sup- 
primé. Le  deuxième  aussi,  car  ces  aiguilles  très  légères 
peuvent  être  abandonnées  sans  inconvénient  à  elles-mêmes. 
11  faut  cependant  soutenir  le  fil  qui  conduit  aux  aiguilles 
négatives  pour  éviter  que  ces  aiguilles  ne  sortent  de  la  plaie. 
Il  est  facile  d'expliquer  cette  différence.  Au  pôle  positif,  il  y 
a  mise  en  liberté  de  chlore  qui  attaque  l'aiguille  d'acier,  la 
rend  rugueuse  et,  par  l'intermédiaire  du  perchlorure  de  fer 
produit,  la  fait  adhérer  aux  tissus.  Au  contraire,  au  pôle 
négatif,  le  sodium  mis  en  liberté  attaque  l'eau  des  tissus  et 
donne  de  la  soude  qui  n'attaque  pas  l'acier  et  de  l'hydrogène 
qui  forme  une  gaine  gazeusa  tout  autour  de  l'aiguille.  C'est 
pour  cela  que  l'aiguille  négative  se  détache  des  tissus  avec 
la  plus  grande  facilité. 

Ces  opérations  électrolytiques  se  pratiquent  presque  tou- 
jours sur  les  enfants.  Elles  sont,  ainsi  que  je  Tai  dit  plus 
haut,  destinées  à  détruire  des  tumeurs  d'origine  congéni- 
tale, et  il  est  quelquefois  nécessaire  d'intervenir  dans  les 
semaines  qui  suivent  la  naissance,  lorsque  la  tumeur  angio- 


6i  MÉMOIRES. 

mateiise  croît  rapidement.  Cette  circonstance  rend  l'opération 
plus  délicate.  Gomme  la  destruction  électrolytique  est  dou- 
loureuse tant  que  les  filets  nerveux  ne  sont  pas  entièrement 
détruits,  il  semblerait,  à  priori,  rationnel  d'endormir  les 
enfants  pour  leur  éviter  toute  souffrance.  J'ai  entièrement 
renoncé  à  cette  pratique,  recommandée  cependant  par  beau- 
coup d'auteurs.  L'anesthésie  chez  les  enfants  est  en  effet  plus 
dangereuse  que  chez  l'adulte,  et  après  plusieurs  alertes  qui 
m'avaient  obligé  à  abandonner  une  opération  incomplète- 
ment faite  pour  m'occuper  de  l'enfant  qui  ne  respirait  plus, 
j'ai  toujours  opéré  sur  les  enfants  à  l'état  de  veille.  Evidem- 
ment, les  premiers  instants  sont  douloureux,  mais  sans 
aucun  danger  pour  la  santé  de  Tenfant,  qui  bientôt  se  calme 
et  finit  souvent  par  s'endormir  vers  la  fin  de  l'opération. 

Je  terminerai  cette  communication  par  un  dernier  détail 
de  technique.  Les  angiomes  sont  souvent  sous-cutanés,  et  il 
est  alors  nécessaire  de  ménager  la  peau  qui,  en  gardant  sa 
couleur  normale,  rend  le  résultat  opéiatoire  plus  satisfai- 
sant. Pour  cela,  on  recommande  de  vernir  les  aiguilles 
dans  la  partie  en  rapport  avec  k  peau. 

Ce  procédé  est  efficace  au  pôle  positif,  où  le  vernis  reste 
intact;  mais  il  n'en  est  plus  de  même  au  pôle  négatif,  où  le 
vernis  est  dissous  peu  à  peu  par  la  soude  mise  en  liberté.  Il 
est  bon  de  compléter  cette  première  précaution  par  une 
seconde.  Au  lieu  d'enfoncer  les  aiguilles  dans  le  même  sens, 
on  les  place  en  opposition,  les  pointes  en  regard,  avec  un 
écartement  plus  ou  moins  grand,  suivant  la  grosseur  de  la 
tumeur.  Dans  ces  conditions,  le  courant  se  ferme  dans  la 
profondeur;  et  comme  au  niveau  de  la  peau  les  aiguilles 
sont  très  éloignées  l'une  de  l'autre,  le  courant  y  est  toujours 
très  faible,  car  la  résistance  en  ce  point  est  très  grande, 
incomparablement  plus  grande  qu'au  niveau  des  parties 
libres  des  aiguilles. 


LES   VACANCES   JUDICIAIRES.  65 


LES  VACANCES  JUDICIAIRES 

Par  m.  E.  TOURRATON». 


«  Le  septième  jour  du  mois  de  septembre,  écrivait 
d'Aguesseau  à  son  fils,  est  le  plus  beau  jour  de  l'année  pour 
un  avocat  général'^  »  Le  grand  chancelier  appréciait  de 
cette  façon  le  début  des  vacances  et  il  n'est  pas  téméraire 
de  penser  que  sa  réflexion  n'a  rien  perdu  de  son  actualité, 
après  trois  cents  ans,  pour  tous  ceux  qui,  suivant  l'expres- 
sion de  Larocheflavin ,  «s'embarquent,  pendant  l'année, 
sur  la  mer  de  justice  ». 

La  vieille  législation  romaine,  si  pratique  en  ses  vues, 
n'avait  eu  garde  d'imposer  à  ses  juristes  un  labeur  sans 
relâche.  La  première,  elle  a  senti  qu'il  convenait  d'accor- 
der quelques  jours  de  détente  et  de  recueillement  à  l'esprit 
fatigué  dans  les  luttes  du  Forum,  à  la  pensée  surmenée 
par  l'étude  ardue  des  causes  juridiques;  la  première,  elle  a 
pénétré  l'importance  de  cette  trêve  imposée  à  la  fièvre  des 
procès:  de  ce  légitime  intérêt,  embrassant  à  la  fois  et  l'avan- 
tage du  justiciable  et  l'agrément  du  juge,  est  née  l'institu- 
tion des  vacances. 

Elle  était  dictée  en  quelque  sorte  aux  anciens  par  la  force 
même  des  choses;  elle  sortait  impérieuse  et  pressante  des 
nécessités  de  leur  vie  domestique. 

La  loi  civile  prescrivait  aux  parties  d'assister  en  personne 
à  tous  les  actes  de  la  procédure.  Et  pourtant,  à  certaines 

1.  Lu  à  la  séance  du  16  décembre  1009. 

2.  Lettres  de  d'Aguesseau.  Iinp,rimerie  nationale,  IS'^o,  t.  I,  p.  lO'i. 
Lettre  à  son  lils  M.  de  Fresncs. 


66  MEMOIRES. 

époques,  la  présence  du  maître  était  indispensable  hors  de 
la  ville,  au  sein  de  ses  domaines;  il  avait  à  présider  aux 
travaux  de  la  moisson,  à  surveiller  ensuite  ses  cohortes 
d'esclaves,  livrées  aux  précieuses  occupations  des  vendanges. 

En  juillet  ainsi  qu'en  septembre,  la  tribune  restait  muette, 
le  prétoire  abandonné  et  désert.  Pour  ceux  qui  demeuraient, 
il  semblait  que  l'atmosphère  de  l'audience  pesât  plus  lourde 
sur  les  épaules;  à  leurs  lèvres  montait  d'instinct  l'exclama- 
tion du  poète  :  0  rus  quando  ego  te  aspiciam.  L'esprit  lassé 
du  préteur  le  rendait  plus  soucieux  d'expédier  que  déjuger 
les  affaires;  absorbé  par  d'autres  préoccupations,  l'avocat 
embrassait  avec  moins  de  zèle  la  cause  de  ses  clients;  de  là 
une  sorte  de  malaise  et  de  tiédeur  dont  les  décisions  se  res- 
sentaient parfois  et  dont  le  bon  droit  n'avait  pas  toujours  à 
se  glorifier;  mieux  valait  suspendre  les  procès  :  l'usage  s'en 
établit  peu  à  peu. 

Pline  le  Jeune  le  signale  dans  ses  lettres  ;  il  y  dépeint  le 
chômage  presque  complet  des  tribunaux  et  consacre  les  loi- 
sirs qu'il  en  retire  à  composer  les  écrits  qui  ont  perpétué  sa 
mémoire'. 

L'exemple  n'était  pas  cependant  suivi  par  tous,  aucun 
texte  législatif  ne  l'ayant  sanctionné  jusque-là.  Il  est  des 
plaideurs  intraitables  que  rien  ne  décourage,  ni  l'assoupisse- 
ment du  juge,  ni  la  tiédeur  de  l'avocat.  Adeptes  fervents  de 
la  chicane,  on  les  voyait  traîner  à  la  barre,  au  plus  fort  de 
l'été,  à  l'heure  où  les  travaux  champêtres  réclamaient  tous 
ses  soins,  leur  adversaire  accablé  de  tracas.  Une  loi  protec- 
trice mit  un  frein  à  ces  ardeurs  intempestives.  Par  un  édit, 
l'empereur  Marc-Aurèle  fit  défense  de  citer  en  justice  pen- 
dant les  moissons  et  durant  les  vendanges  :  «  Occupés  à 
retirer  les  biens  de  la  terre,  les  plaideurs,  y  était-il  dit,  ne 
peuvent  être  astreints  à  comparaître  devant  le  juge.  »  Quel- 
ques causes  d'une  nature  exceptionnelle  furent  seules  affran- 
chies de  cette  règle  ^. 


L  Pline  le  Jeune,  livre  VIII,  lettre  21. 
2.  Digeste,  livre  II,  t.  XII,  §§  1  et  2. 


LES   VACANCES   JUDICIAIRES.  67 

Marquées  désormais  par  ces  jours  de  repos,  les  fériés  des 
moissons  et  des  vendanges  messivœ  et  vindemiales  feriœ 
figuraient  depuis  longues  années  parmi  les  solennités  du 
culte  romain.  Les  gouverneurs  des  provinces  en  détermi- 
naient,, suivant  la  coutume  des  lieux,  la  date  et  la  durée. 
Une  des  divinités  du  Latium,  Tanlique  Yacuna  chantée  par 
Ovide  dans  ses  Fastes^  fut  préposée  à  cet  office  intéressant; 
elle  devint  la  déesse  des  vacances  et  des  doux  loisirs.  Chère 
aux  écoliers,  elle  vit  plus  d'une  fois,  n'en  doutons  pas,  des 
orateurs  en  renom  et  d'austères  jurisconsultes  prodiguer  à 
SCS  autels  leurs  ofirandes  et  leurs  vœux. 

«  Qu'ai'je  fait  dans  la  cité  >,  s'écriait  Pline  sous  les  riants 
portiques  de  sa  villa  de  Laurente.  «  Celui-ci  m'a  chargé  de 
sa  cause;  celui-là  m'a  appelé  en  consultation;  j'ai  discouru 
au  Sénat,  j'ai  plaidé  devant  les  centumvirs.  Stériles  et  fri- 
voles occupations!  Ici,  point  de  crainte  qui  m'agite,  point 
de  bruit  qui  m'importune;  je  ne  m'entretiens  qu'avec  moi 
et  mes  livres.  0  l'agréable  et  paisible  vie!  0  le  délicieux  loi- 
sir! La  mer  et  ses  rivages  fécondent  mon  imagination  et 
inspirent  mes  pensées;  fuyez  comme  moi  le  fracas  et  le 
vain  mouvement  de  la  ville;  livrez-vous  à  l'étude  et  au 
reposa  » 

La  bibliothèque  avec  ses  rayons  consacrés  aux  poètes, 
aux  orateurs,  à  la  philosophie,  à  l'histoire;  l'Atrium  avec 
ses  longues  galeries  abritées  du  soleil,  ses  vastes  salles  de 
bains  invitant  au  repos  n'étaient  pas  les  seuls  endroits  où  se 
consommait  l'oubli  de  la  ville  et  de  ses  rumeurs;  les  lon- 
gues promenades  mêlées  de  causeries,  la  visite  aux  amis,  la 
récolte  des  fruits,  la  chasse  et  ses  plaisirs  remplissaient 
sans  effort  la  fuite  du  temps.  Qui  ne  se  souvient  de  la  lellre 
où  Pline  raconte  à  Tacite  ses  exploits  de  chasseur  :  <  Vous 
allez  rire  !  Eh  bien,  riez  tant  qu'il  vous  plaira  !  Ce  Pline  que 
vous  connaissez  a  pris  trois  sangliers  et  des  plus  beaux. 
Quoi!  lui-même!  Oui,  lui-même,  sans  sortir  toutefois  de  sa 
paresse  et  de  son  repos.  J'étais  assis  près  dos  filets,  ni  pieu, 

1.  Pline  le  Jeune,  livre  I,  lettre  9. 


68  MÉMOIRES. 

ni  dard  sous  ma  inain.  Je  rêvais,  j'écrivais,  prêt  à  rapporter 
mes  pages  pleines  si  je  rentrais  les  mains  vides  \  » 

D'autres,  plus  modestes  en  leurs  goûts,  se  contentaient,  à 
Texemple  d'Horace,  d'un  champ  de  médiocre  étendue,  ren- 
fermant dans  son  étroite  enceinte  un  jardin  avec  une  source 
d'eau  vive  auprès  de  la  maison.  Mettant  à  profit  leurs  loisirs, 
ils  cultivaient  dans  une  paix  profonde  l'héritage  paternel. 
Et  quand,  au  déclin  du  jour,  le  soleil  jetait  ses  derniers  feux, 
leurs  mains  effeuillaient  des  roses  ou  portaient  à  leurs  lèvres 
les  coupes  remplies  d'un  vin  généreux  récolté  sous  quelque 
consul  contemporain  de  leur  jeunesse.  Qu'ils  se  sentaient 
loin,  dans  ces  retraites  bénies,  des  fièvres  du  prétoire  et 
que  de  fois  n'ont-ils  pas  dû  redire  avec  l'auteur  des  Bucoli- 
ques :  Deus  nobis  hœc  otia  fecit. 

Revêtu  de  la  pourpre  impériale,  le  christianisme  respecte 
les  vacances;  il  en  fixe  l'époque,  il  en  accroît  la  durée. 
Théodose,  par  une  constitution,  décide  que  «  les  vacances 
des  moissons  commenceront  le  huitième  jour  des  calendes  de 
juillet  et  dureront  jusqu'aux  calendes  d'août;  il  est  permis 
do  poursuivre  les  procès  depuis  les  calendes  d'août  jus- 
qu'au dernier  jour  des  calendes  de  septembre.  Les  vacances 
des  vendanges  commenceront  le  dixième  jour  des  calendes 
de  septembre  et  se  prolongeront  jusqu'aux  ides  d'octobre. 
L'on  s'abstiendra  de  toute  cause  judiciaire  le  saint  jour  de 
Pâques,  le  jour  de  la  naissance  du  Seigneur,  le  jour  de 
l'Epiphanie  et  pendant  les  sept  jours  qui  suivent  et  qui  pré- 
cèdent. Ce  qui  serait  fait  à  rencontre  de  cette  prescription 
serait  absolument  nuP.  » 

Reconnaissons-le  sans  détour,  le  législateur  se  montre 
dans  cette  occasion  d'une  munificence  sans  égale  :  du 
25  juin  au  l*^''  août,  congé  des  moissons;  du  23  août  au 
15  octobre,  congé  des  vendanges;  quinze  jours  à  la  Noël; 
quinze  jours  aux  Rois;  quinze  jours  à  Pâques.  Le  plus 
exigeant,  à  coup  sûr,  n'avait  pas  à  se  plaindre;  ce  n'était 


1.  Pline  le  Jeune,  livre  I,  lettre  6. 

2.  Code,  livre  III,  t.  XII,  §  2. 


LES    VACANCES   JUDICIAIRES.  69 

pas  avec  parcimonie  que  la  période  du  repos  avait  été  ména- 
gée aux  choses  judiciaires. 

Cette  ère  exceptionnelle  n'eut  qu'un  temps  très  restreint  : 
dès  389,  un  nouvel  édit  promulgué  par  Valentinien  II, 
Tliéodose  et  Arcadius,  fit  quelques  coupures  dans  la  consti- 
tution précédente. 

Son  début  est  menaçant  :  «  Nous  décrétons  que  tous  les 
jours  conviennent  pour  rendre  la  justice  :  omnes  dies  jubé- 
mus  esse  juridico.  »  La  suite  vaut  mieux  :  «  Il  est  permis 
d'en  suspendre  l'administration  pendant  ces  deux  mois  de 
l'année  qui  semblent  convier  au  repos,  celui  des  fortes  cha- 
leurs de  l'été  et  celui  de  la  récolte  des  fruits.  Nous  concé- 
dons aussi  les  jours  habituellement  consacrés  au  repos 
pendant  les  calendes  de  janvier  et^  en  outre,  les  jours  anni- 
versaires de  la  fondation  de  Rome  et  de  Gonstantinople, 
parce  que  c'est  dans  ces  cités  que  les  droits  ont  pris  nais- 
sance. Nous  y  ajoutons  le  saint  jour  de  Pâques  avec  la 
semaine  qui  le  précède  et  celle  qui  le  suit,  le  jour  de  la 
Nativité  du  Seigneur  et  celui  de  l'Epiphanie,  et  enfin  tout  le 
temps  où  le  moindre  chrétien  célèbre  le  souvenir  de  la  pas- 
sion des  Apôtres  ^  » 

On  le  voit,  l'œuvre  primitive  de  Théodose  a  subi  de 
sérieuses  amputations.  Toutefois,  en  faisant  le  compte  de 
ce  qui  reste,  on  obtient  encore  un  résultat  qui  n'a  rien  de 
désolant.  Dans  sa  forme  définitive,  telle  que  l'édit  de  389 
l'a  réglée,  la  législation  romaine  sur  les  vacances,  fai- 
sons-en l'aveu,  n'a  pas  traité  avec  une  rigueur  excessive 
son  nombreux  personnel  de  magistrats  et  d'hommes  de  loi; 
ils  Jui  ont  rendu  ce  bienfait  au  centuple  par  la  solidité  de 
leurs  décisions,  où  notre  Droit  moderne  puise  encore  ses 
doctrines  les  plus  sûres. 

Au  Moyen-âge,  tout  est  ténèbres  et  confusion.  Sous  l'em- 
pire des  deux  premières  races  de  nos  rois,  les  Tonges  ou 
Centeniers,  les  Comtes  ou  Grafions  et  les  Rachimbourgs  ne 
tenaient  pas  des  audiences  permanentes  et  sédentaires  :  ils 

1.  Gode,  livr.i  III,  I.  XII,  §  7. 


/()  MEMOIRES. 

portaient  leurs  mails,  leurs  plaids  ou  leurs  assises,  à  cer- 
taines époques  de  Tannée,  dans  diverses  localités  de  leurs 
ressorts  respectifs  et  s'en  éloignaient  après  avoir  jugé  les 
affaires  soumises  à  leur  décision.  La  justice  était  intermit- 
tente; il  n'y  avait  donc  pas,  à  proprement  parler,  de  vacan- 
ces, à  moins  que  l'on  ne  veuille  considérer  comme  tels  les 
nombreux  intervalles  qui  séparaient  les  sessions.  Il  en  fut  à 
peu  près  de  même  quand  les  lois  féodales  succédèrent  aux 
lois  des  Barbares  et  aux  Capitulaires.  Le  roi  et  les  sei- 
gneurs ne  tenaient  leurs  hautes,  basses  et  moyennes  justi- 
ces que  quand  les  affaires  litigieuses  l'exigeaient.  Ils  con- 
voquaient alors  leurs  hommes-liges  pour  garnir  leur  Cour 
et  ceux-ci  retournaient  à  leurs  manoirs  après  les  plaids 
terminés. 

Au  temps  de  Joinville,  on  commençait  aussi  à  juger 
presque  autant  par  baillis  que  par  pairs,  c'est-à-dire  que  les 
seigneurs,  au  lieu  de  convoquer  les  possesseurs  des  fiefs  re- 
levant des  l.eurs,  pour  administrer  la  justice,  la  faisaient 
rendre  par  leurs  baillis  {ballici^  bajuli)  ou  prévôts  (prœpo- 
siti).  Ce  dernier  mode  finit, par  prévaloir.  Ce  n'est  qu'au 
commencement  du  quatorzième  siècle  que  le  Parlement  de 
Paris  et  d'autres  justices  ambulatoires  comme  lui  devin- 
rent peu  à  peu  sédentaires;  puis,  avec  le  temps,  les  fonc- 
tions de  magistrature,  d'abord  temporaires  et  conférées  par 
de  simples  commissions,  prirent  un  caractère  de  perma- 
nence, et  ce  fut  alors  seulement  qu'il  put  exister  des  va- 
cances. 

Si  la  nécessité  pour  les  magistrats  de  se  reposer  de  leurs 
travaux  et  de  vaquer  à  leurs  affaires  domestiques  est  deve- 
nue depuis  des  siècles  leur  impérieuse  raison  d'être,  cepen- 
dant, des  circonstances  assez  singulières,  des  motifs  tout 
différents  des  causes  qui  les  avaient  fait  naître  à  Rome,  en 
firent  tout  d'abord  éprouver  le  besoin. 

L'usage  de  l'écriture  est  très  rare  en  France  avant  le 
douzième  siècle. 

Les  clercs  (on  désigne  par  ce  terme  tous  ceux  qui  possè- 
dent quelque  instruction)  se  réfugient  dans  les  monastères 


LES   VACANCES   JUDICIAIRES.  71 

OÙ,  à  l'abri  des  violences  du  Moyen  âge,  ils  peuvent  étu- 
dier les  précieux  manuscrits  échappés  aux  dévastations  des  ' 
barbares.  En  dehors  du  clergé,  peu  de  gens  savent  lire;  le 
gentilhomme  croirait  déroger  s'il  pouvait  tracer  sa  signa- 
ture. Le  juge  lui-même,  dans  ces  temps  d'ignorance,  est 
souvent  illettré.  Il  n'a  pas  de  greffier  et  sa  décision  n'est 
pas  écrite.  11  la  fait  exécuter  sous  ses  yeux  et  il  n'en  reste 
trace  que  dans  sa  mémoire.  Lorsque  l'écriture  se  répand, 
apparaît  l'institution  des  greffiers.  Mais  le  jugement  du  ma- 
gistrat, pour  être  couché  sur  parchemin,  n'en  serait  pas 
moins    lettre  morte    sans   l'intervention   de   celui  qui   l'a 
rendu.  Quel  sergent  aurait  pu  saisir  le  sens  d'un  grimoire, 
eût-il  été  buriné  par  le  plus  habile  calligraphe,  alors  qu'il 
était  rédigé  dans  la  langue  de  Justinien,  la  seule  qui  soit 
alors  en  usage  au  Palais!  les  juges  continuent  donc  à  sur- 
veiller l'exécution  de  leurs  sentences. 

Quand  le  Parlement  cesse  d'être  ambulatoire,  ils  doivent 
se  transporter,  à  cet  effet,  d'un  bout  à  l'autre  du  territoire 
soumis  à  leur  juridiction.  Les  enquêtes,  les  visites  des  lieux 
exigent  aussi  leur  déplacement,  et  pour  ces  divers  objets 
ils  vont  sans  cesse  en  commission. 

Dès  l'époque  où  le  départ  était  permis,  conseillers  et 
greffiers,  avocats  et  procureurs,  car  les  représentants  des 
parties  accompagnaient  le  juge,  se  bottaient,  s'éperon- 
naient,  montaient  à  cheval,  l'écritoire  au  côté,  les  sacs  à 
papiers  pendants  à  l'arçon  de  la  selle,  et  la  France  se  cou- 
vrait de  noires  caravanes  qui  se  croisaient  dans  tous  les 
sens,  sur  les  chemins,  au  grand  ébahissement  des  popula- 
tions des  pays  qu'elles  traversaient. 

Un  auteur  du  onzième  siècle  constate  le  respect  et  la  cu- 
riosité qui  suivaient  les  voyageurs  : 

Quand  ils  allaient  lors  en  commission, 

Vous  eussiez  vœu  une  procession 

De  gens  aprez  qui  leur  portaient  honneur^ 


1.  Martial  d'Auvergne,  Les  Vigiles  de  la  mort  du  Uoy  Charles  VI. 


/^  MEMOIRES. 

Si  Ton. songe  à  l'énorme  étendue  du  Parlement  de  Paris 
(A  i\  la  difficulté  des  communications,  on  se  rend  compte  de 
la  longueur  de  ces  voyages  et  on  comprend  quelle  gêne  ces 
habitudes  nomades  devaient  apporter  à  la  marche  régulière 
de  la  justice.  A  certains  moments,  quand  la  saison  était 
favorable,  un  grand  nombre  de  juges  quittaient  le  Palais 
pour  remplir  ces  devoirs  de  leurs  charges,  et  les  audiences 
ne  pouvaient  plus  se  constituer. 

Louis  XII,  ému  des  doléances  des  chefs  du  Parlement,  im- 
puissants à  modifier  cet  état  de  choses,  fit  défendre  aux 
magistrats  de  remplir  leurs  commissions  en  dehors  d'une 
époque  déterminée.  Ils  ne  pourront  plus,  désormais,  s'absen- 
ter «  avant  l'Assomption  de  la  sainte  Vierge  (15  août)  et 
devront  être  rentrés  au  plus  tard  à  la  Saint-Martin  (11  no- 
vembre)^ ».  Il  fut  difficile  de  faire  admettre  la  nouvelle 
réglementation  qui  froissait  d'anciens  usages  et  allait  à 
rencontre  des  convenances  des  magistrats.  On  dut  se  mon- 
trer sévère  pour  en  assurer  l'exécution.  En  1526  encore, 
«  certains  conseillers  absents  à  la  Saint-Martin  et  estant  en 
commission,  furent  privés  de  leurs  gages  pour  deux  mois  ». 
Un  conseiller  ayant  écrit  et  prié  la  Cour  de  l'excuser,  s'il  ne 
pouvait  se  trouver  le  jour  des  ouvertures,  pour  n'avoir  en- 
core achevé  sa  commission,  outre  la  privation  des  gages, 
fut  encore  condamné  en  amende  pour  œuvre  pie'^ 

L'ordonnance  fut  enfin  observée  et  les  malades  seuls  n'as- 
sistèrent pas  à  la  reprise  des  travaux  du  Parlement  qu'on 
appellera  désormais  la  7'entrée  de  la  Saint-Martin. 

Telle  fut  l'origine  des  vacations  des  vendanges,  ainsi  nom- 
mées,  à  cause  de  la  saison  à  laquelle  elles  avaient  lieu  et 
pour  les  distinguer  des  petites  vacations  de  Pâques,  de 
Noël  et  de  la  Pentecôte,  consacrées  aux  devoirs  religieux. 

Ce  n'était  pas,  on  le  voit,  un  temps  de  repos  ni  de  pro- 
menades oisives.  Ceux  qui  avaient  bien  employé  les  vacan- 
ces aspiraient  à  revenir  à  Paris  et  à  reprendre  le  cours  de 

1.  Ordonnance  de  mars  1498;  voir  aussi  l'Ordonnance  de  juil- 
let 1493.  Anciennes  lois,  tome  XI,  p.  323  et  tome  XI,  p.  264. 

2.  Larocheflavin. 


LES    VACANCES   JUDICIAIRES.  73 

leurs  travaux  ordinaires  pour  se  débarrasser  du  rude  la- 
beur qui  les  avait  remplies  :  tous  les  vœux  appelaient  alors 
la  rentrée  de  la  Saint-Martin. 

D'autres  occupations,  d'autres  pénibles  voyages  s'impo- 
saient, en  effet,  à  l'activité  des  magistrats,  pendant  la  fin 
d'août  et  les  mois  de  septembre  et  d'octobre. 

Aux  termes  de  l'ordonnance  de  1498,  le  temps  où  le  Par- 
lement vaque  sera  consacré  non  seulement  aux  commis- 
sions, mais  encore  à  la  tenue  des  Grands-Jours,  assises 
solennelles  qui  rappellent  l'époque  déjà  éloignée  où  la  Cour 
souveraine  était  ambulatoire. 

Pendant  la  première  moitié  du  douzième  siècle,  les  Grands- 
Jours  sont  fréquents.  L'idée  féodale  fait  place  à  la  conception 
plus  haute  et  toute  moderne  de  la  monarchie  française,  réu- 
nissant le  pays  tout  entier  sous  sa  main.  L'œuvre  commen- 
cée par  Louis  XI  s'achève.  C'est  dans  le  cours  de  cette  période 
surtout  qu'une  délégation  du  Parlement  va,  presque  chaque 
année,  pendant  les  vacations,  porter  dans  son  immense  ressort 
l'Autorité  du  Roi.  De  1534  à  1547,  il  y  eut  douze  sessions 
des  Grands-Jours.  Le  Parlement  de  Toulouse,  comme  celui 
de  Paris,  tient  ses  Grands-Jours  à  Nîmes,  à  Béziers,  au  Puy. 

Les  guerres  de  religion  qui  ébranlent  le  trône  des  der- 
niers Valois  et  ensanglantent  la  France  arrêtent  bientôt 
dans  le  pays  toute  ^ie  normale;  les  troubles  de  la  Ligue 
suspendent  presque  complètement  l'œuvre  de  la  justice,  et 
ce  n'est  qu'avec  le  règne  d'Henri  IV  qu'on  voit  reparaître 
ces  grandes  assises  criminelles. 

Il  faudrait  passer  en  revue  l'histoire  de  toute  cette  période 
de  guerres  de  religion  pour  faire  ressortir  les  désordres, 
les  cruautés,  les  crimes  qu'elles  amenaient  avec  elles.  La 
licence  et  l'impunité,  surtout  dans  les  provinces  éloignées 
de  la  capitale,  étaient  arrivées  à  leur  comble,  «  par  suite, 
écrit  Etienne  Pasquier,  de  l'insolence  désordonnée  des  gen- 
tilshommes qui,  depuis  les  guerres  civiles,  avaient  toujours 
les  armes  au  poing'  »,  par  suite,  il  faut  bien  le  dire,  de  la 

1.  Lettre  d'Etienne  Pasquier  à  M.  Mole,  conseiller  au  Parlement, 
commissaire  aux  Grands-jours  de  Riom. 

10«  SÉRIE.    —   TOME   X.  8 


74  MÉMOIRES. 

connivence  des  magistrats,  abus  que  nos  mœurs  actuelles 
ne  nous  permettent  plus  de  comprendre. 

Les  plaintes  affluèrent  contre  les  coupables  de  toutes  con- 
ditions. La  Cour  jugea  «  qu'il  était  œuvre  de  souveraine 
justice  de  s'attacher  aux  plus  grands,  quand  ils  le  méri- 
taient^ ». 

Dans  trente-trois  affaires,  elle  prononça  la  peine  capitale 
et  les  têtes  des  plus  nobles  n'échappèrent  pas  à  leur  rigueur. 
Les  contumaces  étaient  nombreux;  l'énergie  des  juges  ne 
faillit  pas  un  instant.  Ils  enjoignirent  aux  baillis,  sénéchaux 
et  tous  autres  officiers  du  roi  de  mener  le  canon,  si  besoin 
était,  devant  ceux  des  châteaux  qui  tiendraient  contre  la 
justice  ou  favoriseraient  les  accusés.  P'orce  resta  à  la  loi,  et 
nos  places  publiques,  comme  l'enceinte  de  nos  hôtels  de 
ville,  retentirent  du  bruit  des  exécutions.  La  fermeté  des 
magistrats  dans  l'accomplissement  de  leur  tâche  contribua, 
dans  une  large  mesure,  à  affermir  le  pouvoir  royal,  et  lors- 
que l'autorité  souveraine  fut  incontestée,  la  nécessité  des 
Grands-Jours  disparut.  Les  derniers  eurent  lieu  en  1666; 
ils  nous  ont  valu  un  des  documents  qui  jettent  le  plus  de 
lumière  sur  les  abus  et  les  crimes  qu'ils  avaient  à  répri- 
mer 2. 

L'ordonnance  de  Louis  XII  qui  créait  indirectement  les 
vacances,  en  limitant  l'époque  où  les  commissions  pouvaient 
être  exécutées,  pourvoyait  en  même  temps  à  l'administration 
de  la  justice  pendant  la  période  des  suspensions  d'audien- 
ces. Une  Chambre,  composée  d'un  président  à  mortier  et  de 
treize  conseillers,  devait  expédier  les  procès  tant  civils  que 
criminels,  mais  de  préférence  ces  derniers^. 

La  Chambrée  des  vacations,  tel  était  le  nom  qui  lui  était 
donné,  exerçait  les  privilèges  de  la  Cour  souveraine,  dont 
elle  avait,  en  même  temps,  dans  certains  cas,  les  attribu- 
tions politiques  :  c'est  ainsi  qu'on  la  voit  enregistrer  les 
édits  et  les  lettres  patentes  du  roi,  à  la  charge,  toutefois, 

1.  Et.  Pasquier,  id. 

2.  Les  Grands-Jours  d'Auvergne,  de  Fléchier. 

3.  A.  72  de  l'ordonnance  de  1498. 


LES   VACANCES   JUDICIAIRES.  "         75 

que  cet  enregistrement  fût  approuvé  en  quelque  sorte  et 
consacré  à  la  rentrée  du  Parlement. 

Elle  représentait  la  compagnie,  se  considérait  comme  dé- 
positaire de  ses  traditions,  gardienne  de  sa  dignité,  et  les 
parlementaires,  loin  de  la  fuir,  ambitionnaient  l'honneur 
d'en  faire  partie.  On  n'aurait  eu  garde  de  manquer  d'assis- 
ter à  l'audience  de  la  veille  de  la  Sainte-Croix,  au  cours 
de  laquelle,  parmi  les  magistrats  présents  et  par  rang  d'an- 
cienneté, étaient  choisis  ceux  qui  devaient  être  présentés 
par  le  premier  président  à  l'agrément  du  roi. 

La  Chambre  des  vacations  remplit  tout  entière  le  dernier 
chapitre  de  l'histoire  des  Parlements.  Le  décret  qui,  à  la 
veille  d'une  nouvelle  organisation  judiciaire,  les  mettait 
«  en  vacances  indéfinies  ^  »,  maintint  provisoirement  la 
Chambre  des  vacations,  en  la  chargeant  d'assurer  la  marche 
des  affaires.  Cette  juridiction  temporaire  siégea,  pour  la 
dernière  fois,  à  Paris,  le  15  octobre  1790,  et  l'Assemblée  na- 
tionale, en  supprimant  les  Parlements,  rendit  hommage 
((  au  civisme  et  au  dévouement  avec  lesquels  elle  avait 
rempli  les  fonctions  qui  lui  avaient  été  attribuées^  ». 

A  la  fin  du  seizième  siècle,  les  Grands-Jours,  nous  venons 
de  le  voir,  sont  rares  :  les  commissions  sont  également 
moins  fréquentes.  L'ordonnance  de  Villers-Cotterels  a  décidé 
que  «  tous  les  actes  publics,  jugements  ou  autres,  seront 
rédigés  en  langage  naturel  français  ». 

L'exécution  des  arrêts  est,  dès  lors,  facile  et  ne  nécessite 
que  dans  des  cas  exceptionnels  l'intervention  du  juge  qui 
les  a  rendus.  La  création  des  Présidiaux  a  d'autre  part 
réduit  sensiblement  le  nombre  des  affaires  soumises  au  Par- 
lementa 

Les  vacances  deviennent  réellement  un  temps  de  repos  et 
ceux  des  magistrats  qui  ne  sont  pa§  retenus  par  leurs  fonc- 
tions se  hâtent  de  quitter  la  ville. 

«  Par  suite  d'un  vieil  usage,  écrit  l'Hospital,  les  tribu- 

1.  Décrets  des  5  et  G  novembre  1789. 

2.  Séance  du  6  septembre  1790. 

3.  Ordonnance  de  janvier  1551. 


76  MÉMOIRES. 

naiix  se  ferment  en  septembre.  Le  silence  règne  dans  le 
prétoire  dont  les  portes  sont  fermées.  Tous,  fatigués  de  leurs 
travaux,  sont  possédés  d'un  amour  immodéré  des  champs  '  !  » 
Les  plus  laborieux  et  les  plus  austères  accueillaient  avec 
joie  cette  trêve  de  quelques  semaines  à  la  tâche  de  chaque 
jour,  ce  délassement  de  l'esprit  rendu  nécessaire  par  la 
longue  assiduité  du  Palais  ^ 

«  Oh  !  mes  deux  mois  de  souveraine  jouissance  »,  s'écrie  le 
vertueux  chancelier  de  l'Hospital  ^  ! 

Quel  beau  jour  pour  Etienne  Pasquier  que  celui  où  il 
peut  se  retirer  à  sa  terre  de  Ghastelet-en-Brie  «  non  embar- 
rassé d'affaires,  non  contrôlé  d'autres  que  de  lui,  manquant 
de  toutes  nouvelles  bonnes  ou  mauvaises  qui  tyrannisent 
ordinairement  nos  esprits^  ». 

Le  7  septembre^,  dès  l'aube,  s'ouvre  la  dernière  audience 
et  dans  l'après-midi  chacun  s'apprête  à  partir. 

Les  magistrats  qui  vont  en  commissions  ou  aux  Grands- 
Jours  conservent  seuls  le  costume  de  la  ville  :  robe  longue 
à  larges  manches  et  bonnet  carré.  Ceux  de  leurs  confrères 
qui  gagnent  leurs  terres  prennent  le  vêtement  du  gentil- 
homme campagnard,  vêtement  simple  de  couleur  sévère. 
Les  jeunes  conseillers  ont  cependant,  malgré  les  mercuria- 
les, des  pourpoints  et  des  manteaux  d'étoffes  éclatantes.  La 
garde  de  leurs  épées  et  leurs  éperons  sont  dorés  ou  argentés. 
Quelques-uns  même,  au  lieu  de  porter  la  barbe  longue 
comme  c'est  l'usage  depuis  un  demi-siècle,  «  poussent  la 
licence  jusqu'à  avoir  le  menton  presque  rasé,  avec  de  gran- 
des moustaches  fort  relevées,  retroussées  et  frisées  avec 
certains  fers  chauds  à  la  turquesque^  ». 


1.  Epître  au  cardinal  de  Tournon.  Poésies  de  Michel  de  l'Hospital, 
traduction  de  Nalèche,  p.  16. 

2.  Larocheflavin. 

3.  Loc.  cit. 

4.  Lettres  d'Etien7ie  Pasquier,  livre  XIX,  lettre  8. 

5.  Dès  le  commencement  du  seizième  siècle,  l'ouverture  des  vacan- 
ces a  lieu  le  7  septembre  et  non  le  15  août,  ainsi  que  le  réglait  l'or- 
donnance de  1493. 

6.  Larocheflavin. 


LES    VACANCES   JUDICIAIRES.  77 

Les  anciens  crient  au  scandale  et  déplorent  la  perte  de 
toutes  les  traditions.  Ils  détournent  la  tète,  et  pour  n'avoir 
pas  à  constater  plus  longtemps  un  aussi  grave  oubli  des 
convenances,  se  hâtent  d'enfourcher  leurs  mules,  à  l'aide  des 
nombreux  montoirs  qui  se  trouvent  aux  carrefours  de  la 
ville  et  aux  abords  du  Palais. 

La  mule,  de  temps  immémorial,  est  la  monture  des  parle- 
mentaires, monture  pacifique  et  «  moins  subjecte  que  les 
chevaux  à  se  morfondre  et  gaster,  en  attendant  aux  por- 
tes^ ».  D'après  les  mœurs  de  l'époque,  elle  convient  mieux 
que  le  cheval  à  la  dignité  des  gens  de  robe.  Les  professeurs 
en  usent  pour  aller  à  la  Sorbonne  et  les  étudiants  dissimu- 
lent mal  leur  rire  en  voyant  le  docteur  en  théologie  Pierre 
Pol,  parcourant  les  rues  de  la  cité,  assis  de  côté  sur  sa 
mule,  à  la  mode  des  femmes^.  Les  rois  eux-mêmes  donnent 
l'exemple.  Louis  XIL  qui  vivait  avec  une  grande  familiarité 
avec  les  magistrats,  venait  au  Parlement  monté  sur  un 
petit  mulet,  et  lorsqu'il  avait  «  les  gouttes  »,  il  se  prome- 
nait anisi  dans  les  jardins  du  bailliage  où,  suivant  une 
expression  imagée,  «c  il  digérait  les  affaires  de  TEtat^  ».  Le 
pape  et  les  cardinaux  ne  voyageaient  pas  autrement,  et 
François  P%  le  roi  chevaleresque,  montait  toujours,  sauf  à 
la  guerre  ou  à  la  chasse,  une  grande  mule  «  si  bien  allant, 
qu'il  fallait  que  tous  les  courtisans  galoupassent  pour  lui 
tenir  pied^*  ». 

Pendant  les  guerres  de  religion,  on  remplaça  d'une  façon 
à  peu  près  générale,  au  moins  pour  aller  aux  champs,  la 
mule  par  le  cheval,  qui  est,  dit  un  contemporain,  «  plus  vite 
à  la  fuite^  ».  Il  ne  faut  pourtant  pas  croire  qu'un  sentiment 
pusillanime  ait  déterminé  cette  modification  dans  les  usages. 
Une  telle  précaution  n'était  que  sage.  A  cette  époque  de 
troubles  continuels,  alors  que  les  campagnes  étaient  sans 


1.  Lurocheflavin. 

2.  Montairrne,  Essais,  hvre  I,  chap.  48,  édit.  Hachette,  t.  1er,  p.  183. 

3.  Larochellavin. 

4.  Ibid. 

5.  Ibid. 


78  MÉMOIRES. 

cesse  sillonnées  de  bandes  de  soldats  fanatiques,  il  fallait 
pouvoir  se  mettre,  par  une  retraite  rapide,  à  l'abri  des 
outrages,  éviter  la  captivité  ou  môme  la  mort  —  une  mort 
obscure  et  inutile  au  pays. 

Gristophe  de  Thou  allait  en  autre  équipage  à  sa  maison 
de  Nantouillet.  Le  premier,  après  deux  grandes  dames  de 
la  Cour*,  il  eut  un  carrosse,  une  nouveauté  venue  d'Italie, 
à  la  suite  de  Catherine  de  Médicis. 

Combien  nous  paraîtrait  primitive  et  incommode  cette  caisse 
étroite  et  basse  qu'on  appelait  un  carrosse!  Huchée  sur  des 
essieux  massifs  auxquels  sont  adaptées  d'énormes  roues, 
elle  était  si  haut  placée  et  d'un  accès  si  difficile,  qu'on  de- 
vait recourir  à  une  échelle  pour  s'y  hisser.  C'était  pourtant 
un  luxe  inoui'-*  qu'on  reprochait  au  premier  président.  Emu 
de  ces  critiques,  mais  jugeant  ce  mode  de  transport  plus 
commode  et  plus  digne  que  les  chars  recouverts  de  peaux  de 
bœuf  dans  lesquels  la  famille  des  magistrats  avait  coutume 
de  voyager^,  de  Thou  ne  se  servait  de  son  carrosse  que 
pour  aller  à  sa  terre.  A  Paris,  pour  montrer  que  sa  simpli- 
cité restait  la  même,  il  n'en  usait  pas  et  la  présidente  conti- 
nuait à  faire  ses  visites  et  à  courir  la  ville  en  croupe  der- 
rière un  serviteur  *. 

Achille  de  Harlay,  successeur  et  gendre  de  Cristophe  de 
Thou,  n'éprouva  pas  les  mêmes  scrupules  :  avec  lui,  l'usage 
du  carrosse  entre  dans  les  mœurs.  Qu'on  était  loin  déjà  de 
l'époque  où,  sous  Henri  II,  le  premier  président  Lemaître^ 
stipulait  dans  le  bail  qu'il  passait  avec  les  fermiers  de  sa 
terre  de  Brie  «  qu'aux  quatre  bonnes  fêtes  de  l'année  et  au 
temps  des  vendanges,  ils  lui  amèneraient  une  charrette 
couverte  et  de  la  paille  fraîche  dedans,  pour  y  asseoir  sa 


1.  La  reine  Catherine  de  Médicis  et  la  princesse  Diane,  fille  natu- 
relle de  Henri  H. 

2.  Un  carrosse  coûtait,  à  la  fin  du  seizième  siècle,  de  800  à  1,000  li- 
vres. 

3.  Poésies  de  l'Hospital^  p.  16. 

4.  Méîïioires  de  Jacques  de  Thou,  édition  Desrez,  p.  627. 

5.  Prédécesseur  de  Gristophç  de  Thou. 


LES    VACANCES   JUDICIAIRES.  79 

femme  et  sa  fille,  et  qu'ils  lui  amèneraient  aussi  un  ânon  ou 
une  ânesse  pour  monture  de  leur  chambrière  ^  >. 

Un  voyage  à  la  fin  du  seizième  siècle  était  chose  diffi- 
cile. On  devait  suivre  des  routes  à  peine  tracées,  étroites, 
tortueuses,  favorables  aux  surprises.  Souvent  les  frayés  dis- 
paraissaient peu  à  peu,  presque  complètement,  et  s'entre- 
croisaient de  telle  sorte  que  chacun  en  était  réduit  à  aban- 
donner le  choix  du  chemin  au  hasard  ou  à  l'instinct  de  sa 
monture.  Dès  le  coucher  du  soleil,  on  cherchait  un  gîte.  Les 
hôtelleries  étaient  rares.  On  demandait  l'hospitalité  à  un 
parent,  à  un  ami;  à  leur  défaut,  on  allait  frapper  à  la  porte 
d'un  presbytère  ou  d'un  couvent.  Heureux  le  voyageur  qui 
arrivait  au  terme  sans  avoir  fait  la  rencontre  d'une  troupe 
de  partisans  ! 

Malgré  fatigues  et  dangers,  quelques  membres  du  Parle- 
ment vont  au  bout  du  royaume,  appelés  par  leurs  aff'ections 
ou  leurs  affaires  domestiques. 

L'avocat  général  du  Faur  va  passer  ses  vacances,  dont  la 
plus  grande  partie  sera  consacrée  à  faire  la  route,  à  son 
château  de  Pibrac,  situé  au  fond  de  la  Gascogne.  Les  étapes 
sont  longues,  et  il  aura  le  temps  de  ciseler  nombre  de  ses 
quatrains.  Quelques-uns  de  ses  confrères  admirent,  non  sans 
étonnement,  ce  culte  du  sol  natal;  d'autres,  mieux  infor- 
més, murmurent  tout  bas  qu'un  doux  attachement  l'attire  à 
la  cour  de  Navarre*. 

La  plupart  des  gens  de  robe  arrivent  après  de  moindres 
chevauchées  à  leur  maison  des  champs. 

Cette  maison  n'a  pas  l'aspect  d'une  demeure  féodale  ;  elle 
possède  les  seuls  moyens  de  défense  rendus  indispensables 
par  les  mœurs  du  temps.  Elle  est  conforme  aux  goûts  sim- 
ples du  maître,  en  rapport  avec  sa  fortune  qui  est  modeste. 
Le  conseiller  Noël  du  Fail  nous  a  laissé  une  description 
charmante  de  cette  habitation  «  philosophale  et  de  repos  v; 

1.  Warée,  Curiosités  judiciaires,  Delahaye,  1859,  p.  ^\. 

2.  De  Thou  ne  mot  pas  en  doute  que  Pil)rac  ait  éprouvé  une  vio- 
lente passion  pour  Marguerite  de  Valois,  reine  de  Navarre.  —  Voyez 
Mémoires  de  de  Thou,  [).  GOl. 


80  MÉMOIRES. 

il  faut  respecter  son  langage  et  le  citer  en  entier  pour  en 
apprécier  tout  le  charme.  «  Je  l'ai  bâtie,  écrit-il  dans  ses 
Contes  et  discours,  d'une  force  moyenne  pour  (aire  teste  aux 
voleurs,  coureurs  et  à  Tennemy,  si  Dieu  voulait  me  chastier 
en  cette  partie,  soubs  le  crédit  de  quelques  petites  eaux  qui 
l'entourent,  avec  le  pourprol,  bois,  jardin  et  verger.  Au  ver- 
ger, me  trouverez  travaillant  ne  mes  serpes  et  faucilles, 
rebrassé  jusqu'aux  coudes,  coupant,  tranchant  et  essaygo- 
tant  mes  jeuni3s  arbrisseaux,  selon  que  la  lune  —  qui  beso- 
gne plus  ou  moins  en  ces  bas  et  inférieurs  corps  —  le  com- 
mande. Au  jardin,  y  dressant  l'ordre  de  mon  plant,  réglant 
le  quarré  des  allées,  tirant  ou  faisant  dévaler  et  venir  les 
eaux,  accomodant  mes  mouches  à  miel,  me  courrouçant 
contre  les  taupes  et  mulots  qui  me  font  tant  de  mal!...  Me 
trouverez  aussi  peschant,  allongeant  souvent  le  bras  pour 
cognoistre,  au  mouvement  de  la  ligne,  quelle  espèce  de  pois- 
son vient  escarmoucher  l'appât Quelquefois  aussi,  avec 

deux  lévriers  et  deux  chiens  courants,  allant  à  la  chasse  du 
renard,  chevreau  ou  lièvre  »  —  «  sans  rompre  ou  offenser 
les  bleds  du  laboureur  »,  se  hâte  d'ajouter  le  digne  magis- 
trat, «  comme  font  plusieurs  contrevenants  aux  ordonnances 
et  à  la  justice  commune'.  » 

La  chasse  même,  avec  toute  la  correction  qui  y  apportait 
Noël  du  Fail,  n'était  pas  admise  par  tous  comme  un  plaisir 
permis  aux  gens  de  judicature.  Le  grave  Larocheflavin, 
dont  l'ouvrage^  est  l'expression  fidèle  des  traditions  et  de 
l'esprit  parlementaire  au  douzième  siècle,  pense  que  la  chasse 
doit  être  «  abandonnée  aux  personnes  faisant  profession  des 
armes  ».  Elle  ne  convient  pas  aux  présidents  et  conseillers, 
«  lesquels  ont  de  la  besogne  taillée  plus  qu'ils  n'en  peuvent 
coudre  ».  —  «  L'expérience  de  plusieurs,  dit-il,  nous  a  fait 
connaître  que  de  dix  chasseurs,  neuf  sont  mauvais  rappor- 
teurs, le  dixième  médiocre.  Et  feraient  bien  ces  magistrats 

1.  Contes  et  discoui^s  d'Entrapel,  par  Noël  du  P'ail;  librairie  des 
Bibliophiles,  1875.  Voyez  aussi  Revue  des  Deux-Mondes,  janv.  18S8  : 
«  Un  magistrat  breton.  » 

2.  Les  Parlements  de  France,  livre  VIK. 


LES   VACANCES   JUDICIAIRES.         '  81 

chasseurs  d'imiter  Pei'dicas,  lequel,  au  rapport  de  Gelius 
Rhodigénius,  s'estant  longtemps  adonné  à  la  chasse,  voyant 
la  grande  peine,  frais  et  perte  de  temps  que  tel  exercice  lui 
apportait  et  ayant  esgard  aux  yssues  d'Acteon,  Adonis  et 
Hippolyte,  il  la  quitta  et  s'adonna  à  choses  plus  fructueuses 
et  plus  vertueuses.  »  A  peine  noire  auteur  tolère  t-il  «  que 
quelques  conseillers  ou  présidents  ayment  ou  fréquentent  la 
chasse,  pourvu  qu'ils  le  fassent  honorablement  pour  Testât 
et  contentement  de  leur  esprit  seulement  ». 

Beaucoup  de  magistrats  n'étaient  pas  d'un  rigorisme  aussi 
absolu.  Michel  de  l'Hospital,  comme  Montaigne,  dédaigne 
un  plaisir  «  qu'on  dit  si  attrayant^  »  ;  mais  son  petit-fils 
préféré,  celui  dont  il  a  dirigé  l'éducation  et  suivi  avec  fierté 
les  premiers  succès,  Hurault  de  l'Hospital,  conseiller  au 
Parlement,  est  un  chasseur  passionné.  La  fauconnerie  a  pour 
lui  tant  de  charmes  que  son  ami  Jacques  de  Thou  élabore,  à 
sa  demande,  une  poésie  latine  sur  cet  art  nouvellement 
apporté  en  France,  poème  qu'il  ose  dédier  au  garde  des 
sceaux  de  Gheverny^  ! 

L'avocat  général  Du  Faur  de  Pibrac  aime  «  toute  espèce 
de  chasse^  ».  Ne  peut-il  pas,  d'ailleurs,  à  cette  époque  de 
latinité  à  outrance,  invoquer  l'autorité  de  Gicéron,  qui  per- 
met ce  noble  exercice  au  magistrat  et  à  l'orateur*? 

Plus  tard,  on  ne  sera  pas  plus  sévère.  Si  une  conversa- 
tion, même  sur  un  sujet  cynégétique,  paraît  à  d'Aguesseau 
une  chose  futile,  dép'acée  dans  la  bouche  d'un  homme  de 
loi^,  ses  contemporains  ne  suivent  pas,  le  plus  souvent,  ses 
précoptes.  Au  siècle  du  Grand  Roi,  siècle  de  règle,  de  me- 
sure et  de  solennelle  étiquette,  le  président  Lecoigneux  ne 
pensait  pas  faire  échec  à  la  dignité  de  la  Gomj)agnie  en 
entretenant  une  meute  à  Morfontaine;  et  si  le  moraliste  lui 


L  Easais,  édition  Iliichettc,  p.  2^iî. 

2.  Mémoires  de  de  Thou. 

3.  Ibid. 

4.  De  SenectulBy  cliap.  xvi, 

ô.  Lettres  de  d'Aguesseau,  t.  Il,  |».  lO" 


82  MÉMOIRES. 

adresse  un  reproche,  c'est  d'apporter  à  l'audience  l'écho  d'un 
lancer  de  cerf  ou  de  l'hallali  de  la  veille'. 

Les  jours  s'écoulent  pour  le  parlementaire  consacrés  à 
ces  joies  intimes  du  foyer  qui  sont  souvent  le  secret  de  la 
vaillance  de  la  vie  :  il  aime  son  logis,  ses  arbres,  son  jar- 
din. Mais  une  autre  passion  domine  son  âme  :  la  passion 
des  belles-lettres.  Aux  champs  comme  à  la  ville,  elle  prend 
la  plus  grande  partie  de  ses  loisirs  et,  les  vacances  termi- 
nées, de  nouvelles  études  succèdent  le  plus  souvent  au  labeur 
du  Palais. 

C'est  l'époque  oîi  la  Renaissance  illumine  tout  de  son 
auréole.  Les  Estienne,  les  Sébastian  Greyple,  les  Jean  de 
Tournes  inondent  l'Europe  de  leurs  éditions  grecques  et 
latines.  L'antiquité  reparaît,  resplendissante  de  vie  et  de 
jeunesse,  après  la  longue  nuit  du  Moyen-âge  et  des  temps 
barbares.  Le  génie  rude  et  jeune  de  la  race  gauloise  s'unit 
au  génie  de  deux  peuples  civilisateurs  :  son  idiome  naïf  va 
faire  place  à  notre  langue  riche  et  sonore.  C'est  le  moment 
solennel  entre  tous,  dans  l'histoire  de  l'humanité,  où  le 
règne  des  idées  succède  au  règne  de  la  force,  où  s'ouvre 
cette  ère  féconde  de  liberté  et  de  progrès  qui  transformera 
le  monde. 

Les  gens  de  robe  n'échappent  pas  à  ce  mouvement  Intel 
lectuel.  Les  premiers,  ils  comprennent  la  grandeur  de  l'oeu- 
vre de  ces  remueurs  d'idées  qui  s'appellent  Rabelais,  La 
Boëtie,  Montaigne;  ils  louent  sans  réserve  Ronsard  et  la 
Pléiade,  mais  c'est  surtout  vers  les  anciens  que  les  porte  un 
irrésistible  attrait  :  ils  trouvent  en  eux  des  amis,  des  com- 
pagnons de  chaque  jour.  Grecs  et  Latins  reviennent  sans 
cesse  dans  les  écrits,  les  plaidoyers,  les  discours;  tout  pro- 
cède d'eux,  semble-t-il  :  institutions,  lois,  mœurs,  usages. 
Les  citations  se  succèdent;  telle  phrase  commence  en  fran- 
çais, finit  en  latin.  On  invoque  à  tout  propos  l'autorité  de 
Platon,  de  Pline,  d*Aristote. 

Le  souvenir  de  ses  auteurs  favoris  suit  le  parlementaire 

1.  La  Bruyère,  chap.  vu  :  «  De  la  ville.  » 


LES    VACANCES   JUDICIAIRES.  83 

jusque  dans  sa  vie  champêtre  :  il  lit  les  Georgiques  en 
cueillant  ses  fruits;  il  oriente  sa  maison  comme  la  villa  de 
Tibur,  et  le  soir,  sur  sa  terrasse,  en  admirant  le  soleil  qui 
se  couche  sur  les  grands  bois  ou  dore  la  montagne  de  ses 
derniers  feux,  il  médite  les  consolantes  pages  de  Gicéron  sur 
la  vieillesse  et  fait  des  projets  de  retraite  à  la  campagne. 
Son  admiration  pour  les  héros  de  Rome  et  de  Sparte  lui 
donne  cette  fermeté  d'âme  qui  a  permis  d'appeler  le  seizième 
siècle  l'âge  héroïque  de  la  magistrature  et  d'appliquer  à 
la  vie  des  de  Thou,  des  de  Haiiay,  des  l'Hospital,  le  vers  de 
Térence  :  «  Homo  antïquâ,  virtute  ac  fideK  » 

De  cette  antiquité  où  se  trempe  son  âme,  le  parlementaire 
ne  répudie  rien,  pas  même  les  œuvres  légères.  Horace, 
Tibulle,  Anacréon  sont  des  modèles  qu'il  s'efforce  d'imiter 
dans  d'aimables  pastiches,  aux  heures  de  loisir. 

Nul  n'échappe  à  la  contagion.  Parfois  l'élève  rivalise  avec 
le  maître.  L'Hospital,  de  sa  retraite  de  Vinay,  adresse  à  ses 
amis  des  épîtres  qu'on  attribue  à  quelque  auteur  inconnu  du 
siècle  d'Auguste.  Le  président  de  Thou  ébauche  de  petits 
poèmes  entre  deux  chapitres  de  son  histoire.  Chopin,  Loys- 
sel,  Brisson,  les  plus  graves  du  Palais,  ne  craignent  pas  de 
courtiser  la  Muse  tout  en  cueillant  les  fleurs  de  leur  jardin. 

La  correspondance  n'est  pas  non  plus  dédaignée.  On 
échange  sans  cesse  des  épîtres,  soit  dans  cette  langue  fran- 
çaise qui  s'épure  chaque  jour,  soit  en  latin,  soit  môme  en 
grec. 

Si  nous  suivions,  aux  différents  âges,  le  magistrat  pen- 
dant ses  loisirs,  nous  pourrions  observer  les  modifications 
qui,  peu  à  peu,  s'introduisent  dans  les  idées  et  dans  les 
mœurs;  nous  verrions  l'emploi  de  ses  vacances  porter  l'em- 
preinte des  habitudes  et  des  goûts  du  temps.  —  Lamoignon, 
chef  du  Parlement  sous  le  Grand-Roi,  «jouit  d'un  noble 
repos  à  Baville''^  »;  d'Aguesseau  prépare,  dans  son  château 
de  Presnes,  ses  immortelles  mercuriales;  le  président  Hé- 

1.  Les  Adclpîies,  acte  iir,  scène  iv. 

2.  Oraison  fiuK'bi'e  du  [»reniier  président  de  Lamoignon,  par  Flé- 
chie r. 


84  MÉMOIRES. 

nault  va  retrouver  M'"'^  du  Deffand  aux  eaux  de  Forges,  ren- 
dez vous  de  la  frivole  société  de  la  Régence;  Bouhier  traite 
à  Vichy  par  le  vin  de  Bourgogne  «  les  maux  qu'on  y  prend 
et  qu'on  n'y  laisse  pas*  »,  et  disserte,  pour  oublier  sa  goutte, 
sur  un  point  épineux  de  droit  ou  sur  quelque  épisode  nou- 
veau de  la  querelle  janséniste. 

A  ces  aïeux  de  la  première  heure,  aux  côtés  desquels 
émergent  les  figures  des  Mesme,  des  Talon,  des  d'Ormes- 
son,  des  Séguicr,  qui,  à  eux  seuls,  remplissent  trois  siècles, 
représentants  de  la  science  au  Palais  et  amoureux  de  l'art 
au  dehors,  succèdent  les  Ghâlotais,  Montesquieu,  La  Mon- 
noye,  de  Brosses,  et  au  dix-neuvième  siècle,  de  Sèze,  Ber- 
riat  Saint-Prix,  Brillât-Savarin,  Gustave  de  Beaumont,  de 
Tocqueville  et  d'autres  encore  qu'il  serait  facile  d'ajouter  à 
cette  nomenclature. 

Si  les  mœurs  ont  changé  et  si  d'aucuns  consacrent  aujour- 
d'hui leurs  loisirs  à  des  plaisirs  nouveaux,  inconnus  à  leurs 
devanciers;  si  les  uns  vont  jusqu'aux  lointains  pays  en  com- 
pagnie de  vieux  amis  ou  en  bande  joyeuse  avec  le  Club 
alpin;  si  d'autres  parcourent  les  routes  sur  leur  bicyclette 
ou  dévorent  l'espace  en  automobile,  il  en  est  qui,  doucement 
retirés  dans  la  vieille  demeure  familiale,  pleine  de  souve- 
nirs, paisiblement  taquinent  la  truite  ou  chassent  le  lièvre, 
et  le  soir  reprennent  avec  délices  le  livre  fermé  la  veille  ou 
le  travail  interrompu  le  matin. 

Naguère  encore,  la  riche  éclosion  des  discours  prononcés 
aux  audiences  solennelles  de  rentrée,  avant  que  le  décret  du 
10  juillet  1903  ne  fût  venu  les  supprimer,  témoigne  que  les 
choses  de  l'esprit  sont  encore  vivantes  dans  le  cœur  des 
gens  de  robe  comme  elles  l'étaient  aux  siècles  passés,  et 
démontre  qu'en  utilisant  d'une  façon  aussi  intéressante  leurs 
loisirs,  les  magistrats  modernes  se  montrent  les  dignes  suc- 
cesseurs de  leurs  ancêtres. 

1.  Cor7'espondance  de  Mathieu  Marais,  t.  III,  p.  266. 


LES  GYPSES  DE  LA  VALLÉE  DE  TARASCON.       85 


LES  GYPSES  DE  LA  VALLÉE  DE  TARASCON 


LEUR    AGE    GÉOLOGIQUE,    LEUR    CUISSON    IRRÉPROCHABLE 
LEUR  VALEUR  COMMERCIALE. 


Par  m.  le  D^  F.  GARRIGOU^ 


L'étude  des  gypses  ou  pierre  à  plâtre  constitue,  au  point 
de  vue  du  commerce  du  midi  pyrénéen,  un  point  des  plus 
importants  de  la  géologie  pyrénéenne. 

Si  j'ai  choisi  les  gypses  de  la  vallée  de  Tarascon  pour 
procéder  à  mon  étude,  c'est  qu'ils  offrent  un  intérêt  tout 
spécial,  vu  leur  étendue,  la  qualité  de  la  pierre  et  la  place 
qu'ils  tiennent  déjà  dans  le  commerce  méridional. 

Sans  compter  que  nous  trouvons,  dans  le  pays  même,  les 
éléments  scientifiques  les  plus  exceptionnels  et  les  plus 
complets,  pour  expliquer  la  formation  de  ces  énormes  quan- 
tités de  sulfate  de  chaux,  qui  font  la  richesse  du  pays,  et 
des  rochers  qui  les  surmontent,  dolomies  jurassicjues.  dont 
certains  caractères  de  composition  passent  d'une  manière 
incontestable  de  l'un  à  l'autre,  c'est-à-dire  des  gypses  aux 
dolomies. 

Nous  prendrons  la  montagne  de  Soudeur  comme  base  du 
travail  géologique  et  industriel  que  je  vais  présenter  à 
l'Académie. 

La  montagne  que  je  viens  de  nommer  a  une  altitude  de 
1,060  mètres  et  s'élève  au  milieu  de  la  vallée  de  Tarascon. 

Du  sommet  à  la  base,  elle  est  conslituée  :  1''  par  des  cal- 

1.  Lu  dans  la  sôanco  du  1:5  janvier  lUiO. 


86  .       MEMOIRES. 

caires  crétacés  appartenant  aux  étages  urgoaptien,  néoco- 
mien  et  cénomanien  ;  2^  par  des  dolomies  jurassiques  dépen- 
dant du  Lias  inférieur;  3"  par  les  gypses  que  tous  les  géo- 
logues ayant  étudié  la  région  ont  rangé  dans  le  Trias,  le 
tout  reposant  sur  des  schistes  et  calcaires  dévoniens,  qui 
sont  assis  eux-mêmes  sur  le  terrain  archéen. 

Voici  quelques  coupes  montrant  la  façon  dont  marche  le 
gypse  sous  la  montagne  de  Soudour  : 

jo  Figure  1.  —  Montre  la  face  du  -sud  de  la  montagne  de 
Soudour,  plus  le  point  saillant  du  gypse  deSurba,  avec  deux 
sources  séléniteuses  qui,  en  1860,  m'ont  permis  d'affirmer 
qu'il  y  avait  en  ce  point  un  amas  considérable  de  gypse. 

2°  Figure  2.  —  Coupe  verticale  de  la  montagne  de  Sou- 
dour, en  AB,  nord-sud,  montrant  l'allure  du  gypse  sous  les 
calcaires  secondaires  de  Soudour.  Une  moraine  latérale  re- 
pose de  chaque  côté  de  la  montagne,  au  nord  et  au  sud,  sur 
les  terrains  secondaires,  et,  en  certains  points,  elle  est 
recouverte  par  les  éboulis  plus  récents  que  la  moraine. 

La  ligne  verticale  ab  est  une  ligne  divisoire  séparant  la 
portion  de  la  masse  gypseuse  appartenant  à  la  commune 
d'Arignac,  de  celle  qui  appartient  à  la  commune  de  Surba. 

Au  sud  coule  la  rivière  dite  la  Gourbière,  au  pied  du 
hameau  de  Florac,  en  face  du  domaine  de  Fournier;  au  nord 
coule,  dans  une  très  étroite  vallée  ouverte  dans  le  gypse,  la 
rivière  de  Saurat. 

3°  Figure  3.  —  Coupe  horizontale  de  la  montagne  de 
Soudour  suivant  la  ligne  CD,  montrant  en  0  la  masse  gyp- 
seuse de  Surba,  par  son  affleurement  déjà  exploité,  et  en 
S'S'  les  deux  sources  séléniteuses  dont  j'ai  déjà  parlé  plus 
haut, 

La  ligne  divisoire  A'B'  est  la  même  que  AB  (fig.  1)  et  que 
ab  (fig.  2),  montrant  la  progression  de  la  crête  qui  sépare 
les  portions  de  la  masse  gypseuse  appartenant  au  nord  à 
Arignac  et  à  Bédeilhac,  et  au  sud  à  Surba.  J'ai  tracé  ici  les 
limites  de  la  masse  de  gypse  sous  les  terrains  crétacé  et 
jurassique  par  des  lignes  droites.  C'est  là  un  tracé  théorique. 


LES  GYPSES  DE  LA  VALLÉE  DE  TARASGON.       87 

A 

Sondeur    1060 


/^ord-Ouesr 


Sud-  EsC 


H-  ^ 


Sondeur 


Nord. 


Nord-  Ouesl 


Ti^.  2 


Sud-  Ist 


Fi^.  3 


88 


MEMOIRES. 


Il  est  sûr  que  sous  la  masse  erratique  qui  recouvre,  sur- 
tout au  versant  nord  du  Soudour,  le  gypse  si  largement 
exploité  sur  ce  versant,  a  des  limites  très  sinueuses  ajant 
été,  avant  que  les  dépôts  glaciaires  se  soient  déposés  sur  lui, 
très  attaqué  par  les  pluies  descendant  de  la  montagne.  C'est 
par  des  limites  que  nous  traçons,  dans  la  figure  ci  jointe, 
que  la  surface  du  bloc  doit  être  représentée  du  côté  nord 
vers  Arignac  et  Bédeilhac. 


Nord-  Ouest 


Sud-  Est 


Nous  aurons  ainsi  l'explication  de  faits  d'une  importance 
majeure,  dont  nous  parlerons  un  peu  plus  loin,  et  qui  ne 
pourraient  nullement  s'expliquer  sans  cette  disposition. 

Ces  éléments  géologiques  préliminaires  étant  connus, 
nous  devons  passer  à  l'étude  miner alogique  du  gypse. 

La  masse  gypseuse  n'a  pas  une  composition  minéralo- 
gique  uniforme,  surtout  à  ses  limites  de  contact  avec  les 
dolomies  jurassiques. 

En  0,  par  exemple,  où  des  sondages  très  sérieux  ont  été 
pratiqués  en  puits  vertical  et  en  galeries  horizontales,  on 
trouve  à  la  surface  une  pierre  à  plâtre  rosée,  ferrugineuse, 
qui,  convenablement  cuite,  donne  un  plâtre  d'une  dureté 
remarquable,  résistant  même  à  l'action  de  la  pluie  et  de 
Peau  courante. 


LES  GYPSES  DE  LA  VALLÉE  DE  TARASGON.       89 

Au-dessous  de  ce  gypse  rose,  il  existe  une  deuxième  variété 
d'une  blancheur  extrême,  après  cuisson  et  mouture,  mais 
devenant  gris  lorsqu'on  l'hydrate,  pour  redevenir  très  blanc 
une  fois  sec. 

Au-dessous  encore,  le  gypse  devient  cristallin  et  se  con- 
serve tel  avec  plus  ou  moins  de  blancheur,  dans  la  masse 
profonde. 

Dans  certains  points,  il  contient  des  Yacinthe  de  Gompos- 
telle. 

Dans  d'autres,  des  pyrites.  Dans  quelques  points,  il  passe 
au  gypse  en  fer  de  lance,  et  cristallise  en  aiguilles  rhombo- 
édriques  brillantes  et  d'une  finesse  extrême. 

Quelquefois  il  passe  à  l'état  d'albâtre  et  a  pu  être  travaillé. 
Il  y  a  plus  de  soixante  ans,  je  l'ai  vu  se  transformer  chez 
le  curé  de  Gourbit,  qui  le  tournait  avec  habileté,  en  divers 
objets  artistement  finis. 

Du  côté  de  Bédeilhac,  principalement  sur  la  rive  gauche 
de  la  rivière  de  Saura t,  vers  l'ancien  moulin  d'Aibram,  on 
le  voit  mélangé  à  une  sorte  d'ophite  grossière,  fragmenté, 
offrant  peu  de  consistance,  et  qui  permet  de  supposer  que  la 
base  de  cette  masse  gypseuse  a  pu  être  traversée  après  coup 
par  une  sorte  d'ophite  éruptive,  mais  arrivée  froide. 

A  son  contact,  en  effet,  le  gypse  n'a  aucune  apparence  de 
surchauffe,  a  conservé  son  eau  de  combinaison,  et  la  perd 
par  la  cuisson  pour  donner  du  bon  plâtre. 

Rien  de  semblable  n'aurait  lieu  si  le  gypse  avait  été  porté 
à  une  température  supérieure  à  3  ou  400  degrés. 

Sur  d'autres  points,  vers  l'est  de  la  montagne,  pas  loin  du 
moulin  de  la  Société  des  plâtres  d'Arignac,  le  gypse  devient 
talqueux,  et  l'on  finit  même  par  trouver  dans  sa  masse  des 
zones  franchement  talqueuses  et  blanches,  se  présentant  par- 
fois en  lamelles  soyeuses  et  brillantes. 

Par  exemple,  on  ne  voit  jamais  la  moindre  apparence  de 
grandes  strates  dans  cette  masse  gypseuse  si  étendue;  de 
loin  en  loin  on  voit  des  strates  fines. 

Sur  certains  points,  on  trouve  des  ébauches  de  cavernes, 
dans  lesquelles  on  rencontre  du  gypse  cristallin  excessive- 

10^   SÉRIE.   —  TOME   X.  9 


90  MÉMOIRES. 

ment  blanc,  donnant  nn  plâtre  d'une  blancheur  extraordi- 
naire. 

Origine  du  gypse  de  Soudour.  —  La  description  minéra- 
logique  que  nous  venons  de  donner  pernaet  d'arriver  à  des 
conclusions  formelles  au  point  de  vue  de  l'origine  du  gypse  de 
Soudour,  et  des  amorces  de  gisements  qui  se  trouvent  dans  le 
prolongement  de  celui  que  je  viens  de  décrire,  soit  à  Ar- 
nave,  quelques  kilomètres  au  sud-est,  soit  après  Col-de  Port, 
quelques  kilomètres  au  nord-ouest,  en  suivant  la  route  de 
Tarascon  à  Saint-Girons. 

Ces  amas  de  gypse  ont  nne  origine  aqueuse;  ce  sont  des 
dépôts  formés  dans  des  lacs  triasiques,  dont  la  température 
a  sans  doute  pu  être  élevée  mais  n'a  jamais  dépassé  100  de- 
grés. 

Une  formule  des  plus  simples,  combinée  à  la  présence 
simultanée  dans  la  région  de  sources  fort  riches  en  bicar- 
bonate de  chaux  et  en  sulfate  de  magnésie,  donne,  avec  une 
simplicité  remarquable,  le  mécanisme  qui  a  produit  les 
gypses  en  question.  Et  la  connaissance  de  la  lithologie  des 
couches  rocheuses  immédiatement  supérieure  à  ces  gypses 
complète  les  éléments  de  la  théorie  que  nous  proposons 
comme  explication  remarquablement  simple  et  naturelle  de 
l'origine  aqueuse  du  gypse. 

Que  se  passe-t-il,  en  effet,  dans  la  région  que  nous  étu- 
dions au  point  de  vue  des  roches  qui  constituent  le  trias  et 
le  terrain  jurassique  inférieur,  et  relativement  aux  masses 
rocheuses  en  contact  immédiat? 

Le  trias  formant  la  base  de  Soudour  est  constitué  par  du 
gypse,  par  du  sulfate  de  chaux;  le  jurassique  inférieur,  qui 
repose  immédiatement  sur  le  trias,  c'est-à-dire  sur  le  gypse, 
est  constitué  par  une  dolomie  (carbonate  double  de  chaux  et 
de  magnésie). 

Supposons  que  des  sources  contenant  en  solution  à  la  fois 
du  sulfate  de  magnésie  et  du  bicarbonate  de  chaux  arrivent 
en  masse  à  la  surface  du  sol  et  y  forment  un  lac  où  leur 
séjour  va  les  refroidir  au  contact  de  l'air;  il  se  produira  peu 


LES  GYPSES  DE  LA  VALLÉE  DE  TARASGON.       91 

à  peu  du  sulfate  de  chaux  très  peu  soluble  et  du  bicarbonate 
de  magnésie  parfaitement  soluble,  fait  que  nous  pouvons 
fixer  par  la  formule  suivante  : 

GaCO*  +  MgSO^  =  GaSO^  +  Mg 

G03  4-  G02  (MgGO^)  =  GaSO*  +  MgGQs 

Si  la  masse  de  Peau  est  tranquille,  et  elle  Test  toujours 
dans  un  lac,  le  sulfate  de  chaux  se  déposera  rapidement, 
laissant  Teau  cependant  en  dissoudre  une  partie. 

Quant  au  bicarbonate  de  magnésie  soluble,  il  perdra  peu 
à  peu  son  acide  carbonique  pour  passer  à  l'état  de  carbo- 
nate, et  le  carbonate,  devenu  ainsi  insoluble,  se  précipitera  à 
son  tour  sur  le  sulfate  de  chaux  déjà  déposé.  Mais  il  sera 
accompagné  forcément  d'une  certaine  quantité  de  bicarbo- 
nate de  chaux,  car  les  deux  marchent  généralement  ensem- 
ble; ce  dernier  perdant  en  même  temps  que  le  bicarbonate 
de  magnésie  son  excès  d'acide  carbonique,  il  se  précipitera, 
non  du  carbonate  de  magnésie  pur,  mais  un  mélange  de 
carbonate  de  chaux  et  de  carbonate  de  magnésie,  c'est-à-dire 
de  la  dolomie,  qui  reposera  sur  le  sulfate  de  chaux  hydraté, 
c'est-à-dire  sur  le  gypse  déjà  déposé. 

Nous  aurons  donc  deux  roches  absolument  différentes  de 
composition,  et  déposées  dans  l'ordre  voulu,  d'après  notre 
formule  précédente,  à  deux  moments  différents,  mais  immé- 
diatement consécutifs  l'un  à  l'autre.  L'un  appartiendra  à 
l'époque  triasique,  l'autre  à  l'époque  jurassique  inférieure, 
succédant  immédiatement  à  la  précédente. 

C'est,  en  effet,  ce  que  nous  constatons  dans  la  montagne 
de  Soudeur. 

A  la  base  existe  l'énorme  dépôt  de  gypse  que  l'on  peut 
suivre  sur  20  kilomètres  au  moins,  entre  les  villages  d'Ar 
nave  et  de  Massât,  dépôt  morcelé  par  divers  mouvements 
post-triasiques  du  sol. 

A  la  partie  immédiatement  supérieure  au  trias,  c'est-à- 
dire  dans  le  lias,  des  dolomies  d'une  puissance  au  moins 
égale  à  celle  de  la  masse  gypseuse  du  trias  reposeront  en 


92  MÉMOIRES. 

Stratification  presque  concordante  sur  le  dépôt  gypseux  de 
la  base  triasique  de  Soudeur. 

J'ai  dit  que  j'allais  donner  la  preuve  de  l'exactitude  de  ma 
manière  de  voir  relativement  à  la  formation  des  gypses  et 
des  dolomies,  et  cette  preuve,  je  la  trouve  dans  le  pays 
même,  à  un  pas  des  gypses  d'Arignac. 

C'est  l'eau  minérale  de  la  station  balnéaire  d'Ussat  qui 
me  la  fournit. 

Cette  eau  contient  à  la  fois  du  bicarbonate  de  chaux  et 
des  sulfates  de  chaux  et  de  magnésie,  comme  la  source  sup- 
posée alimentatrice  du  grand  lac  dont  nous  avons  admis 
l'existence  dans  la  région  à  l'époque  triasique. 

Après  avoir  servi  à  donner  des  bains,  elle  est  rejetée  dans 
des  tuyaux  de  vidange  et  elle  dépose  dans  ces  tuyaux,  où 
elle  coule  notablement  refroidie,  des  traces  absolument 
insignifiantes  de  sulfate  de  chaux  et  du  carbonate  de  chaux 
et  de  magnésie,  autrement  dit  du  gypse  et  de  la  dolomie. 

L'eau  de  vidange  des  baignoires  étant  constamment  en 
mouvement  pour  s'échapper  vers  la  rivière  de  l'Ariège,  où 
on  la  déverse,  entraîne  avec  elle  tout  le  sulfate  de  chaux 
qui  reste  soluble,  l'eau  n'étant  pas  saturée,  et  il  ne  se  dépose 
que  les  carbonates  de  chaux  et  de  magnésie  restés  complè- 
tement insolubles. 

Si  cette  eau  des  vidanges  était  reçue  dans  des  réservoirs 
où  le  sulfate  de  chaux  au  repos  aurait  le  temps  de  se  préci- 
piter, il  se  précipiterait,  et  c'est  sur  lui  que  se  déposerait  la 
dolomie  produite. 

11  n'est  pas  possible  de  donner  une  preuve  chimique  plus 
concluante  de  l'exactitude  de  ma  manière  de  voir  sur  l'ori- 
gine du  gypse  de  Soudeur  et  des  dolomies  qui  reposent 
immédiatement  sur  lui.  Et  j'ose  ajouter  que  c'est  là  une 
explication  qui  peut  s'appliquer  à  toutes  les  régions  qui  pré- 
sentent des  dolomies  superposées  à  des  amas  de  gypse  d'une 
façon  directe. 

Exploitation  du  gypse.  —  L'exploitation  de  la  pierre  à 
plâtre  se  faisait  au  début  d'une  manière  absolument  primitive. 


LES  GYPSES  DE  LA  VALLEE  DE  TARASCON.       93 

Là  OÙ  la  pierre  se  montrait  avec  sa  blancheur  qui  la  fai- 
sait reconnaître  facilement,  on  abattait  la  roche  à  la  mine, 
et  souvent  on  arrivait  à  créer  ainsi  des  chantiers  abruptes 
sur  les  flancs  de  la  montagne,  où  le  mineur,  suspendu  pour 
ainsi  dire  dans  les  airs,  était  exposé  à  faire  des  chutes  mor- 
telles. Cet  accident  était  fréquent.  Un  arrêté  préfectoral 
empêcha,  il  y  a  nombre  d'années,  de  poursuivre  ainsi  l'ex- 
ploitation de  la  pierre  à  plâtre  et,  dès  lors,  on  creusa  la 
montagne  en  plein  gisement  de  gypse,  en  y  créant,  par  Ten- 
lèvement  de  la  roche,  d'immenses  cavernes  dont  la  voûte 
était  de  loin  en  loin  soutenue  par  d'énormes  piliers  en  roche 
gypseuve  massive. 

On  sauva  ainsi  la  vie  de  nombreux  ouvriers  occupés  à 
l'extraction  de  la  pierre  à  plâtre,  et  ne  calculant  pas  avec  le 
danger  perpétuel  de  chutes  dont  ils  ne  se  relevaient  jamais 
sains  et  saufs. 

Le  transport  de  la  pierre  extraite  de  la  carrière  à  l'usine 
se  fait  encore  d'une  manière  primitive. 

A  Bédeilhac,  ce  sont  des  ânes  qui,  chargés  d'un  poids 
maximum,  montent  la  pierre  à  travers  des  chemins  à  pic, 
d'où  ils  font  souvent  des  chutes  de  20  à  30  mètres  de  hau- 
teur et  se  tuent. 

A  Arignac,  c'est  au  moyen  de  traînaux  tirés  par  des  bœufs 
ou  par  des  vaches,  dans  des  chemins  gondolés  et  usés,  que 
l'on  apporte  la  pierre  jusqu'à  l'usine,  où  on  la  cuit  et  où  on 
la  triture. 

Le  transport  est  aussi  primitif  que  la  cuisson,  dont  nous 
allons  nous  occuper  maintenant. 

Cuisson  du  gypse.  —  Cette  cuisson  s'opère  dans  des  fours 
qui  rappellent  l'enfance  de  l'art  du  chaufournier.  Par  la 
cuisson  on  enlève  au  gypse  son  eau  de  cristallisation. 

Le  four  classique  du  pays  est  une  sorte  de  cône  en  ma- 
çonnerie, assis  par  sa  base  sur  la  terre  ferme,  et  tronqué 
tout  à  fait  à  son  sommet,  de  manière  à  avoir  une  ouverture 
par  laquelle  on  peut  charger  le  four,  après  qu'on  a  préparé 
la   voûte  iuférieure  de  support  avec  des  pierres  de  gypse 


94  MÉMOIRES. 

suffisamment  grosses.  On  allume  sous  cette  voûte  un  feu  de 
coke,  on  bouche  rentrée  du  foyer  au  moyen  d'une  porte  en 
tôle  afin  que  la  combustion  se  fasse  lentement  pendant  trente 
heures  environ. 

Le  résultat  obtenu  est  le  suivant  : 

Les  premières  couches  de  pierre  à  plâtre  sont  brûlées  et 
inutilisables,  parce  que  le  plâtre  qu'elles  fournissent  à  la 
meule  ne  peut  plus  reprendre  son  eau  de  cristallisation. 

La  couche  médiane  est  à  peu  près  convenablement  cuite, 
et  constitue  le  bon  plâtre. 

La  couche  supérieure  est  incomplètement  cuite,  et  conserve 
la  plus  grande  partie  de  son  eau  de  cristallisation. 

Toutes  les  pierres  de  la  fournée  sont  mélangées,  on  les 
porte  à  la  meule,  et  le  plâtre  ainsi  obtenu  est  un  mélange  qui 
est  plus  ou  moins  apte  à  satisfaire  le  plâtrier,  puisqu'il  est 
composé  de  plâtre  trop  cuit,  de  plâtre  non  cuit  et  de  plâtre 
suffisamment  cuit. 

Si  la  cuisson  a  été  menée  avec  soin  et  intelligence,  le  plâtre 
obtenu  est  suffisamment  bon  pour  les  plâtrages  divers,  sur- 
tout pour  les  premières  couches  ;  mais  ce  n'en  est  pas  tou- 
jours le  cas,  tant  s'en  faut. 

Etudions  maintenant  comment  on  peut  arriver  à  une  cuis- 
son parfaite  et  à  un  [)lâtre  régulièrement  bon. 

Les  chaufourniers  des  environs  de  Paris,  grâce  à  des 
fours  spéciaux,  sont  arrivés  à  obtenir  des  plâtres  régulière- 
ment cuits  et  considérés  comme  parfaits  dans  leur  prise.  Ils 
constituent  des  plâtres  de  qualité  hors  ligne. 

Mais  la  main-d'œuvre  est  fort  chère  et  le  prix  de  ces  plâ- 
tres reste  fort  élevé  :  2  et  300  francs  le  wagon,  tandis  que 
nos  bons  plâtres  du  Midi^,  de  Tarascon,  montent  seulement 
à  120  ou  130  francs  le  wagon. 

Des  circonstances  toutes  particulières  m'ont  obligé  à  faire 
de  sérieuses  recherches  pour  arriver  à  tirer  du  gypse  de 
l'Ariège  le  meilleur  parti  possible,  et  j'ai  dû  faire  au  labora- 
toire une  étude  complète,  afin  d'arriver  à  une  production  des 
plus  parfaites  et  des  plus  économiques. 


LES   GYPSES   DE   LA   VALLÉE   DE   TARASCON.  95 

C'est  le  résultat  de  cette  étude  que  je  vais  donner  ici,  vu 
sa  nouveauté  et  les  conséquences  pratiques  obtenues. 

Un  mot  avant  tout  sur  ce  que  Ton  doit  rechercher  en  pré- 
parant du  plâtre. 

Le  gypse  est  un  composé  de  sulfate  de  chaux  hydraté 
ayant  pour  formule  : 

GaS04  +  2H20. 


Ce  sont  ces  deux  équivalents  d'eau,  ou  atomes  d'eau,  qu'il 
faut  enlever  au  gypse  pour  le  transformer  en  plâtre. 

Si  on  ne  lui  en  enlève  qu'un,  il  reste  plâtre  incomplet  et 
difficilement  utilisable,  et  si  on  lui  enlève  à  peu  près  les 
deux,  il  devient  plâtre  complet  et  d'excellente  qualité. 

C'est  en  le  chauffant  régulièrement  à  une  température  qui 
oscille  au  tour  de  180  degrés  qu'on  lui  enlève  les  deux  ato- 
mes d'eau  dont  il  vient  d'être  question. 

L'opération,  pour  être  aussi  régulière,  aussi  complète  et 
aussi  rapide  que  possible,  doit  être  aidée  par  le  vide,  qui 
fait  un  appel  constant  de  l'eau  de  composition  de  la  portion 
la  plus  profonde  de  chaque  fragment  de  gypse,  placé  dans 
un  four  spécial,  chauffé  au  coke  ou  par  un  autre  combus- 
tible. 

J'ai  pu  constater  que  de  cette  manière,  dans  un  simple 
appareil  d'expérience  pouvant  contenir  environ  1  mètre  cube 
de  gypse,  volume  plus  que  suffisant  pour  une  expérience, 
sa  déshydratation  peut  être  obtenue  à  peu  près  complète  en 
six  heures  de  temps,  au  lieu  de  trente  heures,  et  avec  une 
économie  considérable  de  combustible,  par  rapport  à  celui 
qui  est  nécessaire  pour  obtenir  cette  même  déshydratation 
par  le  chauffage  ordinaire. 

Le  plâtre  ainsi  obtenu,  soumis  à  l'examen  de  plâtriers  de 
profession,  fait  une  prise  parfaite,  bien  supérieure  à  celle 
du  meilleur  plâtre  ordinaire,  et  entraîne  une  économie  d'un 
quart  au  moins  sur  le  meilleur  plâtre  fourni  par  les  meil- 
leurs chaufourniers. 

Si  ce  plâtre  est  très  finement  moulu,  il  peut  s'employer 


96  MÉMOIRES. 

pour  les  moulages  les  plus  fins,  et  donne  des  objets  moulés 
d'une  dureté  et  d'une  solidité  égales  à  celles  des  meilleurs 
plâtres  de  Paris. 

Ce  plâtre  a  même  l'avantage  de  n'être  éventé  qu'après 
plusieurs  années  de  conservation  au  contact  de  l'air.  Cette 
propriété  si  précieuse  s'explique  d'une  façon  tout  à  fait 
scientifique  et  après  expérience  pratique. 

Lorsqu'on  examine  un  bloc  de  plâtre  préparé,  comme  je 
viens  de  le  dire,  et  conservé  au  contact  de  l'air,  et  qu'on 
cherche  à  doser  après  un  laps  de  temps,  d'un  an,  l'eau  de 
composition  réacquise  par  ce  bloc,  on  constate  que  c'est  seu- 
lement sa  partie  la  plus  extérieure  qui  s'est  de  nouveau  hy- 
dratée, et  qui,  dans  cet  état  d'hydratation,  a  protégé  la 
masse  intérieure  contre  l'hydratation  profonde,  et  l'a  con- 
servée avec  tout  son  pouvoir  de  prise. 

Je  crois  donc,  d'après  tout  ce  qui  précède,  que  le  procédé 
nouveau  de  cuisson  du  plâtre  que  je  viens  d'exposer  et  que 
garantit  un  brevet,  est  appelé  à  rendre  un  vrai  service  à 
l'industrie  plâtrière,  en  fournisssant  un  plâtre  d'une  homo- 
généité inconnue  jusqu'à  ce  jour,  d'une  cuisson  irrépro- 
chable, d'une  prise  complète  et  parfaite,  d'une  dureté  maxi 
mum,  et  d'un  prix  très  inférieur  à  celui  que  peut  supporter 
le  plâtre  actuel. 

Tel  est  aussi  l'avis  des  plâtriers  qui  en  ont  fait  l'essai,  et 
à  la  tête  desquels  je  puis  signaler  le  Président  du  Syndicat 
des  plâtriers  de  Toulouse,  M.  Picatier. 


Economie  politique  de  Vindustrie  plâtrière. 

S'il  n'est  pas  possible  de  donner  dans  ce  travail  tous  les 
détails  de  la  fabrication  du  plâtre  par  la  méthode  que  je 
viens  de  signaler,  il  est  presque  un  devoir  que  je  fasse  l'ex 
posé  succinct  de  l'économie  politique  de  l'industrie  plâtrière 
de  Tarascon,  basée  sur  les  données  qui  découlent  de  la  nou  - 
velle  manièrf  de  se  présenter  aux  chaufourniers  et  aux  ou- 
vriers qui  y  sont  forcément  attachés. 


LES  GYPSES  DE  LA  VALLEE  DE  TARASCON.       97 

Voilà  une  industrie  qui,  aujourd'hui,  est  morcelée  dans 
le  pays  de  Tarascon,  grand  centre  pour  le  Midi,  de  la  pré- 
paration du  plâtre. 

Une  forte  Société,  la  Société  des  plâtres  d'Arignac,  tient 
le  haut  bout  de  la  fabrication;  plusieurs  petits  chaufourniers 
gravitent  autour  d'elle,  lui  faisant  une  certaine  concur- 
rence. A  eux  tous  réunis,  ils  sont  arrivés  à  préparer  par 
an,  il  y  a  quelques  années,  un  minimum  de  2,400  wagons 
de  plâtre  à  bâtisse,  sans  compter  celui  pour  l'agriculture. 
Ce  haut  chiffre  ne  s'est  pas  maintenu  ;  il  a  sensiblement 
baissé,  par  suite  de  la  mauvaise  fabrication  du  plâtre  et 
d'une  grève  déplorable  et  pour  les  fabricants  et  pour  les 
ouvriers.  L'expédition  annuelle  est  tombée  à  1,800  wagons 
environ. 

Par  suite  d'une  direction  intelligente  de  la  Société  d'Ari- 
gnac, la  fabrication  s'est  relevée,  de  même  que  l'expédi- 
tion, mais  elle  n'a  pas  encore  atteint  le  chiffre  primitif  d'ex- 
péditions annuelles,  bien  que  cette  année  elle  ait  atteint 
pendant  quelque  temps  90  wagons  par  jour. 

La  concurrence  entre  les  petits  chaufourniers  et  la  So- 
ciété d'Arignac  s'est  peut  être  accentuée. 

Un  nouveau  centre  d'exploitation  s'étant  créé  â  Surba, 
destiné  par  l'emplacement  exceptionnellement  favorable, 
par  la  richesse  redoutée  de  ses  gisements,  ainsi  que  par  le 
brevet  dont  elle  dispose,  en  en  attendant  d'autres,  à  domi- 
ner la  situation,  la  Société  d'Arignac,  sérieusement  préoccu- 
pée de  ce  nouvel  état  des  choses,  a  immédiatement  cherché 
à  remédier  à  la  faiblesse  de  certains  côtés  de  son  exploita- 
tion, en  se  procurant  de  nouveaux  gisements  de  gypse,  en 
augmentant  sa  force  motrice,  etc.,  etc. 

Pendant  ce  temps,  les  petits  chaufourniers,  parmi  lesquels 
certains  ont  été  trompés  et  exploités  par  des  gens  étrangers 
peu  consciencieux,  reculent  pour  consentir  à  de  nouvelles 
dépenses;  d'autres  vivotent  sans  de  grands  efforts. 

C'est  donc  un  certain  désordre  industriel  au  bénéfice  d'un 
seul,  qui  règne  dans  l'industrie  plâtrière  de  Tarascon,  aux 
dépens  de  petits  propriétaires  do  plâtrières,  et  de  prépara- 


98  MÉMOIRES. 

teurs  de  plâtre,  en  même  temps  qu'aux  dépens  du  pays  et 
de  l'industrie  elle-même. 

Gomment  mettre  fin  à  un  état  de  choses  aussi  malheureux, 
d'une  manière  fructueuse  et  honorable  pour  tous,  d'une  ma- 
nière vraiment  démocratique,  oserais-je  dire?  Gomme  de 
juste,  il  est  indispensable,  pour  avoir  le  succès  assuré  d'une 
manière  définitive,  et  pour  se  préserver  des  grèves,  de  met- 
tre l'ouvrier  à  l'abri  de  l'arbitraire  et  des  excitations  cou- 
pables et  ruineuses  pour  tous. 

Un  seul  me  semble  proposable,  celui  d'un  Syndicat  des  ex- 
ploitations, en  employant  les  procédés  les  plus  scientifiques 
et  les  plus  pratiques  de  fabrication,  chacun  ayant  sa  juste 
part  de  bénéfices  d'après  la  valeur  de  son  apport,  et  sa  ferme 
résolution  de  céder  à  l'ouvrier  un  intérêt  définitif  et  intan- 
gible dans  les  bénéfices  réalisés. 

Dans  ces  conditions,  le  Syndicat,  faisant  disparaître  toute 
concurrence,  et  n'ambitionnant  qu'une  seule  chose,  la  per- 
fection de  la  fabrication  et  un  rehaussement  convenable  du 
prix  de  vente  de  chaque  espèce  de  plâtre,  les  chaufourniers 
de  Tarascon,  fondus  en  une  seule  société,  pourront  servir 
les  plâtriers  du  triangle  dessiné  par  Bordeaux,  Périgueux  et 
Montpellier,  et  s'étendre  beaucoup  plus  loin  encore,  pour  la 
vente  des  plâtres  surfins,  pouvant  concurrencer  ceux  de  Pa- 
ris, car  ils  obtiendront  ces  derniers,  grâce  à  des  brevets  spé- 
ciaux, à  bien  meilleur  compte  que  ceux  de  la  capitale. 

Ge  serait  là  une  raison  sérieuse  pour  adopter  une  organi- 
sation qui  ne  pourrait  qu'augmenter  ses  bénéfices  et  son 
avoir,  et  qui  pourrait  également,  en  appelant  de  petits  indus- 
triels à  prendre  part  à  un  succès  et  à  des  bénéfices  sérieux, 
augmenter  la  fortune  de  tout  un  pays,  en  assurant  l'aisance 
et  le  bien-être  aux  ouvriers  spéciaux  du  canton  de  Taras- 
con. 

L'union,  surtout  l'union  d'industriels  intelligents,  fait  la 
force,  on  Ta  dit  depuis  très  longtemps,  et  dans  ces  condi- 
tions, ce  qui  manque  à  l'un,  l'autre  peut  le  fournir,  pour  le 
plus  grand  bien  du  Syndicat  proposé. 

Des  horizons  nouveaux,  absolument  imprévus  dans  l'in- 


LES  GYPSES  DE  LA  VALLÉE  DE  TARASCON.       99 

dustiie  du  plâtre,  s'ouvrent  par  suite  d'études  scientifiques 
des  plus  sérieuses,  faites  sous  une  direction  compétente  et 
désintéressée. 

Ces  découvertes  sont  offertes  au  Syndicat  en  question. 
Qu'il  sache  les  utiliser.  Tarascon  et  les  pays  voisins  consti- 
tuent un  centre  privilégié  pour  les  y  créer  et  les  y  dévelop- 
per, but  auquel  doivent  se  consacrer  sans  relâche  ceux  qui 
aiment  la  prospérité  de  la  grande  comme  de  la  petite  patrie, 
et  qui  considèrent  comme  un  devoir  et  comme  un  honneur 
d'appeler  l'ouvrier  à  participer  aux  bénéfices  dont  le  capita- 
liste seul  a  eu  jusqu'à  ce  jour  la  jouissance. 


LA   FIXATION    DE   l'aZOTE   ATMOSPHÉRIQUE.  101 


LA  FIXATION  DE  L'AZOTE  ATMOSPIIÉIUOUE 

ET  LES  NOUVEAUX  ENGRAIS  AZOTÉS 

Par  h.  GIRAN». 


Parmi  les  corps  simples  qui  constituent  le  globe  terrestre, 
l'un  des  plus  indispensables  à  la  vie  des  animaux  et  des 
végétaux  est  Vazote.  Ce  gaz  se  trouve  très  abondamment 
répandu  dans  l'atmosphère,  dont  il  constitue  les  quatre  cin- 
quièmes environ.  Malheureusement,  les  animaux  et  les 
plantes  sont  incapables  d'une  assimilation  directe  de  cet 
élément;  seules  les  légumineuses  sont  douées  de  la  pro- 
priété de  Tabsorber  et  de  s'en  nourrir  en  le  puisant  directe- 
ment dans  l'air.  A  cette  exception  près,  les  plantes  emprun- 
tent à  certains  composés  azotés  contenus  dans  le  sol  Tazote 
dont  elles  ont  besoin;  cet  élément,  ainsi  fixé  dans  le  règne 
végétal,  passe  ensuite  successivement  chez  les  animaux 
herbivores,  puis  chez  les  carnivores.  Il  est  donc  nécessaire 
que  le  sol  renferme  des  composés  azotés  assimilables  par 
les  plantes. 

Mais  il  peut  arriver,  soit  que  ces  composés  soient  insuffi- 
sants dans  certains  terrains  pour  que  les  végétaux  que  l'on 
y  cultive  atteignent  leur  développement  normal,  soit  que 
l'agriculteur  désire  accroître  la  production  de  son  champ. 
Dans  l'un  et  l'autre  cas,  il  sera  nécessaire  de  fournir  aux 
végétaux  un  supplément  d'azote  absorbable,  d'où  l'emploi, 
si  répandu  aujourd'hui,  des  engrais  azotés. 

1.  Lu  dans  la  séance  du  3  février  1910. 


102  MÉMOIRES. 

Le  désir  bien  légitime  d'augmenter  le  rendement  du  sol 
n'est  d'ailleurs  pas  le  seul  motif  qui  ait  amené  les  agrono- 
mes à  faire  usage  de  ces  engrais.  Il  est  des  cas  où  la  sur- 
production est  une  nécessité;  Tun  d'eux  est  particulièrement 
intéressant,  c'est  celui  du  blé. 

Dans  un  discours  prononcé  en  1898  à  l'Association  britan- 
nique pour  l'avancement  des  sciences,  sir  W.  Grookes  a 
attiré  l'attention  sur  l'accroissement  extraordinairement 
rapide  des  peuples  de  race  blanche  qui  font  des  céréales,  du 
blé  en  particulier,  la  base  de  leur  alimentation,  et  qu'il 
désigne  par  l'expression  pittoresque  de  «  Mangeurs  de 
pain  ».  Il  a  constaté  que  cet  accroissement  était  tel  que, 
dans  une  vingtaine  d'années,  la  superficie  totale,  encore 
disponible  à  la  surface  du  globe  pour  la  culture  des  céréa- 
les, serait  entièrement  exploitée  et  que  force  serait  de  recou 
rir  à  la  culture  intensive. 

Les  engrais  azotés  utilisés  en  agriculture  sont  de  deux 
sortes  : 

1°  Les  sels  ammoniacaux,  le  sulfate  en  particulier,  pro- 
venant de  l'épuration  du  gaz  d'éclairage  et  de  la  récupéra- 
tion du  gaz  ammoniac  produit  dans  la  fabrication  du  coke 
métallurgique; 

2^  Les  nitrates  de  soude  du  Chili. 

La  production  annuelle  des  sels  ammoniacaux  en  Europe 
est  de  700  à  800,000  tonnes,  dont  la  plus  grande  partie  est 
absorbée  par  l'agriculture.  Cette  production  pourrait,  tout 
au  plus,  être  doublée,  toutes  les  usines  ne  pratiquant  pas  le 
•traitement  des  eaux  ammoniacales.  Les  1,500,000  à  2,000,000 
de  tonnes  ainsi  obtenues  seraient  encore  insuffisantes  et,  de 
plus,  l'azote  nitrique  paraît  être,  au  point  de  vue  agricole, 
un  peu  supérieur  à  l'azote  ammoniacal.  Cette  différence  en 
faveur  de  Tazote  nitrique  se  retrouve  dans  les  prix  :  1  kilo- 
gramme d'azote,  sous  forme  de  nitrate,  vaut  1  fr.  50  c,  et 
seulement  1  fr.  10  c.  ^sous  forme  ammoniacale.  De  plus, 
pour  certaines  industries,  celle  des  explosifs  en  particulier, 
l'azote  ammoniacal  ne  peut  pas  remplacer  Tazote  nitrique. 
Enfin,  la  source  principale  d'où  dérivent  les  sels  ammonia- 


LA    FIXATION    DE   l'aZOTE   ATMOSPHÉRIQUE.  103 

eaux,  la  houille,  n'est  pas  inépuisable.  Les  gisements  du 
Chili,  d'une  puissance  extraordinaire,  sont  exploités  depuis 
1825;  le  tableau  ci-dessous  indique  avec  quelle  prodigieuse 
rapidité  s'est  développée  cette  exploitation. 

EXPORTATION    DU    NITRATE   DE   SOUDE    DE   l'aMÉRIQUE   DU    SUD. 
Années.  Exportation. 

1825 935  tonnes. 

1835 t 7.020  — 

1845 18.814  — 

1860 68.512  — 

1870 147.170  — 

1880 226.000  — 

1890 1.065.000  — 

1900 1.460.000  — 

1905 1 .627.000  — 

1908 2.014.000  — 

Ces  gisements,  d'où  Ton  a  retiré  depuis  1825  près  de 
10  millions  de  tonnes  de  nitrate  de  soude,  ne  sont  cepen- 
dant pas  inépuisables.  Quelle  sera  la  durée  des  réserves 
disponibles?  On  est  loin  d'être  d'accord  là-dessus.  Pour  les 
uns,  elles  seront  épuisées  dans  vingt  ans;  d'autres  estiment, 
au  contraire,  que  le  gisement  pourra  fournir  du  nitrate 
jusqu'au  delà  de  l'an  2000. 

Quoi  qu'il  en  soit  de  ces  prévisions,  il  est  certain  que  les 
nitrates  du  Chili  s'épuiseront  un  jour,  et  l'on  doit,  dès  main- 
tenant, se  demander  comment  on  les  remplacera.  Or,  il 
existe  à  la  surface  du  globe  une  source  d'azote  pratique- 
ment inépuisable,  c'est  l'azote  atmosphérique.  Il  est  aisé  de 
calculer  que  la  quantité  d'azote  contenue  dans  un  million  de 
tonnes  de  nitrate  est  égale  à  celle  que  renferme  la  fraction 
de  l'atmosphère  qui  recouvre  deux  hectares  de  la  surface 
terrestre.  Le  problème  à  résoudre  consiste  donc  à  fixer  cet 
azote  sous  un  état  qui  soit  assimilable  par  les  végétaux  et  à 
le  transformer,  soit  en  azote  ammoniacal,  soit  en  azote 
nitrique;  d'où  les  deux  solutions  dont  l'industrie  s'efforce 


104  MÉMOIRES. 

d'assurer  el  de  perfectionner  la  réalisation  pratique  et  qui 
empruntent,  Tune  et  Tautre,  Ténergie  dont  elles  ont  besoin 
à  l'électricité. 


Première  méthode.  —  Cyanamide  calcique 
ou  chauœ  azotée. 

Ce  composé,  dont  la  formule  chimique  est  CN^Ga,  a  été 
découvert  par  Frank  et  Garo  en  1903. 

On  le  prépare  en  faisant  passer  de  l'azote  sur  du  carbure 
de  calcium  chauffé  à  1,000*'  : 

G^Ga  +  2N  =CN*Ga  +  G. 

11  est  nécessaire  d'employer  de  l'azote  à  peu  près  pur;  on 
se  servira,  soit  de  l'air  débarrassé  de  son  oxygène  par  le  cui- 
vre au  rouge,  soit  de  l'azote  extrait  de  l'air  liquide. 

Une  fois  Topera  lion  terminée,  on  concasse  et  on  broie  la 
c3-anamide.  Ge  composé  (supposé  mélangé  avec  le  carbone 
formé  simultanément)  devrait  contenir  théoriquement 
30  p.  100  d'azote;  il  en  contient  en  réalité  15  à  22  p.  100; 
en  général,  20  p.  100  environ.  En  présence  de  l'eau,  la 
cyanamide  se  décompose,  lentement  à  froid,  plus  rapidement 
à  chaud,  en  donnant  de  l'ammoniaque  et  du  carbonate  de 
calcium  : 

GN\".a  +  3H20  =  2NH3  -f-  GO*Ga. 

Au  contact  de  l'humidité  du  sol,  cette  réaction  se  produit 
également;  la  cyanamide  joue  donc,  pour  les  végétaux,  le 
rôle  d'une  source  continue  d'ammoniaque. 

Le  cours  actuel  de  la  cyanamide  calcique  est  d'environ 
23  francs  les  100  kilogrammes,  d'où  l'on  peut  déduire  que 
le  prix  de  revient  du  kilogramme  d'azote  fixé  est  compris 
entre  1  fr.  10  c.  et  1  fr.  40  c,  selon  les  circonstances,  en 
particulier  suivant  la  valeur  du  carbure  de  calcium. 

Au  point  de  vue  agricole,  la  chaux  azotée  paraît  occuper 


LA   FIXATION   DE   l'AZOTE   ATMOSPHERIQUE.  105 

une  position  intermédiaire  entre  les  sels  ammoniacaux  et 
les  nitrates. 

Un  certain  nombre  d'usines  à  cyanamide  sont  en  exploi- 
tation ou  en  construction  en  Italie,  dans  le  Dauphiné, 
en  Suisse,  en  Allemagne,  en  Angleterre,  en  Norvège  et  en 
Amérique  (Niagara).  A  Piano  d'Orta,  dans  les  Abruzzes, 
existe  une  usine  qui  fabrique  annuellement  environ 
4,000  tonnes  de  cyanamide.  A  Notre-Dame-de-Briançon  se 
trouve  aussi  une  fabrique  de  cyanamide,  en  même  temps 
qu'une  usine  de  carbure  de  calcium;  en  général,  d'ailleurs, 
on  établit  les  usines  à  cyanamide  à  côté  de  celles  à  carbure, 
pour  éviter  des  frais  de  traiisport. 


Deuxième  méthode.  —  Azote  nitrique  électrochimique. 

!•  Principe.  —  Le  principe  de  cette  méthode  réside  dans 
une  expérience  qui  fut  imaginée  par  Gavendish  en  1784  : 

Gavendish  faisait  éclater  des  étincelles  électriques  dans 
un  tube  contenant  de  l'azote  et  de  l'oxygène.  Il  constata  que 
ces  deux  gaz  s'unissaient  peu  à  peu  avec  formation  de 
bioxyde  d'azote,  suivant  la  réaction  : 

N  +  0  =  NO. 

Gette  réaction  est  réversible,  c'est-à-dire  que,  dans  les 
mêmes  conditions,  le  bioxyde  d'azote  peut  être  décomposé 
en  azote  et  oxygène^,  suivant  une  réaction  inverse  de  celle 
qui  est  écrite  ci-dessus.  Gette  remarque  est  très  importante; 
nous  en  verrons  l'application  pratique  ultérieurement. 

Le  bioxyde  d'azote  qui  a  pris  naissance  dans  l'expérience 
de  Gavendish  se  combine  spontanément  avec  une  nouvelle 
quantité  d'oxygène  à  une  température  inférieure  à  500 
ou  600'';  il  se  produit  du  peroxyde  d'azote  : 

NO  +  0  =  NO^ 
Enfin,  ce  peroxyde  d'azote,   mis  en  présence  de  l'eau, 

10«  SÉRIE.   —  TOME  X.  10 


106  MÉMOIRES. 

donne  naissance  à  de  l'acide  azotique  et  à  du  bioxyde  d'azote 
qui  recommencera  le  cycle  des  réactions  précédentes  : 

SNO^  +  H^O  =2N0^H  +  NO. 

Si  l'on  fait  arriver  le  peroxyde  d'azote,  non  plus  en  pré- 
sence de  l'eau,  mais  au  contact  d'une  dissolution  de  soude 
ou  de  potasse,  il  se  transforme  en  un  mélange  d'azotile  et 
d'azotate  : 

2N0'^  4-  2NaOH  r=  NO^Na  +  NO^Na  +  H'^O. 

L'étincelle  électrique,  dont  se  servait  Cavendish,  est 
aujourd'hui  remplacée  par  l'arc  électrique,  qui  donne  un 
meilleur  rendement. 

2°  Rôle  de  la  température.  —  Le  bioxyde  d'azote  est 
formé  avec  absorption  de  chaleur  à  partir  de  ses  éléments  : 

N  +0:=N0  —  21S6. 

Il  en  résulte,  d'après  le  principe  deVant'Hoff  [Tot^^e  éléva- 
tion de  température  produit^  sur  mi  système  chimique  en 
équilibre^  une  transformation  dans  le  sens  correspondant 
à  une  ahsoy^ption  de  chaleur],  que  la  proportion  de  NO  est 
d'autant  plus  considérable  que  la  température  est  plus  éle-. 
vée.  C'est  ce  que  l'expérience  confirme,  ainsi  que  l'indique 
le  tableau  suivant  : 

Températures  (centigr.).  NO  en  volume. 

15400 0,370/0. 

1760» 0,64 

I92O0 0,97 

29300 5,00 

Le  temps  au  bout  duquel  la  limite  est  atteinte  est  d'autant 
plus  court  que  la  température  est  plus  élevée.  Ainsi,  le  cal- 
cul indique  que  la  durée  de  la  demi-réaction  ci-dessus, 
soit  le  temps  nécessaire  pour  obtenir  la  moitié  du  gaz  NO 


LA   FIXATION    DE   l' AZOTE   ATMOSPHÉRIQUE.  107 

correspondant  à  la  teneur  limite  donnée  dans  le  tableau  pré- 
cédent, prend  les  valeurs  suivantes  : 

Températures  (cenligr.).  Temps. 

730« 81,G2  ans. 

1230O 1,26  jours. 

1630^ 2,08  minutes. 

18300 5,06  secondes. 

2 

2230O 1,06  X  lO'secondes 

2630O 3,45  X  iÔ''    — 

Pour  ces  deux  raisons  (limite  et  vitesse  de  la  réaction),  il 
y  a  donc  lieu  d'opérer  à  une  température  aussi  élevée  que 
possible.  Il  importe  cependant  de  remarquer  que  le  meilleur 
rondement  que  l'on  obtient  à  température  élevée  est  en  par- 
tie compensé  par  la  dépense  d'énergie  calorifique  accessoire 
nécessaire.  Cependant,  tout  compte  fait,  il  y  a  bénéfice  à 
opérer  à  baute  température.  D'après  M.  Haber,  1  kilowatt-an 
doit  fixer  l'azote  correspondant  à  : 

819  kilogrammes  NO^H  si  l'arc  travaille  à  3200°  G. 
1.850  —  —  4200*^0. 

3"  Rét7vr/7-adation.  —  Il  résulte  de  l'un  des  tableaux  pré- 
cédents que  si  la  température  du  mélange  gazeux  passe 
de  2930°  à  1920%  la  proportion  de  NO  passe  de  5  p.  100 
à  1  p.  100,  d'où  une  perte  de  80  p.  100  pour  cet  abaisse- 
ment de  température  de  1000  degrés.  Cette  rétrogradation 
est  d'autant  plus  rapide  que  la  température  est  plus  élevée. 
A  des  températures  suffisamment  basses  (700°),  elle  peut 
devenir  tout  à  fait  nulle;  le  mélange  est  alors  dans  la 
région  des  faux  équilibres,  il  est  parfaitement  stable.  Prati- 
quement, il  n'est  pas  nécessaire  de  réaliser  un  abaissement 
de  température  aussi  grand;  il  suffit  de  refroidir  à  1200% 
température  à  laquelle  la  vitesse  de  rétrogradation- est  telle- 
ment faible  qu'elle  devient  négligeable. 

De  ces  considérations  résulte  la  nécessité  de  refroidir  très 


108  MÉMOIRES. 

rapidement  le  mélange  gazeux,  après  qu'il  a  été  très  forte- 
ment échauffé,  afin  que  la  rétrogradation  n'ait  pas  le  temps 
de  se  produire.  L'arc  électrique  est,  de  tous  les  modes  de 
chauffage,  celui  qui,  grâce  à  la  localisation  et  à  la  grande 
concentration  de  la  flamme  dans  un  espace  très  restreint, 
permet  le  mieux  de  réaliser  ce  desideratum. 


PROCEDE   BIRKELAND    ET   EYDE. 

Pour  réaliser  un  grand  échauff'ement  de  la  masse  gazeuse, 
suivi  d'un  rapide  refroidissement,  Birkeland  et  Eyde  font 
passer  le  mélange  gazeux:  d'azote  et  d'oxygène  (air)  à  tra- 
vers la  flamme  d'un  arc  d'une  très  grande  puissance,  étalée 
en  forme  de  disque,  d'après  le  principe  suivant  : 

Lorsqu'on  fait  jaillir  un  arc  entre  des  électrodes  placées 
entre  les  pôles  d'un  électro-aimant,  cet  arc  prend  la  forme 
d'un  demi-disque;  si  l'on  change  le  sens  du  courant,  l'arc 
en  demi-disque  prend  la  position  symétrique.  Avec  un  cou- 
rant alternatif,  on  a  Tapparence  d'un  disque  complet. 

Birkeland  et  Eyde  emploient  deux  électrodes  à  pointe  de 
cuivre,  rattachées  à  un  alternateur  à  haute  tension  et  dis- 
posées perpendiculairement  à  la  ligne  des  pôles  d'un  puis- 
sant électro-aimant.  Les  électrodes  sont  des  tubes  en  cuivre 
de  15  millimètres  de  diamètre,  refroidis  intérieurement  par 
un  courant  d'eau,  pour  augmenter  leur  durée. 

Le  courant  employé  a  une  tension  de  5,000  volts,  dont 
3,500  sur  les  électrodes  et  50  périodes  par  seconde. 

La  chambre  d'oxydation  a  une  forme  aussi  rétrécie  que 
possible,  de  façon  à  soumettre  la  masse  totale  du  gaz  à 
l'action  des  hautes  températures  produites  par  ces  déchar- 
ges. C'est  une  sorte  de  cavité  cylindrique  très  aplatie,  au 
centre  de  laquelle  jaillit  l'arc  que  l'électro-aimant  étale,  sous 
la  forme  d'un  disque  de  l'"80  à  2  mètres  de  diamètre.  Les 
parois  de  cette  chambre  sont  en  briques  réfractaires  et  per- 
cées de  canaux  qui  aboutissent  vers  son  centre  et  par  où 
l'air  est  amené  au  milieu  du  disque  de  feu,  qu'il  traverse 


LA   FIXATION   DE   l' AZOTE   ATMOSPHÉRIQUE.  109 

dans  la  direction  des  rayons  pour  venir  finalement  se  déga- 
ger dans  une  chambre  circulaire  où  le  mélange  gazeux  se 
refroidit  rapidement. 

La  première  usine  Birkeland  et  Eyde  fut  construite  à 
Notodden,  en  Norvège,  en  1905,  avec  une  .puissance  de 
2,000  chevaux  empruntée  aux  forces  hydroélectriques; 
Tannée  suivante,  on  en  construisit  une  seconde,  à  Svœlgfos- 
Notodden,  d'une  puissance  de  30,000  chevaux.  Actuelle- 
ment, l'usine  de  Svœlgfos-Notodden  dispose  de  40,000  che- 
vaux, et  l'on  s'occupe  de  mettre  en  exploitation  deux  autres 
chutes  qui  fourniront  respectivement  15,000  et  55,000  che- 
vaux. D'autres  Compagnies,  associées  à  la  Société  norvé- 
gienne, possèdent,  en  outre,  un  ensemble  de  390,000  che- 
vaux; en  particulier,  la  chute  du  Rjukan  (en  construction) 
fournira  227,000  chevaux,  par  une  chute  de  40  mètres  cubes 
d'eau,  au  minimum,  par  seconde,  tombant  d'une  hauteur 
de  556  mètres. 

La  première  usine  (celle  de  Notodden)  possède  trois  fours, 
absorbant  chacun  500  kilowatts  (soit  680  chevaux)  et  fonc- 
tionnant avec  la  plus  grande  régularité.  La  deuxième  usine 
(celle  de  Svœlgfos-Notodden)  devait  posséder  trente  fours, 
de  833  kilowatts  chacun,  recevant,  par  conséquent,  en  tout 
25,000  kilowatts  (34,000  chevaux).  Le  prix  de  chacun  de  ces 
fours  est  de  25,000  francs. 

La  température  de  l'arc  est  voisine  de  3000°;  celle  des  gaz 
à  la  sortie  du  four  est  d'environ  800*^.  On  les  refroidit,  soit 
au  moyen  de  récupérateurs,  soit  en  les  faisant  passer  dans 
des  chaudières  où  ils  cèdent  une  partie  de  leur  chaleur  aux 
dissolutions  de  nitrates,  qui  sont  produites  ultérieurement 
et  qu'il  faut  concentrer.  Quand  le  mélange  gazeux  a  atteint 
une  température  inférieure  à  500^-600%  le  bioxyde  d'azote 
se  transforme  en  peroxyde  : 

NO  -f-0=  N0^ 

Enfin,  le  peroxyde  d'azote  est  conduit  dans  des  appareils 
absorbeurs  et  converti  en  acide  azotique  ou  en  azotates. 


110  MEMOIRES. 

A  Notodden,  on  traite  25,000  litres  cî'air  par  minute;  les 
gaz,  à  la  sortie  du  four,  ne  contiennent  guère  que  1  à 
2  p.  100  de  NO;  la  récupération  sera  donc  difficilo.  On  est 
cependant  parvenu,  au  moyen  du  système  d'absorbeurs  que 
nous  allons  décrire,  à  fixer  96  p.  100  des  vapeurs  nitreuses 
sortant  des  fours. 

Ces  absorbeurs  se  composent  de  séries  de  quatre  tours  en 
granit,  de  plus  de  20  mètres  de  hauteur,  remplies  de  frag- 
ments de  quartz  sur  lesquels  on  fait  couler  de  Peau  ;  dans 
une  cinquième  tour,  en  bois,  on  fait  couler  un  lait  de  chaux 
qui  arrête,  à  Tétat  de  nitrite  et  de  nitrate,  les  dernières  tra- 
ces de  NO^.  Le  liquide  qui  a  traversé  la  quatrième  tour  est 
conduit  au  sommet  de  la  troisième  qu'il  traverse  ensuite; 
puis  on  le  fait  s'écouler  successivement  à  travers  la 
deuxième  et  la  première;  finalement,  on  recueille,  à  la  sor- 
tie de  la  première  tour,  un  acide  à  50  p.  100.  Cet  acide  est 
ensuite  neutralisé,  soit  par  un  lait  de  chaux,  soit  plutôt  par 
du  carbonate  de  calcium  et  transformé  en  nitrate  de  calcium. 

On  peut,  ou  bien  faire  cristalliser  la  dissolution  de  ce  sel, 
ce  qui  donne  (NO^)^  Ga  +  4H^0,  ou  bien  l'évaporer  à 
siccité  et  obtenir  le  nitrate  fondu,  partiellement  deshydra- 
tés, contenant  13  p.  100  d'azote,  que  Ton  coule  dans  des 
tonneaux  en  fer  ou  en  bois. 

Le  nitrate  obtenu  en  neutralisant  le  carbonate  de  calcium 
par  la  dissolution  d'acide  azotique  condensé  dans  les  tours 
en  granit  est  exempt  d'azotite;  au  contraire,  ce  sel  prend 
naissance,  en  même  temps  que  du  nitrate,  dans  les  tours 
en  bois  où  l'on  fait  agir  un  lait  de  chaux  sur  les  vapeurs 
nitreuses. 

Gomme  le  nitrate  de  calcium  est  hygroscopique,  on  le 
transforme  généralement  en  nitrate  basique,  moins  altéra- 
ble, en  lui  incorporant  une  certaine  quantité  de  chaux  libre. 

Les  agronomes  estiment  que  le  nitrate  de  calcium  est, 
au  point  de  vue  engrais,  aussi  bon  que  le  salpêtre  naturel; 
il  lui  serait  même  supérieur  dans  les  terrains  sablonneux. 

Parfois  la  neutralisation  est  effectuée,  dans  les  tours  en 
bois,  au  moyen  du  carbonate  de  sodium  :  on  obtient  alors 


LA   FIXATION   DE   l'AZOTE   ATMOSPHERIQUE.  111 

du  nitrate  et  du  nitrite  de  sodium.  Lorsque  tout  Talcali  est 
neutralisé,  si  l'on  continue  à  faire  passer  les  gaz  d'arc, 
le  nitrite  est  peu  à  peu  décomposé  par  l'acide  nitrique  libre 
formé;  on  pourra  donc  obtenir,  à  la  longue,  une  solution 
de  nitrate  presque  pur.  Quant  à  l'acide  nitreux  qui  est 
chassé,  il  est  réabsorbé  ensuite.  On  peut  aussi,  du  nitrate- 
nitrite,  séparer  le  nitrite  par  cristallisations;  ce  dernier  sel 
est  utilisé  dans  l'industrie  de  certaines  matières  colorantes. 
Les  résultats  les  plus  favorables  de  la  méthode  Birkeland- 
Eyde  ont  été  de  800  à  900  kilogr.  de  NO^H  par  kilowatt-an; 
mais  c'est  là  un  rendement  maximum  ;  il  ne  faut  guère 
compter,  en  moyenne,  que  sur  500  kilogr.  de  NO^H  par 
kilowatt-an.  On  estime  que  les  dépenses  accessoires  (usure 
des  dynamos,  etc.)  égalent  environ  celle  de  l'énergie  élec- 
trique. Donc,  en  prenant  le  kilowatt-an  électrique  à  60  francs 
(ou  le  cheval-an  à  44  francs  ^),  on  en  déduit  que  100  kilog. 
de  NO^H  reviennent  à  24  francs  environ,  soit  1  fr.  10  c. 
pour  prix  de  revient  du  kilogramme  d'azote  fixé  (certains 
auteurs  donnent  1  fr.  80  c.  et  1  fr.  25  c).  Or,  le  prix  actuel 
du  kilogramme  d'azote  est  de  : 

1  fr.  50  c.  dans  le  nitrate  du  Chili; 

2  fr.  25  c.  dans  l'acide  nitrique  chimique. 

L'acide  nitrique  électrochimique  peut  donc  entrer  en 
concurrence  avec  ces  derniers. 

Si  l'on  compare,  non  plus  les  valeurs  de  l'azote  fixé, 
mais  celles  de  l'acide  azotique,  on  trouve  que,  tandis  que, 
comme  nous  venons  de  le  voir,  100  kilog.  d'acide  azotique 
électrochimique  reviennent  à  environ  24  francs,  le  même 
poids  de  NO'H  coûte  : 

A  l'état  de  NO'H  concentré .     45  francs. 

A  l'état  virtuel  (dans  le  nitrate  à  26  fr. 

les  100  kilog.) 35      — 

1.  Ces  prix  sont  ceux  que  l'on  admet  en  France,  dans  les  Alpes  on 
particulier;  en  Norvège,  le  prix  de  l'énergie  hydroélectrique  peut  être 
sensiblement  plus  faible. 


112  MÉiMOIRES. 

Le  prix  de  revient  du  nitrate  de  calcium  serait  d'environ 
100  francs;  le  prix  de  vente  de  200  francs  la  tonne. 

Nous  devons  néanmoins  constater  que,  en  dépit  de  ces 
résultats  avantageux,  les  progrès  à  réaliser  sont  encore 
considérables,  car  seulement  3  p.  100  de  l'énergie  électrique 
sont  transformés  en  énergie  chimique. 

Nous  avons  décrit,  avec  quelques  détails,  la  méthode  Bir- 
keland-Eyde;  c'est  celle  dont  le  développement  industriel 
a  été,  jusqu'à  aujourd'hui,  le  plus  considérable.  Il  importe 
cependant  de  signaler  d'autres  tentatives,  dont  quelques- 
unes  sont  même  entrées  dans  la  pratique  industrielle. 

Une  importante  Société  allemande,  la  «  Badische  Anilin 
ûnd  Soda  Fahrik  »,  utilise  un  arc  très  allongé,  qui  jaillit 
dans  l'axe  d'un  tube  métallique;  l'air  pénètre  dans  ce  tube 
par  le  bas  et  tangentiellement,  il  en  sort  par  le  haut  après 
avoir  subi  l'action  de  l'arc. 

La  «  Badische  Anilin  »  est  associée  à  la  Société  norvé- 
gienne p:ur  l'exploitation  en  commun  de  leurs  procédés. 
Ces  deux  Sociétés  projettent  de  créer  de  nouvelles  usines 
en  Allemagne  et  en  Norvège.  La  Société  norvégienne,  en 
particulier,  se  propose  d'utiliser  prochainement  une  force 
hydraulique  de  140,000  chevaux  et  espère  pouvoir  livrer, 
dans  quelques  années,  environ  100,000  tonnes  de  nitrate 
artificiel  par  an,  et,  plus  tard,  dans  une  dizaine  d'années, 
arriver  à  une  production  annuelle  de  300,000  tonnes. 

M.  Ph.-A.  Guye  a  proposé  un  four  à  arcs  multiples,  dans 
lequel  plusieurs  arcs,  disposés  en  tension,  jaillissent  simul- 
tanément sur  un  même  circuit.  On  obtient  ainsi,  à  puis- 
sance égale,  un  plus  grand  développement  de  l'arc  et,  par 
suite,  une  meilleure  utilisation  de  l'énergie  électrique. 

Citons  aussi  le  four  Pauling,  employé  en  Autriche,  formé 
de  deux  électrodes  en  fonte,  recourbées  comme  celles  d'un 
parafoudre  à  cornes,  creuses  et  parcourues  par  un  courant 
d'eau. 

Ce  sont  les  fours  Pauling  qui  sont  utilisés  dans  la  pre- 
mière usine  française  pour  la  fixation  de  l'azote  atmosphé- 
rique qui  vient  d'être  créée  à  La  Roche  de  Rame  (Hautes- 


LA   FIXATION    DE   l'AZOTE   ATMOSPHÉRIQUE.  113 

Alpes).  L'énergie  utilisée  est  empruntée  à  un  affluent  de  la 
Durance.  Le  courant  est  à  îa  tension  de  4,000  volts  et  ali- 
mente quatre  fours  de  500  chevaux  chacun,  dont  on  espère 
porter  ultérieurement  la  puissance  à  1,500  chevaux.  On  y 
prépare  de  Tacide  nitrique  à  divers  titres,  depuis  la  concen- 
tration commerciale  de  36«B,  jusqu'à  46'*  et  48»B  (96  p.  100), 
et  du  nitrite  de  soude  bien  cristallisé  à  97-98  p.  100  de 
pureté.  En  marche  normale,  la  fabrication  donne  60  à 
70  grammes  de  NO^H  par  kilowatt-heure  dépensé,  soit  500 
à  600  kilogr,  par  kilowatt-an. 

AUTRES   APPLICATIONS. 

Outre  la  préparation  de  l'acide  nitrique,  des  nitrates  et 
des  nitrites,  la  fixation  de  l'azote  atmosphérique  permet  de 
réaliser  la  production  d'un  certain  nombre  de  composés 
dont  l'avenir  industriel  est  peut-être  considérable. 

C'est  ainsi  que  M.  Goignet  ayant  proposé  de  remplacer, 
dans  la  fabrication  des  superphosphates,  l'acide  sulfurique 
par  l'acide  nitrique,  on  a  songé  à  obtenir  ce  même  résultat 
en  dirigeant  les  gaz  des  fours  sur  des  phosphates  en  poudre. 
Le  superphosphate  obtenu  (superphosphate  nitré),  qui  est 
en  même  temps  un  engrais  azoté,  possède  certainement  une 
valeur  agricole  considérable. 

On  a  également  proposé  de  récupérer  les  oxydes  d'azote, 
le  peroxyde  en  particulier,  en  refroidissant,  par  l'air  liquide, 
le  mélange  gazeux  qui  sort  des  fours.  Cette  récupération 
directe  du  peroxyde  d'azote  présente  un  grand  intérêt,  car 
elle  permet  d'entrevoir,  dans  l'avenir,  une  transformation 
complète  de  l'industrie  des  explosifs,  le  mélange  de  N'-^O* 
avec  divers  corps  organiques  donnant  des  explosifs  de 
grande  puissance. 

PURETÉ   DES   PRODUITS. 

Une  des  caractéristiques  des  produits  obtenus  par  les 
méthodes  que  nous  venons  de  décrire  est  leur  pureté.  En 


114  MÉMOIRES. 

particulier,  l'acide  azotique  ainsi  fabriqué  est  exempt  de 
toutes  les  impuretés  que  renferme  celui  que  l'on  obtient  par 
les  procédés  ordinaires  et,  notamment,  exempt  de  chlore. 
Cette  pureté  est  particulièrement  appréciable  lorsqu'il  s'agit 
de  la  préparation  des  explosifs  dans  lesquels  la  présence 
d'impuretés  peut  provoquer  parfois  des  altérations  redou- 
tables. 

UTILISATION    SIMULTANÉE   DES   DEUX   PROCÉDÉS. 

La  fabrication  de  la  cyanamide  a  besoin  d'azote  pur.  On 
retiendra  l'oxygène  de  l'air  par  des  corps  oxydables,-  le 
cuivre  par  exemple.  On  peut  aussi  songer  à  utiliser  l'azote 
que  l'on  pourra  retirer  de  l'air  liquide;  mais,  dans  ce  cas, 
que  fera-t-on  de  l'oxygène? 

On  a  remarqué,  d'autre  part,  que,  dans  la  fixation  élec- 
trique de  l'azote,  la  combustion  de  cet  élément  fournit  un 
meilleur  rendement  si  on  la  produit  en  présence  d'un  excès 
d'oxygène.  Les  formules  : 

N  +  0  =  NO     et     NO  +  0  =  NO^ 

montrent,  en  effet,  que,  en  définitive,  un  volume  d'azote  doit 
s'unir  à  deux  volumes  d'oxygène;  or,  l'air  contient  seule- 
ment I  en  volume  de  ce  dernier  gaz  pour  |  du  premier. 

Il  résulte  de  cette  remarque  qu'il  y  aurait  intérêt  à  ins- 
taller côte  à  côte  les  deux  industries  dont  nous  venons  de 
parler.  Elles  pourraient  ainsi  utiliser  complètement  les 
deux  produits,  azote  et  oxygène,  provenant  de  la  liquéfac- 
tion de  l'air,  ce  qui  permettrait  à  chacune  d'elles  d'opérer 
dans  des  conditions  encore  plus  économiques. 

Les  deux  procédés  que  nous  avons  décrits,  procédé  à  la 
cyanamide  et  procédé  par  oxydation  de  l'azote,  sont  les 
deux  méthodes  par  lesquelles  on  cherche,  actuellement,  à 
suppléer  à  l'épuisement  éventuel  des  nitrates  du  Chili.  Ils 
font  appel,  l'un  et  l'autre,  aux  forces  hydroélectriques  que 
produisent  économiquement  les  nombreuses  chutes  d'eau 
des  régions  montagneuses.  Ils  nécessitent  aussi,  tous  les 


ATMOSPHÉRIQUE.  115 

deux,  la  mise  eh  œuvre  des  méthodes  les  plus  perfection- 
nées de  la  technique  électrique  et  de  la  technique  chimique, 
et  la  connaissance  des  lois  les  plus  importantes  et  les  plus 
modernes  de  la  chimie  physique.  Ce  sont  donc  là  des  ques- 
tions toutes  d'actualité,  encore  en  voie  d'évolution,  et  qui 
méritent  de  notre  part  une  attention  toute  particulière. 


SITUATION   DES   ARMÉES    DE    SOULT   ET   DE   WELLINGTON.      117 


SITUATIOiN   MATERIELLE 

ET  MORALE 

DES  ARMÉES  DE  SOULT  ET  DE  WELLINGTON 

AU  MOMENT  DE  LA  BATAILLE  DE  TOULOUSE 

Par  le  D^  GESGHWIND^ 

Médecin-Inspecteur  de   l'Armée, 


Le  10  avril  1814,  au  lever  d'un  beau  soleil  de  printemps 
qui  devait,  ce  jour-là,  éclairer  une  des  plus  sanglantes 
mêlées  de  ces  vingt  années  de  guerres,  au  bruit  des  cloches 
sonnant  à  toute  volée,  car  c'était  le  dimanche  de  Pâques,  les 
Toulousains  de  tout  âge  et  de  tout  sexe,  massés  sur  les  toits, 
les  clochers,  les  promenades  et  les  murs  d'enceinte  de  leur 
ville^,  purent  voir  un  'spectacle  dont  ils  ont  dû  garder  le 
souvenir  pendant  tout  le  reste  de  leur  existence. 

Garnissant  les  hauteurs  où  se  dresse  actuellement  la 
Colonne  commémorative  ainsi  que  tous  les  points  que 
l'énergie  et  l'activité  de  Soult  et  de  ses  vaillants  soldats 
avaient  mis,  en  quelques  jours,  en  état  de  défense,  se  mon- 
traient des  lignes  épaisses  de  capotes  bleues,  de  chevaux  et 
de  canons.  Et  soudain,  de  cette  masse,  piquée  de  l'éclair 
des  baïonnettes,  surgit  une  immense  clameur  saluant  du 
cri,  trois  fois  répété,  de  <  Vive  l'Empereur!  >,  le  large  dra- 
peau tricolore,  hissé  lentement  sur  le  pigeonnier  de  Cari- 

1.  Lu  dans  les  séances  des  3  et  10  mars  1910. 

2.  Curiosité  qui  choqua  tant  WelHn^^ton,  d'après  les  Mémoires  du 
comte  de  Villèlc,  tome  I,  page  215. 


118  MÉMOIRES. 

venc,  la  vieille  métairie  qu'a  fait  disparaître  l'extension  du 
cimetière  ^ 

Plus  au  loin,  répandues  dans  la  campagne  depuis  l'Em- 
bouchure jusqu'à  Croix-Daurade,  le  long  de  l'Hers,  ainsi  que 
tout  autour  de  Saint-Gyprien,  les  troupes  anglaises,  alleman- 
des, portugaises,  espagnoles,  aux  uniformes  multicolores, 
allaient  prendre  leurs  positions  de  combat,  au  bruit,  assourdi 
par  la  distance,  des  tambours  et  des  fifres,  soutenu  par  le 
bourdonnement  continu  des  cornemuses  écossaises. 

Quels  étaient  les  effectifs^  la  composition^  les  chefs, 
l'état  d'esprit  des  deux  armées  en  présence?  Quelle  était 
leur  situation  matérielle  et  morale?  Quelles  furent  leurs 
pertes  cejour-là't  Les  récits  de  la  bataille  de  Toulouse,  spé- 
cialement ceux  des  auteurs  locaux,  présentent  des  divergen- 
ces considérables  sur  beaucoup  de  ces  points.  J'ai  cherché 
à  les  préciser  à  l'aide  des  documents  originaux  les  plus 
récemment  publiés,  remettant  à  un  autre  temps  le  récit  delà 
bataille  elle-même  et  de  ses  suites  immédiates.  Rappelons 
succinctement  les  faits  qui  Vont  précédée. 

Après  le  désastre  de  Vitoria  (21  juin  1813),  les  débris  de 
l'armée  française  avaient  repassé  la  frontière.  Le  maréchal 
Soult,  envoyé  de  Dresde  par  l'Empereur  pour  remplacer, 
.à  sa  tête,  l'incapable  Joseph,  après  quinze  jours  employés 
à  la  ravitailler  et  à  y.  restaurer  un  peu  d'ordre  et  de  discipline, 
reprit  l'offensive,  l'Empereur  lui  ayant  signifié  «  qu'il  n'en- 
tendait recevoir  de  ses  nouvelles  que  de  l'intérieur  de  l'Espa- 
gne ».  Mais  il  échoua  complètement  dans  ses  tentatives  de 
secourir  Pampelune  et  Saint-Sébastien  et  fut  obligé  d'aban- 
donner définitivement  la  Péninsule. 

Cette  guerre  d'Espagne,  dit  Clerc ^,  a  conséquence  de  l'abo- 

1.  D'après  le  D'  Bibent,  La  bataille  de  Toulouse,  1909. 

2.  Commandant  Clerc,  Campagne  du  7?iaréchal  Soult  dans  les 
Pyrénées  occidentales,  1894,  p.  13.  Le  chiffre  donné  par  le  comman- 
dant Clerc  paraît,  à  première  vue,  exagéré  et  susceptible  de  quelques 
réserves.  Marbot  indique  200,000  Français  et  60,000  de  leurs  alliés 
comme  lues  ou  morts  dans  les  hôpitaux  de  la  Péninsule  de  1808  à  1813 
(t.  II,  p.  284).  Il  y  a  lieu  de  faire  ressortir  que  le  commandant  Clerc 
dont,  selon  Dumas,  l'œuvre  est  profondément  consciencieuse  et  la 


SITUATION   DES   ARMÉES   DE   SOULT   ET   DE    WELLINGTON.       119 

minable  forfait  commis  à  Bayonne  en  1808,  avait  causé  la 
7nort  de  473,000  Français  ». 

Après  de  longues  hésitations  à  entrer  en  France,  Welling- 
ton força  le  passage  de  la  Bidassoa,  le  7  octobre  1813;  mais, 
pendant  quatre  mois,  Soult  prenant,  après  la  Bidassoa, 
comme  lignes  de  défense  successives,  la  Nivelle,  la  Nive, 
les  Gaves  et  l'Adour,  réussit  à  le  retenir  à  moins  de  dix 
lieues  de  Bayonne. 

Le  27  février  1814,  il  est  battu  à  Orthez;  mais  trompant 
son  adversaire  qui  le  croit  engagé  sur  la  route  de  Bordeaux, 
il  prend  la  route  de  Toulouse,  ville  qui  lui  offrait  une  nou- 
velle ligne  de  défense  et  un  centre  de  ravitaillement  de  toute 
espèce.  Dans  cette  mémorable  retraite  où  il  mit  vingt-six 
jours  pour  faire  quarante  lieues,  il  réussit,  tout  en  donnant 
près  de  huit  jours  de  repos  à  ses  troupes,  à  tenir  en  respect 
une  armée  de  près  du  double  de  la  sienne  et  munie  d'une 
nombreuse  cavalerie.  Finalement,  de  Tarbes,  où  Tarmée  an- 
glaise Ta  rejoint,  il  suit  la  route  de  Saint  Gaudens,  la  plus 
longue  mais  la  plus  sûre  et  la  mieux  entretenue,  engageant, 
par  une  manœuvre  habile,  son  adversaire  sur  la  route  de 
Boulogne-Lombez  plus  courte  mais  peu  praticable,  et  il 
arrive  à  Toulouse  le  24  mars,  avec  tout  son  monde,  de  plus 
de  deux  jours  en  avance  sur  Wellington  qui  avait  semé  sur 
les  chemins  bourbeux  du  Gers  une  partie  de  son  convoi. 

COMPOSITION   DES   DEUX   ARMÉES. 

Uarmée  fy^ançaise  avait  été  très  affaiblie  par  les  pertes 
faites  dans  ces  nombreux  combats,  ainsi  que  par  les  garni- 
sons laissées  en  Espagne,  à  Pampelune,  Saint-Sébastien, 
Santona,  où,  en  France,  à  Bayonne,  Navarrenx,  Saint-Jean- 
Pied -de-Port  ^   Elle  l'avait  été  bien  plus  encore  par  les 

documentation  des  plus  riches,  ne  parle  pas  uniquement  de  mortalité 
militaire  et  que,  sous  le  nom  de  Français,  il  doil  eny;lober  non  seule- 
ment les  morts  de  nationalité  française  mais  tous  ceux  qui  se  trou- 
vaient dans  ou  avec  l'armée  française. 
1.  Ces  garnisons  auraientété  d'un  ^n-and  appoint  à  l'urméo  do  cain- 


120  MÉMOIRES. 

prélèvements  imposés  par  l'Empereur  pour  renforcer  son 
armée  dans  l'Est  de  la  France  :  les  deux  divisions  Levai  et 
Boyer,  la  division  de  dragons  Treilhard,  la  brigade  de  cava- 
lerie légère  Sparre,  40  pièces  et  2,000  hommes  d'élite  pour 
renforcer  la  garde  impériale,  au  total  plus  de  15,000  hom- 
mes ^  En  outre,  elle  venait  encore  de  perdre  au  delà  de 
16,000  hommes  par  le  départ  de  la  brigade  italienne,  la 
dissolution  des  troupes  espagnoles  et  la  défection  des  trou- 
pes allemandes,  occasionnées  par  des  causes  d'ordre  politi- 
que et  par  l'envoi  de  la  gendarmerie  à  pied  et  de  20  cadres 
de  bataillon  pour  former  les  divisions  de  cette  armée  de 
réserve  dont  la  réunion  à  Bordeaux  et  à  Toulouse  était 
annoncée  avec  éclat  et  qui  n'eut  jamais  de  réalisation  sé- 
rieuse*. 

Nous  venons  de  parler  de  la  défection  des  troupes  alle- 
mandes de  l'armée  de  Soult.  Elle  mérite  d'être  rapportée 

pagne,  la  seule  dont  l'action  est  décisive  et  auraient  peut-être  modifié 
i'issue  des  combats.  Elles  ne  détournèrent  relativement  que  peu  de 
troupes  de  l'armée  ennemie  et  plusieurs  furent  prises  assez  à  temps 
pour  que  le  corps  de  siège  pût  rejoindre  l'armée  de  Wellington  avant 
les  affaires  décisives.  Quant  aux  autres,  elles  furent  assiégées,  à  part 
Bayonne,  par  des  troupes  de  qualité  inférieure,  espagnoles  en  géné- 
ral. La  même  faute  fut  commise  en  Catalogne  et  avec  bien  plus  de 
gravité  encore  en  Pologne,  en  Prusse,  en  Allemagne,  où  les  places 
des  pays  conquis  que  l'ambition  de  Napoléon,  espérant  un  retour  de 
fortune,  ne  voulait  pas  lâcher,  absorbèrent  des  troupes  et  des  géné- 
raux dont  la  quantité  et  la  qualité  auraient  probablement  assuré  le 
succès  des  armées  françaises  en  1813  et  1814. 

1.  Dumas,  Neuf  7)1018  de  campagne  à  la  suite  du  maréchal  Soult, 
1907,  p.  280. 

2.  Lapène,  Campagnes  de  1813  et  de  1814  sur  l'Ebre,  les  Pyré- 
nées et  la  Garonne,  1823,  p.  230,  évalue  à  35,000  fantassins,  7,000  ca- 
valiers, 800  artilleurs  avec  leurs  canons  les  forces  dont  l'armée  d'Es- 
pagne et  des  Pyrénées  avait  été  appauvrie  en  faveur  des  armées  du 
Nord  et  de  l'Est  depuis  la  rentrée  en  campagne  de  juillet  1813.  L'œu- 
vre de  Lapène,  qui  fut  blessé  le  10  août  comme  commandant  l'artil- 
lerie de  Taupin,  publiée  en  1823,  est  le  premier  récit  complet  et  détaillé 
qui  ait  paru  sur  ces  événements.  Sa  bonne  foi,  sa  conscience,  sa  docu- 
mentation sont  évidentes;  chacun  a  puisé  depuis  dans  son  livre.  Il 
ne  fut  promu  chef  d'escadron  qu'en  1830,  revint  comme  colonel  à 
Toulouse  et  arriva  général  en  1849.  Soult  eut  une  grande  part  dans 
ce  travail,  impartial  en  général,  mais  écrit  à  une  époque  où  l'on  ne 
pouvait  tout  dire.  (Dumas.) 


SITUATION   DES   ARMÉES    DE    SOULT   ET   DE   WELLINGTON.      121 

parce  qu'elle  eut  lieu  dans  des  conditions  qui  contrastent 
avec  la  conduite  déshonorante  bien  connue  des  Saxons  à 
Leipsick  et  des  Bavarois  à  Hanau.  Celle  ci  motiva  le  décret 
du  25  novembre  1813,  par  lequel  Napoléon  avait  ordonné  le 
désarmement  de  tous  les  contingents  étrangers  et  leur  ren- 
voi dans  l'intérieur  comme  prisonniers  de  guerre. 

Le  10  décembre,  le  soir  du  combat  d'Arcangue  où  il  s'était 
vaillamment  battu  toute  la  journée  à  côté  des  Français,  le 
colonel  Kruse  qui  commandait  la  brigade  du  Rhin,  composée 
du  2®  régiment  de  Nassau,  du  bataillon  de  Francfort  et  du 
bataillon  de  Baden,  au  lieu  de  gagner  le  bivouac,  profitant 
de  l'obscurité,  conduisit  le  régiment  de  Nassau  et  le  bataillon 
de  Francfort  (celui  de  Baden  ne  suivit  pas),  soit  environ 
1,500  hommes,  vers  les  lignes  ennemies.  Ils  arrivèrent  le 
lendemain  matin  àSaint-Jean-de-Luz  et  traversèrent  la  ville, 
tambour  battant,  en  grande  tenue,  le  plumet  au  shako.  Qua- 
tre jours  après  ils  vont  s'embarquer  à  Pasages  pour  rentrer 
chez  eux.  Kruse  refusa  énergiquement,  lui,  ses  officiers  et 
ses  soldats  de  passer  dans  les  rangs  de  Wellington  ne  voulant 
pas  se  tourner  contre  les  frères  d'armes  qu'ils  affectionnaient. 
Nulle  voix  dans  l'armée  ne  s'éleva  pour  fiétrir  leur  conduite  : 
on  les  plaignit  et  on  les  regretta.  Kruse  écrivit  au  maréchal 
qu'il  avait  reçu  de  son  souverain  (lequel  s'était  joint  aux 
alliés  depuis  Leipsick)  l'ordre  de  le  quitter  et  lui  rappela 
qu'il  avait  fait  son  devoir  tant  qu'il  avait  été  avec  les  Fran- 
çais. 11  ajouta,  un  peu  naïvement,  qu'il  le  priait  de  lui  ren- 
voyer les  femmes,  les  bagages,  au  moins  ceux  des  soldats 
ainsi  que  sa  musique,  son  cheval  et  ce  qu'il  avait  laissé  en 
arrière. 

De  son  côté,  le  colonel  Meder,  commandant  le  l^""  régiment 
de  Nassau  à  l'armée  de  Suchet,  refusa  même  absolument  de 
suivre  cet  exemple,  malgré  les  invitations  pressantes  de  Clin- 
ton et  de  Wellington  :  il  offrit  de  consacrer  sa  vie  au  service 
de  l'Empereur,  et  quand  on  désarma  son  régiment,  officiers 
et  soldats  sanglotèrent  en  criant  :  «  Qu'on  nous  mène  à  l'en- 
nemi et  l'Empereur  verra  combien  nous  lui  sommes  fidèles!  > 
(Clerc). 

IQe  SÉRIE.   —  TOME  X.  11 


122  MÉMOIRES. 

Rappelons  à  ce  sujet  qu'à  Waterloo,  Tannée  suivante,  le 
colonel  Kruse  commandait  une  brigade  du  contingent  de 
Nassau  dans  l'armée  de  Wellington  et  que  c'est  un  bataillon 
de  Nassau  qui,  avec  quatre  compagnies  des  gardes  anglai- 
ses, défendit  avec  tant  d'énergie  le  château  de  Hougoumont 
où  vinrent  se  briser  les  attaques  furieuses  du  corps  de  Reille; 
échec  qui  influa  tant  sur  l'issue  de  la  bataille.  Ces  troupes  de 
Nassau  avaient  été  à  bonne  école! 

Mais  revenons  à  l'armée  de  Soult. 

Gomme  compensation  bien  faible  pour  les  excellentes 
troupes  qu'on  lui  avait  enlevées,  on  lui  afl'ecta  les  conscrits 
de  la  classe  de  1815  levée  par  anticipation  et  appartenant 
à  la  région,  ainsi  que  le  contingent  régional  des  30,000 
hommes  pris  sur  les  classes  des  sept  dernières  années  (de 
1808  à  1814)  dont  la  levée  avait  été  ordonnée  par  le  Sénatus- 
consulte  du  24  août  1815  (hommes  des  dépôts,  ajournés  et 
même  réformés). 

Réunis  à  Toulouse,  ces  conscrits  furent  hâtivement  ins- 
truits par  les  soins  du  général  Travot,  commandant  la 
10®  division,  secondé  par  les  généraux  Pourailly,  Vouille- 
mont  et  Berthier-Saint-Hilaire,  ce  dernier  commandant  le 
département  de  la  Haute-Garonne. 

Cinq  bataillons  de  750  hommes  chacun,  fournis  par  eux, 
furent  envoyés  à  Soult  du  10  au  19  février.  Mais  n'ayant 
pas,  comme  les  vétérans,  l'honneur  du  drapeau,  passant 
dans  leur  pays  natal,  souvent  à  proximité  de  leur  famille, 
ces  jeunes  gens  désertèrent  en  masse.  «  C'est  au  point,  écrit 
Soult  au  Ministre,  le  28  février,  que  les  cinq  bataillons  que 
j'ai  fait  venir  de  Toulouse  ont  déjà  perdu  les  deux  tiers  de 
leurs  forces  sans  avoir  été  à  même  de  tirer  un  coup  de  fusil... 
ils  ne  savent  ni  attaquer  ni  se  défendre  et  succombent  aux 
premières  marches  »  (Archives  de  la  Guerre). 

Soult  essaya  de  les  faire  figurer  en  arrière  des  lignes  pour 
faire  nombre,  et  cette  disposition  jointe  à  la  formation  des 
troupes  sur  deux  rangs  au  lieu  de  trois,  trompa  momentané- 
ment W^ellington  qui  crut  à  un  renfort  provenant  de  l'armée 
de  Suchet  qui  évacuait  la  Catalogne.  Mais  le  maréchal  finit 


SITUATION   DES    ARMEES   DE    SOULT   ET   DE   WELLINGTON.      123 

par  les  renvoyer  à  Toulouse.  A  la  date  du  15  mars,  il  écrit 
au  Ministre  :  «J'envoie  à  Toulouse  les  conscrits  non  instruits 
qui  étaient  à  la  suite  de  l'armée.  Ces  hommes  embarrassent 
et  ne  sont  d'aucune  utilité.  D'ailleurs,  nous  en  perdons  tous 
les  jours  qui  restent  sur  les  chemins.  A  Toulouse,  ils  pour- 
ront se  remettre  et  acquérir  de  l'instruction  »  (A.  G.). 

Il  les  y  retrouva,  neuf  jours  plus  tard,  le  24  mars,  et  ils 
n'étaient  probablement  guère  plus  instruits. 

A  ce  moment-là,  son  armée  comprenait  trois  corps  com- 
mandés par  les  lieutenants-généraux  Reille,  Drouet  d'Erlon 
et  Glausel  (chacun  de  deux  divisions  d'infanterie  à  deux 
brigades),  et  d'une  division  de  cavalerie  à  deux  brigades, 
commandée  par  le  général  Pierre  Soult,  frère  du  maréchal, 
avec  les  états-majors  afférents,  ainsi  que  de  la  gendarmerie, 
de  l'artillerie,  du  génie,  des  équipages  militaires  et  des  autres 
services  accessoires'. 

Par  suite  des  pertes  dans  les  combats  et  des  autres  vicis- 
situdes éprouvées  par  l'armée  depuis  plus  de  six  années  de 
guerre,  la  composition  des  brigades  était  très  variable.  Si 
dans  Tune  d'elles  il  n'y  avait  que  deux  régiments,  la  plupart 
en  avaient  trois,  une  même  en  comprenait  six  ;  certains  de  ces 
régiments  n'avaient  plus  qu'un  bataillon,  presque  tous  en 
avaient  deux,  deux  en  avaient  trois.  Aussi  les  six  divisions 
présentaient-elles  respectivement  sept,  huit,  neuf,  dix,  onze 
et  treize  bataillons  avec  des  eff'ectifs  variant  entre  3,600  et 
5,300  fantassins  sous  les  armes. 

L'une  des  brigades  de  cavalerie  avait  un  régiment  à  deux 
et  deux  régiments  à  trois  escadrons,  soit  huit  escadrons; 
l'autre  avait  de  môme  un  régiment  à  deux  escadrons,  mais 
trois  autres  à  trois  escadrons,  soit  onze  escadrons.  Toutefois, 
les  effectifs  des  deux  brigades  étaient  sensiblement  égaux,  à 
1,270  sabres,  officiers  non  compris. 

A  son  arrivée  à  Toulouse,  Soult,  comme  je  viens  de  le 


■  1.  La  composition  détaillée  de  ces  troupes  figure  dans  les  états  de 
situation  générale  d(Mjuinzaine  des  Archives  do  la  guerre  repro(hiils 
par  Dumas. 


124  MÉMOIRES. 

dire,  retrouva  les  recrues  qu'il  y  avait  renvoyées.  Elles 
étaient  jointes  à  un  détachement  formé  des  débris  de  trente 
régiments  divers  et  à  un  escadron  de  dragons  composé  des 
militaires  isolés  de  cette  arme. 

Le  maréchal  prit  les  meilleurs  éléments  de  ces  troupes  de 
qualité  inférieure  pour  compléter  les  eflécti fs  de  ses  régiments; 
mais  leur  introduction  dans  les  rangs  de  ceux-ci  fut,  comme 
le  dit  DhersS  «  un  triste  élément  de  faiblesse  et  de  désorga- 
nisation ».  Ce  fut  elle  qui  causa  surtout,  le  10  avril,  la  perte 
de  la  redoute  de  Sipière,  clef  des  positions  françaises,  aban- 
donnée par  les  recrues  du  9^  léger,  prises  de  panique  à  l'aspect 
de  l'échec  de  la  division  Taupin. 

Un  peu  plus  tard  et  un  peu  plus  loin,  à  la  redoute  des 
Augustins,  ce  sont  encore  des  jeunes  soldats,  ceux  du  115% 
qui,  attaqués  par  les  Ecossais  de  Béresford,  abandonnent 
leur  poste  et  s'enfuient  lâchement^. 

Le  restant  de  ces  recrues,  composant  les  6®  et  7®  bataillons 
de  la  plupart  des  régiments,  joints  aux  hommes  en  congé, 
en  permission,  en  convalescence  ou  rentrant  de  captivité, 
ainsi  qu'à  un  noyau  composé  par  les  débris  des  anciens 
bataillons  des  gardes  nationales  actives  formèrent  à  Toulouse, 
sous  les  ordres  du  général  Travot,  une  reserve  d'environ 
7,000  hommes  répartis  en  deux  brigades  commandées  par 
les  généraux  Pourailly  et  Vouillemont,  secondés  en  partie 
par  quelques  vieux  officiers  des  premières  campagnes  de  la 
Révolution  et  par  d'autres,  plus  jeunes,  qu'un  décret  de  1808 
avait  autorisés  à  prendre  du  service  en  Espagne  et  qu'on 
venait  de  licencier. 

1.  François  Dhers,  La  bataille  de  Toulouse,  1904. 

2.  Mais  cette  fois-ci  le  mal  est  conjuré  immédiatement  :  les  vétérans 
du  115e,  indignés  de  la  faiblesse  de  leurs  recrues  et  jaloux  de  venger 
l'honneur  du  drapeau,  courent  à  la  redoute  et  en  expulsent  l'ennemi 
à  la  baïonnette.  Contraints  eux-mêmes  de  céder  à  des  forces  supé- 
rieures que  lance  de  nouveau  sur  eux  le  général  anglais,  ils  se  réfu- 
gientdans  la  redoute  du  Colombier,  à  une  centaine  de  mètres  en  arrière; 
puis,  s'élançant  de  là  avec  deux  compagnies  des  34e  etSl^,  ils  repren- 
nent une  seconde  fois  la  redoute  dont  ils  massacrent  tous  les  défen- 
seurs et  ils  ne  l'évacueront  plus  tard  que  sur  un  ordre  formel  du 
général. 


SITUATION   DES    ARMÉES   DE    SOULT   ET   DE   WELLINGTON.      125 

Cette  réserve  fut  employée  à  la  deuxième  ligne  de  défense, 
comprenant  les  ouvrages  de  Saint-Michel,  la  tête  du  pont 
des  Demoiselles,  le  Busca,  la  butte  fortifiée  du  Jardin  des 
Plantes  et  les  vieux  remparts  de  la  ville,  depuis  la  porte 
Saint-Etienne  jusqu'à  la  grille  Saint-Pierre. 

En  outre,  on  voulut  réorganiser  la  garde  nationale  de 
Toulouse  et  la  compléter  à  deux  légions  de  mille  hommes 
chacune.  Mais,  à  la  date  du  7  avril,  sur  1,000  citoyens  con- 
voqués, 108  seulement  sont  jugés  capables  de  servir!  258  ne 
se  présentèrent  point,  60  sont  ajournés,  tout  le  reste  se  fait 
réformer  pour  maladie  ou  exempter  comme  soutien  de 
famille.  Aux  approches  de  la  bataille,  beaucoup  de  ces  gardes 
nationaux,  qui  craignaient  d'être  envoyés  à  la  défense  des 
remparts  ou  employés  comme  troupe  de  renfort,  demandèrent 
à  passer  dans  la  garde  urbaine  (Dhers,  p.  63). 

Celle-ci,  composée  des  citoyens  les  plus  valides  non 
enrôlés  dans  la  garde  nationale,  avait  été  organisée  sous  les 
yeux  du  commissaire  extraordinaire  de  l'Empereur,  le  con- 
seiller d'Etat  comte  Caffarelli,  avec  le  concours  des  généraux 
Travot  et  Berthier-Saint-îIilaire.  «  Elle  comprenait,  dit 
Lapène  (p.  332),  deux  cohortes  de  800  hommes  environ  cha- 
cune. Mais  si  quelques  citoyens  mirent  un  louable  empres- 
sement à  se  faire  inscrire,  par  contre  beaucoup  d'autres 
usèrent  de  tous  les  moyens  imaginables  pour  se  dérober.  Les 
revues  que  devaient  passer  Caffarelli  et  Saint-Hilaire  durent 
être. renvoyées  à  plusieurs  reprises  par  suite  du  grand  nombre 
de  manquants.  Elle  fut  composée  enfin  d'habitants  choisis 
dans  diverses  classes,  mais  tous  honnêtes  et  tranquilles,  dis 
posés  pour  la  plupart  à  maintenir  la  sûreté  et  le  calme  dans 
la  ville,  et  elle  avait  des  chefs  pris  parmi  les  habitants 
réunissant  à  la  considération  due  à  leurs  qualités  person- 
nelles ou  à  leur  position  le  crédit  que  donne  la  fortune.  > 

Cette  garde  urbaine  s'employa  à  maintenir  le  bon  ordre 
dans  l'intérieur  de  la  ville,  à  en  interdire  l'entrée  aux  mili- 
taires campés  ou  cantonnés  au  dehors,  arrêtant  et  renvoyant 
au  feu,  le  jour  de  la  bataille,  ceux  qui  amenaient  les  blessés 
dont  elle  se  chargeait,  réquisitionnant  à  cet  effet,  dans  les 


126  MÉMOIRKS. 

maisons,  sur  les  toits,  sur  les  clochers  tous  les  habitants 
susceptibles  de  rendre  quelque  service.  Animée  d'un  vif  sen- 
timent de  conservation  delà  propriété,  elle  exagéra  peut-être 
même  un  peu  le  souci  de  la  discipline  vis-à-vis  de  vaillants 
soldats  qui  luttaient  avec  tant  d'énergie  contre  l'invasion 
étrangère. 

C/est  la  garde  urbaine  qui,  le  11  avril  au  soir,  le  lende- 
main de  ia  bataille,  remplaça,  dans  les  postes  avancés,  les 
troupes  de  Soult  battant  en  retraite  vers  le  Lauraguaiset  qui, 
le  12  au  matin,  reconnut,  suivant  les  règles  accoutumées,  les 
premières  troupes  anglaises  envoyées  en  reconnaissance  en 
ville. 

L'armée  de  Wellington  devant  Toulouse  se  composait  de 
troupes  anglaises,  portugaises  et  espagnoles,  ainsi  que  d'un 
petit  contingent  allemand.  Les  divisions  d'infanterie  étaient 
formées  de  trois  ou  quatre  brigades  dont  une  portugaise. 
Il  existait  en  outre  une  division  d'infanterie  complètement 
portugaise  ainsi  qu'un  corps  d'artillerie  et  probablement 
encore  un  certain  nombre  de  régiments  de  cavalerie. 

Les  troupes  espagnoles  avaient,  sous  l'autorité  supérieure 
de  Wellington,  un  commandement  et  une  organisation  dis- 
tincts. 

L'armée  était  divisée  en  quatre  corps  ou  groupes  :  sur  la 
rive  gauche,  devant  Saint-Gyprien,  celui  de  Hill  avait  trois 
divisions  :  une  anglo-portugaise  de  Stewart^  à  quatre  bri- 


1.  Presque  tous  les  narrateurs  de  la  bataille  de  Toulouse  donnent 
à  Hill  une  division  anglaise  Murray  et  ne  parlent  pas  de  la  division 
portugaise  Le  Cor.  Je  ne  trouve  aucune  trace  de  cette  division  Mnr- 
ray  soit  dans  les  tableaux  d'effectif  de  l'armée  (Clerc,  Dumas),  soit 
dans  les  relations  des  marches  et  combats  effectués  par  Wellington 
avant  d'arriver  à  Toulouse,  De  plus,  en  défalquant  <le  ces  tableauK 
d'effectif  les  troupes  du  siège  de  Bayonne  sous  Hope  et  de  l'occupa- 
tion de  Bordeaux  sous  Dalliousie,  on  retrouve  toutes  les  autres  divi- 
sions anglaises  devant  Toulouse  sans  aucun  excédent  qui  serait  cette 
division  Murray.  Lapéne  indique  une  division  Stewart-Murray,  en 
a-t-on  fait  les  divisions  S tewart  e^  Murray?  C'est  possible.  D'autre 
part,  la  division  portugaise  Le  Cor  est  signalée  comme  étant,  avec  la 
division  Stewart,  sous  les  ordres  de  Hill,  dans  la  marche  sur  Tou- 
louse, le  18  mars  encore  (Damas).  Elle  est  certainement  avec  Hill 


SITUATION   DES   ARMÉES   DE    SOULT   ET  DE   WELLINGTON.      127 

gades,  une  portugaise  de  Le  Cor  et  une  espagnole  de  Morillo 
à  deux  brigades  chacune.  Hill  avait  en  outre  une  brigade 
de  cavalerie  anglaise,  probablement  celle  de  Fane*. 

Sur  la  rive  droite,  nous  trouvons  :  1°  le  corps  de  Picton, 
comprenant  deux  divisions  d'infanterie  anglo-portugaise, 
l'ancienne  division  Picton  commandée  par  le  major  général 
Brisbane  et  la  division  légère  Alten,  chacune  à  trois  brigades 
et  une  brigade  de  cavalerie  allemande,  probablement  celle 
du  major  général  Bock; 

2°  le  corps  de  Béresford,  comprenant  les  divisions  anglo- 
portugaises  Gole  et  Clinton  à  trois  brigades; 

3'^  le  corps  espagnol  de  don  Manoel  Freyre  (de  la  quatrième 
armée)  à  deux  divisions.  On  lui  avait  adjoint  l'artillerie  por- 
tugaise et  la  brigade  de  grosse  cavalerie  anglo-hanovrienne 
de  Ponsonby; 

4*  la  division  de  cavalerie Stapleton-Gotton  à  deux  brigades 
de  hussards  Vivian  et  Somerset. 

Si  l'on  se  rapporte  aux  tableaux  d'effectifs  de  Clerc  et 
Dumas,  Wellington  devait  avoir  encore  avec  lui  une  ou  deux 
brigades  de  cavalerie  comprenant  des  régiments  portugais. 
Elles  devaient  battre  la  campagne  autour  de  Toulouse,  sur- 
tout du  côté  de  Montauban  où  se  trouvait  le  général  de 
Loverdo  avec  trois  mille  hommes  des  dépôts,  ou  bien  étaient 
occupés  à  rallier  une  partie  de  l'immense  convoi  embourbée 
sur  les  routes  du  Gers. 

Les  brigades  d'infanterie  anglaise  avaient  généralement 
trois  régiments  et  une  compagnie  de  carabiniers  (rifles)  ou 
quatre  régiments,  à  part  la  brigade  d'Alten  qui  n'en  avait 
que  deux.  Les  brigades  portugaises  avaient  trois  régiments 
dont  un  de  caçadores.  Les  brigades  de  cavalerie  étaient  les 
unes  à  deux,  les  autres  à  trois  régiments. 

devant  Toulouse.  Un  Murray  était  chef  d'état-major  de  Wellington; 
lui  a-t-on  donné  à  commander  cette  division  Le  Cor,  ou  bien  a-t-il 
remplacé  provisoirement  Stewart  à  la  tête  de  sa  division,  ou  bien 
s'agit-il  d'un  autre  Murray? 

1.  La  cavalerie  de  Fane  est  signalée  dans  l'armée  les  13,  IG,  18  et 
22  mars,  ainsi  que  le  régiment  de  cavalerie  portugaise  de  Ganipbell 
(Dumas,  pp.  513  et  suiv.). 


128  MÉMOIRES. 


EFFECTIFS. 


Les  efl^ectifs  des  deux  armées  ont  donné  lieu  à  des  éva- 
luations bien  divergentes.  Suivant  les  auteurs,  ils  varient  de 
20  à  43,000  hommes  pour  les  Français,  et  de  50  à  85,000 
pour  les  coalisés. 

De  Beauchamp  ^  donne  à  Soult  22,000  hommes,  dont 
4,000  cavaliers,  plus  6,000  conscrits,  et  à  Wellington  50  à 
62,000  hommes. 

Duplan^  compte  20,000  soldats  français,  plus  quelques 
milliers  de  conscrits,  et  80,000  coalisés. 

Lapène-  indique  pour  les  Français  25,000  soldats,  plus 
6,000  conscrits  ou  hommes  des  réserves;  il  ajoute  que 
l'armée  de  Wellington  était  plus  du  double.  Plus  loin,  il 
énumère  les  eff'eclits  des  différents  corps  de  cette  armée  S 
et  en  additionnant  ces  chiffres,  on  arrive  à  un  total  d'envi- 
ron 73,000  combattants.  Dans  son  résumé  de  la  bataille, 
d'autre  part,  il  dit  que  21,000  Français  eurent  à  lutter 
contre  70,000  alliés. 

Thiers^  donne  à  Soult  36,000  hommes  de  premier  choix 
et  60,000  à  Wellington. 

Du  Mège^  dit  que  l'ennemi  était  trois  fois  plus  fort  que 
nous. 

D'après  Pierron"^,  l'armée  de  Soult  comptait  à  peine 
30,000  hommes  avec  une  réserve  de  6,000  conscrits,  tandis 
que  l'ennemi  en  avait  65,000. 

1.  De  Beauchamp,  Histoire  de  la  campagne  de  1814  et  de  la  res- 
tauration de  la  monarchie  française,  1815,  p.  471. 

2.  Duplan,  Précis  historique  de  la  bataille  livrée  le  10  avril  1814 
sous  les  murs  de  Toulouse,  par  G.  D...,  1816,  p.  28. 

3.  Lapène,  Campagne  de  1813  et  de  1814,  1823,  p.  324. 

4.  Il  ne  donne  pas  l'effectif  des  deux  brigades  de  hussards,  mais 
celles-ci  figurent  pour  2,300  hommes  environ  dans  les  tableaux  de 
Clerc  et  de  Dumas. 

5.  Tbiers,  Histoire  du  Consulat  et  de  VEinpire. 

6.  Du  Mège,  Précis  historique  de  la  hataille  de  Toulouse,  1852, 
t.  X,  p.  837. 

7.  Pierron,  Défense  des  frontières  de  la  France,  1892,  p.  180. 


SITUATION   DES   ARMEES   DE   SOULT  ET   DE   WELLINGTON.      129 

Ariste  et  Braud,  dans  leur  Histoire  populaire  de  Tou- 
louse (1898),  disent  que  17,000  Français  résistèrent  à 
72,000  étrangers.  (le  sont  les  mêmes  chiffres  que  donne 
l'abbé  Aragon  {Histoire  de  la  ville  de  Toulouse,  1900). 
L'abbé  Laflforgue,  dans  son  livre  sur  «  Croix-Daurade  >, 
1909,  fixe  aussi  à  «  72,000  hommes  solides  et  aguerris  les 
troupes  de  Wellington,  auxquels  Soult  ne  pouvait  opposer 
que  30,000  soldats,  dont  6,000  recrues  armées  de  la  veille  >. 

D'après  le  commandant  Bial  S  les  Français  avaient 
18,000  soldats  éprouvés,  plus  6,000  recrues  contre  72,000 
coalisés,  dont  au  moins  60,000  bons  combattants. 

Graciette2  donne  les  chiffres  de  23,000  Français,  plus 
les  recrues  exercées  à  Toulouse,  et  85,000  Anglais. 

Delorme^  n'indique  pas  les  effectifs  de  Soult,  mais  repro- 
duisant, à  peu  de  chose  près,  les  chiffres  deLapènepour  l'ar- 
mée alliée,  il  arrive  à  un  effectif  de  80,000  hommes  environ. 

Doumenjou  *  attribue  à  Soult  environ  32,000  hommes, 
dont  6,000  recrues  et  2,000  cavaliers,  et  à  Wellington 
68,000  hommes,  un  peu  plus  du  double. 

Damas ^,  vers  la  fin  de  son  livre  (p.  557),  dit  que  Soult 
ne  parvint  à  disposer  que  de  38,000  hommes  contre  les 
52,000  de  Wellington. 

D'autre  part  (p.  100),  il  reproduit,  d'après  les  archives 
de  la  guerre,  dans  tous  leurs  détails,  les  états  de  situation 
générale  de  quinzaine  fournis  à  l'Empereur,  dits  «  livrets 
de  l'Empereur  »,  états  à  l'exactitude  des(|uels  celui-ci  atta- 
chait une  importance  capitale.  D'après  l'état  du  l*^'"  avril  181 1, 
Soult  avait  1,150  officiers  et  32,500  hommes  présents  %  soit 


1.  Commandant  Panl  Bial,  Hisloire  populaire  de  la  bataille  de 
Toulouse,  1900,  p.  18. 

2.  13'"  Gracielte,  Le  service  de  santé  à  lahataille  de  Toulouse,  1900. 

3.  Dolormo,  La  bataille  de  Toulouse,  une  médaille  anglaise  com- 
mémorative,  1903. 

4.  Colonel  Doumenjou,  La  bataille  de  Toulouse,  1908. 

5.  Lieutenant-colonel  Dumas,  9  mois  de  campagne  à  la  suite  du 
maréchal  Soult,  1907. 

6.  Les  états  donnent,  en  outre,  les  cliilï'res  des  absents  à  Thôpital 
ou  ailleurs  et  ceux  de  relïeclif  total  (pr(''snnts  et  aliscuts). 


130  MÉMOIRES. 

36,350,  dont  2,700  cavaliers,  plus  7,267  conscrits,  en  tout 
43,617  hommes. 

Ces  chiffres,  que  Soult  n'aura  certainement  pas  exagérés, 
doivent  être,  à  peu  de  chose  près,  les  mêmes  le  10  avril  sui- 
vant, car,  du  1"  au  10,  on  n'a  guère  signalé  que  la  petite 
échauflburée  de  cavalerie  de  Croix- Daurade  et  quelques 
rencontres  d'avant-postes. 

Dans  un  autre  tableau,  Dumas  indique  que  l'armée  alliée 
sous  les  armes  le  10  avril  devant  Toulouse  comprenait  : 
infanterie  et  cavalerie  anglo-portugaise,  37,917  hommes, 
sur  lesquels  31,000  ont  été  engagés;  Espagnols  (Freyre  et 
Morillo),  14,000  hommes,  dont  7,500  engagés,  plus  1,500 
artilleurs,  en  tout  53,417  hommes,  dont  6,954  cavaliers. 

Je  crois  donc  qu'on  peut  attribuer  aux  deux  armées,  sans 
crainte  de  trop  s'écarter  de  la  réalité,  les  chiffres  respectifs 
de  36,000  soldats,  dont  2,700  cavaliers,  plus  7,000  cons- 
C7Hts,  pour  les  Français,  et  53,000  ho?nrjies,  dont  7,000 
cavaliers,  pour  les  allies. 

Sur  ces  efl'ectifs,  Soult  engagea  21,000  ho?nmes  au  cours 
de  la  bataille,  d'après  Lapène,  qui  était  présent  à  l'action 
et  eut  plus  tard  entre  les  mains  les  documents  nécessaires 
pour  contrôler  ce  chiffre.  Quant  à  Wellington,  il  lança 
contre  ces  21,000  Français  38,500  de  ses  soldats.  Ce  dernier 
chiffre,  donné  par  la  récente  publication  de  Dumas,  concorde 
avec  nos  propres  recherches. 

PERTES. 

Disons  dès  à  présent  que  les  évaluations,  faites  par  les 
divers  narrateurs,  des  pertes  des  deux  armées  à  la  bataille 
du  10  avril,  sont  encore  plus  divergentes  entre  elles  que 
celles  des  effectifs.  Ces  pertes  varient  entre  2,600  et  4,000 
hommes  hors  de  combat  pour  les  Français  et  entre  4,400  et 
36,000  pour  les  coalisés  ! 

Géraudi  indique  une  perte  de  20,000  coalisés. 

1.  Géraud,  Campagne  de  Paris,  18J5. 


SITUATION   DES    ARMÉES   DE   SOULT   ET   DE   WELLINGTON.       131 

Duplan  (pp.  33-37)  cite  une  lettre  d'un  Toulousain  écrite 
le  surlendemain  de  la  bataille,  disant  que  les  alliés  portent 
eux-mênnes  le  chiffre  de  leurs  morts  à  21,000  et  celui  de 
leurs  blessés  à  près  de  15,000,  ce  qui  ferait  36,000  hommes 
hors  de  combat.  Les  pertes  des  Français  n'auraient  pas 
dépassé  2,000  tués  et  2,000  blessés. 

Duplan,  de  son  côté,  fixe  à  17,000  les  pertes  des  Anglais. 

Lapène  (p.  423),  qui  fut  lui-même  blessé  ce  jour-là,  indi- 
que, ponr  les  Anglais,  8,000  hommes  hors  de  combat  avec 
trois  généraux  blessés  (Pack  et  les  Espagnols  Espelleta  et 
Mendizabal);  pour  les  Français,  3,100  hommes  (dont  600 
morts),  avec  cinq  généraux  blessés  et  le  divisionnaire  Taupin 
tué. 

Woodberry  *  donne,  cinq  jours  après  la  bataille,  comme 
pertes  approximatives  :  Anglais  tués  et  blessés,  2,200; 
Espagnols,  1,800;  Portugais,  600;  soit,  en  tout,  4,600. 
Parmi  les  blessés  figurent  les  généraux  anglais  Cole,  Pack 
et  Brisbane. 

Du  Mège  (vol.  X,  p.  837),  qui  assistait  aussi  à  la  bataille, 
fixe  à  environ  2,600  les  Français  hors  de  combat,  et  évalue 
à  plus  de  7,000  morts  et  environ  12,000  blessés  les  pertes 
des  alliés. 

Le  dictionnaire  de  Larousse,  dont  le  récit  de  la  bataille 
de  Toulouse  est  des  plus  fantaisistes,  fait  perdre  3,000  hom- 
mes aux  Français  et  fait  évaluer  à  l'ennemi  lui-même  (dont 
il  fixe  l'effectif  à  100,000  hommes)  ses  pertes  à  6,000  morts 
et  12,000  blessés. 

Pierron  (p.  180)  indique  600  tués  et  2,600  blessés  fran- 
çais, et  4,400  Anglais  hors  de  combat. 

Le  commandant  Bial  (p.  37)  écrit  :  «  Une  légende  gas- 
conne prête  à  Wellington  le  propos  suivant  :  «  Soult  comp- 
te tait  20,000  combattants,  j'ai  perdu  20,000  hommes,  ça 
«  fait  un  de  nos  hommes  par  chaque  combattant  de  Soult. 
<  L'exagération  est  évidente,  mais  je  considère  comme  i)ro- 


1.  Woodbeïvy,  Journal  du  lieulenant  Woodberry  de  1813  à  1815. 
Traduction  de  Georges  Ilélie,  189G,  p.  107. 


132  MEMOIRES. 

«  bable  que  l'armée  des  coalisés  perdit  de  10  à  12,000  hom- 
«  mes  et  l'armée  française  de  3,000  à  3,500.  » 

Dhers  fixe  nos  pertes  à  600  morts  et  2,900  blessés,  et  celles 
de  l'ennemi  à  environ  1,000  morts  et  4,000  blessés. 

Le  colonel  Doumenjou  estime  que  l'armée  ennemie  eut 
environ  8,000  hommes  et  l'armée  française  de  3,500  à 
4,000  hors  de  combat. 

Le  général  Lamiraux  *  donne  près  de  10,000  tués  et  bles- 
sés dans  les  deux  armées. 

D'après  Bibent  (p.  303),  les  Anglais  pouvaient  compter, 
le  soir  de  la  bataille,  de  10  à  12,000  morts  ou  blessés,  et 
les  Français  de  3  à  4,000. 

L'abbé  Lafi'orgue,  dans  son  Histoire.de  Cy^oix- Daurade, 
donne  comme  pertes,  d'après  les  historiens  du  temps,  les 
chiffres  de  3,500  pour  les  Français  et  de  10,000  pour  les 
alliés,  en  ajoutant  d'ailleurs  qu'elles  paraissent  un  peu 
exagérées. 

Dumas  (p.  556),  qui  a  eu  entre  les  mains  des  documents 
officiels,  fixe  les  pertes  françaises  à  5  généraux  et  3,231 
hommes  (dont  321  tués,  2,369  blessés,  541  prisonniers), 
et  les  pertes  des  alliés  à  4  généraux  et  4,659  hommes. 

Ces  chiffres  concordent  presque  complètement  avec  ceux 
de  Woodberry,  ainsi  que  ceux  de  l'état  détaillé  officiel  des 
pertes  des  armées  alliées  dressé  par  l'adjudant- général  Pa- 
kenham,  qui  figure  dans  les  pièces  justificatives  de  l'ouvrage 
de  Beauchamp.  11  indique  une  perte  totale  de  4,674  hom- 
mes, dont  2,124  Anglais,  616  Portugais  et  1,934  Espagnols, 
parmi  lesquels  602  tués,  4,054  blessés  et  18  disparus.  Ont 
été  atteints  285  officiers,  144  sergents  et  4,245  soldats. 

Nous  avons  donc  tout  lieu  de  considérer  les  indications 
de  Dumas  (3,231  Finançais  et  4,659  coalisés)  comme  se 
rapprochant  le  plus  possible  de  la  vérité. 


1.  Le  général  de  division  baron  Lamiraux.  Préface  à  l'Historique 
de  la  bataille  de  Toulouse  du  colonel  Doumenjou,  1908,  p.  43. 


SITUATION   DES   ARMÉES    DE   SOULT   ET   DE   WELLINGTON.       133 


'     GENERAUX. 

Les  généraux  des  deux  armées  en  présence  étaient  rela- 
tivement jeunes  et,  bien  que  la  plupart  d'entre  eux  fussent 
déjà  anciens  dans  leur  commandement,  ils  n'atteignaient 
pas  la  cinquantaine. 

Soult  avait  quarante-cinq  ans.  Sa  vie  est  trop  connue 
pour  qu'il  soit  nécessaire  de  la  raconter  ici.  Contentons-nous 
de  rappeler  que  son  caractère  n'était  pas  à  la  hauteur  de 
ses  indubitables  qualités  militaires,  dont  la  principale,  au 
jugement  de  Napoléon,  était  celle  de  grand  manœuvrier. 
Esprit  étroit,  d'une  instruction  et  d'une  éducation  incom- 
plètes, il  avait  une  ambition  excessive  qui  lui  fit  espérer 
un  moment  le  trône  de  la  Lusitanie.  Ses  rapines,  au  cours 
de  ses  commandements,  sont  légendaires.  Enfin,  bien 
qu'ayant  de  lui  l'opinion  la  plus  haute,  il  lut  le  plat  adula- 
teur de  tous  les  pouvoirs,  et,  d'après  Saint-Chamand  ^  son 
aide-de-camp,  il  était  fort  petit  garçon  devant  sa  femme, 
une  Allemande,  protestante,  dont,  de  son  côté.  Napoléon, 
dans  le  Mémorial  de  Sainte -Hélène,  dépeint  les  allures 
autoritaires. 

La  conduite  de  Soult  dans  cette  campagne  de  1813-1814 
a  été  diversement  appréciée.  J'estime  que,  pour  bien  la 
juger,  il  faut  tenir  compte  autant  de  l'état  d'infériorité  de 
son  armée  que  de  la  situation  politique  générale,  ainsi  que 
de  la  mentalité  du  maréchal. 

L'infériorité  de  ses  forces  le  poussait  à  la  défensive,  à  ne 
pas  s'engager  à  fond,  au  risque  de  laisser  échapper  la  vic- 
toire; tandis  qu'au  contraire,  «  Wellington,  dit  Clerc,  mit 
toujours  en  ligne  jusqu'à  son  dernier  régiment  ».  Le  géné- 
ral anglais,  en  efi'et,  avait  tout  intérêt  à  une  bataille  décisive 
le  débarrassant  de  la  menace  perpétuelle  de  cette  armée 
des  Pyrénées  qui  seule  représentait  encore,  dans  le  Midi 
envahi,  tout  ce  qui  restait  de  la  France. 

1.  Mémoires  du  général  comte  de  SainlChamand,  1896,  p.  11. 


134  MÉMOIRES. 

Les  exemples  de  cette  règle  de  conduite  de  Soult  abon- 
dent. Citons  celui  de  la  bataille  d'Orthez,  où,  dès  la  veille, 
son  ordre  général  prévoyait  l'éventualité  d'un  mouvement 
rétrograde  sur  Sault-dc-Navailles.  C'est  probablement  aussi 
une  des  raisons  pour  lesquelles  il  n'attaqua  pas,  au  com- 
mencement d'août,  le  corps  de  Beresford,  coupé,  pendant 
trois  jours,  du  reste  de  l'armée  par  la  rupture  du  pont  de 
Seilh  et  qu'il  aurait  pu  détruire,  ni,  le  10  avril,  ce  même 
corps  dans  son  mouvement  de  flanc  si  imprudent  à  travers 
les  marais  de  la  Juncasse,  entre  l'Hers  et  les  retranchements 
du  Calvinet.  Il  aurait  été  obligé  d'engager  et  d'exposer  au 
moins  deux  de  ses  divisions,  et,  malgré  les  nombreuses 
chances  de  succès  sur  lesquelles  il  pouvait  compter,  un 
insuccès  anéantissait  son  armée,  surtout  avec  la  perspective 
de  laisser  derrière  lui  une  population  plutôt  hostile. 

A  cette  raison  d'ordre  militaire  se  joignaient  d'autres 
considérations.  D'abord,  certaines  instructions  de  l'Empe- 
reur, qui,  espérant  que  le  traité  de  Valençay  serait  ratifié 
par  la  régence  espagnole,  et  que  Ferdinand,  rentré  en  Espa 
gne,  renverrait  les  armées  étrangères,  avait  prescrit,  au 
début  de  la  campagne,  au  maréchal  de  ne  laisser  qu'un 
rideau  de  troupes  et  d'amener  son  armée  sur  la  Loire 
(Lettre  au  Ministre  du  14  janvier). 

Plus  tard,  Soult,  qui  sentait  crouler  l'Empire  et  voyait 
toute  la  France  envahie,  estima  peut-être,  comme  le  fit  Ba- 
zaine  en  1870,  que  sa  présence  à  la  tête  de  la  seule  armée 
française,  restant  à  peu  près  intacte,  lui  donnerait  une 
situation  prépondérante  au  moment  où  se  réglerait  le  sort 
du  pays. 

Le  caractère  du  maréchal,  son  ambition  sans  limite  et 
sans  scrupules,  les  précédents  connus  de  ses  visées  monar- 
chiques en  Portugal,  de  sa  cour  royale  en  Andalousie  ^  për- 


1.  «  Il  paraissait,  dit  Fée  {Souvenirs  de  la  guerre  d'Espagne,^  A^ô), 
être  plutôt  le  roi  du  royaume  d'Andalousie  qu'un  simple  lieutenant 
de  l'Empereur.  Jamais  monarque  ne  s'entoura  de  plus  de  majesté, 
jamais  cour  ne  fut  plus  soumise  que  la  sienne.  Comme  le  Jupiter 
d'Homère,  il  faisait  trembler  l'Olympe  d'un  mouvement  de  sa  tête. 


SITUATION   DES   ARMÉES    DE    SOULT   ET   DE   WELLINGTON.      135 

mettent  de  ne  pas  rejeter  complètement  cette  hypothèse. 

Gomme  on  le  sait,  même  après  la  sanglante  bataille  de 
Toulouse  qui  l'obligea  à  la  retraite  vers  le  Lauraguais,  il 
réussit  à  se  conserver  une  armée  que  l'ennemi  dut  respec- 
ter; mais  la  reconnaissance  des  Bourbons  par  les  alliés, 
ainsi  que  par  Paris  et  par  une  grande  partie  de  la  France, 
l'obligea  à  suivre  cet  exemple  et  à  se  borner  à  un  rôle  secon- 
daire. 

Soult  avait  sous  ses  ordres  trois  futurs  maréchaux  de 
France  :  Reille,  Glausel  et  Harispe,  un  Basque,  qui,  chargé 
de  soulever  les  montagnards  de  son  pays  contre  l'envahis- 
seur, n'y  réussit  que  médiocrement,  Drouet  d'Erlon,  «  le 
comte  d'Erlon  »  ainsi  que  sa  médiocrité  comme  général  le 
faisait  nommer  par  tous  (Thiébaut),  Maransin,  Yillate,  Dar- 
ricau  qui  réussit  encore  moins  avec  les  Landais,  ses  com- 
patriotes, qae  Harispe  avec  les  Basques,  Darmagnac,  très 
populaire  à  Toulouse,  sa  ville  natale,  Taupin,  dont  l'ardeur 
irréfléchie  nous  enleva,  le  10  avril,  à  la  redoute  de  Sipière, 
le  succès  que  nous  tenions  dans  nos  mains  et  qui  s'y  fit 
tuer  à  la  tète  de  ses  troupes,  Pierre  Soult  qui  commandait 
la  cavalerie,  mais  dont  les  talents,  dit  Clerc,  n'étaient  qu'un 
bien  modeste  reflet  de  ceux  du  maréchal,  son  frère,  Berton 
commandant  une  des  brigades  de  cavalerie,  lequel  fut  guil- 
lotiné, en  1822,  comme  chef  du  complot  dit  de  Saumur, 
Vial,  commandant  l'autre  brigade,  qui,  le  8  avril,  après  une 
reconnaissance  vers  Fenouillet,  où  il  semble  n'avoir  rien  vu 
des  50,000  ennemis  qui  venaient  de  traverser  la  Garonne 
à  Seilh  tout  près  de  là,  laissa  surprendre,  à  Croix-Daurade, 
les  cavaliers  débandés  et  plus  ou  moins  ivres  de  sa  brigade 
par  le  18®  hussards  anglais  ^  le  colonel  du  génie  Michaux 

Un  officier  estimable,  le  général  Godinot,  auquel  il  adressa  des  repro- 
ches au  retour  d'une  expédition  malheureuse,  se  brûla  la  cervelle, 
n'ayant  pu  supporter  le  ton  avec  leipiel  il  les  lui  fit.  » 

1.  «  11  ne  fallut  rien  moins,  dit  Lapène  (p.  359),  que  l'ap^ilité  el  la 
bravoure  de  la  brigade  Berton  et  spécialement  du  2«  hussards  pour 
empêcher  que  la  brigade  Vial  ainsi  que  Soult  et  son  état-major,  qui 
se  trouvaient  sans  défiance  dans  le  village,  no  fussent  pris  ou  éclinr- 
pés.  » 


136  MÉMOIRES. 

qui  avait  déjà  organisé  la  défensive  des  53  kilomètres  de 
lignes  ibrtifiées  de  la  Nivelle  et  qui  transforma,  en  moins  de 
huit  jours,  par  la  seule  main-d'œuvre  des  troupes,  la  ville 
de  Toulouse  en  un  vaste  camp  retranché  de  trois  lieues 
d'étendue,  travaux  dont  le  développement  et  la  rapidité 
d'exécution  excitèrent  l'admiration  de  Wellington. 

Nous  n'insisterons  pas  sur  l'histoire  bien  connue  de  ce 
dernier  qui  avait  alors  quarante-cinq  ans,  comme  Soult  son, 
adversaire.  Bornons-nous  à  rappeler  qu'après  s'être  distin- 
gué aux  Indes  et  avoir  fini  par  reprendre  le  Portugal  et 
l'Espagne  aux  armées  françaises,  il  fut  le  rival  heureux  de 
Napoléon  à  Waterloo  et  devint,  à  la  fin  de  sa  vie,  l'objet 
d'un  véritable  culte  de  la  part  du  peuple  anglais. 

Le  lieutenant  Gleig  du  85*'  régiment  d'infanterie  anglaise, 
a,  dans  ses  souvenirs  intitulés  «  le  Subalterne  »,  tracé  un 
portrait  plein  de  vie  de  Wellington  rencontré  au  cours  d'une 
marche  vers  la  frontière  française  :  «  Maigre,  dit-il,  bien 
proportionné  et  de  taille  moyenne,  il  avait  à  peine  passé  le 
printemps  delà  vie.  11  était  vêtu  d'un  habit  gris  uni,  bou- 
tonné jusqu'au  menton,  il  portait  un  chapeau  à  claque 
recouvert  de  toile  cirée,  des  culottes  grises,  des  jambières 
bouclées  sur  le  côté  et  un  léger  sabre  de  cavalerie.  Nous 
avions  dans  nos  rangs  beaucoup  de  vieux  soldats  qui 
avaient  servi  en  Espagne  dans  la  dernière  campagne,  ils 
reconnurent  aussitôt  leur  ancien  général  et  se  mirent  à 
crier  :  «  Douro!  Douro!  »  allusion  familière  au  passage 
du  Douro  et  à  la  surprise  de  Soult  à  Oporto,  qui  avaient 
fait  créer  Wellington  baron  de  Douro.  «  Ce  cri  fut  suivi 
de  hurrahs  répétés  et  il  répondit  en  ôtant  son  chapeau  et 
en  s'inclinant.  Rien  en  lui  ne  semblait  indiquer  une  vie 
dépensée  dans  les  fatigues  et  les  travaux  pénibles;  ses 
joues,  quoique  halées  par  le  soleil,  brillaient  des  teintes 
roses  de  la  santé  et  le  sourire  de  satisfaction  qui  s'épa- 
nouissait autour  de  sa  bouche  disait  plus  clairement  que 
des  paroles  combien  il  se  sentait  parfaitement  à  l'aise.  »  De 
son  côté,  W^oodberry  dit  du  feld-maréchal  (p.  62)  :  «  C'est 
certainement  un  homme  fort  extraordinaire...  Le  matin  qui 


SITUATION   DES   ARMÉES   DE   SOULT   ET   DE    WELLINGTON.      137 

suivit  la  retraite  de  Burgos  aux  cantonnements  actuels  de 
l'armée,  il  commanda  les  chiens  et  chassa  avec  eux.  Ses 
vêtements  sont  toujours  très  simples,  et  il  jure,  comme  un 
troupier,  à  la  plus  petite  contrariété.  » 

Wellington  avait  sous  ses  ordres  Hill,  qui  fut  plus  tard, 
comme  lui,  commandant  en  chef  de  l'armée  anglaise,  l'Ecos- 
sais Picton,  tous  les  deux  très  aimés  de  leurs  soldats  malgré 
les  rigueurs  de  leur  discipline;  Béresford,  maréchal  au  litre 
portugais,  dont  l'offensive  hardie  décida  de  l'issue  de  la 
bataille  du  10  avril,  BrHsbane,  blessé  aux  Ponts-Jumeaux 
et  fort  connu  dans  la  suite  comme  astronome,  deux  Espa- 
gnols :  Freyy^e^  assez  apprécié  du  feld-maréchal  et  Morillo, 
ancien  pâtre,  puis  chef  de  bande,  signalé  plus  tard  par  ses 
cruautés  dans  l'Amérique  du  Sud  et  par  ses  trahisons  de  tous 
les  partis. 

Wellington  avait  parmi  ses  aides  de  camp  le  jeune  Fitz- 
roy-So7nerset^  amputé,  l'année  suivante,  à  Waterloo,  et  qui, 
sous  le  nom  de  lord  Raglan^  commanda,  en  1854,  les  for- 
ces anglaises  en  Grimée,  dans  une  des  phases  de  l'eitente 
cordiale,  cette  étiquette  fallacieuse  sous  laquelle  l'égoïsme 
insatiable  et  la  foi  punique  de  l'Angleterre  ont  tant  de  fois 
dupé  le  candide  Français.  Le  chef  du  quartier  général  du 
feld-maréchal  était  un  Français  de  vingt-cinq  ans,  le  duc  de 
Gramont  et  de  Guiches  devenu,  l'année  suivante,  colonel, 
aide  de  camp  du  duc  d'Angoulême  et  dont  la  famille  nous 
donna  le  déplorable  ministre  des  Affaires  étrangères  do 
juillet  1870. 

ARMEMENT. 

L'infanterie  française  se  servait  encore  du  fusil  à  pierre 
du  modèle  de  1777,  dont  la  portée  utile  ne  dépassait  guère 
150  mètres  et  plus  communément  100  mètres  quand  actuel- 
lement notre  Lebel  à  répétition,  avec  une  portée  maxima  de 
3,200  mètres,  peut  donner  un  tir  satisfaisant  jusqu'à 
500  mètres. 

On  comptait  alors  environ  un  raté  sur  cinq  à  sept  coups 

10e  SÉRIE.   —  TOME  X.  12 


188  MÉMOIRES. 

dans  les  meilleures  conditions  de  temps;  au  moindre  brouil- 
lard mouillé  et  surtout  dès  la  première  pluie,  il  devenait 
impossible- de  faire  feu.  Ces  fusils  s'encrassaient  rapidement 
et  l'on  devait  fréquemment  épingler  la  lumière  pour  avoir 
la  communication  entre  la  charge  et  le  bassinet.  Aussi  les 
soldats  agrandissaient-ils  beaucoup  celte  lumière  pour  éviter 
son  obstruction.  De  plus,  avec  des  fusils  à  lumière  ainsi 
agrandie,  après  avoir  versé  la  poudre  dans  le  canon  et  laissé 
glisser  la  balle  par-dessus,  on  frappait  fortement  la  crosse 
à  terre,  en  inclinant  le  bassinet  vers  le  bas.  Il  n'était  plus 
nécessaire  de  bourrer  avec  la  baguette  ni  même  d'amorcer, 
une  partie  de  la  poudre  entrant  ainsi  par  la  lumière  dans  le 
bassinet  :  il  suffisait  d'armer  le  chien  pour  faire  feu.  Avec 
ce  mode  de  chargement,  très  usité  des  vieux  soldats,  on 
arrivait  à  tirer  jusqu'à  six  coups  par  minute  au  lieu  de 
deux  ou  trois.  Mais  aussi  un  pareil  tir  ne  pouvait  avoir 
aucune  précision. 

Les  autres  armes,  mousqueton  de  cavalerie^  pistolet^  d'un 
calibre  un  peu  moins  fort,  tiraient  la  même  balle  et  avec  la 
même  cartouche  dont  on  rejetait  le  quart  de  la  poudre  pour 
le  mousqueton  ou  la  moitié  pour  le  pistolet.  Le  fantassin 
saignait  même  souvent  la  cartouche  de  son  fusil  pour  éviter 
en  partie  la  violence  du  recul. 

Le  soldat  français  de  cette  époque  tirait  mal  en  général 
et  visait  peu.  Les  vieux  soldats  utilisaient  souvent  la  por- 
tée maxima  de  leur  arme  (900  à  1,000  mètres)  en  l'inclinant 
à  35<>  et,  la  balle  faisant  une  courbe,  ils  pratiquaient  ainsi  du 
tir  indirect. '«  Les  Français,  dit  l'Allemand  Decker,  en  1810, 
sont  passés  maîtres  dans  ce  genre  de  tir  et  c'est  pour  cela 
qu'il  arriva  souvent  qu'ils  nous  blessèrent  des  hommes, 
alors  qu'il  nous  était  impossible  de  découvrir  même  l'en- 
droit d'où  le  coup  était  parti  '.  » 

La  lourde  charge  (au  moins  60  livres '^j  que  portait  le 

1.  Die  artillerie  fur  allen  Wa/fen  {in  Dumas),  p.  275. 

2.  Comprenant  le  sac,  le  fourniment,  la  giberne  et  les  cartouches, 
le  fusil,  le  sabre,  la  capote,  les  dix  jours  de  biscuit  et  les  quatre  jours 
de  pain.  {Journal  du  général  Foy,  10  sept.  1810.) 


SITUATION    DES    ARMEES   DE   SOULT   ET   DE   WELLINGTON.       139 

soldat  du  premier  Empire  ne  concourait  pas  à  améliorer 
son  tir. 

L'artillerie  de  campagne  que  Soult,  à  son  arrivée  à  Tou- 
louse, fit  compléter  à  six  pièces  par  division  S  avait  des 
canons  des  calibres  12,  8,  6  et  4  (poids  du  boulet  rond  qu'el- 
les tiraient  en  principe),  ainsi  que  des  obusiers  de  6  pouces. 
La  limite  extrême  de  ses  portées  pratiques  était  de  500  mè- 
tres pour  le  4,  de  800  mètres  pour  le  8  et  de  900  mètres 
pour  le  12.  Les  bonnes  portées  de  tir  à  mitraille  (boîte  à  bal- 
les) étaient  de  400  mètres  pour  le  4  et  de  600  pour  le  12. 
Aussi  ce  tir  jouait-il  un  rôle  important^. 

Les  pièces  et  les  caissons  étaient  très  lourds,  surtout  pour 
les  routes  de  cette  époque,  et,  sauf  la  pièce  de  12  qui  en  avait 
six,  n'étaient  attelées  qu'à  quatre  chevaux.  Les  roues  étaient 
munies  de  bandages  interrompus  qui,  par  le  ciel  brûlant  du 
Midi,  perdaient  leurs  clous  et  tombaient;  alors  les  roues  fai- 
saient chapelet.  Aussi  des  ouvriers  étaient  ils  répartis,  tout 
le  long  de  la  colonne,  avec  des  fiches  en  bois,  des  clous  et 
un  marteau  pour  remédier  immédiatement  à  ces  inconvé- 
nients. Les  trains  étaient  dépendants,  à  tournant  limité  et 
la  mise  en  batterie  longue  et  pénible.  Aussi  ne  manœu- 
vrait-on guère,  surtout  en  retraite,  qu'à  la  prolonge,  câble 
de  8  mètres  environ  reliant  l'avant-train  à  Tafi'ut  ;  mais  ce  pro- 
cédé, avantageux  pour  la  rapidité  du  tir,  fatiguait  beaucoup 
le  matériel  et  l'attelage.  Et  nous  voj^ons  parfois  Soult  obligé 
de  faire  traîner  son  artillerie  par  des  attelages  de  bœufs 
(ordre  de  Rabaslens  du  4  mars,  archives  de  la  guerre)'. 


1.  Plus  deux  pièces  au  parc  et  deux  batteries  de  montagne  dispo- 
nibles. 

2.  Actuellement,  notre  pièce  de  campagne  ordinaire,  le  75,  lire  à 
une  portée  maximum  de  8,500  mètres  et  une  distance  moj^enne  de 
combat  de  2,500  mèties  à  4,000  mètres. 

3.  Ces  attelages  primitifs  ont  môme  parfois  traîné  de  l)rillants  équi- 
pages, comme  le  raconte  Saint-Ghamand  (p.  106)  :  «Nous étions  quatre 
aides  de  camp  dans  la  grande  berline  du  maréchal  Soult.  Dans  un 
village,  nous  ne  pilmes  pnrtir  qu'avec  un  attelage  de  huit  vaches  et  il 
était  plaisant  de  voir  celte  belle  voiture,  avec  les  armes  des  maréchaux 
de  France  sur  les  panneaux  et  remplie  (l'officiers  richement  habillés, 


140  MÉMOIRES. 

Le  tir  de  cette  artilleyHe  était  souvent  bien  défectueux. 
A  Vera,  au  passage  de  la  Bidassoa  par  Glausel,  «  les  pre- 
miers obus  de  sa  propre  artillerie,  écrit  Gleig,  tombèrent 
au  milieu  de  son  infanterie,  aux  applaudissements  ironiques 
et  joyeux  des  soldats  anglais  postés  sur  l'autre  rive.  » 

Il  y  a  lieu  de  rappeler  qu'à  la  suite  des  grandes  pertes 
d'artillerie  qui  avaient  été  faites,  surtout  à  Vitoria,  on  avait 
dû  reconstituer  les  batteries  avec  des  pièces  de  toute  espèce, 
même  des  pièces  étrangères  conservées  dans  les  arsenaux 
de  la  région. 

En  plus  de  l'artillerie  de  son  armée  de  campagne,  Soult 
arma  les  trois  lignes  de  défense  de  Toulouse  avec  des  pièces 
déposition  fournies  par  les  réserves  de  l'arsenal  et  des  maga- 
sins d'artillerie  de  la  ville.  Les  anciens  remparts  et  le  mur 
d'enceinte  en  particulier  reçurent  des  canons  de  24,  de  16,  des 
obusiers  et  des  mortiers  à  bombe  ;  de  la  butte  du  Jardin-des- 
Plantes,  une  pièce  de  24  enfilait  le  secteur  compris  entre 
Saint-Agne  et  le  pont  des  Demoiselles.  Les  ponts  du  canal, 
reçurent  aussi  quelques  pièces  de  fort  calibre. 

Les  redoutes  de  la  première  ligne  furent  surtout  armées 
de  pièces  de  campagne  et,  sur  les  hauteurs  du  Gaivinet,  le 
nœud  de  la  défense,  un  trottoir  en  planches  et  madriers 
fixés  au  sol  permettait  de  faire  circuler  ces  pièces  sur  le  sol 
argileux  et  détrempé  par  les  pluies  de  la  saison. 

L'infanterie  anglaise  était  beaucoup  plus  exercée' au  tir 
que  la  française.  Son  fusil  était  plus  lourd  et  d'un  calibre 
plus  fort.  En  outre,  l'armée  alliée  comprenait  des  compa- 
gnies franches,  armées  de  carabines  (rifles)  composant  le 


attelée  de  huit  maigres  vaches  et  conduite  par  quatre  paysans  gas- 
cons armés  de  longs  bâtons  ferrés.  » 

Les  bœufs  servaient  même  au  transport  des  troupes  envoyées  par 
Soult  à  Napoléon.  «  Notre  division,  (Ut  Sébastien  BJaze,  partit  d'Or- 
Ihez  sur  des  charrettes  traînées  par  des  bœufs.  Il  semble  d'abord  que 
cette  manière  de  voyager  ne  convient  guère  à  des  troupes  qu'on  vou- 
lait faire  arriver  en  poste.  Mais  les  soldats  allaient  nuit  et  jour, 
n'éprouvaient  aucune  fatigue,  et  la  continuité  de  la  marche  faisait 
qu'ils  avançaient  avec  une  certaine  rapidité.  »  {Mémoires  d'un  aide- 
major,  in  Dumas,  p.  313.) 


SITUATION   DES   ARMÉES    DE   SOULT   ET    DE   WELLINGTON.       111 

5®  bataillon  du  60®,  Royal  rifles,  à  dix  compagnies,  les  trois 
bataillons  du  95®  dit  Rifle-Corps  à  trente  compagnies,  le 
bataillon  de  Brunswick-Œls  (allemand)  à  douze  compagnies 
et  les  chasseurs  britanniques. 

L'infanterie  portugaise  comptait  onze  bataillons  de  caça- 
dores  également  armés  de  carabines.  Chaque  brigade  était 
dotée  en  principe  de  deux  compagnies  de  rifles,  parfois 
davantage.  La  division  légère  d'Alten,  qui  concourut  à  la 
sanglante  attaque  des  Ponts-Jumeaux,  comptait  le  95®  tout 
entier  plus  deux  bataillons  de  caçadores. 

Les  compagnies  du  60®  étaient  armées  de  la  carabine  Ba- 
ker, de  vingt  balles  à  la  livre,  qui  devait  être  chargée  à 
coups  de  maillet.  «  Les  hommes,  comme  ceux  des  autres  com- 
pagnies de  rifles,  étaient  choisis  parmi  les  meilleurs  tireurs, 
écrit  Soult  au  Ministre,  ils  font  le  service  d'éclaireurs  et, 
dans  les  aff'aires,  il  leur  est  expressément  recommandé  de 
tirer  de  préférence  sur  les  officiers  et  particulièrement  sur 
les  chefs  et  les  généraux.  Aussi,  les  pertes  en  officiers  que 
nous  éprouvons  sont  si  considérables  que,  dans  deux  affai- 
res, ils  sont  ordinairement  tous  hors  de  combat.  »  (A.  G.). 

«  Le  vrai  rifle  ne  doit  jamais  faire  feu  sans  être  sûr  de 
son  homme  »,  est-il  dit  dans  l'ordre  du  régiment,  à  son  em- 
barquement pour  la  Péninsule,  reproduit  dans  l'historique 
du  cinquième  bataillon  du  60®  par  le  colonel  du  régiment 
sous  le  titre  de  «  Celer  et  Audax  ^  » 

Les  batteries  cVartilleyHe  de  campagne  étaient  composées 
de  cinq  pièces  de  6  et  un  obusier.  Tout  ce  matériel  était  re- 
marquable par  son  exécution.  Cette  artillerie  était  d'une  mo- 
bilité extrême  et  surprit  beaucoup  nos  généraux  par  la  rapi- 
dité de  ses  manœuvres.   Les  Anglais  se  servirent  pour  la 

1.  Marbot  indique  comme  cause  principale  de  nos  revers  en  Espagne 
l'immense  supériorité  de  la  justesse  du  tir  de  l'infanterie  anglaise, 
supériorité  provenant  de  très  fréquents  exercices  de  cible  et  beaucoup 
aussi,  ajoule-t-il,  dans  sa  formation  sur  deux  rangs  au  lieu  de  trois; 
dans  rinfiinterie  française,  les  liommes  du  deuxième  rang,  pressés 
entre  le  premier  et  le  troisième,  tirant  presque  tous  en  l'air,  et  le  troi- 
sième rang  ne  pouvant  ajuster  l'ennemi,  ({ue  lui  cachaient  les  deux 
premiers  (t.  II,  p.  48;;}). 


142  MEMOIRES. 

première  fois  dans  une  action  générale,  à  la  bataille  de 
Sarre  du  10  novembre  1813.  des  obus  à  balles  inventés  par 
le  colonel  anglais  Shrapnel  dont  le  nom  sert  souvent  à  les 
désigner.  L'effet  moral  et  matériel  de  ces  projectiles  fut  con- 
sidérable. 

Ils  se  servirent  aussi  pour  la  première  fois,  au  cours  de 
la  campagne  d'Espagne,  des  fusées,  dîtes  à  la  Congrève, 
du  nom  du  capitaine  qui  les  introduisit  en  Europe  des  Indes, 
où,  paraît-il,  Tippoo-Sahib  en  avait  usé  contre  les  Anglais. 

Ces  engins,  que  certains  auteurs  ont  confondus  avec  les 
Shrapnels,  étaient  composés  en  principe  d'une  cartouche  en 
tôle  remplie  de  balles,  entre  lesquelles  on  avait  tassé  de  la 
poudre.  Elles  étaient  munies,  comme  les  fusées  d'artifice, 
de  baguettes  de  direction  et  étaient  lancées  ordinairement 
sur  des  chevalets.  Certaines  contenaient  des  matières  incen- 
diaires. Elles  inspiraient  une  grande  appréhension  que  signa- 
lent les  historiens  locaux  de  la  bataille  de  Toulouse*. 


LES   UNIFORMES. 

Tout  le  monde  connaît  les  uniformes  de  campagne  du 
premier  Empire  :  la  grande  capote  bleu  de  roi'^  sur  laquelle 


1.  Leur  inventeur,  ce  nouveau  Promélhée  qui  semble  avoir  ravi 
le  feu  du  ciel  pour  armer  sa  nation  »,  écrit  Duplan.  «  Surtout,  ce  qui 
exaspérait  les  esprits  des  habitants,  dit  de  son  côté  le  commandant 
Bial,  c'était  l'expectative  de  voir  le  cîel  toulousain  sillonné  en  tous 
sens  par  les  fusées  à  la  congrève,  invention  qu'ils  se  représentaient 
comme  diabolique.  Ils  voyaient,  ils  entendaient  déjà  ces  serpents  de 
feu  s'entrecroiser  sur  leurs  têtes,  pénétrer  dans  les  maisons  par  les 
fenêtres,  siffler,  détonner,  répandre  partout  la  terreur,  l'incendie  et  la 
mort.  »  A  Leipsick,  l'armée  prussienne  avait  un  escadron  de  fuséens 
anglais  et  à  Waterloo  une  compagnie  de  canonniers  manœuvrait  avec 
des  fusées.  Depuis  lors,  nous  avons  inventé  des  engins  cent  fois  plus 
terribles  et  l'on  ne  paraît  plus  s'être  servi  des  fusées  à  la  congrève 
depuis  le  siège  de  Sébastopol. 

2.  Rappelons  que  c'est  pendant  la  guerre  d'Espagne,  dont  le  climat 
exigeait  des  soins  particuliers  pour  la  santé  du  soldat,  que  la  capote 
devint  le  vêtement  de  l'infanterie  française.  (Brice  et  Bottet,  Le  corps 
de  santé  militaire,  1907,  p.-  213.) 


SITUATION   DES    ARMÉES   DE   SOULT   ET   DE   WELLINGTON.       143 

se  croisaient  les  larges  buffleteries  blanches  ou  noires  sup- 
portant la  vaste  giberne  et  le  sabre-briquet,  le  pantalon  de 
même  couleur,  les  guêtres  de  couleur  ou  blanches  \  le  shako 
monumental  surmonté  du  pompon  ou  de  l'immense  plumet 
de  grande  tenue,  le  blockhaus,  comme  on  l'appelait,  qui, 
sous  sa  coiffe  de  cuir,  renfermait  mouchoir,  pipe,  tabac  et 
même  parfois  les  brosses  et  le  savon;  le  tout  un  peu  égayé 
par  les  épaulettes  rouges,  jaunes  ou  vertes,  ou  bien  par  les 
signes  distinctifs  de  l'artilleur,  du  soldat  du  génie  et  des 
autres  spécialités. 

En  fait  de  cavalerie,  l'armée  de  Soult  n'avait  que  des  chas- 
seurs à  cheval  (6  régiments)  et  un  régiment  de  hussards  (le 
2%  ancien  Ghamboran).  Les  chasseurs  étaient  en  vert,  avec 
collet  et  parements  rouges,  et  les  hussards  en  dolman  marron 
et  pantalon  bleu  clair.  Certains  portaient  encore  l'ancien  col- 
back  fourré,  la  plupart  le  haut  shako  cylindrique  ordinai- 
rement recouvert  de  toile  cirée. 

L'armée  alliée  était  bien  plus  bariolée  :  l'infanterie  anglaise 
avait  l'habit  r^ouge  bien  connu  :  l'usage  de  poudrer  les  che- 
veux n'avait  été  aboli  que  depuis  1808  et  les  sergents  por- 
taient encore  parfois  la  hallebarde. 

Les  «  rifles  »  du  60®  étaient  vêtus  de  drap  vert  à  retrous- 
sis  cramoisis  et  portaient  la  moustache,  les  autres  troupes 
anglaises  étaient  généralement  rasées.  Les  carabiniers  du 
bataillon  de  Brunswich-Œls,  dont  nous  avons  parlé,  avaient 
un  uniforme  noir  à  brandebourgs  et  un  gros  shako  garni  sur 
le  devant  d'une  tête  de  ♦mort  avec  deux  os  entrecroisés  et 
surmonté  d'un  plumet  retombant.  Nous  avons  retrouvé  cet 
uniforme  de  croque-mort,  sans  grande  modification,  dans  le 
contingent  de  Brunswick  de  l'armée  allemande  de  1870.  Les 
régiments  écossais  portaient  la  coiffure  garnie  de  plumes, 
et  le  kilt  à  carreaux  ou  jupe  nationale  des  Highlanders, 
avec  les  jambes  nues,  qui  excitèrent  probablement  la  curio- 

1.  «  Je  me  suis  amusé,  écrit  Woodberry  des  avants-postos  d'Has- 
paren,  le  4  février  1814,  à  regarder  la  revue  des  troupes  françaises 
passée  par  le  général  Ilarispe.  On  y  voyait  environ  o,000  hommes  en 
Ijel  ordre,  bien  vêtus,  tous  avec  des  guêtres  blanclies.  » 


144  MEMOIRES. 

silé  des  charmantes  Toulousaines,  loin  de  les  scandaliser, 
comme  Taflirme  Duceré,  pour  ses  belles  compatriotes  de 
Bayonne. 

Dans  la  cavalerie  figurait  une  brigade  de  grosse  cavalerie 
allemande,  les  dragons-guards  de  Ponsonby;  le  reste  était 
des  dragons  légers  et  des  hussards. 

Les  dragons  légers  avaient  un  uniforme  très  coquet  :  ves- 
tes à  brandebourg,  casques  brillants  à  grosse  chenille  et  à 
plumet,  culottes  collantes  et  bottes  à  gland.  L'élégance  de 
leur  habillement  et  la  tournure  svelte  des  hommes  et  des 
chevaux  les  avaient,  dit  Duceré,  fait  appeler  «  Lindors  »  par 
les  soldats  français  pendant  les  guerres  de  la  Péninsule. 

Quant  aux  hussards,  ils  étaient  merveilleux,  du  moins  de 
ravis  du  lieutenant  Woodberry  qui  en  était  et  qui  décrit 
minutieusement  leur  culotte  de  peau  blanche,  leur  veste  sou- 
tachée,  aux  couleurs  éclatantes,  variées  suivant  les  régiments, 
avec  la  ceinture  à  trois  rangs  de  nœuds  dorés,  la  sabretachc 
d'arg-ent,  le  colback  avec  flamme  et  plumet  et  la  pelisse  flot- 
tante sur  l'épaule  ^ 

Les  Portugais,  comme  on  l'a  vu  déjà,  faisaient  partie  des 
divisions  anglaises  :  ils  étaient  habillés  de  bleu  et  avaient 


1.  Le  journal  du  lieutenant  Woodberry,  ce  hussard  de  vingt-deux 
ans,  dont  la  fatuité  est  d'une  naïveté  attendrissante,  est  émaillé  de 
récits  de  conquêtes  féminines  et  des  succès  que  lui  valait  son  bel  uni- 
forme. A  Olite,  en  Espagne,  il  parle  à  travers  une  cloison  aux  nonnes 
d'un  couvent  (p.  102)  :  «  Je  leur  ai  fait  comprendre,  dit-il,  que  je  suis 
hussard  et  qu'en  Angleterre  nous  faisons  l'orgueil  du  beau  sexe;  cela 
n'a  pas  paru  les  étonner  du  tout.  »  Plus  tard,  aux  environs  de  Tou- 
louse (p.  185)  :  «  A  Saint-Lys,  où  nous  avons  passé,  il  y  avait  quan- 
tité de  jolies  femmes;  elles  paraissent  charmées  de  voir  des  hussards 
anglais.  A  Faleyras,  je  fus  joliment  reluqué,  les  gens  s'ébahissaient 
devant  mon  bel  uniforme  et  criaient  :  «  Superbe,  magnifique  !  »  A 
Montignac  (p.  239),  les  paysans  nous  mangeaient  des  yeux  :  ils  disent 
que  nous  sommes  beaux  et  nous  font  des  compliments  sans  fin.  » 
D'ailleurs,  en  bon  Anglais  qu'il  est,  Woodberry  se  vante  de  même  des 
réceptions  aux  longues  séances  de  buverie  d'où  l'on  est  ramené, 
«  bestialement  ivre  »  et,  d'autre  part,  le  jeune  hussard  parlant  d'une 
danseuse  de  l'Opéra  de  Lisbonne  :  «Je  n'en  verrai  sans  doute  jamais 
une  meilleure  ni  une  plus  indécente,  dit-il.  Elle  a  tout  à  fait  olfensé 
ma  pudeur.  » 


SITUATION   DES   ARMÉES   DE    SOULT   ET    DE    WELLINGTON.       145 

des  fusils  anglais.  L'infanterie  était  coiffée  de  sliakos  étroits 
en  pain  de  sucre  surmontés  d'un  immense  plumet;  quant 
aux  caçadores  ils  portaient  un  gros  shako  de  la  forme  du 
blockhaus  français,  mais  avec  un  plumet  en  flamme  et  des 
fourragères  tombant  sur  le  côté. 

Les  Espagnols,  mal  payés  et  n'ayant  pas  reçu  d'habillement 
depuis  deux  ans,  étaient  souvent  en  guenilles.  Larpent',  qui 
voit  défiler  devant  lui  le  corps  de  Morillo,  dit  de  ses  soldats  : 
<  L'équipement  et  l'armement  étaient  en  bon  état;  les  hom- 
mes étaient  vêtus  d'une  sorte  de  jaquette  de  flanelle  et  de 
pantalons  quelques  uns  déchiquetés;  çà  et  là  un  homme  nu 
pieds,  mais  très  peu.  Tous  avaient  de  bonnes  capotes  dans 
le  genre  français  et  les  officiers,  généralement  montés,  avaient 
un  aspect  plus  respectable  que  d'habitude;  ils  avaient  de 
beaux  sapeurs,  de  beaux  grenadiers  et  étaient  armés  de  bons 
fusils  anglais,  plus  brillants  que  les  nôtres,  car  ils  étaient 
probablement  plus  neufs.  »  Le  jaune  et  le  rouge  faisaient  le 
fond  des  couleurs  de  leurs  uniformes.  Les  grenadiers  por- 
taient, en  général,  le  bonnet  à  poil  et  le  reste  de  l'infanterie 
le  gros  shako  des  troupes  françaises.  Rappelons  que  beau- 
coup de  ces  troupes  espagnoles  avaient  fait  partie  de  l'armée 
de  Joseph*,  où  servaient  des  officiers  fi'ançais,  de  là,  leur 
«  genre  français  »,  comme  dit  Larpent^ 

J.  Privale  Journal  of  Larx>ent.  Larpent  était  président  de  la  cour 
martiale  dans  l'armée  anglaise.  Il  fut  fait  prisonnier  le  ler  sei)tem- 
bre  181.S  et  interné  à  Bayonne. 

2.  D'après  Marbot,  les  prisonniers  espagnols,  au  lieu  d'être  envoyés 
en  France,  étaient  habillés  et  armés  par  Joseph,  auquel  ils  restaient 
fidèles  jusqu'au  premier  revers;  ils  désertaient  alors  et  rejoignaient 
leurs  compatriotes  insurgés;  repris  en  guenilles,  Josej)!!  les  faisait 
promptement  rhabiller  et  les  reversait  dans  des  régiments  joséphins, 
où  ils  recommençaient  le  même  manège.  «  Plus  dô  150,000  hommes, 
dit  Marbot,  ont  passé  d'un  parti  à  l'autre.  Aussi  les  Espagnols  avaient- 
ils  nommé  Joseph  le  grand  capitaine  d'habillement.  » 

8.  Les  guérillas  qui  composaient  une  partie  des  troupes  opposées 
aux  Français  mais  (|ui  ne  figurèrent  point  dans  l'armée  devant  Tou- 
louse étaient  encoi'o  bien  moins  correctes.  Glcig  en  rencontra  un  jour 
une  troui)e  de  cavalerie,  qu'il  décrit  :  «  C'étaient  des  guérillas  habil- 
lés, armés  et  montés  de  la  façon  la  plus  disparate;  quehiues-uns  élaie'nt 
vêtus  d'une  jaquette  verte  et  coilFés  de  chapeaux  rabattus  ornés  de 


146  MÉMOIUES. 

Tous  ces  uniformes,  tant  chez  les  Français  que  chez  les 
alliés,  avaient  été  usés  par  les  marches,  les  combats,  les 
nuits  de  bivouac  non  discontinuées  depuis  tant  de  mois,  tant 
d'années  même. 

L'armée  de  Soult  manquait  surtout  de  chaussures.  Le 
10  mars,  le  maréchal  écrivait  au  Ministre  qu'il  avait  deux 
à  trois  mille  hommes  qui  étaient  entièrement  pieds  nus  et  il 
autorisait  les  généraux  commandant  les  divisions  à  «  requé- 
rir dans  les  communes  où  ils  passent  ou  qui  seraient  à  leur 
portée,  des  souliers  pour  être  distribués  aux  soldats  qui  en 
manquent  entièrement,  les  communes  devant  en  être  indem- 
nisées par  la  suite.  »  (Dumas,  pp.  463  à  472).  En  arrivant  à 
Toulouse,  il  vida  les  magasins  d'habillement  pour  remédier, 
dans  la  mesure  possible,  à  cette  misère. 

«  Les  uniformes,  dit  Lawrence',  confectionnés  au  fur  et  à 
mesure  des  besoins  au  moyen  de  draps  de  rencontre  très 
souvent  de  couleur  brune,  se  confondaient  à  ce  point,  sous 
la  poussière  d'Espagne,  dans  les  armées  opposées  que,  pour 
se  reconnaître,  les  Espagnols  alliés  portaient  à  Vitoria,  par 
ordre  de  Wellington,  un  brassard  blanc  au  bras  gauche. 


EQUIPEMENT.   —  ALIMENTATION.  —  INTENDANCE. 

Nous  avons  vu  quelle  était  la  lourde  charge  {60  livres), 
que,  d'après  le  général  Foy,  portait  le  soldat  français  habitué, 
surtout  depuis  ses  marches  en  retraite,  à  se  sufdre  à  lui- 
même,  à  se  passer  de  convois  et  de  bagages.  Les  officiers 
eux-mêmes  n'étaient  pas  mieux  partagés.  Ceux  d'infanterie, 
dont  la  plupart  avaient  été  montés  dans  les  guerres  d'Espa- 
gne, furent  forcés  de  faire  leur  service  à  pied,  leurs  rations 


longues  plumes,  d'autres  avaient  des  casaques  bleues  et  un  grand 
nombre  portaient  des  cuirasses  et  des  casques  d'airain,  dépouilles 
probables  d'ennemis  égorgés.  »  Les  guérilleros  espagnols,  dit  de  son 
côlé  Woodberry,  sont  vêtus  les  uns  avec  des  hnbits,  des  bottes  et  des 
chapeaux  français,  les  autres  avec  de  vieux  uniformes  anglais.  » 
1.  Méinoires  d'un  gre^iadier  anglais,  cité  par  Dumas,  p.  188. 


SITUATION   DES   ARMÉES   DE    SOULT    ET   DE   WELLINGTON.      147 

de  fourrage  ayant  été  supprimées  (Lapone).  Pour  tout  bagage 
ils  portaient  sur  leurs  épaules  un  petit  sac  de  cuir  comme  le 
dernier  de  leurs  soldats  et  souvent  ils  n'avaient  pour  vivre 
que  ce  qu'ils  devaient  à  l'affection  de  ceux-ci  (Ducéré)*.  «  Le 
soldat  anglais^  au  contraire,  dit  Foy,  ne  porte  jamais  avec 
lui  du  pain  pour  plus  de  trois  jours;  il  ne  suspend  pas  à  son 
dos  les  marmites  et  les  gamelles;  ces  ustensiles  de  cuisine 
sont  chargés  sur  les  bêtes  de  somme.  D'autres  animaux  de 
bât  portent  les  équipages  du  corps,  les  tentes  et  le  menu 
bagage  des  officiers,  ainsi  que  les  provisions  de  table  et  la 
vaisselle  plate  des  généraux.  Le  dernier  sous-lieutenant 
emploie  à  son  service  personnel  plusieurs  chevaux  et  plu- 
sieurs soldats.  »  Gleig,  simple  lieutenant,  énumère  les  vête- 
ments indispensables,  selon  lui,  qu'il  est  obligé  d'emporter  : 
il  en  remplit  deux  porte-manteaux  qui  sont  le  chargement 
d'une  mule.  WoDdberry,  le  beau  hussard,  dit  que  bien  que 
son  bagage  pèse  près  de  400  livres,  sa  mule  et  son  poney  le 
portent  facilement.  En  outre,  ces  officiers,  qui- étaient  grou- 
pés par  deux,  trois  ou  quatre,  suivant  leurs  affinités,  pour 
leur  nourriture,  avaient  un  petit  convoi  et  un  personnel  spé- 
cial à  cet  effet. 

Je  ne  parlerai  pas  du  luxe  des  officiers  de  haut  grade  : 
les  généraux  anglais  vivaient  en  grands  seigneurs  et  les  géné- 
raux français,  comme  Soult  et  Marmont,  en  avaient  fait 
autant  dans  la  période  florissante  de  leur  séjour  dans  la 
Péninsule. 

Rappelons  seulement  la  meute  de  Wellington^  et  celle  de 
lévriers  du  général  Stuart  que  Woodberry  mène  à  la  chasse 
en  Portugal.  L'état  de  guerre  n'empochait  pas  non  plus  les 
courses  de  chevaux  pour  lesquelles  les  Anglais  sont  si  pas- 


1.  Ducéré,  Le  blocus  de  Bayonne  en  1814^  1900. 

2.  Wellington  continuera  à  se  faire  suivre  de  sa  meute  pendant 
toute  la  campagne  de  1813-1814.  Dumas  (p.  447)  note  qu'àSaint-Scvor, 
en  mars  1814,  «  Wellington  logeait  chez  le  maire  M.  de  Toulouselte; 
il  avait  grand  train  de  maison  et  souvent  une  trentaine  de  personnes 
à  table,  y  com|)ris  le  duc  d'Angoiileme.  Sa  meute  do  chasse,  de  30  ou 
40  chiens,  était  dans  une  métairie,  près  de  Saint-Sever.  » 


148  MÉMOIRES. 

sionnés;  ils  en  firent  au  cours  de  la  campagne  de  1813-1814, 
de  même  que  l'année  suivante  en  Belgique.  Woodberry  rap- 
pelle qu'il  assistait  à  l'une  de  ces  courses  militaires  à  Schen- 
delbeke,  à  quelques  lieues  de  Waterloo,  le  14  juin,  quatre 
jours  avant  la  bataille. 

Les  officiers  anglais  appartenaient  souvent  à  des  familles 
riches  et  recevaient  d'ailleurs,  comme  nous  le  verrons,  de 
fortes  soldes  et  de  sérieuses  indemnités. 

Un  certain  nombre  de  femmes  suivaient  Tarmée,  mêlées 
à  la  troupe  avec  leurs  enfants.  «  Depuis  quelque  temps,  dit 
Ducéré,  chaque  bataillon  anglaisa  la  permission  d'avoir  avec 
lui  soixante  femmes.  »  Ces  femmes,  anglaises  pour  la  plu- 
part, ou  espagnoles,  avaient  pour  office,  comme  celles  qui 
accompagnent  nos  tirailleurs  sénégalais,  de  préparer  le  repas 
des  soldats  en  leur  conservant  autant  que  possible  leur  cui- 
sine nationale  et  de  leur  tenir  en  état  leurs  effets.  Gleig, 
frappé  de  leur  indifférence  au  moment  du  combat,  l'explique 
en  ajoutant  :  «  Elles  sont  sûres  d'avoir  autant  de  maris 
qu'elles  en  veulent  choisir  et  peu  d'entre  elles  restent  long- 
temps veuves  tant  cette  classe  de  femmes  est  favorisée ^  » 

Dans  Varmée  française,,  les  femntes^  espagnoles  pour  la 
plupart  et  illégitimes,  que  la  crainte  de  leur  compatriote  au 
moment  de  la  retraite  ou  l'amour,  en  des  temps  plus  heu- 
reux, avaient  attachées  à  des  militaires,  avaient  depuis  long- 
temps disparu.  Soult  n'y  tolérait  même  plus  la  sienne  ou 
plutôt  priait  l'ordonnateur  en  chef  Mnthieu-Faviers  d'empê- 
cher M™^  Soult  de  venir  le  rejoindre  et  de  la  diriger  sur  Auch 
et  éventuellement  sur  Toulouse  (Lettre  du  14  février  1814). 
Ces  femmes,  d'ailleurs,  ne  rendaient  pas  les  mêmes  services 
que  celles  de  l'armée  anglaise.  D'après  Ducéré,  le  nombre 
de  ces  femmes  à  l'armée,  après  Yitoria,  montait  à  plus  de 


1.  Leur  intervention  était  parfois  fâcheuse  :  «  Un  homme  a  été  tra- 
duit en  conseil  de  guerre,  dit  Woodberry,  pour  avoir  perdu  sa  culotte 
et  il  aurait  subi  ce  matin  sa  punition  si  sa  femme  n'était  venue 
avouer  que  c'était  elle  qui  l'avait  vendue.  J'ai  entendu  parler  de 
femmes  qui  portent  la  culotte  mais  pas  encore  de  femmes  qui  la  ven- 
dent. » 


SITOATION   DES   ARMÉES   DE    SOULT   ET   DE- WELLINGTON.       1  t9 

douze  mille.  Quelques-unes  portaient  le  costume  civil  nias- 
culin  ou  étaient  vêtues  en  militaire.  On  les  obligea  à  rester 
sur  les  derrières  de  l'armée  et  à  ne  point  passer  TAdour. 

Le  confort  auquel  étaient  habitués  les  soldats  anglais  leur 
faisait  difficilement  supporter  les  privations  auxquelles  ils 
étaient  parfois  forcés.  «  J'entendis  plusieurs  fois,  dit  un  de 
leurs  officiers,  maudire  les  portions  de  bœuf  coriace,  de  riz 
gâté,  de  rhum  mêlé  d'eau  et  de  vieux  biscuit  qu'on  nous 
distribuait.  »  (Ducéré). 

Les  fonctions  de  l'intendance  et  de  l'administration  de 
l'armée  anglaise  étaient  remplies  par  des  commissaires  hié- 
rarchisés entre  eux.  Ils  étaient  peu  estimés  :  «  Les  commis- 
saires, dit  Woodberg,  payent  les  habitants  pour  les  rations 
fournies  avec  des  billets  sur  le  trésorier-général,  à  soixante 
ou  quatre-vingt-dix  jours  de  date.  Ces  pauvres  gens  ne  com- 
prennent rien  à  ces  billets  et  le  commissaire  passe  quelques 
jours  après  et  les  rachète  pour  la  vingtième  partie  de  leur 
valeur  réelle.  Je  suis  sûr  du  fait...  »  Picton,  dit-il  ailleurs, 
fit  chercher  le  commissaire  général  de  sa  division  et  lui 
dit  :  «  Monsieur,  je  vois  que  vous  avez  négligé,  à  plusieurs 
reprises,  de  fournir  des  rations  à  la  division;  en  ce  moment 
même  les  hommes  n'ont  pas  encore  reçu  la  ration  d'hier. 
J'ai  à  vous  dire  que  si  elle  n'est  pas  distribuée  cet  après- 
midi  je  vous  ferai  lier  et  fouetter  devant  la  division.  >  L'au- 
tre essaya  de  donner  des  motifs,  mais  Picton  le  fit  mettre  à 
la  porte.  Le  commissaire  distribua  alors  aussitôt  les  rations 
et  courut  se  plaindre  à  lord  Wellington.  Sa  Seigneurie 
i'écouta  et  lui  dit  :  «  11  vous  a  réellement  menacé  de  vous 
faire  fouetter?  —  Oui,  mylord.  —  Eh  bien,  allez  à  votre 
service  et  fournissez  régulièrement  les  provisions  à  la  divi- 
sion ou,  pardieu  !  il  est  homme  à  vous  tenir  parole!  » 

Les  troupes  espagnoles  ne  recevaient  que  la  moitié  de 
la  ration  des  soldats  anglais,  le  gouvernement  espagnol  ne 
s'en  occupant  guère,  et  Wellington  écrit  qu'aux  avant-postes 
«  elles  étaient  réduites  à  piller  des  noix  et  des  pommes  pour 
vivre  ». 

Les  Portugais  n'avaient  aussi,  dans  le  principe,  que  la 


150  MÉMOIRES. 

demi-ration;  mais  Wellington,  voyant  qu'ils  étaient  devenus 
de  bons  soldats  et  se  battaient  bien,  les  fit  traiter  comme  les 
troupes  anglaises. 

Nos  soldats  de  Soult  auraient  bien  souvent  fait  leurs  déli- 
ces de  ces  rations  dont  se  plaignaient  les  Anglais.  Le  sys- 
tème des  réquisitions  en  nature  avait  été  adopté  par  le  gou- 
vernement, et  trente  départements  du  sud  et  de  l'ouest  de 
la  France  devaient  fournir  à  l'armée  les  subsistances  néces- 
saires. Des  dépôts  de  matériel  et  d'approvisionnements 
avaient  été  établis  en  différents  points  par  l'ordonnateur  en 
chef  Mathieu-Fa viers*.  Un  des  plus  importants  était  à 
Dax;  mais  presque  tous  ces  magasins,  ainsi  que  les  convois 
qui  suivaient  l'armée,  étaient  successivement  tombés  entre 
les  mains  de  l'ennemi,  et  l'on  ne  vivait  phis,  pour  ainsi 
dire,  qu'au  jour  le  jour;  aussi  la  maraude  avait-elle  beau 
jeu. 

«  Gomme  dans  les  marches,  dit  un  ordre  de  Soult  de 
Rabastens  le  4  mars  (Dumas,  p.  466),  les  distributions  ne 
peuvent  être  régulièrement  faites,  MM.  les  lieutenants- 
généraux  feront  placer  autant  que  possible  les  troupes  dans 
les  communes  qui  sont  à  portée  des  positions  qu'elles  doi- 
vent occuper,  et  ils  préviendront  les  maires  que  les  habitants 
doivent  faire  en  sorte  de  les  nourrir,  suivant  leur  faculté. 
Lorsque  la  présence  de  l'ennemi  ne  permettra  pas  d'établir 
les  troupes  dans  ces  communes,  même  pendant  la  nuit,  il 
leur  sera  fait  des  demandes  en  subsistances  pour  être  trans- 
portées au  camp.  » 

Aussi  les  populations  étaient-elles  trop  souvent  pressurées 
et  pillées  par  les  troupes  françaises  alors  que  les  alliés 
achetaient  avec  ordre  et  payaient  largement  ce  dont  ils 
avaient  besoin. 


1.  Les  fonctions  actuelles  des  intendants  étaient  en  grande  partie 
remplies  par  les  commissaires  de  guerres  divisés  en  commissaires 
ordonnateurs  et  en  commissaires  ordinaires.  En  outre,  le  corps  des 
insjjecteurs  aux  revues  était  chargé  du  recrutement,  de  la  solde,  de 
la  comptabilité  des  corps,  de  la  tenue  et  de  la  vérification  des  con- 
trôles et  des  revues  d'effectif. 


SITUATION    DES    ARMEES   DE    SOULT    ET    DE    WELLINGTON.       151 


TRÉSOR.  —  DEPENSES  DES  ARMEES.   —  SOLDE. 

L'argent  faisait  d'ailleurs  complètement  défaut  :  les 
vingt  mois  de  solde,  dus  antérieurement  au  l®'"  juillet  1818, 
ne  purent  être  payés  et  furent  mis  dans  une  catégorie  par- 
ticulière de  la  dette  publique  sous  le  nom  d'  «  arriéré 
d'Espagne  ». 

En  plus  du  décret  impérial  prescrivant  l'usage  des  réqui- 
sitions pour  la  nourriture  de  l'armée  d'Espagne,  un  autre 
spécifia  qu'une  partie  du  prix  des  journées  d'hôpital  pour 
les  malades  et  blessés  de  ladite  armée  sera  payée,  dans 
les  départements  voisins  de  la  frontière,  en  bons  de  la  caisse 
d'amortissement  admissibles  en  payement  de  domaines  natio- 
naux, de  même  que  le  prix  des  denrées  requises. 

On  mettait  ainsi,  d'un  côté,  la  main  sur  les  biens  commu- 
naux, et,  de  l'autre,  on  payait  les  contributions  en  bons  don- 
nant droit  à  l'achat  ou  au  rachat  de  ces  biens,  autrement  dit 
en  papier-monnaie  portant  intérêt.  Ce  mode  d'opérer  que 
l'Empereur  indiquait  ne  devoir  qu'être  passager,  dans  ce 
moment  de  crise,  surmena  les  populations  du  Midi,  et  les 
municipalités  ne  parvinrent  que  bien  difficilement  à  satis- 
faire aux  besoins  et  aux  demandes  (Clerc). 

Le  Trésor  ne  pouvant  faire  de  versements,  le  commerce 
de  Bayonne  fit  à  la  Caisse  de  l'armée  épuisée  l'avance  des 
fonds  nécessaires  aux  besoins  les  plus  urgents  en  créant 
sous  le  nom  de  Caisse  patriotique  de  Bayonne  une  réunion 
de  fonds  régulièrement  organisée  et  régie  par  quatre 
négociants  de  la  ville. 

Ce  n'est  qu'en  arrivant  à  Toulouse  que  Soult  put,  grâce 
aux  ressources  accumulées  dans  cette  ville,  non  seulement 
donner  à  ses  troupes  les  habits  et  les  souliers  dont  elles 
avaient  besoin,  comme  nous  l'avons  vu,  mais  rendre  de  la 
régularité  et  de  rexactiliKb'  aux  distrihiitions  (U^  vivres  et 
faire  payer  deux  mois  de  solde  à  la  troupe,  ainsi  qu'aux 
officiers. 


152  MÉMOIRES.- 

La  solde  de  ceux-ci,  d'ailleurs,  n'était  guère  élevée  et 
surtout  n'avait  rien  de  comparable  à  celle  des  officiers 
anglais. 

J'ai  retrouvé,  dans  de  vieux  papiers,  des  états  de  solde 
émargés  à  Mayence  en  1809,  et  j'y  vois  qu'un  général  de 
division  touchait  par  mois  416  francs  de  solde  brute  sans 
les  accessoires;  un  adjudant-général,  300  francs;  un  capi- 
taine, 150  francs;  un  lieutenant,  91  francs,  et  un"  sous-lieu- 
tenant, 83  fr.  (L'indemnité  de  logement  en  garnison  était 
pour  le  lieutenant  de  12  francs  par  mois),  il  touchait  donc 
de  solde  brute  1,092  francs  par  an  quand  l'annuité  de  cette 
même  solde  était  de  4,106  francs  (164  liv.  sterl.  5  shil- 
lings) pour  le  lieutenant  Woodberry\  et  qu'ayant  été 
blessé,  il  reçoit  en  plus,  à  titre  de  gratification,  une  année 
de  cette  solde. 

Ces  dons  en  argent  étaient  fréquents  dans  l'armée 
anglaise  :  Wellington  reçut  ainsi  plusieurs  millions  pour 
ses  victoires,  et,  de  nos  jours,  nous  avons  vu  encore  des 
généraux  anglais  victorieux  recevoir  de  grosses  sommes 
d'argent  à  titre  de  récompense  nationale. 


SERVICE   DE   SANTE. 

Sur  le  rapport  de  l'ordonnateur  en  chef  Malhieu-Faviers, 
Soult  avait  réglé  le  sey^vice  médical  de  Varmée  par  des 
instructions  datées  du  camp  de  Bayonne  que  rappellent,  à 
bien  des  points  de  vue,  nos  règlements  récents  sur  le  ser- 
vice de  santé. 

Les  hôpitaux  militaires  de  la  région,  ainsi  que  les  hôpi- 
taux civils  où  étaient  soignés  les  militaires,  furent  classés 
en  1^%  2%  3®  ou  4^  ligne,  pouvant  contenir  36,000  hommes. 
Toulouse  était  placé  en  3®  ligne  et  devait  contenir  1,500  ma- 
lades ou  blessés. 

1.  Il  recevait  encore,  entre  autres  indemnités,  une  indemnité  de 
bagages.  Elle  s'est  élevée  pour  deux  cents  jours  à  38  dollars  et  4  shil- 
lings, soit  environ  1  franc  par  jour. 


SITUATION    DES   ARMÉES    DE   SOULT   ET   DE   WELLINGTON.      153 

Les  blessés  transportables  étaient  disséminés  le  plus  rapi- 
dement possible  et  les  hommes  grièvement  atteints  traités 
sur  place.  Un  local  était  désigné  à  proximité  de  Tarmée 
pour  les  blessures  légères  n'exigeant  pas  le  séjour  dans  les 
hôpitaux.  Les  galeux  et  les  vénériens  étaient  isolés. 

Les  mesures  nécessaires  pour  assurer  la  nourriture  et  le 
traitement  devaient  être  prises  par  les  préfets  par  voie  de 
réquisition  :  l'administration  devait  assurer  un  approvision- 
nement de  médicaments  d'au  moins  quinze  jours. 

Les  médecins  militaires  devaient  être  chargés,  autant  que 
possible,  du  service  des  hôpitaux,  qui  ne  devait  être  fait  seu- 
lement, à  défaut  de  ceux-ci,  par  les  médecins  civils.  Les  élè- 
ves en  médecine  et  en  pharmacie  étaient  admis  à  remplir  les 
fonctions  de  sous-aides,  après  examen  par  un  jury  médical. 

Les  officiers  de  santé  principaux  devaient  assumer  la  res- 
ponsabilité du  service  et  faire  des  visites  fréquentes  dans 
les  hôpitaux. 

Les  évacuations  de  blessés  ou  de  malades  se  firent  par  les 
lignes  d'étapes,  soit  sur  la  route  de  Saint-Gaudens,  soit  sur 
celle  d'Auch.  Le  transport  avait  lieu  par  voitures  de  rou- 
lage et  par  charrettes  à  bœufs,  avec  le  concours  des  muni- 
cipalités'. 

Le  général  Foy,  blessé  grièvement  le  27  février  à  Orthez, 
où  une  balle  de  shrapnel  lui  brisa  l'omoplate,  fit  1,500  mè- 
tres à  pied,  puis,  pansé  sommairement  par  Taide-mgjor 
du  75%  9  kil.  1/2  à  cheval,  jusqu'à  Sault-de-Navailles,  où 
le  chirurgien  en  chef  Rapatel  lui  fit  un  pansement  complet. 
Les  fuyards  encombrant  le  village,  il  remonta  à  cheval  et 
fit  encore  14  kilomètres  pour  arriver  à  Hagetmau.  Là,  ses 
grenadiers  lui  firent  un  brancard  et  le  transportèrent  jus- 
qu'à Barcelonne  du  Gers  (35  kil.)^  Le  lendemain,  il  fut 


1.  Pendant  la  guerre  d'Espagne,  on  avait  été  obhgé  de  mettre  les 
ambulances  à  dos  de  mulet,  de  mùme  que  l'artillerie.  (Brice  et  Bottet, 
Le  corps  de  santé  militaire,  1907,  p.  210.) 

2.  Ce  transport  à  bras  des  blessés  dans  les  colonnes  en  retraite 
fut  pratiqué  assez  souvent  à  cette  époque,  soit  pour  éviter  à  ces  bles- 
sés de  tomber  entre  les  mains  d'un  ennemi  cruel  comme  les  Espagnols 

10e  SÉRIE.   —  TOME  X.  13 


154  MEMOIRES. 

placé  sur  une  litière  à  chevaux  et  dirigé  sur  Toulouse,  où 
il  n'arriva  que  cinq  jours  plus  tard,  le  5  mars,  très  affaibli 
par  les  fatigues  de  la  route  et  l'impossibilité  de  se  nourrir 
d'autre  chose  que  de  bouillon.  Le  repos,  les  soins  de  Brous- 
sais,  alors  médecin  principal  de  l'armée,  amenèrent  bientôt 
une  amélioration.  La  persistance  de  la  fièvre  indiquant  la 
nécessité  d'une  opération,  elle  fut  pratiquée,  le  26  mars,  par 
Rapatel  qui  enleva  de  nombreuses  esquilles,  releva  l'omo- 
plate enfoncée,  mais- ne  trouva  pas  le  projectile  qui  proba- 
blement n'avait  pas  pénétré. 

Quelques  jours  après,  le  2  avril,  le  général,  étendu  sur  un 
matelas  dans  une  calèche,  fut  envoyé,  avant  que  les  Anglais 
n'eussent  intercepté  la  route,  à  Gahors,  où  il  arriva  le  6. 

Toulouse  fut  bientôt  encomby^é  de  blessés  ou  de  malades. 
En  plus  de  l'hospice  de  la  Grave,  qui  contenait  plus  de 
neuf  cents  pensionnaires,  de  l'Hôtel  Dieu  Saint  Jacques,  qui 
renfermait  quatre  cents  malades  ou  blessés  et  de  l'hôpital 

et  les  Portugais,  soit  pour  faire  échapper  à  la  captivité  des  officiers 
de  haut  rang  comme  Marmont  aux  Arapiles  et  Foy  à  Orthez  ou  d'au- 
tres possédant  l'affection  de  leurs  soldats  comme  le  capitaine  Louis 
Folley  dont  parle  Dick  de  Lonlay  à  l'occasion  de  cette  même  Lataille 
d'Ortliez  {Noire  année,  p.  902)  :  «  A  la  défense  du  village  de  Saint- 
JBoès,  un  jeune  capitaine  de  grenadiers  du  65%  Louis  Folly,  à  peine 
âgé  de  vingt-trois  ans,  a  été  grièvement  blessé.  Il  va  tomber  au  pou- 
voir de  l'ennemi,  lorsqu'un  sous-officier  de  sa  compagnie,  le  brave 
sergent  Pierrard,  l'emporte  seul  du  champ  de  bataille.  Dans  cette  cir- 
constance, Folly  éprouva  combien  l'estime  des  soldats  est  précieuse 
pour  un  officier.  Hors  d'état,  par  ses  souffrances,  d'endurer  les  secous- 
ses d'une  voiture,  il  serait  resté  entre  les  mains  des  Anglais...  Mais 
ses  grenadiers,  par  lesquels  il  a  refusé  la  veille  de  se  laisser  enlever, 
le  placent  sur  une  échelle  et  le  portent  ainsi  à  bras  l'espace  de  quarante- 
cinq  lieues.  »  Ce  capitaine  Folly  avait  reçu  deux  éclats  d'obus  au  bras 
et  à  la  cuisse.  11  avait  déjà  été  blessé  en  1809  à  Ratisbonne  (Dick  de 
Lonlay,  p.  591)  et  en  1813  à  l'assaut  de  Castro  (p.  804),  où  il  entra 
le  premier.  Il  ne  mourut  qu'en  1871,  après  avoir  traversé,  en  1870, 
dans  une  cave  du  faubourg  de  Pierres,  la  cruelle  période  du  bombar- 
dement de  Strasbourg.  11  était  l'oncle  de  l'auteur  du  présent  travail 
qui,  d'autre  part,  avait  eu  pour  professeur  de  botanique  et  de  matière 
médicale  à  la  Faculté  de  Strasbourg,  Fée,  l'ancien  aide-major  de  l'ar- 
mée d'Espagne  aux  «  Souvenirs  »  duquel  nous  avons  fait  de  si  inté- 
ressants emprunts.  Comme  on  le  voit,  une  seule  génération  nous 
sépare  de  celle  qui  a  combattu  avec  Soult  à  Toulouse. 


SITUATION   DES   ARMÉES    DE    SOULT   ET   DE   WELLINGTON.      155 

militaire  qui  avait  quatre  cents  places  dans  les  mêmes  bâti- 
ments qu'aujourd'hui  S  on  créa  un  hôpital  temporaire  dans 
la  caserne  de  passage  Guibal,  au  boulevard  Lascrosse 
(aujourd'hui  magasin  de  l'Intendance)  pour  quatre  cents  lits, 
puis,  dans  le  dépôt  de  mendicité  de  Saint-Gyprien,  pour 
trois  cents  lits.  On  y  ajouta,  comme  ambulances  provisoires, 
l'ancien  couvent  de  la  rue  de  Rémusat,  successivement  pri- 
son et  hôtel  des  postes,  l'ancienne  manufacture  Boyer-Fon- 
frède,  au  Bazacle,  enfin,  l'ancien  réfectoire  des  Jacobins  de 
la  rue  Pargaminières  (Graciette). 

La  plupart  de  ces  établissements  avaient  des  chirurgiens 
et  des  médecins  civils,  les  militaires  étant  employés  avec  les 
troupes  de  campagne. 

Leur  nombre,  d'ailleurs,  avait  été  bien  réduit  par  les  fati- 
gues de  la  campagne,  le  feu  du  champ  de  bataille  et  surtout 
par  les  massacres  commis  par  les  Espagnols  et  les  Portu- 
gais dans  les  hôpitaux  et  les  convois  d'évacuation. 

«  Ces  bandes,  dit  Gama^,  pénétrant  dans  les  hôpitaux, 
peu  empêchées  par  la  résistance  que  leur  opposaient  les  chi- 
rurgiens précipitamment  transformés  en  défenseurs  de  leurs 
blessés  dont  ils  avaient  saisi  les  armes,  y  massacraient 
malades,  blessés  et  ceux  qui  leur  donnaient  leurs  soins.  Très 
souvent,  des  évacuations  de  malades,  très  faiblement  escor- 
tées, étaient  attaquées  par  des  bandes  qui  ne  laissaient 
jamais  subsister  de  témoins  de  leurs  actes.  On  serait  élonné, 
s'il  était  possible  de  le  connaître,  du  nombre  de  chirurgiens 
qui  ont  péri  dans  ces  rencontres,  non  par  imprudence,  mais 
dans  l'exercice  d'un  service  commandé.  Ils  subissaient  leur 
destinée  non  toujours  sans  un  raffinement  de  torture.  » 


1.  De  même  qu'il  est  fait  actuellement  dans  les  hôpitaux  mixtes, 
une  décision  ministérielle  d'octobre  1810  avait  arrêté  avec  l'adminis- 
tration des  hospices  de  Toulouse  une  convention  d'une  durée  de  cinq 
ans  donnant  à  cette  administration  la  gestion  de  l'hùpilal  militaire  à 
raison  d'un  prix  de  journée  de  1  fr.  85  c.  ])ar  oflicicr  et  1  fr.  10  c.  par 
sous-officier  et  soldat.  Les  médecins  militaires  traitants  et  vingt-cin({ 
sœurs  do  charité  restaient  seuls  à  la  cliarge  immédiate  de  l'adminis- 
tration de  la  guerre.  (Graciette.) 

2.  Gama,  Esquisse  historique  du  service  de  santé. 


156  MÉMOIRES. 

Fée  (p.  283)  précise  davantage  ces  horreurs  :  «  Tout  ce 
que  les  martyrs  souffrirent  des  Romains  dans  les  premiers 
siècles  de  l'Eglise,  dit-il,  les  Espagnols  l'infligèrent  aux 
P^rançais  :  écartèlement,  mutilation,  strangulation  lente  et 
graduée,  lout  fut  employé,  excepté  ce  qui  par  une  mort 
prompte  délivre  de  la  vie.  Des  femmes  imitèrent  ces  crimes. 
Il  en  est  qui  brûlèrent  des  convois  de  blessés  en  poussant 
des  hurlements  qui  se  confondaient  avec  les  cris  de  leurs 
victimes.  » 

((  Trois  mille  cent  soixante  blessés,  arrivés  le  2  octobre  à 
Goïmbre,  avec  l'armée,  y  furent  massacrés  le  7,  dit  Thié- 
baut.  On  avait  réuni,  au  moment  de  la  retraite,  ces  malheu- 
reux dans  des  couvents  contigus;  on  les  y  avait  retranchés 
et  approvisionnés  le  mieux  possible  :  on  avait  placé  près 
d'eux  1  sous-inspecteur  aux  revues,  2  commissaires  des 
guerres,  1  médecin,  22  chirurgiens,  6  pharmaciens,  18  em- 
ployés, tous  partagèrent  le  sort  des  blessés.  » 

Le  Maréchal,  préoccupé  de  désencombrer  les  hôpitaux  et, 
en  cas  de  retraite,  d'emmener  avec  lui  le  plus  grand  nom- 
bre de  blessés  pour  éviter  de  les  laisser  tomber,  comme  pri- 
sonniers, entre  les  mains  de  l'ennemi,  avait  fait  organiser 
un  transport  par  eau  de  Toulouse  vers  Gastelnaudary  et  le 
Lauraguais.  A  cet  effet,  les  magasins  et  bâtiments  de  l'admi- 
nistration du  quai  Saint-Etienne  furent  requis,  ainsi  que 
les  bateaux  existant  sur  le  canal  du  Midi,  les  chevaux  pour 
les  tirer,  des  brancards,  de  la  paille  pour  garnir  les  bateaux 
et  des  matelas  et  paillasses  pour  les  blessés  graves.  (Lettre 
du  commissaire  des  guerres  Gauthier  au  maire  de  Tou- 
louse). 

Des  ouvriers  terrassiers  des  communes  voisines  avaient 
été  requis  pour  travailler  aux  fortifications  des  redoutes.  Ils 
n'y  furent  pas  employés,  ces  travaux  ayant  été,  comme  on 
l'a  vu,  exécutés  avec  avantage  par  les  troupes.  On  les  mit 
à  la  disposition  de  la  garde  urbaine  pour  faire  l'office  de 
brancardiers  et  pour  inhumer  les  morts. 

Le  12  avril,  jour  de  l'entrée  des  Anglais  à  Toulouse,  le 
maire  prévenait  ses  concitoyens  que  l'état-major  anglais 


SITUATION   DES   ARMÉES   DE   SOULT   ET   DE   WELLINGTON.       157 

demandait  quinze  cents  lits  complets  pour  évacuer  les 
ambulances  dont  l'armée  coalisée  avait  couvert  la  campa- 
gne et  les  villages  des  environs.  Dans  le  cas  où  les  habi- 
tants ne  répondraient  pas  à  cette  récfuisition,  ils  étaient  pré- 
venus que  les  malades  et  les  blessés  seraient  installés  dans 
leurs  maisons. 

Le  14  avril,  la  Commission  administrative  des  hospices 
demanda  au  régisseur  de  la  manufacture  des  tabacs  des 
côtes  de  tabac  pour  en  faire  des  fumigations^  efficaces, 
disait-on,   pour   l'assainissement  des  hôpitaux  encombrés. 

Dans  le  personnel  du  service  de  santé  de  l'armée  nous 
avons  déjà  cité,  à  propos  de  la  blessure  du  général  Foy,  le 
chirurgien  en  che^  Râpa  tel  et  le  médecin  principal  Brous- 
sais. 

Ce  dernier,  qui  avait  alors  quarante-deux  ans,  après  avoir 
été  volontaire  en  1782,  sous-officier  en  Vendée,  chirurgien 
de  la  marine,  était  dans  l'armée  d'Espagne  depuis  1808. 
C'est  le  fameux  auteur  de  la  doctrine  de  1'  «  Inflammation 
considérée  comme  le  phénomène  prédominant  la  pathologie.  » 
Successivement  professeur  au  Val-de-Grâce,  puis  à  la  Faculté 
do  Paris,  membre  de  l'Institut,  c'était  un  homme  d'une  ima- 
gination féconde,  audacieux  et  opiniâtre.  Il  traduisit  sa 
doctrine  par  une  thérapeutique,  celle  de  la  saignée  locale 
par  les  sangsues  compliquée  de  la  diète,  qui  dirigea  toute 
la  pratique  médicale  d'une  bonne  moitié  du  dix-neuvieme 
siècle. 

Cette  simplification  pathologique  était  séduisante,  mais 
bien  dangereuse.  La  mort  rapide  du  premier  ministre  Casi- 
mir Périer  emporté  par  le  choléra  en  1832,  après  de  nom- 
breuses émissions  sanguines  de  Broussais,  son  médecin  et 
son  ami,  porta  un  grand  coup  à  ce  dernier  et  à  sa  doctrine. 

Le  chirurgien  en  chef  de  l'Hôtel-Dieu  de  Toulouse  était 
Viguerie,  alors  âgé  de  trente-cinq  ans,  ancien  élève  de 
Percy,  au  Val-de-Grâce.  Brillant  opérateur,  il  fut  suivi  avec 
assiduité  par  les  chirurgiens  de  l'armée  anglaise  qui  occupa 
Toulouse  jusqu'au  mois  de  juin.  Parmi  ces  derniers  se  trou- 
vait Guthrie  l'analomiste,  qui  alors  âgé  de  vingt-cinq  ans, 


158  MÉMOIRES. 

était  «  Deputy  inspector  général  in  charge  off  ail  the  woun- 
ded  »  et  a  laissé  une  relation  médico-chirurgicale  aussi 
précise  que  savante  de  la  bataille  de  Toulouse  à  laquelle  il 
avait  assisté. 

LES  TROUPES  AU  COMBAT.      ' 

Bien  que  les  troupes  françaises  n'eussent  plus  qu'une 
partie  de  leurs  vieux  et  excellents  éléments,  leurs  qualités 
militaires  étaient  encore  hautement  appréciées  même  de 
leurs  adversaires.  «  Rien  n'est  admirable  comme  l'impé- 
tuosité de  la  première  attaque  des  Français  dit  le  lieutenant 
Gleig';  ils  s'avancent  d'abord  lentement  et  en  silence  et, 
arrivés  à  un  ou  deux  cents  3^ards^  du  point  qu'ils  veulent 
enlever,  ils  poussent  un  cri  discordant  et  s'élancent  en  avant. 
Ils  sont  enveloppés  par  un  vrai  nuage  de  tirailleurs  qui 
marchent  avec  une  confusion  apparente,  mais  avec  une 
grande  bravoure,  et  savent  mieux  que  n'importe  quelle 
troupe  légère  profiter  de  tous  les  couverts  pour  s'abriter.  Il 
est  vrai  que  l'auteur  se  hâte  d'ajouter  :  «  le  courage  froid  des 
Anglais  est  tout  à  fait  propre  à  recevoir  ce  premier  choc 
des  Français.  » 

Lapène  dépeint  de  son  côté  la  façon  de  combattre  des 
Anglais  :  «  Selon  leur  usage,  les  Anglais  prenaient  position 
un  peu  en  arrière  des  crêtes.  La  fusillade  et  le  repli  de  leurs 
tirailleurs  les  avertissaient  des  approches  de  nos  colonnes 
d'attaque.  Leurs  feux  accueillaient  celles-ci  au  moment  où 
elles  paraissaient.  Après  ce  feu  ajusté  à  courte  portée  contre 
des  assaillants  épuisés  et  rompus  par  une  montée  difficile, 
ils  chargeaient  ces  derniers  à  la  baïonnette  et  les  refoulaient. 
Leurs  tirailleurs  poursuivaient  seuls  et  les  lignes  repre- 
naient leur  position.  » 

Rappelons  qu'en  face  des  tireurs  d'élite  des  Anglais  les 
Français  savaient  à  peine  tirer  leur  coup  de  fusil  et  bien 


1.  In  Ducéré,  p.  46. 

2.  Le  yard  a  91  centimètres. 


SITUATION   DES   ARMEES   DE   SOULT   ET   DE   WELLINGTON.       159 

peu  viser,  opération  d'ailleurs  en  partie  accessoire  avec  la 
balle  de  calibre  trop  réduit  pour  l'arme  en  service. 

Quant  à  la  cavalerie,  ses  rencontres  débutaient  toujours 
par  des  échanges  de  balles  de  carabine  ou  de  pistolet  sans 
grands  résultats  d'ordinaire,  et  suivies  parfois  de  charges 
où  chacun  s'attribuait  l'avantage. 

Gomment  dans  la  retraite  sur  Toulouse  nos  2,600  à  2,700 
hussards  et  chasseurs  ont-ils  pu  résister,  sans  trop  d'infé- 
riorité, aux  8  à  9,000  brillants  cavaliers,  dont  plusieurs 
régiments  de  grosse  cavalerie,  de  Stapleton-Gotton?  Lemo- 
nier-Dela fosse,  l'ancien  aide  de  camp  de  Pierre  Soult,  nous 
en  donne  une  explication^  «  La  cavalerie  ennemie,  dit-il, 
ne  trouvant  que  des  terrains  coupés  ne  pouvait  fort  heureu- 
sement s'y  déployer  et,  comme  nous,  était  contrainte  d'agir 
sur  les  grandes  routes.  Notre  avantage  y  fut  même  remar- 
quable pour  notre  manière  de  manœuvrer,  bien  supérieure 
à  la  sienne  qu'elle  ne  voulut  jamais  changer  bien  que  cha- 
que jour  lui  en  démontrât  le  vice.  L'avant-garde  de  la  cava- 
lerie ennemie,  tirailleurs  déployés,  marchait  par  pelotons. 
En  arrière  de  celui  de  tête,  venait  un  escadron  ou  deux  en 
colonne.  Lorsque  son  peloton  repoussé  faisait  demi-tour, 
tout  l'escadron  accourait  en  masse  pour  le  soutenir;  mais 
ce  mouvement  même  lui  barrait  la  route  et  nous  donnait  le 
temps  de  sabrer  à  outrance.  Dans  cette  agglomération  tout 
coup  portait.  Chez  nous,  notre  peloton  d'arrière-garde  était 
formé  sur  la  route  par  demi-peloton,  laissant  libre  l'autre 
moitié  du  chemin.  Si  notre  peloton  d'extrême  arrière-garde 
qui  tenait  toute  la  largeur  du  chemin  était  repoussé,  il  avait 
de  l'espace  pour  s'écouler;  de  suite  le  suivant  se  formait  et 
le  remplaçait  et  ainsi  de  suite  jusqu'au  dernier  du  régi- 
ment. » 

Des  deux  côtés  d'ailleurs  la  cavalerie  était  généralement 
audacieuse  :  nous  avons  déjà  parlé  de  la  charge  du  18«  hus- 
sards anglais  à  Croix-Daurade  sur  la  brigade  Vial  surprise. 
Les  hussards  anglais  s'emparèrent  d'une  centaine  d'hom- 

1.  Dumas,  p.  372. 


160  MÉMOIRES. 

mes  et  de  chevaux  et  conservèrent  le  pont  de  l'Hers  qui 
donna  deux  jours  après,  au  jour  de  la  bataille,  un  passage 
facile  à  l'armée  et  spécialement  aux  divisions  de  Beresford 
qui,  en  enlevant  la  redoute  de  la  Sipière,  décidèrent  du  sort 
de  la  journée.  Wellington  et  son  état-major  qui  se  trou- 
vaient sur  un  monticule  près  de  là  ',  levèrent  leurs  chapeaux 
et  acclamèrent  les  hussards  victorieux.  Le  colonel  Vivian, 
qui  commandait  la  brigade  et  qui  chargea  à  la  lête  du  18% 
fut  grièvement  blessé  au  bras. 

La  cavalerie  française,  de  son  côté,  eut  aussi  de  brillants 
succès  :  le  14  mars  par  exemple,  quinze  jours  seulement 
après  la  défaite  d'Orthez,  la  brigade  de  chasseurs  Vial,  dans 
une  charge  sur  la  brigade  de  dragons  anglais  Fane,  près  de 
Rabastens,  lui  sabra  une  soixantaine  d'hommes  et  lui  enleva 
de  nombreux  prisonniers...  «  le  14®  dragons,  dit  Wood- 
berny,  a  beaucoup  souffert  dans  cette  affaire  :  plusieurs  offi- 
ciers sont  tués  ou  blessés  ou  prisonniers;  les  rapports 
disent  que  les  hommes  n'ont  pas  suivi  leurs  chefs  et  se  sont 
sauvés.  » 

Le  17  mars,  le  chef  d'escadron  Dania,  à  la  tête  d'une  cen- 
taine de  cavaliers  d'élite,  fit  un  magnifique  raid,  traversant 
complètement  l'armée  anglaise.  Parti  du  bivouac  d'Auriac 
à  la  chute  du  jour,  il  suivit  toute  la  nuit  en  silence  des  che- 
mins détournés  et  arriva,  une  heure  avant  le  lever  du  soleil 
à  Hagetmau  sur  les  derrières  de  l'ennemi,  à  50  kilomètres 
de  son  point  de  départ  Occupant  toutes  les  issues,  il  fit  fouil- 
ler les  maisons,  s'empara  d'une  centaine  d'hommes  dont 
six  officiers  et  huit  médecins  qui  rejoignaient  l'armée  ainsi 
que  de  quarante  chevaux  ou  mulets  avec  des  bagages  et 
délivra  une  douzaine  de  prisonniers  français;  puis  il  rega- 
gna son  bivouac,  le  18  au  soir,  avec  les  hommes  et  objets 
capturés  (Dumas,  p.  525). 

Dans  la  retraite  sur  Toulouse,  le  10^  chasseurs,  laissé  le 
22  mars  en  extrême  arrière-garde,  au  delà  de  Saint- Gaudens 


1.  Ce  monlicule  est  certainement  celui  de  Saint-Caprais,    sur  la 
droite  de  la  route  de  Lyon,  après  le  pont  de  l'Hers  et  avant  Saint-Jean, 


SITUATION   DES   ARMÉES   DE    SOULT   ET   DE   WELLINGTON.       161 

que  Tarmée  vient  d'abandonner,  est  tourné  par  les  régi- 
ments anglais  qui  sont  sur  le  point  de  s'emparer  de  la  ville 
et  de  lui  couper  la  retraite.  Il  traverse  Saint  Gaudens  à  bride 
abattue  et  réussit  à  se  retirer  sur  la  route  de  Toulouse,  non 
sans  que  quelques  pelotons  d'arrière-garde  ne  soient  obligés, 
dans  les  rues  mêmes  de  la  ville,  de  passer  sur  le  corps  dune 
masse  de  cavaliers  anglais  au  moins  décuple,  en  donnant 
sous  les  yeux  des  habitants  des  preuves  de  la  plus  héroïque 
valeur,  mais  en  perdant  une  cinquantaine  d'entre  eux 
(Lapène). 

LARGE  EMPLOI  DE  TROUPES  ÉTRANGÈRES  DANS  l'aRMÉE 
DE  WELLINGTON. 

Nous  avons  vu  que  dans  l'armée  de  Wellington,  les  divi- 
sions d'infanterie  comprenaient  toutes  une  brigade  portu- 
gaise sans  compter  une  division  d'infanterie,  de  l'artillerie 
et  probablement  une  brigade  de  cavalerie  uniquement  portu- 
gaises. 

Les  Portugais  étaient  devenus,  en  effet,  d'excellents  sol- 
dats. «  Les  troupes  portugaises,  écrit  Wellington,  manquent 
de  pain  depuis  deux  jours,  marchent  mieux  que  nous  et  com- 
battent admirablement;  elles  sont  toujours  ardentes  à  l'atta- 
que et  se  conduisent  constamment  avec  une  bravoure  enthou- 
siaste. Elles  nous  donnent  maintenant  le  plus  ferme  espoir 
de  délivrer  la  Péninsule.  Les  Portugais  sont  aujourd'hui  les 
coqs  de  bataille  de  l'armée.  »  Ces  troupes  portugaises  avaient 
des  cadres  en  partie  anglais.  «  Nous  avons  mis  tant  de 
mangeurs  do  bœuf  parmi  les  hommes  et  les  officiers,  écrit 
Larpent,  qu'ils  semblent  être  des  animaux  tout  différents.  » 

Bien  que  plus  grands  et  mieux  musclés  que  les  Portu- 
gais, les  Espagnols  leur  étaient  bien  inférieurs,  surtout  au 
point  de  vue  du  courage  et  de  la  discipline.  Mal  nourris  (ils 
ne  recevaient  que  la  moitié  de  la  ration  des  troupes  anglo- 
l)ortugaises),  mal  payés,  mal  habillés  et  surtout  ujal  com- 
mandés, ils  no  prêtèrent  en  général  qu'un  médiocre  secours 


162  MÉMOIRES. 

à  leurs  alliés  qui  parfois  ignoraient  jusqu'au  chiffre  de  leur 
effectif.  Toutefois,  les  troupes  de  Freyre  et  de  Morillo,.qui 
se  trouvaient  dans  l'armée  devant  Toulouse,  avaient  une 
composition  de  choix  et,  dans  l'attaque  de  front  des  redou- 
tes du  Galvinet  où  on  les  lança,  tandis  que  les  Anglais  fai- 
saient un  mouvement  tournant,  quelques  régiments,  surtout 
celui  de  Gaçadores  de  Gantabrie,  sous  le  colonel  Sicilio, 
montrèrent  une  certaine  bravoure  qui  mérita  les  éloges  de 
Wellington.  Mais,  au  fond,  les  Anglais  méprisaient  et 
détestaient  ces  alliés.  En  parlant  de  cette  attaque,  Wood- 
berry,  écrit  :  «  L'armée  anglaise  éprouva  bientôt  la  joie 
universelle  de  voir  les  Espagnols  bien  battus.  L'affaire  ne 
dura  que  quelques  minutes  et  les  survivants  s'enfuirent  à 
toutes  jambes.  Gette  armée  espagnole  est  peut-être  la  seule 
qui  ait  eu  un  contact  aussi  intime  avec  l'ennemi  de  l'Espagne 
depuis  le  commencement  de  la  guerre  ;  en  tout  cas,  ces 
lâches  canailles  eurent  plus  à  souffrir  que  jamais  aucune 
armée  dans  un  si  court  espace  de  temps.  »  Installé  dans  un 
château  à  Léguevin,  il  y  vit  arriver  deux  cents  Espagnols 
avec  des  billets  de  logement  :  «  Je  refusai  de  céder  mes  appar- 
tements, dit-il,  et  tous  les  Espagnols,  officiers  et  soldats, 
mangèrent  à  la  cuisine.  »  Il  n'avait  pas  d'ailleurs  absolu- 
ment tort.  En  effet,  le  26  mai,  c'est-à-dire  plus  d'un  mois 
après  la  fln  de  la  guerre,  il  écrit  :  «  Lord  Wellington  allant 
à  Madrid  a  été  poursuivi  à  coups  de  pierre  par  les  troupes 
espagnoles.  Quelle  tourbe  de  lâches  ingrats!  » 

Nous  avons  dit  que  l'armée  alliée  comprenait  un  bataillon 
allemand,  celui  de  Brunswick-Œls  et  la  brigade  de  grosse 
cavalerie  hanovrienne  de  Ponsonby.  La  brigade  de  hussards 
de  Vivian  avait  aussi  un  régiment  hanovrien,  le  l®"*  German- 
Hussards.  L'on  se  rappellera  que  le  roi  de  Grande-Bretagne 
était  en  même  temps  roi  de  Hanovre.  Il  y  avait  un  autre 
contingent  allemand  dans  l'armée  coalisée,  la  Légion  ger- 
manique, mais  elle  se  trouvait  devant  Bayonne. 

Ges  troupes  allemandes,  dont  beaucoup  avaient  servi 
dans  Varmée  française^  étaient  excellentes.  «  Ges  hommes 
paraissent  faits  pour  le  métier  des  armes,  dit  un  officier 


SITUATION   DES   ARMÉES    DE    SOULT    ET   DE    WELLINGTON.       103 

anglais*.  Doués  trune  vigueur  extrême,  contents  de  peu, 
habiles  à  tirer  partie  de  tout,  grands  buveurs,  mais  rarement 
ivres,  insensibles  à  la  rigueur  du  froid  comme  à  la  grossiè- 
reté des  aliments,  il  semblait  que  le  camp  fût  leur  patrie^.  > 

Le  reste  de  Parmée,  bien  que  nominalement  anglais,  ne 
comprenait  que  fort  peu  de  véritables  Anglais.  Beaucoup  de 
ces  soldats,  et  non  des  moins  bons,  étaient  Mandais,  entre 
autres  le  second  régiment  de  la  brigade  Vivian,  le  18®  hus- 
sards (Royal  irish),  le  régiment  de  Woodberry. 

Ce  dernier  raconte  comment  on  y  fêtait  la  Saint-Patrick,  le 
17  mars  1813,  en  Portugal.  D'abord,  un  ordre  du  régiment 
où  le  colonel  Murray,  qui  était  Ecossais  presbytérien,  dit 
entre  autres  choses  à  ses  hussards  catholiques  :  «  L'Irlande 
considère  le  18<^  comme  un  régiment  à  elle  qui  doit  lui  faire 
honneur  par  sa  bonne  conduite  à  l'étranger...  il  faut  espé- 
rer que  le  retour  de  la  fête  de  son  saint  patron  rappellera  à 
chaque  soldat  qu'un  vif  sentiment  de  l'honneur  doit  être 
aussi  bien  qu'un  courage  indomptable  la  caractéristique  d'un 
véritable  Irlandais.  » 

A  trois  heures  du  matin,  ajoute  Woodberry,  notre  musique 
m'a  donné  une  aubade  sur  l'air  :  «  Le  matin  de  la  fête  de 
saint  Patrick  ».  Gomme  la  tradition  veut  que  les  ofliciers 
anglais  reçoivent  ce  jour-là,  il  invite  ses  collègues  irlan- 
dais. «  Ils  sont  venus,  dit-il,  mais  Dieu  sait  comment  ils 
sont  rentrés;  ils  étaient  ivres-morts.  Pas  mal  de  têtes  cassées 
ce  soir  dans  le  régiment.  Ces  gaillards  boivent  comme  des 
poissons  et  comme  s'ils  ne  devaient  jamais  voir  une  autre 

1.  Souvenirs  d'une  campagne  dans  les  Pyrénées  en  l.Sl'i  {Rciuiebri- 
lannUiue). 

2.  D'après  Marbot,  «  une  foule  di'  .^oMats  ri  rangers  incori)orés 
dans  l'armée  française,  séduits  par  la  liaulr-pai(>  ipif  li's  Aii^^lais 
accordaient  à  ceux  qui  venaient  prendre  du  sers  ice  r!i<'/  eux.  dr'scr- 
taient  journellement.  Aussi  Italiens.  Sniss.v.  Saxons.  lia\  ar^is.  Wcst- 
phaliens,  Hessols,  Wiii1'Mnl)or^-tMii>.  etc.,  fonnèr-ail-ils  do  l'^'-iincnts 
chez  nos  ennemis.  1^1  h's  i^olonais,  crs  pdlouai^  (pii  depuis  ont  fait 
sonner  si  haut  leur  dévouement  à  la  l'i'anee.  passèrent  en  si  eran,! 
nombre  dans  les  rangs  de  rarniér  an^;hti>e.  tonjiMirs  iiieu  p;i\e,'  et. 
bien  nourrie,  que  Wellington  en  lornui  une  |',»rtr  j.'-idu  (|ui  -^e  li;tt(ait 
sans  façon  contre  les  Français.   . 


164  MÉMOIRES. 

fête  de  saint  Patrick.  On  en  a  porté  un  à  l'iiôpital  plos  mort 
que  vif..  »  L'année  suivante,  il  écrit,  à  Bazas  «  le  jeudi 
17  mars,  saint  Patrick:  Il  y  a  aujourd'hui  un  an,  à  Luz,  en 
Portugal,  tout  le  régiment  était  ivre-mort.  Cette  année,  c'est 
bien  différent,  tout  le  monde  est  sobre.  »  C'est  que  depuis 
un  an  ils  avaient  passé  sous  la  discipline  de  fer  de  Welling- 
ton et  avaient  surtout  senti  le  contact  des  viçux  soldats  de 
Soult. 

Les  Ecossais  étaient  aussi  fort  nombreux  dans  l'armée  : 
la  division  Picton  qui,  sous  Brisbane,  attaqua  avec  tant 
de  vaillance  et  si  peu  de  succès  la  redoute  des  Ponts-Jumeaux 
était  entièrement  écossaise,  et  la  brigade  Pack  de  la  division 
Clinton,  celle  qui  avec  la  division  Cole,  décida  du  succès 
de  la  journée  en  enlevant  les  redoutes  de  notre  droite  et  de 
notre  centre,  était  entièrement  composée  de  highlanders. 

Dans  son  rapport  sur  la  bataille  au  ministre  Bathurst, 
AVellington  cite  spécialement  les  42'  et  79®  qui  en  faisaient 
partie  comme  «  ayant  perdu  beaucoup  de  monde  et  s'étant 
distingués  grandement  tout  le  jour.  » 

Comme  on  le  voit,  les  Anglais  de  race,  dont  la  bravoure 
d'ailleurs  est  hors  de  doute  quand  leur  intérêt  direct  est  en 
jeu,  étaient  déjà  avares  de  leur  propre  sang,  conformément 
à  une  traditions  séculaire  qui  est  toujours  suivie. 


INDISCIPLINE   DANS   LES   ARMEES. 

Mais  revenons  à  nos  armées  d'Espagne  et  des  Pyrénées. 
La  discipline  y  était  fort  relâchée  à  la  fin  de  1813  et  il  fallut 
de  grands  efforts  aux  généraux  pour  y  rétablir  un  peu  d'or- 
dre et  d'obéissance,  et  surtout  pour  y  empêcher  la  maraude 
et  les  excès  de  toute  nature  qu'elle  entraîne. 

En  ce  qui  concerne  les  troupes  anglaises^  leur  recrute- 
ment était  bien  propre  à  favoriser  ce  fâcheux  état  de  choses. 
Les  sergents  recruteurs,  aidés  par  l'enrôlement  forcé,  par 
la  «  presse  »  plus  ou  moins  avouée,  ne  fournissaient  à  l'ar- 
mée que  la  lie  de  la  population,  et  l'esprit  public  en  Angle- 


SITUATION   DES   ARMEES   DE    SOULT   ET   DE   WELLINGTON.       105 

terre  était  porté  à  ne  considérer  le  soldat  que  comme  une 
espèce  de  bandit.  «  Pires  sont  les  hommes,  disait  lord  Mel- 
ville  en  plein  Parlement,  mieux  ils  conviennent  pour  faire 
des  soldats.  Gardez  les  honnêtes  gens  au  pays.  »  (Dumas, 
p.  128). 

Aussi  les  vols,  les  attaques  à  main  armée,  les  brutalités 
de  toute  nature  étaient-ils  dérègle,  surtout  dans  les  troupes 
qui  débutaient  dans  la  Péninsule.  Woodberry  note  à  chaque 
instant  qu'il  siège  à  la  Cour  martiale,  et,  dans  son  ordre  de 
régiment  à  l'occasion  de  la  fête  de  saint  Patrick  dont  nous 
avons  cité  une  partie,  le  colonel  Murray  dit  encore  à  ses 
hussards  :  «  Quant  à  la  longue  liste  de  crimes  vils  et  dé- 
gradants qui  ont  récemment  déshonoré  le  régiment,  la  patrie 
ne  peut  y  jeter  les  yeux  sans  éprouver  des  sentiments  d'hu- 
miliation et  de  regret.  » 

UnepayHiedes  officiers  laisse  fort  à  désirer  aussi.  «  Nous 
avons  comme  soldats  l'écume  de  la  terre,  écrit  Wellington  à 
lord  Balhurst;  les  officiers  non  commissionnés  sont  aussi 
mauvais  qu'eux.  »  «  De  quelle  compagnie  de  canailles 
fais-je  partie  »,  dit  Woodberry  (p.  32),  et  il  note  à  plusieurs 
reprises  des  vols  commis  par  ses  camarades. 

La  lâcheté  s'en  môle  aussi  :  «  On  croit,  dit-il  (p.  132),  en 
Portugal,  que  le  maréchal  fera  quitter  le  régiment  à  beau- 
coup d'officiers;  je  sais  qu'il  y  a  parmi  nous  plusieurs  capons 
et  le  plus  vite  on  les  renverra  sera  le  mieux  ».  Plus  tard,  à 
Orthez  (p.  182)  :  «  nous  vîmes  l'armée  française,  écrit-il, 
déployée  d'une  façon  imposante  :  cette  vue  frappe  de  ter- 
reur plusieurs  de  mes  camarades,  j'ai  le  regret  de  le  dire.  » 

C'est  surtout  à  la  suite  de  la  bataille  de  Vitoria  que  l'in- 
discipline est  à  son  comble.  «  Joseph,  en  plus  de  son  armée, 
traînait  à  sa  suite,  sa  cour,  ses  ministres,  les  hauts  fonction- 
naires et  employés  de  toute  catégorie,  une  foule  d'Espa- 
gnols compromis,  les  afrancesados.  Chacun  de  ces  émi- 
grants  emmenait  avec  lui  sa  famille  et  ce  qu'il  avait  pu 
sauver  de  sa  fortune;  avec  les  bagages  des  officiers,  le  tré- 
sor du  roi,  se  trouvaient  les  caisses  de  l'armée  montant  à 
25  millions  y>  (Clerc).  Tout  cela  fut  pris  ainsi  que  l'artille- 


166  MÉMOIRES. 

rie.  «  Les  caisses  sont  brisées  à  coups  de  hache,  dit  Lapène, 
et  sur  leurs  débris  se  livrent  des  combats  meurtriers  »;  mais 
«  comme  il  y  avait  assez  d'argent  pour  contenter  les  deux 
partis  et  que  les  soldats  trouvaient  plus  de  profit  à  prendre 
des  rouleaux  qu'à  se  donner  réciproquement  des  coups  de 
sabre,  on  vit  Anglais,  Français,  Espagnols  et  Portugais 
puiser  en  même  temps  au  même  tas  d'or  et  remplir  convul- 
sivement leurs  poches  sans  faire  attention  les  uns  aux  au- 
tres. »  (Sébastien  Blaze.) 

Les  officiers  s^en  mêlèrent  aussi  :  «  Le  jour  de  la  bataille 
de  Vitoria,  écrit  Woodberry  (p.  101),  la  plupart  des  prison- 
niers de  marque  dînaient  avec  lord  Wellington  et  dans  le 
cours  d'une  conversation  avec  Sa  Seigneurie,  M'"'  G..., 
femme  du  général  de  ce  nom,  raconte  que,  sans  l'inter- 
vention d'un  simple  soldat,  un  officier  de  hussards  l'au- 
rait dépouillée  de  tout;  qu'après  avoir  reçu  d'elle  l'épée  de 
son  mari  et  un  beau  fusil  à  deux  coups,  il  lui  avait  enlevé 
de  force  une  bague  au  doigt.  Lord  Wellington  entra  alors 
dans  une  grande  colère  et  jura  qu'il  ferait  passer  cet  officier 
au  conseil  de  guerre  pour  qu'il  servît  d'exemple  à  l'armée  ». 
On  trouva  effectivement  le  lieutenant  D...,  du  18®  hus- 
sards, en  possession  de  l'épée,  du  fusil  et  de  la  bague,  mais 
il  nia  les  avoir  pris  de  force.  Un  autre,  le  lieutenant 
R...,  du  même  régiment,  s'appropria  environ  2,000  livres 
(50,000  fr.);  un  capitaine  B...,  prit  une  croix  de  diamants 
estimée  12,500  francs;  ils  appartenaient  tous  les  trois  au 
régiment  de  hussards  de  Woodberry  qui  rapporte  ces 
faits. 

«  Le  champ  de  bataille,  dit  l'historien  espagnol  Toreno  % 
ressemblait  par  les  dépouilles  dont  il  était  jonché  à  ce  que 
Plutarque  raconte  de  celui  d'Issus...  ïl  s'établit  dans  le  camp 
une  sorte  de  foire  où  l'on  échangeait  tous  les  objets  pris  et 
jusqu'à  la  monnaie,  car  on  vit  offrir  huit  piastres  pour  une 
guinée  comme  étant  d'un  plus  facile  transport.  » 

Il  y  eut  pendant  une  quinzaine  de  jours  plus  de  huit  mille 

1.  Cité  par  Clerc. 


SITUATION   DES   ARMÉES   DE   SOULT   ET   DE    WELLINGTON.       167 

déserteurs.  Les  autres,  occupés  à  piller  jour  et  nuit,  furent 
incapables  de  marcher. 

Ce  ne  furent  pas  seulement  l'or  et  l'argent  ainsi  que  les 
objets  précieux  qui  devinrent  la  proie  du  vainqueur.  «  Au 
moment  où  se  retirait  l'armée  française,  dit  Lapène  (p.  40), 
les  passages  sont  obstrués,  les  voitures  de  luxe  et  les  équi- 
pages" de  Joseph  et  des  individus  attachés  à  sa  cour,  déser- 
tés par  leurs  propriétaires,  restent  au  premier  occupant.  On 
en  voit  sortir  pâles,  effarées,  baignées  de  larmes,  les  femmes 
les  plus  qualifiées,  quelques-unes  de  la  plus  grande  beauté; 
elles  errent  çà  et  là,  sans  suite  et  sans  guides;  leurs  mains 
suppliantes  tendues  vers  les  militaires,  elles  conjurent,  avec 
l'accent  du  plus  horrible  désespoir,  de  les  dérober  à  l'af- 
freuse vengeance  qui  les  attend  de  la  part  de  leurs  compa- 
triotes. »  Mais  «  chacun  pourvoit  à  sa  sûreté.  » 

L'armée  française  de  son  côté,  en  se  retirant  en  désordre, 
commettait  toute  sorte  d'excès. 

€  Un  bivouac  était  proche,  raconte  Fée  (p.  252)  ;  au  milieu 
d'un  verger  se  chauffaient,  livrées  au  plus  profond  déses- 
poir, couvertes  de  vêtements  déchirés,  plusieurs  dames  espa- 
gnoles; plus  loin,  des  soldats  blessés...  En  pénétrant  dans 
un  village  que  je  croj^ais  abandonné,  je  me  vis  entouré  de 
femmes  pâles,  échevelées,  qui  semblaient,  voyant  mon  uni- 
forme d'ofiîcier,  se  mettre  sous  ma  protection.  Je  les  fis 
entrer  dans  une  maison  et  me  mis  devant  la  porte.  Des  sol- 
dats m'injurièrent,  et  l'un  d'eux,  saisissant  son  fusil,  m'or- 
donna de  quitter  au  plus  vite  le  village.  Je  m'éloignai,  et  ce 
que  mes  yeux  ne  purent  voir,  mes  oreilles  l'entendirent.  » 
Toutefois,  les  Français  se  remirent  vite  :  «  Nos  soldats, 
dit  Larpent,  n'ont  pas  de  chance  avec  les  P'rançais.  La  défaite 
rend  ces  derniers  sobres  et  réglés,  et,  dans  le  malheur,  leurs 
efforts  et  leur  activité  individuelle  sont  surprenants.   Les 
nôtres  commencent  à  être  de  mauvaise  humeur  et  désespé- 
rés ;  ils  boivent  immodérément  et  deviennent  de  jour  en  jour 
plus  faibles,  plus  incapables  de  marcher  par  leur  faute. 
Sous  tous  les  rapports,  sauf  le  courage,  ils  sont  fort  inférieurs 
aux  Français.  Lorsque,  avant-hier,  les  divisions  traverseront 


168  MEMOIRES. 

Tafalla,  l'aspect  des  soldais  était  mortifiant.  Wellington  en 
est  véritablement  affecté  et  blessé.  Les  Portugais  étaient 
gais,  en  ordre,  solides;  les  Espagnols,  éreintés,  à  moitié 
ivres,  en  débandade,  n'avaient  rien  du  soldat.  » 

Les  Espagnols^  ceux  surtout  des  troupes  de  Mina,  Longa 
et  Morillo  ne  comprenaient  la  guerre  que  comme  une  occa- 
sion de  pillage.  «  Il  n'y  avait  ni  soldat,  ni  officier,  lisons- 
nous  dans  une  dépêche  de  Morillo  au  général  Freyre,  qui  ne 
reçût  d'Espagne,  de  sa  famille,  des  lettres  lui  disant  que, 
se  trouvant  en  France,  il  devait  faire  fortune.  » 

Aux  excès  du  pillage  que  la  pénurie  où  ils  étaient  rendait 
souvent,  jusqu'à  un  certain  point,  compréhensible,  se  joi- 
gnait chez  les  Espagnols  et  même  parfois  chez  les  Portu- 
gais, dans  leur  désir  de  vengeance,  une  cruauté  de  race, 
une  soif  de  sang  qui,  en  des  temps  plus  calmes,  se  mani- 
feste dans  leurs  combats  de  taureaux. 

Le  lendemain  de  Vitoria,  ils  massacraient  les  prisonniers 
devant  les  Anglais,  et  quand  ceux-ci  leur  en  demandaient 
la  raison.  «  A  segurar  el  prisonero  !  »,  répondaient-ils; 
«  c'est  pour  m'assurer  du  prisonnier  »  (Woodberry). 

Gleig  raconte  qu'aussitôt  après  avoir  passé  la  frontière, 
dans  une  halte  de  la  colonne,  les  chasseurs  portugais  se 
débandèrent  tumultueusement  en  se  dirigeant  vers  quelques 
chaumières  voisines.  Les  officiers  eurent  de  la  peine  à  les 
ramener,  mais  non  sans  que  l'un  d'eux  eût  réussi  à  assassi- 
ner à  coups  de  fusil  deux  vieillards  qui  habitaient  là.  Pour- 
suivi et  atteint,  le  Portugais  avoua  qu'il  était  l'auteur  de 
ces  deux  meurtres.  «  Ils  ont  tué  mon  père,  disait-il,  coupé  la 
gorge  à  ma  mère  et  enlevé  ma  sœur,  et  j'avais  juré  de  me 
venger  sur  la  première  famille  française  qui  tomberait  entre 
mes  mains.  "Vous  pouvez  me  tuer,  si  vous  voulez;  j'ai  tenu 
mon  serment,  et  peu  m'importe  de  mourir.  > 

Inutile  d'ajouter  qu'il  fut  pendu.  Plus  de  dix-huit  Espa- 
gnols et  Portugais  furent  accrochés  aux  arbres  ce  jour-là  et 
les  suivants.  » 


SITUATION   DES   ARMÉES   DE   SOULT   ET   DE    ^VELLINGTON.      169 


PLAN   DE   CONDUITE   DE    WELLINGTON    AVANT    DE    PENETRER   EN 
FRANCE  :   SES  EFFORTS  POUR  RESTAURER  LA  DISCIPLINE. 

Devant  tous  ces  relâchements  et  ces  excès,  Wellington 
senlait  que  son  armée  avait  avant  tout  besoin  de  repos,  d'or- 
dre et  de  discipline,  surtout  au  moment  de  pénétrer  sur  le 
sol  français.  En  effet,  «  l'entreprise,  dit  Beauchamp  (p.  129), 
semblait  téméraire.  Jamais  le  succès  n'avais  couronné  au- 
cune invasion  dans  le  Midi  de  la  P'rance;  Charles-Quint  lui- 
même  y  avait  échoué  ».  «  J'éprouve,  écrit  Wellington  à 
Bathurst,  une  'grande  aversion,  dans  les  circonstances  ac- 
tuelles, à  envahir  la  France  où  chacun  est  soldat,  où  toute 
la  population  est  en  armes  et  organisée,  non  point,  comme 
dans  d'autres  pays,  par  des  gens  sans  expérience  de  la 
guerre,  mais  qui  ont  servi  quelque  part  depuis  vingt-cinq 
ans  que  la  France  est  en  lutte  avec  toute  l'Europe.  »  «  Le 
danger  d'une  telle  guerre  est  si  généralement  senti,  ajoute 
Beauchamp,  excepté  par  les  P'rançais  eux-mêmes,  que  lord 
Wellington  reçut  de  presque  tous  les  pays  de  l'Europe  des 
lettres  d'exhortation  et  d'alarmes  très  pressantes  pour  le 
détourner  de  pénétrer  sur  le  sol  français  et  d'y  compromet- 
tre sa  gloire.  » 

«  Le  seul  mot  de  tocsin,  dit  Lapène,  que  nul  habitant 
n'était  certes  dans  l'intention  de  prononcer  en  1814,  glaçait 
les  coalisés  d'épouvante.  > 

Aussi  Wellington  resta-t-il  près  de  quatre  mois  cari'- 
tonné  vers  la  frontière^  au  sud  de  Boyonne,  avant  de  se 
décider  à  une  offensive  sérieuse. 

Mais  il  employa  bien  ce  temps. 

Il  mit  tout  en  jeu  pour  se  créer  des  intelligences  dans  le 
pays  et  y  obtenir  des  renseignements.  Il  rouvrit  tous  les 
ports  dès  qu'ils  se  trouvèrent  en  son  pouvoir  et  y  entretint 
un  commerce  considérable  qui  lui  servit  en  môme  temps  à 
pourvoir  à  ses  besoins  et  à  se  rendre  favorables  les  intérêts 
mercantiles  si   lésés  par   le  blocus   continental.    De  plus, 

10«  SÉRIE.   —  TOME  X.  14 


170  MEMOIRES. 

comme  l'indique  Dumas  dans  l'introduction  de  son  livre, 
«  le  commerce  étendu  de  l'Angleterre  pénétrant  par  mille 
ramifications  connues  ou  secrètes  dans  tous  les  lieux  habi- 
tés, répandus  à  la  surface  du  globe,  fournissait  des  sources 
d'informations  que  rien  ne  pouvait  égaler  ». 

«  L'esprit  mercantile  des  Anglais  ne  les  abandonne  jamais, 
même  au  milieu  des  plus  sanglantes  guerres,  dit  Ducéré 
(p.  157),  et  il  semble,  en  étudiant  l'histoire  de  ces  campa- 
gnes, que  leurs  armées  ne  se  mirent  en  marche  que  pour 
rouvrir  à  leurs  fabricants  les  marchés  fermés  par  le  blocus 
continental.  Au  camp  du  Boucau,  devant  Rayonne,  il  se  pas- 
sait ce  qui  s'était  déjà  vu  à  Lisbonne  et  dans  tous  les  ports 
de  la  côte  d'Espagne.  A  peine  les  Français  abandonnaient- 
ils  aux  troupes  alliées  un  pays  quelconque,  qu'une  foule  de 
navires  arrivaient  à  la  hâte  de  tous  les  ports  du  Royaume- 
Uni  et  inondaient  le  pays  de  marchandises  anglaises  depuis 
la  fameuse  cotonnade  jusqu'aux  couteaux  de  Sheffield,  depuis 
les  denrées  coloniales  devenues  si  chères  en  France  jus- 
qu'aux bijoux  et  à  l'horlogerie  de  la  Cité  !  » 

Indépendamment  des  relations  procurées  ainsi  par  le  com- 
merce ou  par  les  espions  ordinaires,  Wellington  s'était  peu 
à  peu  assuré  des  intelligences  dans  le  pays,  dans  l'armée, 
dans  l'entourage  même  de  Soult,  dont  les  projets  lui  étaient 
livrés,  s'il  faut  en  croire  Napier,  son  aide  de  camp. 

L'or  anglais,  bien  employé,  faisait,  comme  toujours,  son 
œuvre  perfide. 

L'ancienne  noblesse  du  pays,  redevenue  fervente  royaliste, 
après  avoir  largement  profilé  des  faveurs  impériales,  surex- 
citée par  la  présence  du  duc  d'Angoulême  ^  dans  l'état-major 


1.  Il  ne  payait  cependant  pas  de  mine  le  pauvre  duc!  «  Court,  d'as- 
pect mesquin,  avec  des  grimaces  ridicules  en  entrant  et  en  sortant,  il 
mit  souvent  aune  pénible  épreuve  l'état-major  de  Wellington  »,  écrit 
Gleig.  Woodberry  qui  l'année  suivante,  quelques  jours  avant  Wa- 
terloo, se  trouva  avec  le  duc  de  Berry,  donne  une  appréciation  peu 
flatteuse  de  cette  famille  royale  :  «  Le  duc  de  Berry  est  un  petit  indi- 
vidu qui  a  l'air  d'un  bossu.  J'ai  vu  maintenant  les  trois  principaux 
représentants  de  la  branche  mâle  des  Bourbons  :  le  roi,  le  duc  d'An- 


SITUATION   DES   ARMÉES   DE   SOULT   ET   DE   WELLINGTON.      171 

anglais,  manifestait  de  toutes  les  façons  sa  sympathie  à 
ceux  qui  devaient  lui  ramener  le  roi  de  son  cœur. 

Le  généralissime  anglais  s'efforçait,  d'autre  part,  par  tous 
les  moyens,  de  ne  pas  mécontenter,  de  gagner  même  uiie 
population  si  froissée,  à  cette  époque,  par  les  vexations  d'un 
pouvoir  brutal,  par  les  impôts,  les  réquisitions  et  tous  les 
sacrifices  provoqués  par  des  guerres  si  prolongées.  Tout  ce 
que  consommait  son  armée  était  soldé  au  prix  le  plus  élevé  : 
les  payeurs  attachés  à  chaque  corps  allaient  jusqu'à  indem- 
niser des  dommages  causés  par  le  passage  des  troupes,  et 
même  souvent  on  laissa  aux  autorités  locales  le  soin  de  fixer 
le  prix  des  denrées  et  de  lever  les  impôts. 

Même,  pour  éviter  l'usage  des  bons  sur  le  Trésor  dont 
nous  avons  signalé  la  mauvaise  impression  sur  les  habitants 
et  les  abus  qu'en  faisaient  les  commissaires  de  l'administra- 
tion anglaise,  ainsi  que  l'emploi  de  la  monnaie  anglaise 
mal  connue,  Wellington  organisa,  au  milieu  même  de  son 
armée,  un  atelier  de  monnayage  on  il  fit  frapper  de  la  mon- 
naie d'or  française  au  titre  légal. 

11  tâcha  surtout  de  rétablir  une  stricte  discipline,  chose 
difficile  dans  une  armée  composée,  comme  la  sienne,  de 
troupes  de  différentes  nations. 

Grâce  à  sa  volonté  énergique  qui,  avec  sa  vigueur  corpo- 
relle, le  fit  nommer  «  le  duc  de  Fer  »,  il  y  réussit. 

Tous  les  actes  de  violence  ou  de  pillage  furent  réprimés 
avec  la  dernière  sévérité  :  nous  en  avons  déjà  cité  quelques 
exemples. 

Un  moyen  efficace  fut  celui  de  mettre  la  troupe  sous  les 
armes  quelquefois  pendant  des  journées  entières,  avec  des 
appels  ou  des  parades  toutes  les  heures.  «  La  punition  indi- 
viduelle, écrivait-il  à  Freyre,  ne  fait  rien  :  les  soldats  savent 
bien  que  pour  cent  qui  pillent,  un  seul  est  puni  ;  au  lieu 
qu'en  tenant  les  hommes  rassemblés,  le  pillage  est  empêché 
et  tout  le  monde  est  intéressé  à  l'empêcher.  > 

goulêmp.  et  le  duc  de  Berry,  et  pardieu,  si  j'étais  Français,  je  ne  vou- 
drais pas  servir  sous  une  race  de  si  méprisable  apparence.  » 


172  MÉMOIRES. 

Cette  mesure  ne  réussit  pas  toujours  avec  les  Espagnols 
aussi  bien  qu'avec  les  Anglais  et  les  Portugais  :  ceux  de  la 
division  Longa  ayant  pillé  Ascain,  après  avoir  mis  aux 
arrêts  et  traduit  devant  la  cour  martiale  le  commandant  et 
tous  les  officiers,  et- fait  pendre  quelques  pillards  pris  sur  le 
fait,  il  fut  obligé  de  renvoyer,  par  punition,  toute  la  divi- 
sion en  Espagne. 

Ces  punitions  générales  n'empêchaient  pas  d'ailleurs  les 
punitions  individuelles,  les  châtiments  corporels  surtout, 
le  fouet,  les  verges  en  usage  réglementaire  dans  l'armée 
anglaise. 

«  Pour  la  moindre  faute,  dit  Ducéré  (p.  58),  on  faisait 
mettre  debout,  à  plat  ventre  contre  une  échelle,  les  soldats 
nus  jusqu'à  la  ceinture  et,  dans  cette  position,  les  tambours 
du  régiment  leur  déchiraient  les  épaules  avec  un  fouet 
garni  de  neuf  lanières.  » 

«  A  Arcangues,  dit  Gleig,  trois  maraudeurs  surpris  à  piller 
une  ferme  furent  pendus  sans  pitié  aux  arbres  du  bois.  Au 
moment  d'évacuer  le  château,  un  soldat,  trouvé  porteur  d'un 
méchant  violon,  ne  dut  la  vie  qu'aux  instantes  prières  du 
propriétaire  de  l'instrument;  il  en  fut  quitte  pour  trente 
coups  de  chat  à-  neuf  queues.  » 

Woodberry  raconte  (p.  52)  qu'à  la  suite  d'un  vol  de  vin, 
un  sergent  fut  dégradé  et  reçut  200  coups  de  verge,  et  un 
caporal  et  un  soldat  300,  et  qu'après  une  maraude  trois  sol- 
dats trouvés  en  possession  de  lard  «c  furent  aussitôt  jugés 
par  une  cour  martiale,  et  chacun  d'eux  reçut,  au  lieu  de 
lard,  600  coups  de  fouet.  » 

«  Le  caporal  Thompson,  dit  ailleurs  (p.  38)  ce  bon  hus- 
sard, a  été  puni  ce  matin  pour  ivresse  et  coups  portés  au 
sergent  William.  La  pauvre  femme  de  Thompson  était  près 
de  là,  entendant  les  cris  de  souffrance  de  son  mari,  et  j'étais 
aussi  affecté  de  ses  sanglots  que  des  hurlements  du  patient.  » 

«  Turner,  craignant  d'être  puni,  dit  hier  à  plusieurs  cava- 
liers, pendant  qu'on  fouettait  deux  hommes,  après  la  pa- 
rade, qu'il  ne  voulait  plus  voir  de  cruautés  au  18%  et  il 
s'enivra  complètement  pour  se  tuer  d'un  coup  de  feu  dans  le 


SITUATION   DES   ARMÉES   DE   SOULT   ET  DE   WELLINGTON.      173 

ventre.  Il  est  à  l'hôpital,  où  il  mourra  ce  soir.  J'ai  engagé 
un  moine  à  prier  près  de  lui,  et  il  est  venu  ce  matin  avec 
rtiostie  et  les  cierges.  Il  lui  a  lu  des  prières  en  latin  et  donné 
l'extrême  onction  »  (p.  135). 

En  marche,  ces  punitions  avaient  lieu  généralement  avant 
le  départ.  Le  27  février,  jour  de  la  bataille  d'Orthez,  Wood- 
berry  met  dans  ses  notes  :  «  Quand  le  régiment  se  mit  en 
marche,  ce  matin,  nous  prévoyions  bien  peu  une  aussi  glo- 
rieuse victoire.  Grâces  soient  rendues  au  Tout- Puissant 
pour  ce  bienfait!  On  a  commencé  ce  matin  par  fouetter  sept 
hommes  près  de  Ramous,  puis  nous  avons  suivi  la  grande 
route  vers  Orthez.  » 

Quand  les  troupes  se  débandaient,  la  cavalerie  les  rame- 
nait «  à  grands  coups  de  plat  de  sabre  sur  la  tête  et  sur  les 
épaules  »,  comme  le  raconte  Gleig  d'infanterie  anglaise  et 
portugaise  surprise  par  la  division  Darricau  (Dumas,  p.  283). 

Mais  cette  espèce  de  longue  trêve  des  deux  armées,  bien 
que  non  officielle,  présenta  le  fait,  souvent  observé,  de  rela- 
tions quotidiennes  familières,  surtout  entre  les  soldats  en 
contact  aux  avant-postes. 

En  voici  quelques  exemples  :  «  Nous  avons  placé  nos 
piquets  sur  les  bords  d'un  ruisseau,  entre  la  Bastide-de  Gla- 
rence  et  Bouloc,  écrit  Woodberry,  le  11  janvier  (p.  150). 
L'ennemi  conserve  une  partie  du  premier  village;  les  vedet- 
tes se  touchent  presque  sur  le  pont.  On  doit  avertir  une 
heure  avant  de  commencer  les  hostilités.  »  Puis,  un  mois 
plus  tard,  le  11  février,  toujours  au  même  endroit  :  «.  Nous 
avons  quitté  ce  matin,  dit-il  (p.  158),  nos  quartiers  pour 
nous  rendre  à  Ayherre  :  nous  avons  averti  l'ennemi  de  notre 
mouvement  trois,  heures  à  l'avance.  Les  Français  étaient 
prêts  à  partir  à-  cinq  heures  du  matin.  Le  chef  d'état-major 
leur  donna  le  signal  de  nos  avant-postes  en  agitant  son  cha- 
peau. Ils  sortirent  aussitôt  du  village,  clairons  sonnant  et 
tambours  battant.  En  marchant  une  heure  après  leur  départ, 
nous  pouvions  les  prendre  tous.  Si  nous  les  rencontrons 
demain,  nous  ne  les  épargnerons  pas  ;  aujourd'hui,  il  n'eût 
pas  été  bien  de  les  attaquer.  y> 


174  MÉMOIRES. 

Pendant  ce  mois,  le  jeune  hussard  eut  de  fréquentes  rela- 
tions avec  ses  voisins  des  avant-postes  opposés  :  «  Je  fus 
invité  à  me  rendre  au  pont  pour  parler  à  un  aide  de  camp 
du  général  Pierre  Soult.  Il  désirait  avoir  des  journaux  an- 
glais, et  pour  entrer  en  matière  il  me  donna  les  dernières 
gazettes  qu'il  avait  reçues  de  Paris.  Je  lui  ai  promis  de  lui 
en  envoyer  demain.  Il  me  demanda  comment  nous  passions 
le  temps.  Je  répondis  que  nous  avions  des  bals  à  Hasparen 
et  qu'il  y  en  avait  un  précisément  ce  soir.  Il  manifesta  un 
grand  désir  d'y  assister,  à  cause  d'une  belle  dame  de  Has- 
paren, son  amie,  qui  doit  s'y  trouver  (p.  150). 

«  J'ai  envoyé  ce  soir  un  paysan  à  l'officier  du  piquet  de 
cavalerie  ennemie  pour  le  prier  de  m'envoyer  un  peu  de  ce 
bon  vin  qu'on  dit  se  vendre  de  l'autre  côté  du  village;  il  l'a 
fait  et  a  refusé  l'argent  que  le  paysan  lui  offrait  pour  le 
payer.  » 

«  Plus  d'une  fois,  dit  Gleig,  je  m'avançais  jusqu'au  milieu 
de  la  rivière  pour  y  pêcher,  les  piquets  de  l'ennemi  étant 
sur  l'autre  bord.  Les  soldats  français  descendaient  en  foule 
pour  assister  à  mes  exploits  et  me  désignaient  les  bons  en- 
droits. La  seule  précaution  dont  j'usais  était  de  mettre  une 
jaquette  rouge.  » 

«  Un  officier  d'état-major,  faisant  sa  ronde  une  nuit,  cons- 
tate la  disparition  de  tout  un  piquet  commandé  par  un  ser- 
gent. Son  alarme  fît  place  à  la  plus  grande  stupéfaction 
quand,  s'étant  avancé,  il  aperçut,  par  la  fenêtre  d'une  mai- 
sonnette d'où  sortaient  de  joyeux  bruits,  tout  le  poste  assis 
de  la  façon  la  plus  cordiale  au  milieu  d'un  détachement 
français  et  causant  gaiement.  Dès  qu'il  se  montra,  ses  hom- 
mes, souhaitant  une  bonne  nuit  à  leurs  compagnons,  retour- 
nèrent, sans  se  troubler  le  moins  du  monde,  à  leur  poste.  » 

Dumas  (pp.  219-330-335)  rapporte  encore  un  autre  fait  de 
ces  relations  :  «  Le  43®  anglais  était  réuni  en  colonne,  sur 
un  terrain  découvert,  à  20  mètres  des  sentinelles  françaises. 
Durant  plus  d'une  heure,  celles-ci  continuèrent  à  aller  et 
venir,  comme  si  elles  ne  s'apercevaient  de  rien  et  avec  une 
sécurité  si  complète  que  l'une  d'elles  déposa  son  sac  à  terre. 


SITUATION   DES   ARMÉES   DE   SOULT   ET   DE   WELLINGTON.       175 

Lorsque  les  Anglais  reçurent  l'ordre  de  marcher,  un  soldat 
anglais,  quittant  son  rang,  vint  engager  cette  dernière  à  se 
retirer  et  l'aida  à  remettre  son  sac  au  moment  où  le  feu  com- 
mençait. Le  jour  suivant,  les  Français  usèrent  du  même 
procédé  à  l'égard  d'une  sentinelle  du  43®.  » 

Ces  relations  si  contraires  à  Vesprit  de  la  guerre,  dit 
Dumas,  entretenues  par  la  légèreté  aimable  du  caractère 
français,  devenue  naïveté,  furent  souvent  exploitées  par  les 
Anglais,  si  pratiques,  et  bien  des  postes  furent  surpris,  et 
les  corps  qu'ils  devaient  garder  furent  mis  en  pièces  par 
suite  de  ce  laisser-aller. 

La  surprise  du  passage  de  la  Bidassoa,  si  grave  par  ses 
conséquences,  les  régiments  français  ayant  leurs  armées 
démontées  pour  une  revue,  en  est  un  des  nombreux  exemples. 

11  n'était  pas  d'ailleurs  de  secret  d'opérations  possible 
pour  des  armées  françaises  et  surtout  méridionales  avec  des 
usages  de  ce  genre,  et  Wellington  sut  en  profiter. 

Toutes  ces  fâcheuses  relations  cessèrent,  d'ailleurs,  dès 
que  les  troupes  coalisées  reprirent  leur  marche  en  avant, 
dès  que  ce  stationnement  si  prolongé  avec  le  contact  quoti- 
dien qu'il  entraîne  cessa.  Elles  furent  même  remplacées 
rapidement  par  une  animosité,  un  acharmement  que  signa- 
lent tous  les  souvenirs  militaires  des  deux  armées. 

En  ce  qui  concerne  les  Français,  «  la  confiance  et  l'aban- 
don envers- leurs  ennemis,  dit  Ducéré,  qui  leur  avaient  été 
souvent  si  funestes,  disparurent.  Ils  étaient  animés  contre 
les  troupes  alliées  d'une  rage  qui  rendait  meurtrières  toutes 
les  affaires  d'avant-postes  ». 

Il  en  fut  de  même  dans  l'armée  adverse  :  on  en  donne  de 
nombreux  exemples;  bornons-nous  à  en  citer  un  qui  se  passa 
devant  Toulouse,  l'avant-veille  de  la  bataille,  dans  cette 
charge  du  18®  hussards,  à  Croix-Daurade,  dont  ila  été  déjà 
plusieurs  fois  question  :  <  Le  capitaine  Groker,  dit  Wood- 
berry,  qui  conduisait  la  charge,  fut  grièvement  blessé  au 
visage  d'un  coup  de  sabre.  Le  dragon  français  qui  avait 
blessé  Groker  fut  immédiatement  après  sabré  par  le  sergent- 
major  Black;  presque  tous  les  hommes  s'acharnèrent  après 


176  MÉMOIRES. 

ce  pauvre  diable  :  en  quelques  instants,  son  visage  n'eut 
plus  apparence  humaine;  il  ne  mourut  cependant  que  plu- 
sieurs heures  après.  » 

Grâce  à  Thabileté,  à  la  persévérance  et  à  l'énergie  de 
Wellington,  quand  il  reprit  la  campagne  qui  devait  l'ame- 
ner à  Toulouse,  il  était  édifié  sur  les  ressources  et  les  pro- 
jets de  Soult;  il  savait  que  loin  d'avoir  à  craindre  la  popula- 
tion, il  pouvait  compter  toujours  au  moins  sur  son  indiffé- 
rence, parfois  même  sur  sa  sympathie  et  son  concours  ;  son 
armée  était  disciplinée  au  point  qu'il  put  amener  devant 
Toulouse  la  division  espagnole  de  Morille  et  les  deux  divi- 
sions sélectées  de  Freyre  et  lancer  ces  dernières  à  l'assaut 
des  redoutes  de  Galvinet,  par  le  chemin  creux  de  Périole, 
où  les  décima  Villatte,  ainsi  qu'à  l'attaque  du  pont  Matabiau, 
où  elles  tombèrent  sous  les  baïonnettes  de  Darricau. 

Il  allait  masquer  Bayonne  et  occuper  Bordeaux,  où  l'atten- 
daient les  acclamations  enthousiastes  d'une  population  semi- 
anglaise  dans  laquelle  circulaient  déjà  les  guinées  et  qui 
avait  hâte  de  vendre  de  nouveau  son  «  claret  »  à  ses  meil- 
leurs clients. 

Il  ne  craignait  même  plus  le  moindre  échec,  lequel  eût 
pu  être  un  désastre  pour  son  armée,  comme  le  montre  le 
général  FoyS  étant  donné  son  organisation  paresseuse  et 
l'immense  attirail  qu'elle  traînait  avec  elle. 

LA   DISCIPLINE   DANS   l'aRMÉE   DE   SOULT. 

Soult,  de  son  côté,  avait  profité  de  l'accalmie  dans  les 
Opérations  de  guerre  pour  remettre  en   état  ses   troupes. 

1.  Après  avoir  énuméré  les  bataillons  débiles  de  femmes  et  d'en- 
fants emmenés  avec  les  troupes  combattantes,  les  énormes  convois  de 
voitures  et  de  bêtes  de  somme  ainsi  que  de  serviteurs  que  nécessitent 
ses  luxueux  besoins,  Foy  ajoute  :  «  Une  pareille  armée  anglaise, 
abandonnée  à  ses  seuls  moyens,  pourra  vaincre  mais  jamais  elle  ne 
saura  proliter  de  la  victoire;  mais  s'il  arrivait  qu'elle  fût  vaincue  à  dis- 
tance de  son  point  de  départ,  ce  ne  serait  pas  seulement  un  échec 
qu'elle  essuierait,  mais  ce  serait  la  plus  affreuse  des  calamités.  A  com- 


SITUATION   DES   ARMÉES   DE    SOULT   ET   DE   WELLINGTON».       177 

Nous  avons  va  déjà  ce  qu'il  avait  fait  au  point  de  vue  des 
armes  et  du  matériel  d'artillerie  :  munitions,  harnachement, 
remonte,  dépôts  de  vivres,  habillement,  solde,  tout  reçut 
l'empreinte  de  son  activité  et  de  son  énergie. 

La  discipline,  déjà  fortement  atteinte  durant  la  campa- 
gne d'Espagne,  était  complètement  tombée  depuis  les  der- 
niers mouvements  rétrogrades  de  l'armée.  Le  caractère 
inflexible  de  Soult,  les  mesures  qu'il  prit  pour  éloigner  de 
l'armée  combattante  les  femmes  et  les  employés  de  toute 
sorte,  non  militaires,  qui  la  doublaient  presque  d'une 
seconde  armée,  la  sévérité  de  la  cour  martiale  qu'il  établit, 
avaient  amené  de  bons  résultats  à  ce  point  de  vue  dans  la 
première  partie  de  la  campagne  de  1814;  mais,  depuis  la 
défaite  d'Orthez,  les  marches  fatigantes  de  la  retraite,  la 
rigueur  de  la  saison,  l'insuffisance  des  vivres,  des  vête- 
ments, l'affaissement  du  moral  par  de  continuels  revers, 
avaient  ébranlé  la  confiance  de  l'armée  dans  ses  chefs  et  en 
elle-même."  «  C'est  une  chose  désespérante  de  voir  tout  le 
monde  persuadé  que  nous  devons  être  battus  »,  écrit  le 
major  Balthazar,  aide  de  camp  du  Ministre,  envoyé  en  mis- 
sion à  l'armée  du  maréchal  (Dumas,  p.  234j. 

Aussi  la  discipline  s'était- elle  de  nouveau  fort  relâchée. 

Sans  compter  la  désertion  des  jeunes  soldats  aggravée 
encore,  comme  nous  l'avons  vu,  par  la  proximité  de  leurs 
foyers,  «  la  troupe,  dit  Lapène  (p.  284),  habile  à  se  dérober 
aux  regards  de  ses  chefs  pour  commettre  du  désordre,  se 
livrait  à  des  excès,  qui,  ailleurs  que  dans  une  colonne  en 
marche,  ne  fussent  pas  restés  impunis.  Des  militaires  indi- 
gnes de  ce  nom  quittaient  les  rangs,  pénétraient  dans  les 
habitations  et  exigeaient  de  force  des  propriétaires  des  in- 
demnités pécuniaires  pour  que  leurs  propres  maisons  soient 
respectées,  et  il  est  constant  que  des  généraux  français, 
animés  d'une  juste   indignation,    saisissaient   l'arme  d'un 


bien  peu  il  a  tenu  plus  d'une  fois  que  l'armée  de  la  Grande-Bretagne 
n'éprouvât  une  catastrophe  telle  que  pas  un  liomtne  n'échapperait 
pour  en  porter  la  nouvelle  à  Londres.  » 


178      .  MÉMOIRES. 

soldat  de  la  colonne  et  faisaient  feu  sur  les  hommes  qui, 
errants,  éloignés  de  la  route,  se  montraient  insensi- 
bles aux  appels  réitérés  et  aux  remonstrances  de  leurs 
chefs  ». 

«  La  troupe  s'est  livrée  au  pillage,  rapporte  Clerc  (p.  124), 
qu'elle-  excuse  en  disant  qu'il  vaut  mieux  pour  les  Français 
être  dépouillés  par  des  compatriotes  que  par  l'ennemi.  » 

Mais  le  caractère  généreux  et  la  bravoure  du  Français 
reprenaient  souvent  le  dessus  :  «  Les  fantassins  surtout,  dit 
Ducéré  (p.  42),  n'ayant  à  s'occuper  que  d'eux-mêmes  et  de 
leur  fusil,  étaient  égoïstes,  grands  parleurs  et  grands  dor- 
meurs. Ils  étaient  raisonneurs  et  quelque  peu  même  inso- 
lents avec  leurs  officiers;  mais  au  milieu  des  fatigues  à 
outrance  qu'ils  supportaient,  un  bon  mot  les  ramenait  tou- 
jours à  la  raison  et  les  mettait  du  parti  des  rieurs.  Us 
oubliaient  tous  leurs  maux  dès  que  le  premier  coup  de  fusil 
de  l'ennemi  s'était  fait  entendre.  » 

«  Hors  du  combat,  dit  encore  Lapène,  l'intérêt  public  était 
compté  pour  rien  :  les  liens  de  la  discipline  et  du  devoir 
éprouvèrent  un  funeste  relâchement;  le  respect  dû  aux 
personnes  et  aux  propriétés  fut  souvent  méconnu.  Indisci- 
pliné, 7naraudeu7\  le  soldat  ne  recouvrait  son  vrai  carac- 
tère que  sur  le* champ  de  bataille.  > 

Les  huit  jours  de  repos  que,  ainsi  que  nous  l'avons  vu, 
Soult,  grâce  à  l'habileté  de  ses  manœuvres,  put  donner  à  ses 
troupes  pendant  sa  retraite  d'Orthez  sur  Toulouse,  amenè- 
rent une  grande  amélioration  dans  ce  fâcheux  état  de 
choses. 

ARRIVÉE   A   TOULOUSE. 

A  l'arrivée  à  Toulouse,  le  bien-être  relatif  de  la  grande 
ville,  l'abondance  des  approvisionnements  de  toute  nature 
dont  les  arsenaux  et  magasins  de  la  ville,  ainsi  que  l'acti- 
vité de  Soult  dotèrent  les  troupes,  rendirent  à  celles-ci  les 
précieuses  qualités  qu'elles  déployèrent  au  jour  de  la 
bataille. 


SITUATION  DES   ARMÉES   DE   SOULT   ET   DE    WELLINGTON.      179 

Elles  avaient  été  toutefois  précédées  de  quelques  jours, 
en  ville,  par  la  tourbe  habituelle  de  goujats,  de  traînards,  de 
malades,  de  blessés,  avant-garde  inévitable  de  toute  année 
en  retraite,  dont  l'aspect  et  le  désordre  avaient  jeté  l'inquié- 
tude parmi  les  habitants.  Mais  ceux-ci  ne  tardèrent  pas  à 
être  rassurés  quand  arriva,  par  l'avenue  de  Muret,  l'armée 
elle-même. 

L'arrivée  des  troupes,  le  24  mars,  «  avait  pour  specta- 
teurs, dit  Lapène  (p.  330),  plusieurs  milliers  d'habitants, 
accourus  sur  les  boulevards,  à  la  rencontre  de  l'armée  fran- 
çaise. La  pluie  qui  tombait  en  ondées,  par  intervalle, 
n'avait  pu  détourner  ce  concours.  L'armée  défilait  en  silence 
et  avec  calme;  aucun  bruit,  aucune  interpellation  n'inter- 
rompaient cette  marche  imposante,  et  les  Toulousains  parais- 
saient saisis  de  respect  et  de  recueillement  à  la  vue  de  ces 
vieux  débris  des  armées  d'Espagne  et  de  Portugal,  auxquels 
la  fatigue  de  la  campagne  et  la  marche  pénible  du  matin, 
au  milieu  de  la  pluie  qui  dégouttait  encore  des  armes  et  des 
vêtements,  n'ôtaient  rien  de  leur  mâle  assurance.  Le  hasard 
avait  surtout  peuplé  cette  armée  de  méridionaux  et,  sans 
quitter  le  rang,  le  militaire  de  tout  grade  distingue  dans  les 
groupes  de  spectateurs  un  parent,  un  ami  ».  Sans  s'arrêter, 
sans  entrer  en  ville,  l'armée  défila  par  le  boulevard  Saint- 
Cyprien  (aujourd'hui  allées  Gharles-de-Fitte)  et  fut  prendre 
position  en  avant  de  la  Patte-d'Oie,  à  quelques  kilomètres 
du  faubourg,  couvrant  du  vaste  demi-cercle  de  ses  bivouacs 
et  cantonnements,  de  Blagnac  à  Portet,  toutes  les  routes  qui 
convergent  de  ce  côté  vers  la  ville  et  qu'éclairait  la  cavalerie 
lancée  en  avant. 

Deux  jours  après  arrivèrent  les  coalisés,  dont  une  partie 
de  l'immense  convoi  restait  encore  embourbée  dans  les  routes 
du  Gers  et  dont  l'avant-garde  prit  immédiatement  contact 
avec  nos  soldats. 

Jusqu'au  28  mars,  l'armée  resta  sur  la  rive  droite  du 
fleuve,  permettant  ainsi  de  transformer  au  moyen  de  fortifi- 
cations rapides  le  faubourg  Saiiit-(;ypi'i(Mi  en  iiik»  solide  trie 
de  pont.  Puis,  laissant  là  les  deux  divisions  de  Heille,  les 


180  MÉMOIRES. 

quatre  autres  divisions  passèrent  le  fleuve  pour  se  porter  du 
côté  où  Tennemi  semblait  menaçant  :  d'abord  vers  le  Sud, 
vers  Pech-David  et  Vieille-Toulouse,  puis  vers  l'Est,  du  côté 
de  THers,  où,  le  2  avril,  elle  commença,  ainsi  qu'on  l'a  vu, 
les  remarquables  travaux  de  défense  contre  lesquels  devait 
se  briser  si  longtemps  l'attaque  acharnée  des  masses  enne- 
mies. 

Seul,  Soult  vint  s'installer  avec  son  état-major  en  ville,  où 
ne  se  trouvaient  .que  les  dépôts  et  les  corps,  surtout  de 
conscrits,  placés  en  réserve. 

Logé  à  la  préfecture,  il  y  déploya  cette  activité  compé- 
tente qui,  ne  négligeant  aucun  détail,  lui  permit,  en  si  peu 
de  temps,  de  mener  à  bien  toutes  ces  importantes  mesures 
de  réorganisation  de  son  armée  et  de  défense  de  la  ville 
dont  l'ensemble  nous  étonne  encore. 

Nous  voici  revenus  au  matin  du  10  avril  1814. 

Nous  connaissons  maintenant  les  deux  armées  en  pré- 
sence, leurs  chefs,  leurs  soldats,  leurs  armes,  leur  état 
d'esprit.  Nous  les  voyons  sortant  de  la  brume  que  dissipe  le 
beau  soleil  de  ce  jour  de  Pâques,  et  nous  entendons  déjà  le 
premier  coup  de  canon  de  cette  sanglante,  mais  glorieuse 
journée.  11  fut  tiré  à  Saint  Gyprien,  par  l'arlillerie  de  Hill, 
dont  les  biscaïens  ont  laissé  leur  trace,  encore  visible  au- 
jourd'hui, sur  les  anciennes  grilles  du  cours  Dillon  qui  ornent 
maintenant  le  square  du  Musée. 


LES   FONDATIONS   PERPÉTUELLES   DANS   LE   DROIT   GREC.       181 


LES  FONDATIONS  PERPETUELLES 

DANS  LE  DROIT  GREGi 
Par  M.  Ch.   LÉCRIVAIN  2. 


Dans  le  droit  grec  comme  dans  le  droit  de  presque  touç 
les  pays  en  général,  quand  une  donation  est  subordonnée  à 
l'exécution  de  certaines  conditions,  par  exemple  à  l'emploi 
perpétuel  des  revenus,  quand  une  charge  déterminée  absorbe 
les  revenus,  on  a  une  fondation  perpétuelle.  Elle  est  désignée 
par  les  mêmes  mots  que  la  donation  entre  vifs  ou  à  cause 
de  mort  et  que  les  dispositions  testamentaires  oo^ic,  Zcùpei. 
Elle  n'a  pas  plus,  dans  le  droit  grec  que  dans  le  droit  romain, 
d'existence  indépendante;  mais  on  est  arrivé  au  même 
résultat  que  dans  le  droit  moderne  en  l'établissant  au  profit 
d'une  personne  morale,  pourvue  de  la  perpétuité,  divinité, 
temple,  cité,  corporation. 

I. 

Les  plus  anciennes  fondations  paraissent  avoir  été  les 
consécrations  à  une  divinité  d'un  capital  ou  de  biens  fonds 

1.  Lu  dans  la  séance  du  14  avril  1010. 

2.  Voir  Ziebarlh,  Das  griechische  Vereinsiccsen  (Lcip/i^,  1896), 
pp.  150-161;  Die  Stiflurig  im  griechischen  Rechl  {Zetlscfn'.  /".  rergl, 
licchtswiss.,  XVI,  })p.  240,  470),  A6Ttç  {Pauly-Wissowa  Ucdli'.iicy- 
clopàdie,  V,  2,  p.,  1600-1603);  Guiraud,  La  propriété  foncière  en 
Grèce,  pp.  382-382;  Liebenam,  StdcUeverwaltung  im  rôm.  Kaiser- 
reiche,  pp.  109-110;  Dareste,  Ilaiissoullior,  Roinach,  Inscriptions 
juridiques  grecques,  II,  pp.  77  l'iô;  l'olautl,  deschichte  des  grie- 
chischen Yereinsicesens  (Leipzig,  lli()0\  \)\).  87-88,  271-27,7.  20.7  200. 


182  MÉMOIRES. 

dont  les  intérêts  ou  les  revenus  doivent  être  employés  soit 
pour  le  culte  seul,  soit  pour  des  fêtes,  jeux,  banquets  ratta- 
chés à  ce  culte. 

Au  cinquième  siècle  avant  Jésus-Christ,  Nicias  donne  une 
terre  de  100  mines  à  Apollon  de  Délos  avec  affectation  des 
revenus  à  un  sacrifice  et  à  un  banquet.  La  donation  est  ins- 
crite sur  une  stèle'.  Au  quatrième  siècle  avant  Jésus-Christ, 
à  Julis  de  Céos,  Epameinon  et  ses  fils  donnent  un  capital  à 
plusieurs  dieux  pour  l'entretien  des  temples^.  Au  troisième 
siècle  on  a  deux  inscriptions  intéressantes  de  Calaurie  sur 
la  même  famille^.  D'après  le  premier  texte,  décret  du  peuple, 
Agasicles  et  Nicagora  ont  donné  pour  des  sacrifices  à  Zeus 
Soter  et  à  Poséidon  des  terres  et  de  l'argent  à  des  conditions 
inscrites  sur  la  stèle  :  le  peuple  nomme  deux  épimélètes 
chargés  de  louer  les  terres  et  de  prêter  l'argent,  par  30  drach- 
mes, avec  cautions  et  hypothèques;  ils  sont  assujettis  à  une 
reddition  de  comptes  avec  serment  devant  des  euthynes 
spéciaux.  Le  second  texte  est  probablement  un  extrait  du 
testament  d'une  femme,  Agasicratis;  elle  a  donné  300  drach- 
mes pour  elle,  son  mari.,  ses  fils  et  ses  filles,  aux  mêmes 
divinités  pour  leur  off'rir,  avec  les  intérêts,  un  sacrifice 
triennal,  par  les  soins  d'épimélètes  responsables.  On  n'a  ni 
le  nom  du  fondateur,  ni  la  somme,  mais  seulement  le  règle- 
ment (v5[j.oç)  d'une  fondation  à  Coressos  de  Céos*.  Elle  institue 
une  fêle  pour  une  divinité  inconnue  avec  des  sacrifices,  un 
banquet  pour  les  citoyens,  les  métèques  et  les  afî'ranchis,  des 
jeux  gymniques  et  militaires,  une  course  aux  flambeaux, 
sous  la  direction  des  proboules,  d'un  archonte,  d'un  gymna- 
siarque,  de  lampadarques.  A  Thera*,  le  produit  d'un  champ 
est  affecté  à  un  sacrifice  à  la  Mère  des  dieux.  Dans  un  décret 
d'Ilion,  du  deuxième  siècle^,  Hermias,  prêtre  de  tous   les 

1.  Plut.,  Nie,  3,  5. 

2.  Pridik,  De  Cei  ins.  rébus,  38. 

3.  Dittenberger,  Sylloge,  578;  Gollitz,  Dialekt  Inschrîften,  3380 
(Michel,  Recueil,  1344). 

4.  Dittenberger,  522  (I.  g.  12,  5,  647). 

5.  Ibia:,  630. 

6.  Michel,  731. 


LES   FONDATIONS   PERPÉTUELLES   DANS   LE   DROIT   GREC.       183 

dieux,  a  consacré  sur  l'argent  sacré  15.000  drachmes  à 
Athéna  :  la  somme  est  remise  aux  banquiers  publics,  aux 
trapézites,  et  l'intérêt  qu'ils  versent  à  10  p.  100  sert  à  célé- 
brer les  Panathénées  annuelles.  A  la  même  époque,  à  Thes- 
pies,  d'après  une  inscription  d'interprétation  difticile',  un 
Ptolémée  (probablement  Philopater)  et  sa  femme  Arsinoe 
ont  fait  une  fondation  pour  les  Muses  soiten  leur  consacrant 
des  terres,  soit  en  envoyant  d'Egypte  la  rente  d'un  capital. 
La  ville  loue  des  terres  sacrées  dont  le  revenu  sert  au  culte. 
A  Delphes^,  par  un  testament  gravé  dans  le  temple,  Alke- 
sippos  a  consacré  au  dieu  et  à  la  ville  130  statères  d'or, 
22  mines  et  30  statères  d'argent  pour  ofifrir  tous  les  ans  à 
Apollon,  avec  les  revenus,  un  sacrifice  et  un  banquet  popu- 
laire, sous  le  nom  de  fête  d'Alkésippos.  Au  premier  siècle 
avant  Jésus-Christ,  il  s'agit  probablement  d'une  fondation  dans 
un  décret  des  Samiens  de  Minoa  d'Amorgos  sur  le  culte  de 
la  Mère  des  dieux^  l'argent  a  été  placé;  le  débiteur  est  ins- 
crit sur  le  registre  public  ainsi  que  le  fonds  hypothéqué  et  la 
caution,  s'il  en  a  donné  une;  les  commissaires  (epimemoi) 
doivent  toujours  exiger  une  première  hypothèque  et  avoir 
eux-mêmes  un  timema  (revenu?  capital?)  de  200  drachmes. 
A  Mantinée*,  une  fondation  pour  le  culte  de  Déméter  est  con- 
tinuée par  la  fille  et  la  petite-fille  de  la  bienfaitrice.  Dans  un 
autre  décret  des  prêtres  d'Esculape  sur  une  bienfaitrice  qui 
a  donné  six  plèthres  de  vigne,  on  ne  voit  pas  s'il  s'agit  d'une 
fondation  ou  d'un  simple  don.  En  Béotie,  Philetairos,  fils 
d'Attale  de  Pergame,  donne  un  terrain  à  perpétuité  aux 
Muses  de  l'Hélicon  et  à  une  confrérie  de  sacrificateurs  s.  De 
l'époque  romaine,  on  peut  citer  l'inscription  d'Aegosthène'; 


1.  Bull,  de  corr.  helL,  19,  1895,  379-385;  liev.  Et.  Gr.,  10,  1897, 
20-49. 

2.  Dareste,  Haussoullier,  Reinach,  Inscr.  jurid.  gr.,  II,  xxiii,  D, 
pp.  62,  72-73. 

3.  Dittenberger,  645. 

4.  Le  Bas,  V.  arch.,  352  h-j. 

5.  Bull,  de  corr.  helL,  188,  1584;  1885,  405,  no  16. 

6.  Le  Bas,  25  a;  I.  g.,  7,  43. 


iM  MÉMOIRES. 

une  femme  Arétè,  seule,  sans  tuteur,  consacre  à  Poseidonios* 
et  aux  Aegosthénitains  un  jardin  acheté  à  la  ville  pour  en  faire 
un  lieu  sacré,  un  temenos,  avec  les  revenus  duquel  on  fera 
une  fête  et  des  sacrifices.  Il  semble  encore  être  question  de 
fondations  sacrées  dans  des  textes  d'Aphrodisias  de  Carie*. 
A  Apamée',  une  lettre  de  lempereur  Yalérien  et  de  ses  fils, 
Gallien  et  Saloninus,  reproduit  et  confirme  une  lettre  d'un 
Antiochus  qui  avait  affecté  au  culte  de  Zeus  Baetocaece  les 
revenus  du  district,  de  la  Gômè  de  Baetocaece.  Vers  la  fin 
du  premier  siècle  avant  Jésus-Christ,  un  Antiochus,  roi  de 
Comagène,  a  également  affecté  les  revenus  de  plusieurs  vil- 
lasres  au  culte  du  roi  et  de  sa  famille*. 


II, 


Le  second  groupe  de  fondations,  et  un  des  plus  nombreux, 
se  rapporte  à  des  associations  religieuses,  thiases,  orgéons, 
éranes,  soit  déjà  existantes,  soit  créées  spécialement  à  cet 
effet,  et  a,  très  souvent  du  reste,  le  même  but  religieux  que 
le  premier.  Au  quatrième  siècle  avant  Jésus-Christ,  à  Dodone*, 
un  fragment  paraît  mentionner  un  legs  universel  de  biens 
fait  peut-être  à  une  association.  Au  deuxième  siècle  avant 
Jésus-Christ,  les  Dionysiastes  d'Athènes  reçoivent  entre 
autres  bienfaits  de  leur  trésorier  Dionysos,  1,000  drachmes 
dont  le  revenu  doit  servir  à  un  sacrifice  mensuel ^  A  Myconos, 
une  personne  et  ses  filles  font  probablement  une  fondation 
de  200  drachmes  pour  un  thiase'.  A  Patmos*,  Hegemandros, 
qui  a  été  gymnasiarque,  lampadarque,  dans  le  collège  des 
Lampadistes,  s'est  engagé,  entre  autres  bienfaits,  à  donner 


1.  On  a  conjecturé  le  philosophe  Posidonius  d'Alexandrie. 

2.  C.  ins.  gr.,  2761-2765. 

3.  Ibid.,  4474. 

4.  Humann-Puchstein,  Ueisen  in  Kleinasien,  272. 

5.  Inscr.  jurid.  gr.,  II,  xxm,  c,  pp.  61,  72. 

6.  I.  g.,  2,1336;  4.2,  623  d. 

7.  Rh.  Mus.,  55,  1900,  506. 

8.  Dittenberger,  681. 


LES  FONDATIONS  PERPÉTUELLES  DANS  LE  DROIT  GREC.   185 

un  capital  de  200  drachmes  qui  sera  placé.  A  Opus\  la  sec- 
tion des  artistes  Dionysiaques  reçoit  de  deux  bienCaiteurs  (le 
mnri  et  la  femme)  une  fondation  i)our  des  sacrifices  à  Apol- 
lon, Hermès  et  aux  Muses.  A  Téos*,  (U-alon  a  probablement 
fondé  comme  section  particulière  des  artistes  dionysiaques 
Je  collège  des  Atlalistes  pour  le  culte  d'un  Attale;  il  avait 
déjà  donné  de  son  vivant  l'Attaleion;  il  laisse  par  testament, 
pour  des  sacrifices,  15.000  drachmes  et  une  maison.  A  Rho- 
des, un  érane  d'Esculape,  d'Apollon  et  d'Aphrodite  reçoit  en 
cadeau  un  terrain  pour  sépultures  et  un  ti^menos  bornè^.  A 
l'époque  romaine,  à  Athènes,  vers  34  avant  Jésus-Christ,  le 
collège  des  Soteriastes  célèbre  la  générosité  de  son  fondateur, 
mais  on  n'a  pas  l'acte  de  fondation*.  Dans  une  ville  de  Thes- 
salie,  les  intérêts  d'une  somme  de  2,000  drachmes,  léguée 
par  un  prêtre  de  Serapis,  servent  à  la  réunion  annuelle  des 
Ilypostoloi^.  A  Nysa,  sous  les  Antonins^  la  section  éphé- 
sienne  des  artistes  dionysiaques  reçoit  d'Alcibiadès  un  terrain 
dont  les  revenus  doivent  être  partagés  chaque  année  entre 
les  membres  au  jour  anniversaire  de  la  naissance  d'Hadrien. 
Très  souvent,  c'est  pour  célébrer  la  mémoire  du  bienfaiteur 
ou  de  membres  de  sa  famille  que  le  collège  reçoit  la  donation. 
A  ïhéra'^,  au  troisième  siècle  avant  Jésus  Christ,  une  femme 
donne  à  un  collège  du  dieu  Anthisteros  500  drachmes  pour 
des  sacrifices  à  sa  mémoire  et  à  colle  de  sa  fille;  deux  épis- 
copoi  doivent  placer  l'argent  sur  hypothèques.  A  lasos*, 
Phaenippos  fait  une  donation  au  collège  des  Presbyteroi;  une 
partie  des  revenus  est  affectée  à  des  sacrifices  sur  la  tombe 
de  son  père  ou  de  son  fils;  tout  manquement  aux  clauses  de 
la  donation  est  frappé  d'une  amende  de  3,000  drachmes  au 
profit  du  fondateur  ou  de  ses  héritiers.  Phaenippos  se  réserve 

1.  Michel,  1013. 

2  C.  ins.  gr.,  30G9  (Oittenberger,  Or.  gr.  inacr.  sel..  3'26). 

3.  Bull,  de  corr.  hell.,  1880,  138-145,  no  1. 

4.  Dlltenherger,  732. 

5.  Alhen.  Mlllh,,  7,  1882,  335,7  b. 

6.  Bull,  de  corr.  hell.,  1885,  pp.  125- 131. 

7.  I.  g.,  12,  3,  329. 

8.  Rev.  El.  gr.,  1893,  1C)()-1(>9,  n««  7-8. 

10e  SÉRIE.   —  TOME   X,  15 


186  MEMOIRES. 

d'abord  le  sacerdoce  et  les  profils  de  ce  culte  qui,  après  lui, 
sera  mis  aux  enchères.  A  Amorion,  en  Asie-Mineure,  au 
premier  siècle  après  Jésus-Christ \  les  Mystes  de  Mithras 
consacrent  à  Cyrille,  fille  défunte  d"Antipater,  un  autel  et 
une  fête  annuelle  payée  par  le  revenu  d'un  vignoble  qu'ils 
ont  acheté;  en  revanche,  Antipater  leur  donne,  pour  le  même 
but,  un  autre  vignoble.  Nous  avons  du  Bas  Empire,  sans 
doute  de  312*,  un  long  fragment  d'une  donation  faite  à  la 
fois  par  des  personnes  vivantes  et  par  les  testaments  de 
deux  autres  à  une  corporation,  sans  doute  celle  des  Athètes 
de  Rome^;  la  fondation  porte  le  nom  des  fondateurs. 


III. 


Plus  souvent  encore,  pour  assurer  le  culte  de  sa  mémoire 
ou  de  membres  de  sa  famille,  le  bienfaiteur  fonde  lui-même 
une  confrérie  soit  d'étrangers,  soit  surtout  de  parents.  C'est 
la  série  la  plus  intéressante  des  inscriptions.  Au  troisième 
siècle  avant  Jésus-Christ,  à  Halicarnasse*,  Posidonios  fonde 
un  thiase,  comprenant  ses  descendants,  les  maris  de  ses  des- 
cendantes et  personnes  assimilées  par  décret  du  collège,  pour 
le  culte  de  plusieurs  dieux  et  des  génies  du  fondateur  et  de 
sa  femme.  Il  y  affecte  des  terres,  maisons  et  la  moitié  du 
produit  d'une  terre  tenue  probablement  à  bail  emphytéotique; 
la  jouissance  des  biens  appartient  au  prêtre,  qui  est  le  plus 
âgé  des  descendants,  à  charge  de  verser  par  an  quatre  piè- 
ces d'or  aux  trois  officiants  (iTd[}.r,'noi)  annuels,  responsables 
devant  le  peuple;  si  le  prêtre  n'accepte  pas  ce  fermage,  les 
biens  seront  mis  en  commun  et  aff'ermés  par  les  officiants. 
A  Cos'',  au  deuxième  siècle  avant  Jésus-Christ,  le  texte  fait 
allusion  à  des  dispositions  qu'on  ne  peut  modifier.  Diomédon 


1.  7&id.,1889,  pp.  18,  A-G. 

2.  I.  g.,  14,956. 

3.  Cf.  C.  ins.gr.,  bdOQ. 

4.  Dittenberger,  641. 

5.  Ibid.,  734;  hiscr.,  jurid.  gr.,  1.  c,  pp.  94-103,  111-113. 


LES  FONDATIONS  PERPÉTUELLES  DANS  LE  DROIT  GREC.   187 

crée  pour  le  culte  d'Hercule  Diomédonteios,  pour  sa  mémoire 
et  celle  de  ses  ancêtres,  un  collège  de  famille  perpétuel,  com- 
posé de  ses  descendants  légitimes  et  pourvu  d'immeubles 
(une  maison,  doux  logements  d'étrangers  et  la  redevance 
emphytéotique  d'une  famille  affranchie),  inaliénables  et  qui 
ne  peuvent  être  hypothéqués.  A  la  même  époque,  à  Acrae- 
phiaeS  une  femme  Pythis,  agissant  seule,  crée  pour  le  culte 
de  son  fils  et  de  sa  fille,  des  Héroïstes,  recrutés  parmi  les 
éphèbes.  A  Hyettos^,  un  bienfaiteur  crée  et  pourvoit  de  ter- 
res une  société  familiale  perpétuelle,  où  chaque  membre  est 
remplacé,  au  choix  du  groupe,  par  un  de  ses  fils  ou  son  plus 
proche  parent,  ou  un  étranger  payant  un  droit  d'entrée  de 
.100  drachmes.  A  Myra,  en  Lycie^,  le  testateur  édifie  un 
herôon  avec  dépendances  et  en  lègue  la  jouissance  à  certai- 
nes personnes,  à  charge  de  le  garder  dans  leur  descendance 
et  d'y  demeurer.  Dans  beaucoup  de  cas,  nous  ignorons  si  les 
personnes  dites  fondatrices  d'un  thiase,  d'une  société,  ont 
fait  des  fondations  perpétuelles,  par  exemple  Nikasion  à 
Rhodes,  Sophron  à  Athènes*,  les  trois  Ménades  à  Magnésie 
du  Méandre%  un  inconnu  à  Mélos^.  A  Hierapytnade  Crète, 
une  femme  paraît  léguer  une  somme  à  un  thiase,  mais  on 
n'en  sait  pas  la  destination^.  L'exemple  le  plus  connu  et  le 
plus  intéressant  d'une  confrérie  familiale  est  contenu  dans 
le  testament  d'Epicteta^  à  Thera,  au  troisième  siècle  avant 
Jésus-C4hrist.  L'inscription  renferme  le  testament  et  le  règle- 
ment. Epicteta  obéit  à  la  recommandation  de  son  mari  Phoe- 
nix,  qui  a  déjà  créé  le  Musée  en  l'honneur  de  son  fils,  et  de 
son  autre  fils  Andragoras.  Elle  crée  avec  l'assistance  de  son 
gendre  et  tuteur,  en  présence  et  du  consentement  de  sa  fille 


1.  Dittenberger,  893;  I.  g.,  7,  2725. 

2.  Dittenberger,  740;  I.  g.,  7,  2808. 

3.  Benndorf,  lieisen  in  Lykieny  II,  36,  no  56. 

4.  Bull,  de  cotr.  helL,  1886,  201,  c;  Ephem.  nrch.,  1905,  234-243, 
no  9. 

5.  Michel,  856  a. 

6.  I.  g.,  12,  3,  1098. 

7.  C.  ins.  gr.,  2562. 

8.  Inscr.  jurid.  gr.,  1.  c,  pp.  77-94;  104-111. 


d88  MEMOIRES. 

Epiteleia,  cette  corporation  perpétuelle  qui  comprend  les  pa- 
rents mâles  présents  et  futurs,  les  présents  dénoiT^més  au 
nombre  de  vingt-cinq,  avec  leurs  femmes,  leurs  enfants  (les 
filles  seulement  tant  qu'elles  seront  sous  la  puissance  des 
pères),  les  filles  épiclères,  leur  maris  et  leurs  descendants, 
la  fille  de  la  testatrice  Epiteleia,  une  Epicteta  son  homonyme, 
puis,  probablement  à  titre  exceptionnel,  deux  femmes  et 
quatre  autres  avec  leurs  maris  et  leurs  enfants.  La  confrérie 
se  groupe  dans  le  Musée,  autour  du  sacerdoce  des  Muses  et 
des  Héros,  héréditaire  dans  la  descendance  masculine  d'Epi- 
teleia  ;  elle  se  réunit  tous  les  ans  pendant  trois  jours  pour 
célébrer  les  Muses  et  les  défunts,  héros,  Phoenix,  ses  deux 
fils,  plus  tard  Epicteta.  Pour  ce  culte,  Epicteta  lègue  à  l'as- 
sociation les  intérêts  annuels  de  3,000  drachmes,  soit  à 
7  ''/o  210  drachmes.  Le  capital  reste  entre  les  mains  de  l'hé- 
ritière; la  rente  dont  le  payement  incombe  à  Epicteta  et  à  ses 
héritiers'  est  garantie  par  une  hypothèque  perpétuelle  éta- 
blie sur  les  acquêts  de  la  testatrice.  Le  Musée  et  ses  dépen- 
dances, enclos,  statues,  portraits,  tombes,  légués  à  Epiteleia, 
mais  surveillés  par  la  corporation,  sont  affectés  au  service 
de  cette  dernière  et  inaliénables;  il  est  défendu  de  les  hypo- 
théquer, de  les  échanger,  d'en  aliéner  aucun  objet,  d'y  faire 
aucune  construction,  sauf  un  portique,  de  les  prêter,  sauf 
pour  les  noces  d'un  descendant  d'Epicteta.  Si  les  200  drach- 
mes ne  sont  pas  payées  par  les  héritiers,  la  corporation  peut 
les  prendre  sur  le  revenu  des  terres  désignées;  une  clause 
obscure  autorise  les  successeurs  à  transférer  la  garantie 
hypothécaire  sur  d'autres  fonds  suffisants.  La  corporation 
élit  ses  magistrats,  l'administrateur  (àpiuT'/iç),  les  officiants, 
epimenioi,  le  secrétaire  (àTuiaaocpoç),  l'archiviste,  des  commis- 
saires spéciaux.  Tous  les  membres  actuels  et  futurs,  les  jeu- 
nes gens  dès  leur  sortie  de  l'éphébie,  doivent,  par  rang  d'âge, 
officier  une  fois  à  leur  frais,  sous  peine  d'une  amende  de 
1,000  drachmes,  avec  exclusion  jusqu'au  paiement;  les  éco- 
nomies faites  pendant  les  années  de  service  gratuit  sont  pla- 

1.  Au  sujet  des  héritiers,  il  y  a  une  lacune  à  II,  2. 


LES  FONDATIONS  PERPÉTUELLES  DANS  LE  DROIT  GREC.   189 

cées  sur  hypothèques  suffisantes.  Chaque  officiant  reçoit  pour 
le  service  50  drachmes,  et  faute  de  s'acquitter  de  ses  fonc- 
tions s'expose  à  une  amende  de  150  drachmes,  recouvrable 
par  saisie,  avec  exclusion  jusqu'au  payement;  l'administra- 
teur chargé  provisoirement  du  service,  s'expose  aux  mêmes 
pénalités  en  cas  de  négligence  et  rembourse  au  double  les 
sommes  gardées  indûment.  Contre  la  négligence  du  secré- 
taire l'amende  est  de  300  drachmes.  Enfin,  il  est  interdit, 
sous  peine  d'une  amende  de  500  drachmes  avec  saisie,  de 
proposer  la  dissolution  de  la  confrérie,  la  suppression  des 
sacrifices,  l'amoindrissement  ou  le  partage  des  choses  com- 
munes, l'emploi  du  capital  pour  un  autre  usage. 

On  peut  mettre  à  côté  des  confréries  familiales,  quoi- 
qu'elles en  diffèrent  notablement  par  les  caractères  juridiques, 
les  sortes  de  confréries  philosophiques  créées  par  Théophraste 
et  Epicure*-^.  Dans  son  testament,  Théophraste  donne  une 
catégorie  spéciale  de  ses  biens,  le  bosquet,  le  jardin  et  la 
maison  attenante  à  ses  élèves  et  amis  qui  veulent  continuer 
à  philosopher  ensemble,  au  nombre  de  dix^.  Ce  n'est  pas  là 
une  vraie  corporation,  mais  simplement  une  propriété  indi- 
vise et  transmissible  avec  défense  d'aliénation.  Théophraste 
ne  parle  pas  d'accroissement  entre  les  survivants;  mais,  en 
fait,  il  y  a  eu  dans  la  suite  substitution  et  accroissement 
tacites,  puisqu'un  des  derniers  survivants,  Straton,  dispose 
des  biens-fonds  par  testament.  Nous  ignorons  pour  quelle 
raison  Théophraste  n'a  pas  fondé  une  vraie  corporation.  Il 
avait  dû  prévoir  les  difficultés  du  recrutement  et  d'ailleurs  il 
ne  pouvait  guère  mettre  une  fondation  sous  l'appui  d'Athè- 


1.  V.  Bruns,  Zcitsch.  d.  Savigny-Siiftung,  I,  i,  1-52;  Dareste, 
Les  teslamenls  des  philosophes  grecs  {Annuaire  de  l'Assoc.  des 
éludes  grecques,  1882,  1-21);  Inscr.  jurid.  gr.,  1.  c,  p.  108. 

2.  Je  laisse  de  côté  la  légende  sur  la  coupe  d'or  donnée  par  un 
ami  de  Orésiis  au  plus  sa^je  Grec  et  transmise  ainsi  de  main  en  main 
par  une  sorte  de  substitution  fidéicommissaire  depuis  Tlialés  jusciu'â 
Chilon  (Diog.  La.  I,  i,  29-31).  Ce  serait  le  plus  ancien  exemple  de 
coupe. 

3.  Diog.  La.  5,  2,  52-53, 


190  MÉMOIRES. 

nés  qui  l'avait  exilé.  En  tout  cas,  Straton^  laisse  le  jardin, 
l'enclos  et  le  mobilier  par  testament  à  Lycon;  à  son  tour, 
Lycon^  laisse  les  immeubles  eu  commua  à  dix  personnes 
qui  doivent  se  choisir  un  administrateur.  Dans  une  autre 
école,  le  testament  d'Epicure^  confirmant  une  donation  anté- 
rieure charge  par  fldéicommis  les  héritiers  institués  ainsi 
que  leurs  successeurs  de  tenir  à  la  disposition  de  son  suc- 
cesseur Hermarchos,  de  son  groupe  de  philosophes  et  de  ses 
successeurs,  le  jardin  et  le  verger;  ces  fonds  sont  ainsi  gre- 
vés d'une  sorte  de  droit  d'usage  fîdéicommissaire.  Los  fêtes 
prescrites  aux  héritiers  en  l'honneur  des  parents  du  testateur 
sont  encore  célébrées  à  l'époque  de  Pline  l'A^ncien*.  Gicéron 
intervient  pour  la  conservation  des  jardins^  A  une  certaine 
époque,  les  chefs  de  l'école  d'Epicure  durent  probablement 
être  citoyens  romains  et  ne  pouvoir  tester  que  dans  la  forme 
romaine  en  instituant  un  citoyen  romain  pour  successeur, 
car  vers  121  l'impératrice  Plotine  sollicite  et  obtient  d'Hadrien 
l'autorisation  de  tester  à  la  façon  grecque  et  de  se  désigner 
un  successeur  pérégrin^  On  peut  voir  aussi  une  sorte  de 
substitution  et  d'accroissement  tacites  dans  le  texte  de  Polybe^ 
sur  l'usage  qu'avaient  en  Béotie,  au  troisième  siècle,  les  gens 
sans  enfants  de  léguer  leurs  biens  à  leurs  amis  pour  célébrer 
en  commun  des  banquets  et  des  orgies. 

Une  fondation  d'un  genre  particulier  est  celle  de  la  ville 
de  Kydonia  de  Crète,  qui  affecte  des  terres  et  une  maison 
en  usufruit  à  ses  proxènes^. 


1.  lUd.,  5,  3,  62. 

2.  Ibid.,  5,  4,  70. 

3.  Ibid.,  10,  17. 

4.  Hist.  nat.,  35,  2,2. 

5.  Ad.  AU.,  5,  11;  ad  fam.  13,  1. 

6.  V.  Dareste,   U7i   rescrit  de  l'empereur  Hadrien  (Nouv.  Eev; 
hist.  de  droit,  1892,  522-624). 

7.  20,  6,  5. 

8.  C.  ins.  gr.,  1840;  Rev.  El.  gr.,  1897,  138. 


LES  FONDATIONS  PERPÉTUELLES  DANS  LE  DROIT  GREC.   191 


IV. 


La  majeure  partie  des  fondations  a  lieu  en  faveur  des  vil- 
les, pour  leur  écoles,  leurs  jeux,  leurs  gymnases,  pour  des 
distributions  d'argent  et  de  vivres.  A  toutes  les  époques,  c'est 
un  des  traits  les  plus  caractéristiques  de  la  société  grecque 
que  cette  générosité  des  Grecs  à  l'égard  de  leurs  concitoyens. 
Elle  est  d'ailleurs  commandée  par  la  détresse  croissante  des 
villes  grecques,  par  la  concentration  de  plus  en  plus  visible 
des  capitaux  dans  un  petit  nombre  de  mains.  Ces  fondations 
se  multiplient  à  l'époque  romaine.  Les  droits  grec  et  romain 
se  touchent  alors,  se  pénètrent;  c'est  très  probablement  aux 
villes  grecques  de  l'Orient  et  de  l'Occident  que  Rome  em- 
prunte en  particulier  la  pratique  des  distributions  frumen- 
taires. 

Pour  les  écoles,  on  connaît  trois  fondations.  A  Téos^  un 
citoyen  donne  34,000  drachmes  pour  le  traitement  des  maî- 
tres des  garçons  et  des  filles,  trois  grammairiens  à  600,  550 
et  500  drachmes,  deux  paedotribes  à  500,  un  professeur  de 
cithare  ou  de  harpe  à  700,  un  hoplomaque  à  300,  un  autre 
professeur  de  gymnastique  à  250,  avec  des  examens  publics 
annuels.  11  est  défendu  de  proposer  aucune  modification  de 
la  fondation,  d'employer  l'argent  autrement,  sous  peine  de 
malédiction  publique,  de  procès  pour  sacrilège  avec  amende 
de  10,000  drachmes;  les  trésoriers  doivent  placer  l'argent  et 
verser  les  intérêts  sous  peine  d'une  amende  de  4,000  drach- 
mes, moitié  pour  la  ville,  moitié  pour  l'accusateur.  A  Del- 
phes*, entre  153  et  138,  Attale  II  fait  au  temple  une  fonda- 
tion de  21,000  drachmes  dont  2,000  pour  le  culte  et  19,000 
pour  les  écoles.  Il  est  défendu  de  l'employer  autrement  sous 
peine  d'une  accusation  de  sacrilège  devant  les  Mastroi  et  do 
condamnation  à  l'octuple.  La  somme  doit  être  placée  par 
portions  de  cinq  mines  au  moins  pour  cinq  ans  par  trois  épi- 

1.  Dittenberger,  523. 

2.  Ibid.,  306, 


192  MÉMOIRES. 

mélètes  électifs  assermentés,  à  7  %,  sur  hypothèques  fonciè- 
res d'une  valeur  double  du  prêt  et  avec  des  cautions,  avec 
inscription  des  noms  des  débiteurs  et  des  hypothèques  sur 
deux  tableaux.  Tous  les  cinq  ans  l'argent  doit  être  rendu, 
sinon  la  ville  se  saisit  des  hypothèques  et,  en  cas  d'insuffi- 
sance, a  recours  sur  les  biens  des  débiteurs  et  des  cautions. 
Le  retard  du  payement  de  l'intérêt  comporte  l'amende  de  la 
moitié  en  sus,  elle  frappe  également,  avec  l'atimie,  les  épi- 
mélètes  qui  ne  versent  pas  de  suite  l'argent  à  la  caisse. 
Enfin,  Eumène,  roi  de  Pergame,  a  donné  à  Rhodes  280,000 
boisseaux  de  blé;  les  intérêts  du  prix  de  vente  servent  à 
payer  des  maîtres  d'école'. 

Pour  des  fondations  de  jeux,  on  a  d'abord  les  inscrip- 
tions de  Gorcyre  (deuxième  ou  troisième  siècle  av.  J.  G.)^. 
Aristoménès  et  sa  femme  Psylla  affectent  120  mines  à  l'en- 
gagement d'artistes  dionysiaques;  un  an  après  que  cette 
somme,  avec  les  intérêts,. aura  atteint  180  mines,  on  louera 
tous  les  deux  ans^  pour  les  Dionysies,  trois  joueurs  de  flûte, 
trois  tragédiens,  trois  comédiens  qui  toucheront  50  mines 
pour  leur  salaire,  le  reste  de  l'argent  pour  leur  entretien.  Le 
Sénat  et  les  nomophylaques  reçoivent  les  comptes  de  l'ago- 
nothète  et  des  trois  commissaires  annuels,  électifs,  rééligi- 
bles  à  deux  ans  d'intervalle,  âgés  de  35  à  70  ans,  chargés 
de  placer  l'argent,  année  par  année,  à  24  p.  100,  et  d'admi- 
nistrer la  fondation,  menacés,  s'ils  ne  placent  pas  l'argent, 
d'une  amende  de  30  mines,  et  dans  les  autres  cas  de  négli- 
gence, s'ils  ne  font  pas  rentrer  le  capital  et  les  intérêts,  s'ils 
ne  les  transmettent  pas  aux  successeurs,  de  la  restitution 
au  double.  Sauf  le  cas  de  force  majeure,  de  guerre,  il  est 
défendu  de  proposer,  de  faire  un  autre  emploi  de  la  dona- 
tion, sous  la  menace  d'un  procès  porté  par  le  bureau  du 
Sénat,  les  prodiJwï,  devant  le  prostate  des  proboules  qui  le 
fait  juger  dans  les  trente  jours,  et  d'une  amende  de  60  mines 
au  profit  des  fondateurs  et  de  leurs  héritiers  ;  il  y  a  la  même 


1.  Polyb:,  27,17,  1. 

2.  I.  g.,  9,  694;  Inscr.  jurid.  gr.,  1.  c,  pp.  111-128,  137-144. 


LES    F()M)ATI().NS    IMIKPÉTUKLLES    DANS    Li:    DROIT    GREC.       193 

menace  contre  les  héritiers.  Dans  un  tVagnient  d'une  dona- 
tion analogue  a  L'MicadeS  en  cas  d'intraction  au  règlement, 
il  y  a  retour  à  six  personnes  énuniérées;  il  s'agit  peut-être 
(le  six  héritiers,  (pioique  leurs  noms  soient  différents. 
A  Pagai^  (deuxième  siècle  av.  J.-C),  Solelès  affecte  1,200  dr. 
aux  jeux  annuels  de  la  pyrrhique.  A  l'époque  d'Auguste, 
Sosihios,  sénateur  romain,  a  légué  à  Antioche  15  talents  de 
revenu  pour  des  jeux  annuels^  Sous  les  Antonins,  à  Aphro- 
disias*,  un  grand-prêtre  de  l'Asie,  d'une  famille  de  bienfai- 
teurs de  la  ville,  lui  a  légué  pour  des  jeux  musicaux  qua- 
driennaux un  capital  qui,  probablement  réservé,  avec  les 
intérêts  jusqu'à  une  certaine  date,  s'élève  à  120,000  deniers. 
A  Eresos^,  un  fragment  n'indi(|ue  que  la  défense  d'hypothé- 
quer, d'engager  la  fondation,  d'en  changer  l'emploi.  La 
fondation  de  Samos  est  obscure^  Diotimos  a  donné  ses 
immeubles  en  s'en  réservant  l'usiitVuit  et  en  se  chargeant, 
par  compensation,  de  nombreuses  liturgies.  Un  fragment 
mutilé  de  Lampsaque"^  se  rapporte  sûrement  à  une  fondation 
pour  la  fête  des  Asklepeia  deux  fois  par  an;  il  prévoit  une 
grosse  amende  à  partager  entre  le  dénonciateur  et  le  dieu. 
Au  Digeste^,  Modeslin  signale  un  cas  curieux  en  langue 
grecque  :  une  femme,  Septicia,  fonde  des  jeux  quadriennaux 
au  capital  de  o(),000  deniers;  elle  garde  le  capital  et  donne 
caution  devant  les  magistrats  municipaux  de  verser  l'intérêt 
usuel,  en  instituant  comme  agonothètes  son  mari,  puis  ses 
enfants. 

De  nombreux  textes  se  rapportent  à  la  fourniture  de  l'huile 
pour  les  gymnases  :  à  Erétrie^,  où  la  donation  est  de 
40,000  dr.  placées  sur  hypothèques;  à  Mycènes,  où  elle  est 

1.  r.  -.,  0,  r).T,  ;    fHsr.r.Jurid.  gr.,  1.  .c,  pp.  T^S,  IVi-l'i^. 

2.  Jahrnshrfti',   10.    1  ;-:;•.>. 

:}.  l^'i-dij.  /lis/.  (II-..  .'(1.  Di.lot.  IV.  r>7<),  />.  ."). 

'\.  ''    'ntsi-f.  (/!•..  '!]  M  ;  d'.  :J/ l'J,  :2/(Sr>. 

r^.  I.  -.,  li,  i.  ri-iii. 

(i.    H/Ul.  (h;  ion-.  /leLi.,  Ki,  'ïtl . 
1 .   ''.  /ns<-/-.  //y.,  |-}1j41. 

8.  r,o,  r.\  10. 

9.  l{li;ni-;il..',  Ant.  heU.,m9,\    l.VJi. 


194  MÉMOIRES. 

de  1.500  dr.  placées  avec  cautions*;  à  Kyparissia^,  de  la 
part  du  citoyen  romain  G.  Julius  Euryclès;  à  Gythion%  de  la 
part  d'une  femme  Faenia,  assistée  de  son  tuteur  :  elle  laisse 
par  testament  8,000  deniers  pour  l'huile  du  gymnase  en 
faveur  des  citoyens,  des  étrangers,  et  aussi,  six  jours  par 
an,  des  esclaves.  La  somme  est  placée  sur  gages  suffisants  ; 
la  plainte  est  ouverte  à  toute  personne  pour  violation  des 
clauses,  probablement  devant  Sparte.  L'accusateur  a  2.000  de- 
niers ;  la  somme  restante  passe  aux  Lacédémoniens  et,  en 
cas  de  négligence  de  leur  part,  à  une  déesse.  Hérode  avait 
fait  dans  de  nombreuses  villes,  en  particulier  à  Gos,  des  fon- 
dations pour  la  gymnasiarchié  et  aussi  la  fourniture  de  blé*. 
A  Jasos^,  Ganinius  donne  5,000  deniers  que  le  peuple  et  le 
Sénat  affectent  à  perpétuité  à  la  fourniture  d'huile  à  un  des 
quatre  gymnases  municipaux,  à  celui  des  Neoi  pendant  le 
sixième  mois  de  l'année,  et,  s'il  y  a  excédent,  pendant  les 
autres  mois  ;  le  capital,  placé  à  9  p.  100,  est  administré  par 
un  éj)imélète  spécial,  élu  pour  cinq  ans,  parmi  les  décaprotes 
ou  les  icosaprotes  ;  il  est  défendu  de  proposer  un  autre 
emploi  de  l'argent,  sauf  pour  parfaire  le  prix  de  biens 
acquis  par  le  gymnase,  sous  peine  d'une  amende  de  5,000  de- 
niers au  profit  du  fisc.  A  Apamée^,  Mithridatianus,  prêtre 
viager  de  Zeus  Kelaineus,  qui  a  été  gymnasiarque  et  ago- 
ranome  pendant  les  assises  du  conventus,  abandonne  les 
15,000  deniers  de  la  subvention  municipale  et  donne  en 
outre  19,000  deniers  ;  ce  capital  est  placé  à  12  p.  100,  et  les 
intérêts  servent  probablement  à  fournir  l'huile  du  gymnase 
et  à  supprimer,  par  conséquent,  à  l'avenir,  cette  liturgie. 
La  fondation  d'^gialè,  dans  l'île  d'Amorgos,  est  particuliè- 
rement intéressante"^.  Gritolaos,  dont  le  fils  a  été  reconnu 


1.  I.  g.,  4,  498;  Inscr.  jurid.  gr.,  1.  c.  p.  143. 

2.  Le  Bas,  l.  c,  237  a. 

3.  Ibid.,2i'àSi. 

4.  Joseph,  bell.  jud.,  I,  21, 11. 

5.  Rev.  EL  gr,,  1893,  157,  no  3. 

6.  Bull,  de  corr.  helL,  1893,  308,  no  6. 

7.  V.  Ziebarth,  Eph.  arch.,  1907,  185;  Dareste,  Rev.  de  philolog., 


LES  FONDATIONS  PERPÉTUELLES  DANS  LE  DROIT  GREC.   195 

héros  officiellement,  a  donné,  pour  un  sacrifice,  un  banquet 
et  des  concours  agonistiques,  un  capital  de  2,000  dr.  qui 
doit  être  placé  par  les  prytanes,  les  archontes  des  commis- 
saires et  Gritolaos  lui-même,  à  10  p.  100,  par  portions  dont 
le  chiffre  a  disparu';  chaque  emprunteur  fournit  un  gage 
libre  d'hypothèque  antérieure,  valant  au  moins  2,000  dr. 
Le  greffier  inscrit  sur  le  registre  public  le  débiteur,  désigné 
comme  à  Athènes  par  son  nom,  celui  de  son  père  et  sou 
dème,  la  somme,  la  terre,  les  noms  des  propriétaires  rive 
rains;  l'intérêt  est  versé  tous  les  ans  au  Sénat.  Gomme  pour 
les  biens  des  tribus,  la  ville  ne  peut  réclamer  le  capital,  ni 
les  emprunteurs  le  rembourser  ;  le  remboursement  est  nul, 
entraîne  une  amende  de  1,800  dr.  contre  les  archontes  qui 
l'ont  reçu  ;  la  dette  subsiste  dans  les  mêmes  conditions  et 
sur  les  mêmes  hypothèques.  On  a  donc  une  sorte  de  rente 
constituée.  Le  débiteur  en  retard  à  l'échéance  doit  les  inté- 
rêts plus  la  moitié,  comme  pour  les  terres  sacrées;  en  outre^, 
le  bien  hypothéqué  est  afl^ermé  d'office  :  le  fermier  doit  faire, 
sous  peine  d'une  amende  de  200  dr.,  l'avance  du  fermage  sur 
lequel  la  ville  prélève  les  intérêts  arriérés  et  la  moitié  en  sus, 
avec  la  restitution  de  l'excédant  au  débiteur  primitif.  On  pré- 
voit l'hypothèse  où  le  fonds  hypothéqué  changerait  de  main  par 
vente  ou  hypothèque;  c'est  le  nouveau  propriétaire  qui  doit 
apporter  l'intérêt  au  Sénat.  Il  y  a  là  quelque  chose  d'obscur  : 
on  ne  voit  pas  bien  si  ce  créancier  hypothécaire  doit  l'inté- 
rêt avant  même  d'être  en  possession  de  la  terre.  En  tout  cas, 
s'il  ne  verse  pas  l'intérêt,  le  bien  est  affermé  comme  précé- 
demment. Les  intérêts  sont  remis  de  suite  à  deux  épimélètes 
âgés  d'au  moins  trente  ans,  responsables  eux  et  leurs  héri- 
tiers, et  qui  doivent  organiser  la  fêle  sous  peine  d'une 
amende  de  1,000  dr.  Naturellement,  il  est  défendu  de  pro- 


1908,  l/i9-154;  Noiiv.  litv.  hisL  de  droit,  1908,  C39;  Th.  Reinacli,  Rav. 
Et.  gr.,  1908,  241-250;  I.  g.,  12,  7,  515. 

1.  Th.  Reinach  propose  900  dr.,  Ziebarth  et  Dareste  le  chiffre  phis 
probable  de  200. 

2.  Comme   le   remarque  M.  Tli.  Ueinuch,  il  y  a  ici  une  ellipse, 
expliquée  par  1.  109. 


196  MÉMOIRES. 

poser,  de  faire  voter  une  autre  affectation  du  capital,  sous 
peine  d'amende,  de  confiscation  des  biens,  avec  la  moitié  de 
la  condamnation  pour  le  dénonciateur. 

Viennent  enfin  les  fondations  d'aliments  et  de  distribution 
d'argent'.  La  plus  importante  est  celle  de  Samos,  du  début 
du  deuxième  siècle  avant  Jésus-Christ*.  Nous  n'avons  pas 
le  commencement  du  texte,  mais  il  s'agit  certainement  d'une 
fondation  pour  des  distributions  de  blé.  Les  commissaires, 
[jLéXsStovoi,  élus  tous  les  ans,  un  par  millénie  ou  chiliastye,  au 
théâtre,  à  la  seconde  assemblée  du  dernier  mois  de  l'année, 
pris  parmi  les  plus  riches,  rééligibles  cinq  ans  de  suite, 
doivent  prêter  l'argent,  nous  ignorons  pour  combien  de 
temps  et  à  quel  taux,  mais  sur  des  hypothèques  foncières  et 
avec  des  cautions  inscrites  sur  les  registres  publics  par  les 
prytanes,  et  probablement  vérifiées  tous  les  ans  par  chaque 
chiliastye.  Les  commissaires  doivent  lever  et  remettre  les 
intérêts,  sous  peine  d'une  amende  de  10,000  dr.,  prise  sur 
leur  fortune  par  confiscation,  et  de  l'atimie.  L'argent  est 
reçu  par  deux  autres  commissaires  du  blé,  élus  un  par 
tribu,  riches  d'au  moins  trois  talents  et  assujettis  à  une  red- 
dition de  comptes  mensuelle.  Ils  achètent,  au  moins  à  cinq 
drachmes  un  tiers  le  boisseau,  le  blé  de  la  déesse  Hera,  qui 
provient  du  vingtième,  livré  sans  doute  comme  prémices,  par 
la  ville  côtière  et  dépendante  d'Anaia;  ils  le  distribuent  aux 
habitants;  ils  placent  le  reliquat  de  l'argent  avec  hypothè- 
ques et  cautions,  et  sont  eux-mêmes  responsables  person- 
nellement pour  les  cautions.  Si  le  peuple  décide  de  nouveaux 
achats  de  blé,  ils  remettent  le  reliquat  à  un  nouveau  com- 
missaire, sitônès,  riche  d'au  moins  deux  talents,  et  qui 
achète  également  le  blé  dans  la  région  d'Anaia.  Les  distri- 
butions de  blé  sont  de  deux  boisseaux  par  tête  et  par  mois, 
jusqu'au  dixième  jour  du  mois  pour  les  présents,  jusqu'à  la 
fin  pour  les  absents,  les  malades  seuls  étant  autorisés  à  faire 


1.  Nous  laissons  de  côté  les  fondations  du  monde  latin. 

2.  V.  Von  Wilamowitz-Moellendorfï,   SiUungs-Berichte  d.    Berl, 
Akad.,  1904,  917-931  ;  Talheim,  Hermès,  1904,  604-610. 


LES  FONDATIONS  PERPÉTUELLES  DANS  LE  DROIT  GREC   197 

retirer  leur  part  par  d'autres.  Si  le  commissaire  d'une  tribu 
n'a  pas  versé  les  intérêts,  sa  tribu  est  privée  temporairement  . 
de  distributions,  sauf  s'il  se  produit  des  contributions  volon- 
taires. Contre  rempruntem-  qui  ne  paie  pas  Pintérèt,  il  y  a 
vente  de  l'hypothèque,  puis  recours  contre  la  caution,  avec 
restitution  au  débiteur  de  l'excédant  de  la  vente  du  gage,  de 
Vhyperochè,  Une  amende  de  10,000  dr.  frappe  tout  magis- 
trat, commissaire,  orateur  qui  ferait  voter  un  emploi  diffé- 
rent de  l'argent.  On  a  vu  les  fondations  alimentaires  d'Hé- 
rode.  A  l'époque  romaine,  à  Assus  de  Mysie*,  un  prêtre  a 
sans  doute  demandé  au  peuple  d'employer  l'argent  de  col- 
lectes sacrées  à  des  distributions,  150  dr.  ou  300  trioboles 
par  tribu.  En  Paraphylie,  on  a  la  mention  d'une  fondation 
alimentaire  pour  enfants^.  Mommsen  a  vu  une  fondation 
alimentaire  à  celles  de  Trajan  dans  une  inscription  d'Athè- 
nes malheureusement  très  mutilée ^  C'est  probablement  à 
des  fondations  alimentaires  d'Orient  et  d'Occident  que  se 
rapporte  un  texte  d'Ulpien*.  Il  paraît  y  en  avoir  une  au 
deuxième  siècle  à  Philadelphie  pour  des  distributions  de 
blé^.  A  Aphrodisias^  1.000  deniers  ont  été  aôectés  à  des 
distributions  au  Sénat,  aux  tribus  et  à  d'énigmatiques 
%povXr^poi',  à  Traites,  plus  de  3,000  deniers  en  faveur  du 
Sénats.  Une  série  d'inscriptions  d'Ephèse,  malheureusement 
fragmentaires,  contient  les  donations  faites  à  Ephèse  en  51)4 
par  le  chevalier  romain  G.  Vibius  Salutaris  et  confirmées 
par  le  proconsul.  Elles  comprennent,  outre  plusieurs  statues 
à  des  divinités,  un  capital  de  20,000  deniers  dont  les  inté- 
rêts à  9  p.  100,  soit  1.800  deniers,  seront  distribués  tous  les 
ans  aux  sénateurs,  même  absents,  à  raison  d'un  denier  par 

1.  C.  inscr.  g)'.,  3599. 

2.  Lanckoronski,  Slâdte  Pamphyliens  und  Pisldieiis^  I,  no  58. 

3.  I.  g.,  3,  61  a;  v.  Gaillemer,  Aiinuaire  de  l'Assoc.  d.  El.  gr.^ 
1876,  163-169. 

4.  Dig.,  50,  8,  2,  §  3  «  Fncmentariae pecunidc  suo  nomine  debi- 
tor.  » 

5.  C.  inscr.  gr.,  3422. 

6.  Rev.  Et.  gr.,  1906,  131,  no  60. 

7.  Alh.  MiUh,,  8,  321-329. 


198  •  MEMOIRES. 

tête,  aux  membres  de  la  gérousie  probablement  au  même  tarif, 
à  mille  deux  cents  citoyens  à  un  demi-denier  par  tête,  aux 
éphèbes,  à  des  prêtres  et  prêtresses'.  Nous  n'avons  pas  le  texte 
(lu  testament  d'Hérode  Atticus  à  Athènes;  nous  savons  seule- 
ment^ qu'il  avait  publié  de  son  vivant  ce  testament  qui  don- 
nait ù  chaque  Athénien  une  mine  par  an  ;  il  racheta  ce  legs 
en  offrant,  une  fois  pour  toutes,  cinq  mines  par  tête  dont  il 
esquiva  du  reste  le  payement  en  opposant  la  compensation  de 
créances  antérieures.  En  tout  cas,  la  donation  ne  s'appli- 
quait sans  doute  qu'aux  Athéniens  vivants  et  ne  constituait 
pas  une  fondation. 

L'histoire  des  fondations  perpétuelles  constitue  donc  un 
chapitre  intéressant  de  l'histoire  des  mœurs,  des  finances  et 
du  droit,  surtout  du  droit  hypothécaire  de  la  Grèce,  quoi- 
qu'on trouve  encore  plus  de  donations  pures  et  simples  que 
de  fondations.  Pour  les  modalités  des  fondations,  il  s'est 
établi  de  très  bonne  heure,  comme  pour  les  autres  parties 
du  droit,  une  pratique  à  peu  près  analogue  dans  toutes  les 
villes  grecques.  On  y  trouve  :  les  actes  qui  renferment  la 
volonté  du  fondateur,  testament,  règlement;  le  décret  d'ac- 
ceptation de  la  personne  morale,  corporation,  cité;  le  même 
luxe  de  précautions  que  dans  la  vie  politique  :  hypothèques 
et  cautions  fournies  par  le  débiteur,  fonctionnaires  spéciaux, 
responsables,  assermentés,  amendes  et  malédictions,  encou- 
ragements et  primes  aux  dénonciations,  protection  de  la  fon- 
dation par  l'autorité  publique.  Le  fondateur  jouit  de  la  plus 
complète  liberté.  Les  femmes  jouent  un  rôle  très  important. 


Gh.  Légrivain. 


1.  Gr.  Inscr.  of.  Brit.  Mus.,  3,  481. 

2.  Philostr.  vit.  soph.,  2,  1,  5-6. 


UNE   VICTIME   DE   i/aVIATION    AU   Xl^    SIÈCLE.  199 


UNE  VICTIME  DE  L'AVIATION 

AU   ONZIÈME   SIÈCLE 
Par  m.  MASSIF' 


Quand  on  parle  de  l'aviation  dans  l'antiquité,  le  premier 
mot  appartient  à  la  fable;  c'est  Dédale  qui  apparaît  d'abord 
dans  le  cadre  poétique  ou  l'ont  placé  Ovide  et  Horace.  Mais 
la  fable  n'est  aux  yeux  de  nos  contemporains  que  le  manteau 
de  la  réalité.  Elle  prouve  qu'on  a  fait  de  l'aviation  dans  la 
plus  lointaine  antiquité*;  des  figures  d'hommes  aligères  que 
l'on  a  découvert  sculptées  sur  d'antiques  bas  reliefs  justi- 
fient cette  opinion  ^  et  il  semble  qu'Horace  la  tienne  pour 
certaine  si  l'on  prend  à  la  lettre  les  expressions  qu'il  emploie 
dans  l'Ode  ni'"«  du  liv.  i«'. 

S'il  est  vrai  que  des  hommes  aient  plané  dans  les  airs  sur 
des  ailes  artificielles,  «  permis  non  homini  datis  >,  il  est 
bien  surprenant  qu'Homère  et  Hésiode  ne  nous  en  ait  rien 
(lit,  et  que  le  nom  de  Dédale  n'ait,  dans  leurs  écrits,  que  la 
valeur  d'une  épithéte  attribuée  aux  ouvriers  les  plus  ingé- 
nieux. Cette  observation  a  amené  un  des  plus  doctes  fami- 
liers de  l'antiquité  a  conclure  que  «  le  Dédale  des  temps 
mythologiques  est  un  de  ces  personnages  collectifs  dans 
l'histoire  duquel  on  a  réuni  tout  ce  que  les  traditions  vrais 

1.  Lu  dans  la  séance  du  21  avril  1910. 

2.  Commandant  P.  Renard,  L'aéronautique  (Bibl.  de  philosophie 
scientifique).  Paris,  Flammarion,  1908,    p.  8. 

3.  Avia  (Revue  des  sciences  aéronautiques,  n»  2).  —  D»*  Cousin,  Le 
vol  à  voile  était-il  connu  dans  la  plus  haute  antiquité?  (Hist.  de 
Dédale). 


200  MEMOIRES. 

OU  fausses,  ou  du  moins  altérées,  avaient  conservé  de  sou- 
venirs des  travaux  de  plusieurs  ouvriers  habiles  »  '. 

La  question  serait  dès  lors  grandement  simplifiée  et  Dédale 
ne  serait  plus  admis  à  figurer  dans  l'histoire  ancienne  de 
l'aviation,  si  les  témoignages  iconographiques  dont  nous 
venons  de  parler  ne  donnaient  toutes  les  apparences  de  la 
vérité  à  la  tradition  qu'il  représente.  Mais  qui  oserait  affir- 
mer expressément  que  ces  mortels  aux  ailes  éployées  sont 
des  aviateurs?  Le  symbolisme  plane  sur  tout  l'Orient  et  il 
paraît  plus  sage  de  rattacher  ce  vol  énigmatique  aux  aspi- 
rations de  la  pensée  vers  un  invisible  idéal  qu'a  des  combi- 
naisons de  mécanique  et  à  des  formules  de  mathématiques, 
ouvrage  trop  délicat  d'une  part,  et  d'autre  part,  trop  savante 
étude,  comme  le  prouvent  dans  le  même  ordre  d'idées  et  de 
procédés  les  tâtonnements  dé  la  science  contemporaine. 
€  Les  figures  de  chérubins  en  adoration  qui  ombrageaient 
de  leurs  ailes  la  redoutable  arche  d'alliance  ressemblaient 
beaucoup,  du  moins  pour  la  composition,  à  celles  que  nous 
présentent  des  monuments  Egyptiens,  et  il  est  bien  à  suppo- 
ser que  les  formes  et  le  travail  n'offraient  pas  de  grandes 
différences  entre  les  sculptures  de  l'Egypte  et  celles  des  ou- 
vriers hébreux,  qui,  élevés  à  son  école,  en  avaient  emporté 
et  conservé  les  idées  »*.  Ces  figures  d'anges  inclinés  devant 
le  Saint  des  Saints,  imitation  des  divinités  inférieures  qui 
déployaient  leurs  ailes  sur  les  parois  des  temples  égyptiens 
ne  comportent  pas,  ce  nous  semble,  une  interprétation  plus 
précise  que  celle  qui  s'attache  naturellement  à  toute  sculp- 
ture idéographique. 

Néanmoins  la  légende  d'Icare  a  traversé  les  siècles.  «  Vou- 
loir imiter  Pindare,  écrit  Horace,  c'est  vouloir,  comme  les 
fils  de  Dédale,  s'élever  sur  des  ailes  de  cire  »  ^  ;  funeste  lé- 
gende! n'eut-elle  provoqué  que  la  chute  de  ce  comédien  qui 

1.  De  Clarac,  Musée  de  sculpture  antique  et  moderiie,  t.  ii,  pre- 
mière partie,  p.  13. 

2.  De  Clarac,  Musée  de  sculpture  antique  et  moderne,  t.  m,  intro- 
duction, p.  8. 

3.  Liv.  IV.  Ode  2.  . 


UNE   VICTIME   DE   l'aVIATION    AU   XI®   SIÈCLE.  201 

voulut  jouer  le  rôle  d'Icare  devant  Néron  et  dont  le  sang 
éclaboussa  la  toge  de  César '. 

En  somme,  le  seul  fait  positif  que  Ton  relève  dans  l'anti- 
quité est  le  vol  de  la  colombe  d'Arcbytas  sur  les  murs  de 
Taronte,  400  ans  avant  notre  ère,  et  cette  fois  il  ne  s'agit  plus 
d'une  aventure  destinée  au  concert  des  lyres,  mais  d'un  essai 
véritablement  scientifique,  qui  fit  l'admiration  de  la  Grèce 
et  que  nous  avons  imité. 

L'enquête  n'est  pas  plus  heureuse  dans  le  lointain  Moyen- 
âge.  On  n'y  voit  que  le  cerf- volant  des  soldats  de  Guillaume 
le  Conquérant,  importation  orientale  qui  servait  de  signal, 
et,  si  l'on  veut,  fantôme  de  l'idée  du  voP.  C'est  cependant 
à  la  même  époque  qu'eut  lieu  la  première  tentative  sérieuse 
d'aviation.  On  n'ignore  pas  le  fait,  mais  on  ne  l'a  pas  jugé 
digne  de  prendre  place  dans  l'histoire,  ou  du  moins  ne  lui 
accorde  t  on  qu'une  vague  mention  :  le  nom  de  son  auteur, 
estampillé  d'une  pointe  de  ridicule,  c'est  tout. 

En  1060,  écrit- on,  un  moine  bénédictin  de  l'abbaye  de 
Malmesbury  et  qu'on  appelle  indifféremment  Elmer,  Egel- 
mer  ou  Olivier,  adonné  aux  pratiques  de  l'astrologie,  rêva 
qu'il  serait  plus  heureux  ou  plus  habile  que  l'infortuné  Icare. 
De  la  plate-forme  d'une  haute  tour  et  affublé  d'une  paire 
d'ailes  imitées  des  Métamorphoses,  il  s'élança  dans  le  vide. 
Une  chute  lamentable  que  la  mort  suivit  de  près  donna  un 
brutal  démenti  aux  espérances  de  son  aveugle  horoscope. 

Il  est  certain  qu'ainsi  présenté,  ce  cas  relève  de  la  patho- 
logie. Mais  les  vieux  chroniqueurs  l'ont  raconté  d'une  toute 
autre  manière.  Le  tableau  que  Vincent  de  Beauvais  a  tracé 
de  cette  aventure ^  ne  rappelle  en  aucune  façon  la  burlesque 
parodie  d'Ovide,  celle  qu'on  exhibe,  comme  dessus,  dans  les 


1.  Su(^-torie,  Néron,  XII.  Il  n'y  a  pas  lieu  de  parler  du  vol  de 
Simon  le  Mage.  On  peut  voir  ce  que  dit  Renan  à  ce  sujet  dans  VAu- 
léchrisl,  ch.  n,  p.  44. 

2.  Modèles  d'appareils  d'aviation  de  l'aniiquité  à  nos  jours. 
Paris,  L.  Vivien,  1910,  p.  1,  lig.  2. 

3.  Vincent  de  Beauvais  {1190-1264)  (^ih\\oi\\ec2i  mundi,  Duaci, 
10-24,  t.  IV). 

10e  SÉRIE.   —  TOME   X.  16 


202  MEMOIRES. 

biographies  à  haute  condensation.  Or  le  (émoignage  de  Vin- 
cent de  Beauvais  n'est  pas  suspect.  Le  très  docte  tamilier  de 
saint  Louis  a  rassemblé  dans  sa  chronique  toute  la  science 
de  son  temps  et,  c'est  sans  ironie  et  comme  d'un  essai  curieux 
et  instructif,  qu'il  parle  de  cette  tentative  avortée*. 

Il  emprunte  les  éléments  de  son  récit  à  la  chronique  ency- 
clopédique d'Hélinand^.  Celle-ci  nous  ramène  au  douzième 
siècle;  elle  est  moins  sûre.  Devenu  moine  et  historien,  le 
trouvère  qui  la  rédige  ne  cesse  i)as  d'être  poète;  mais  la 
révélation  de  cette  équipée  renouvelée  de  l'antique  ne  paraît 
pas  impressionner  la  muse  de  celui  qui  chanta  les  Titans 
devant  Philippe-Auguste.  Il  la  raconte  froidement  comme  il 
l'a  vue  froidement  exposée  dans  les  recueils  qu'il  a  sous  la 
main.  Ce  n'est  pour  lui  qu'un  fait  scientifique,  et  c'est  bien 
ainsi  que  ce  fait  apparaît  à  l'origine  dans  la  chronique  de 
Sommerset,  le  principal  inspirateur  d'Hélinand. 

Avec  Guillaume  Sommerset,  plus  connu  sous  le  nom  de 
Guillaume  Malmesbury,  nous  sommes  au  onzième  siècle, 
cinquante  ans  à  peine  nous  séparent  de  la  mort  d'Olivier. 
Guillaume  a  déjà  quarante  ans;  il  vit  dans  l'abbaye  où  vit 


1.  Les  historiens  de  l'aéronautique  nous  présentent  les  aviateurs  à 
travers  les  âges  dans  l'ordre  où  la  chronologie  les  place;  c'est  à  peine 
si  Ton  comnaence  à  tenir  compte  aujourd'hui  de  la  dilt'érence  qui  sépare 
les  hommes  et  qui  distingue  les  procédés.  On  n'obtient  avec  la  première 
manière  que  le  panorama  des  ascensions  célèbres;  les  moyens  et  les 
circonstances  demeurent  au  second  plan.  C'est  ainsi  qu'Olivier,  sim 
plement  nommé  au  début,  reste  le  moins  connu  parce  qu'il  est  le 
plus  ancien,  et  aussi  le  plus  méconnu,  parce  qu'on  n'a  pas  pris  la 
peine  de  l'étudier  de  plus  près. 

2.  Helinandi,  Frigidùnontis  monachi.  Chronicorum,  liber  XL  VI, 
da-Tis  Bibl.  Patrum  Cisterciensium...  Paris,  1669,  t.  VII;  cf.  Hist. 
lilt.  de  la  France,  t.  XVIII.  —  Brial,  Notice  sur  la  vie  el  les  ouvra- 
ges d'Hélinand,  1815  :  Exposé  des  trav.  de  la  classe  d'HisL,  p.  98. 
La  chronique  d'Hélinand  conservée  en  Angleterre  est  beaucoup  plus 
complète  que  la  nôtre.  Hélinand  mourut,  selon  Dom  Brial,  après 
1229,  s'il  est  vrai  qu'en  cette  année  il  prononça  à  Toulouse,  le  jour 
de  l'Ascension,  en  présence  des  étudiants  ecclésiastiques,  ad  clericos 
scholares,  un  sermon  sur  la  vanité  des  sciences,  et  c'était  un  exem- 
ple bien  saisissant  pour  lui  de  l'inanité  des  sciences  que  l'entreprise 
de  ce  moine  de  Malmesbury  dont  il  avait  écrit  l'histoire  et  qu'il  avait 
comparé  aux  Titans  dans  ses  poèmes. 


UNE    VICTIME   DE   l'aVIATION   AU   XI®   SIÈCLE.  203 

encore  le  souvenir  du  frère  Olivier.  Quelques  vieillards  con- 
nurent ce  savant  homme,  énergique  et  rêveur;  la  tradition 
orale  n'est  pas  encore  éteinte,  tandis  que  se  prépare  sous  la 
plume  de  Guillaume,  précenteur  et  bibliothécaire  du  couvent 
et  dépositaire  de  ses  annales,  la  tradition  écrite  qui  va  nous 
dévoiler  la  vérité. 

La  vérité  ici  poursuit  un  double  objet  :  donner  à  l'expé- 
rience «  volatrice  »  son  véritable  caractère  et  corriger  les 
erreurs  de  la  biographie*.  Il  importe  à  l'intérêt  du  premier 
d'examiner  d'abord  le  second,  de  mieux  connaître  le  person- 
nage afin  de  mieux  apprécier  son  œuvre.  Cette  partie  de 
l'enquête  nous  met  tout  d'abord  en  présence  de  deux  témoins 
qui  appartiennent  au  monde  sidéral,  deux  comètes  dont  l'une 
apparaît  sur  les  premiers  horizons  de  la  vie  d'Olivier  et  l'au- 
tre à  son  déclin.  Il  apostrophe  celle-ci  dans  un  langage  fati- 
dique qui  n'est  pas  dépourvu  de  grandeur.  Il  croit  d'ailleurs 
se  trouver  en  face  de  l'apparition  déjà  vue  : 

«  Je  te  reconnais,  ô  messagère  de  désolation;  non,  ce  n'est 
pas  la  première  fois  que  tu  viens  jeter  l'effroi  dans  nos  âmes. 
Tu  vins  jadis  assister  aux  funérailles  de  nos  martyrs  et  tu 
versas  des  larmes  de  flamme  sur  cette  terre  ensanglantée  : 
Veiiisti,  venïsti,  multis  7nartyribus  lugendœ;  mais  mille 
fois  plus  redoutable  tu  m'apparais  aujourd'hui  :  multo  ter- 
ribilioï^em  ie  intueor.  Maudite  sois-tu,  toi  dont  la, menace 
plane  sur  la  patrie  :  terribiliorem  te  intueor  patria  hujiis 
excidiuni  minantem.  Maudit  sois-tu,  funeste  oracle  de  sa 
ruine  prochaine.  » 

Cette  ruine  de  la  patrie  correspond  à  la  conquête  de  l'An- 
gleterre par  les  Normands.  La  comète  de  Halley  parut 
comme  pour  en  signer  les  préliminaires  au  mois  d'avril  de 


1.  Guillaume  Sommersot  écrivit  sa  cljronique  entre  1129  et  1135. 
(letle  coinpilation  fut  imprimée  à  Londres  par  les  soins  d'Henri  Savil, 
en  1596.  Klle  présente  un  tel  intérêt,  au  témoignage  de  son  éditeur, 
qu'elle  mérila  à  l'auteur  une  des  i)n'n)ières  places  entre  les  historiens 
de  sa  nation.  Celte  remarque  convient  à  la  date,  si  toutefois  elle  ne 
convient  pas  au  njérite. 


204  MÉMOIRES. 

l'an  1066  ^  Guillaume  débarqua  dans  l'île  le  22  septembre*. 
L'apparition  d'une  comète  n'est  pas  un  événement  indifférent 
à  cette  époque.  Il  est  inutile  de  chercher  une  antre  comète 
visible  à  l'œil  nu,  ni  une  plus  adéquate  concordance  en're  le 
phénomène  et  ses  prétendus  effets.  Rien  de  semblable  ne  se 
produit  antérieurement.  On  en  conclut  qu'Olivier  de  Malmes 
bury,  que  l'on  fait  mourir  en  1060,  n'était  pas  mort  en  1066. 

Il  reste  à  savoir  quelle  est  cette  autre  comète  qui  apparut 
semblable  à  la  comète  de  Halley,  éclatante  et  fatale.  Son  appa- 
rition se  perd  dans  un  lointain  indéterminé.  C'était  il  y  a 
bien  longtemps,  jam  dudum,  et  frère  Olivier  est  déjà  vieux  : 
trop  vieux  serait-il  si  cette  vision  était  la  même,  comme  il 
semble  le  croire.  Et,  d'autre  part,  quels  événements  furent 
aussi  féconds  en  calamités  que  ceux  dont  il  priait  le  ciel  de 
lui  épargner  la  vue? 

Cette  période  où  «  le  Seigneur  avait  tendu  son  arc  »  se 
place  au  commencement  du  siècle.  Gomme  celle  de  1066,  elle 
porte  l'empreinte  de  la  conquête,  plus  meurtrière  peut-être, 
et,  dans  tous  les  cas  plus  longue,  sous  la  main  de  fer  de 
Suénon  le  Danois  que  sous  celle  de  Guillaume  de  Normandie. 
Elle  s'ouvre  en  1003  et  atteint  son  apogée  en  1006;  et  sur 
cette  terre^  saxonne  couverte  de  ruines  et  abreuvée  du  sang 
des  chrétiens,  apparut,  multis  martyribus  lugende,  une 
comète  éblouissante.  Nouvelle  coïncidence  que  le  vieux 
moine  souligne  avec  stupeur.  Il  croit  à  l'influence  des  comè- 
tes, comme  les  esprits  même  les  plus  cultivés  y  croyaient 
alors*.  Mais  admirons  la  fidélité  de  sa  mémoire,  s'il  n'était 


1.  Une  vague  terreur  agitait  les  esprits  «  et  le  pays  était  dans  une 
formidable  attente  ».  (César  Cantu.) 

2.  Giiillaume  tomba  en  abordant,  mais,  en  se  relevant,  il  s'écria, 
conjurant  le  mauvais  présage  :  «  Je  viens  de  prendre  cette  terre  de 
mes  mains  et,  par  la  splendeur  de  Dien,  tant  qu'il  y  en  a,  elle  est  à 
vous.  » 

3.  Cette  croyance  se  retrouve  dans  la  plus  lointaine  antiquité.  On 
cite,  comme  une  très  singulière  exception,  le  cas  de  Vespasien,  que 
ses  généraux,  impressionnés  par  l'apparition  d'une  comète,  détour- 
naient de  son  expédition  contre  les  Parthes  :  «  Non  mihi  cometn, 
répondit-il,  sed  régi  Parthorum  mortem  portendit;  ille  enim  co- 


UNE   VICTIME   DE   l/ AVIATION    AU    XI®    SIÈCLE.  205 

qu'un  enfant.  La  sûreté  du  souvenir,  la  stabilité  de  l'impres- 
sion donnent  à  penser  ({u'il  avait  au  moins  franchi,  à  Theure 
de  la  première  apparition,  la  première  étape  de  Tadolescence. 

Entre  ces  deux  repères  biographiques,  1006,  où  il  est  pré- 
sumé avoir  quinze  ans  et  1066  où  il  arrive  aux  frontières  de 
la  vie,  intervient  l'expérience  aéronautique  que  son  caractère 
et  la  hardiesse  qu'elle  exige  éloignent  naturellement  des 
indécisions  et  des  pusillanimités  de  la  vieillesse.  Et,  en  effet,. 
Vincent  de  Beauvais  déclare  qu'il  l'exécuta  in  prima  jitven- 
tute,  ce  qui  porte  au  premier  quart  de  siècle  ce  vol  que  nous 
appellerions  aujourd'hui  sensationnel,  si  nous  n'en  avions 
vu  bien  d'autres,  et  qui  partage  la  vie  de  son  auteur  en  deux 
carrières.  Tune  consacrée  à  la  préparation  de  l'entreprise  et 
l'autre  vouée  à  l'expiation  d'une  trop  présomptueuse  science, 
dignes,  l'une  et  l'autre,  de  captiver  l'attention  de  l'historien. 
D'où  il  ressort  qu'il  ne  mourut  pas  de  sa  chute,  comme  il 
ressort  de  la  seconde  apparition  qu'il  ne  mourut  pas  en  1060. 

Les  inventeurs  ont  un  éclair  de  génie,  ou  procèdent  par  de 
patientes  recherches  précédées  de  laborieuses  études.  L'étude 
préférée  des  sciences  qui  forment  le  qiiadriviitm  séduisent 
à  ce  point  le  frère  Olivier  que,  en  très  peu  de  temps,  quoique 
jeune,  il  y  devient  particulièrement  habile;  et  quand  on  écrit 
de  lui  qu'il  fut  mathematicarum  disciplinarum  non  i7npe- 
ritus,  on  ne  fait  pas  suffisamment  ressortir  la  rare  souplesse 
de  son  intelligence.  L'activité  intellectuelle  des  hommes  du 
Moyen-âge  dépassa  bien  souvent  les  limites  du  quadrivium; 
celle  du  frère  Olivier  ne  tarda  pas  à  les  franchir,  se  laissant 
entraîner  par  un  penchant  naturel  vers  les  sciences  expéri- 
mentales, en  telle  sorte  qu'on  peut  dire  de  lui  ce  qu'on  a  dit 
de  Roger  Bacon  qu'il  avait  compris  ce  qu'on  ne  comprenait 
pas  encore,  que  le  meilleur  moyen  d'acquérir  une  certitude 


malus  est,  ego  cnlvus  sum.  »  Il  est  chevelu  et  je  suis  chauve  (Xephi- 
linus,  in  Vespasiani  Vila).  N'existe-telle  pas  encore  celle  croyance? 
Quelle  inquiétude  dans  le  monde  en  1759;  quelle  agitation  à  Paris  en 
1835  :  si  la  queue  de  la  comète  venait  à  effleurer  la  terre!  Jadis,  on 
redoutait  les  dieux;  aujourd'hui,  on  redoute  le  choc. 


206  MÉMOIRES. 

était  de  joindre  l'expérience  au  raisonnement  et  de  rectifier 
Fiin  par  l'autre. 

C'est  ainsi  qu'il  entre  insensiblement  et,  pour  ainsi  dire,  à 
son  insu  dans  la  période  d'incubation.  La  science  pure  cède 
la  place  prépondérante  à  l'observation.  Celle  ci  s'étend, 
curieuse  et  inexpérimentée,  à  tous  les  mystères  de  la  nature 
et  de  la  vie;  et  quand  on  nous  dit  qu'Olivier  prend  la  fable 
pour  une  réalité  :  fahulam  'pro  vero  ampleœus,  ce  serait  se 
méprendre  que  d'en  tirer  cette  conclusion  qu'il  fut  la  vic- 
time naïve  d'une  poétique  hallucination.  Elle  lui  parut  une 
réalité  en  ce  sens  qu'il  était  arrivé  par  l'observation  atten- 
tive du  vol  des  oiseaux,  modèle  vivant,  à  la  considérer 
comme  l'exécution  possible  d'un  phénomène  mécanique  dont 
il  ne  restait  plus  qu'à  trouver  la  formule.  Dès  lors,  le  vol 
algébrique  ne  lui  suffit  plus;  tous  ses  efibrts  tendent  à  la 
transformation  de  l'idée  en  sa  réalité  concrète. 

Le  P.  Galien,  ce  Jules  Verne  de  l'aviation,  qui,  «  par 
manière  de  récréation  »,  complète  une  étude  sur  la  grêle 
par  la  description  d'une  puissante  flotte  de  guerre  qui 
navigue  dans  les  airs,  ajoute  qu'il  laisse  à  la  sagacité  des 
«  machinistes  »  le  soin  de  déterminer  la  forme  des  appareils 
volateurs^  Autant  dire  qu'il  leur  laisse  à  peu  près  tout  à 
faire;  l'art  sans  le  geste  ne  rime  à  rien.  Le  geste  se  traduit 
d'abord  par  l'invention  des  petits  modèles,  comme  Blériot  en 
a  donné  l'exemple  en  1900  par  la  construction  de  l'oiseau 
mécanique  qui  préluda  à  ses  succès.  Mais  le  petit  modèle 

1.  Le  P.  Joseph  Galien,  L'art  de  naviguer  dans  les  airs  :  amuse- 
ment physiqiie  et  géométrique  précédé  d'un  mémoire  sur  la  for- 
mation de  la  grêle  dont  il  est  une  conséquence  ultérieure.  Avignon, 
1757,  2e  édition.  Les  navires  aériens  du  P.  Galien  sont  cinquante- 
quatre  fois  plus  grands  que  l'arche  de  Noé.  Il  ignorait  sans  doute 
que  la  capacité  de  l'arche  était  de  64,896  mètres  cubes  et  sa  longueur 
de  156  mètres.  (V.  Vigouroux,  Dict.  de  la  Bible,  t.  I,  c.  92i).  On 
trouve  sous  l'Empire  un  écho  de  l'idée  du  P.  Galien  dans  la  Thilo- 
rière  :  projet  d'une  descente  en  Angleterre  au  moyen  d'une  mont- 
golfière, capable  d'enlever  3,000  hommes,  et  comme  dernier  écho  de 
la  même  idée  (1910)  vient  de  surgir  en  Allemagne  le  projet  d'un  diri- 
geable de  125  mètres  de  longueur.  Le  nav.ira  du  P.  Galien  est  aussi 
un  dirigeable. 


UNE    VIGTIiME   DE    l'AVIATION   AU   Xl^    SIÈCLE.  207 


/ 


n'est  que  le  geste  commencé,  c'est  celui  de  ceux  qu'on  a 
appelé  un  peu  dédaigneusement  les  «  fabricants  de  jouets  »; 
il  indique  le  but,  il  ne  l'atteint  pas.  Nous  l'atteignons  aujour- 
d'hui, ou  du  moins  nous  aspirons  à  l'atteindre  par  des 
moyens  plus  ou  moins  variés.  Néanmoins,  toutes  les  concep- 
tions essayées  jusqu'à  ce  jour,  ainsi  que  le  remarque  le 
commandant  Renard,  peuvent  se  ramener  à  trois  grandes 
classes  d'appareils  :  les  ornithoptères,  les  hélicoptères  et  les 
aéroplanes^ 

Gomme  on  doit  s'y  attendre,  c'est  à  la  première  catégorie 
que  se  rattache  l'appareil  d'Olivier.  11  faut  arriver  à  Léonard 
de  Vinci  pour  trouver  autre  chose^.  Gardons-nous  cepen- 
dant de  tout  rapprochement  trop  disproportionné.  Olivier 
n'a  d'autre  modèle  que  l'oiseau;  le  mécanisme  qu'il  inventa 
ne  pouvait  être  que  la  copie  de  ce  modèle.  Mais  ce  modèle 
lui-même  est  extrêmement  varié  en  ses  détails,  et  c'est  ce 
qui  rend  obscure  l'image  qu'on  peut  se  faire  de  la  copie.  Si 
Olivier  voulut  voler  à  la  manière  de  Dédale  :  ut  more 
Dedali  volaret,  ce  fut  par  un  procédé  plus  savant  que  celui 
de  la  fable,  avec  un  appareil  moins  fragile  et  plus  compli- 
qué, appareil  qu'on  ne  sait  pas  décrire  :  nescio  qua  arte,  et 
dont  nous  ne  pourrions  nous  faire  une  idée  exacte  si  les  cir- 
constances du  vol  ne  nous  révélaient  l'action  des  ailes  bat- 
tantes. 

Quand  on  réfléchit  aux  multiples  combinaisons  que  com- 
porte l'emploi  des  ailes  artificielles,  on  ne  cherche  plus  à 


1.  Commandant  P.  Renard,  L'Aviation,  2®  partie  :  Les  moyens 
de  réaliser  le  vol  mécanique  [Revue  géiiérale  des  sciences,  30  mars 
1910). 

2.  La  forme  de  l'appareil  qu'on  al.tril)ue  à  Léonard  de  Vinci,  de 
même  que  celle  des  appareils  de  Gusman  et  du  P.  Lana  semblent  prou- 
ver, a-t-on  dit,  que  ces  machines  n'ont  jamais  existé  que  dans  l'ima- 
gination de  quelques  érudits.  Cette  opinion  n'est  pas  exacte,  au  moins 
en  ce  qui  concerne  l'appareil  de  Léonard  de  Vinci,  que  Fausti  Ve- 
nanzio  a  reproduit  dans  son  Trailé  des  machines,  publié  à  Venise 
en  1617.  Il  vola  même,  puisqu'un  valet  de  Léonard  trouva  la  mort  en 
voulant  en  faire  l'essai  pendant  une  absence  de  son  maître,  accident 
qui  découragea  à  jamais  le  savant. 


208  MÉMOIRES. 

S 

pénétrer  le  sens  du  nescio  qua  arte.  On  ne  voit  qu'un 
homme  revêtu  d'un  maillot  à  la  manière  des  personnages 
de  Wilkins*  et  muni  d'une  double  paire  d'ailes  dont  l'une, 
par  une  singularité  digne  de  remarque,  est  fixée  aux  mains 
}>our  être  utilisée  comme  des  rames.  Si  Taviateur  a  doublé 
les  surfaces  portantes,  quatre  ailes,  comme  le  tera  au  dix- 
huitième  siècle  le  marquis  do  Baque ville,  c'est  évidemment 
qu'il  a  tenu  compte  de  son  poids,  et  il  n'y  a  pas  de  raison, 
s'il  en  est  ainsi,  pour  supposer  qu'il  a  négligé  d'établir  la 
proportion  mathématique  qui  doit  exister  entre  celui  ci  et 
l'envergure  des  ailes,  ainsi  que  la  courbure.  Au  souci  de 
l'équilibre  s'ajoute  celui  de  la  direction,  ce  n'est  pas  dou- 
teux, et  il  donne  à  celui-ci  la  garantie  portante  et  diri- 
geante des  ramiges  que  ses  mains  feront  mouvoir  comme 
des  nageoires*.  Gomment  tous  ces  organes  sont-ils  accro- 
chés, adaptés  et  articulés?  Nous  répondrons  avec  le  chroni- 
queur :  nescio  qua  arte,  n'étant  pas  éloigné  de  penser  que, 
tout  n'étant  pas  décrit,  on  ne  peut  tout  savoir;  mais  persuadés 
tout  de  même  que  nous  sommes  bien  loin  duponit  in  ordine 
pennas,  pennisque  levatus  antevolat  du  candide  fabuliste. 
Il  a  pris  la  direction  du  vent,  il  s'est  élancé  :  immanis 
audacia,  prodigieuse  hardiesse,  audace  insensée!  C'est  le 
cri  de  la  foule,  ce  pendant  que  s'augmente  l'espace  qui  le 
sépare  de  la  tour.  Il  vole  vraiment,  il  a  déjà  parcouru  plus 
d'un  stade,  quand  soudainement,  saisi  d'un  inexprimable 
effroi,  il  tombe  et  se  brise  les  jambes  :  et  temerarii  facti 
conscientiœ  tremulus  cecidit.  Qu'on  ne  le  compare  pas  au 
célèbre    danseur  Allard   qui    se  blessa   si   grièvement   en 


1.  Les  hommes  volants  ou  les  aventures  de  Pierre  Wllhi?îs,  trad. 
de  l'anglais.  Londres-Paris,  veBrunet,  1763. 

2.  «  La  faiblesse  des  ressources  scienlifiqnes  dont  disposaient  les 
esprits  studieux  au  onzième  siècle  ne  peut  que  nous  faire  admirer 
davantage  la  pénétration  de  l'esprit  d'invention,  brillant  çà-et-là  à 
travers  les  ténèbres  de  ces  temps  d'ignorance.  Cette  remarque  est  de 
Winterberg,  le  savant  éditeur  de  l'ouvrage  géométrique  de  Francon  )> 
{Revue  des  quest.  scientifiques,  20  janvier  1910).  Elle  ne  saurait 
trouver  ailleurs  une  plus  juste  application  que  dans  le  sujet  de  cette 
étude. 


UNK   VICTIME   DE   l'AVIATION    AU    XI®    SIÈCLE.  209 

essayant  de  voler  devant  Louis  XIV  \  ou  à  ce  pauvre  Calais 
qui  se  cassa  le  nez  au  jardin  d'Idalie  en  1797^.  Il  n'a  rien 
de  commun  avec  ces  aviateurs  de  cirque.  Non  seulement 
le  caractère  de  son  expérience  l'en  sépare,  mais  les  raisons 
qu'il  va  nous  donner  de  son  insuccès  le  placent  bien  au-des- 
sus des  histrions  et  des  désé(iuilibrés.  Tout  au  plus  l'accuse 
rons-nous  d'un  peu  de  don  quichottisme.  L'homme  doit 
pouvoir  voler;  il  volera  un  jour.  Telle  est  sa  conviction^. 
La  chute  ne  refroidit  pas  ce  cœur  au  triple  airain.  Il  avait 
envisagé  l'air  comme  support;  il  avoue  qu'il  ne  l'avait  pas 
assez  considéré  comme  obstacle.  Nous  ne  supposons  pas  que 
les  lois  de  la  résistance  de  l'air  aient  été  connues  à  cette 
époque,  malgré  les  incertitudes  que  laisse  subsister  l'histoire 
toujours  incomplète  des  sciences.  Il  n'avait  pas  compté  avec 
les  vents  artificiels  qu'il  souleva,  ces  vents  de  côté  qui  sont 
d'autant  plus  nuisibles  à  la  sustentation  qu'ils  sont  plus 
intenses;  et  le  trouble  s'empara  de  lui  dès  qu'il  se  sentit 
impuissant  à  vaincre  la  violence  du  tourbillon  :  tur'binïs 
vïolentïa y  qui  l'entraînait  comme  un  fêlu  pirouettant  dans 
les  anneaux  d'un  goutïre*.  «  J'ai  eu  la  sensation,  disait  San- 
tos-Dumont,  après  la  chute  qu'il  fit  près  de  Saint-Cyr,  le 
jour  même  où  mourut  Delagrange,  d'avoir  fait  trois  tours 


1.  Grand  Carteret  et  Léo  Delleil,  La  conquête  de  Vair  vue  par 
Vimage,  1495  1909. 

2.  Arthur  Pougin,  Dict.  hist.  et  pittoresque  du  Théâtre.  Paris, 
Didot,  1888. 

3.  On  peut  se  demander,  en  sontreant  aux  persécutions  que  ses 
hardiesses  scientifiques  attirèrent  à  Wi^^n^v  Hacon,  ce  qu'il  advint 
d'Olivier.  Il  ne  paraît  pas  (ju'il  ait  ('IV'  molesté  et  personne  ne  consi- 
déra sa  chute  comme  une  punition  du  ciel.  On  ne  saurait  donner  une 
preuve  plus  évidente  du  caractère  scientifique  de  cette  tentative. 

4.  Le  texte  porte  vejitl  et  turbinis  violcntia  :  la  cause,  l'effet  et  la 
forme  matérielle  do  l'elFet.  Etait-il  donc  si  ignorant,  si  dépourvu 
d'observation  le  chroniqueur  qui  employait  cette  double  expression  : 
«  Se  mouvoir,  là  est  la  diflicultè,  s'appartenir  dans  l'air.  D'après  les 
calculs  acquis  à  la  science,  l'homme,  s'il  s'adapte  des  ailes,  dispose 
d'un'3  force  musculaire  quatrevingt-»lou7.e  fois  moindre  que  celle  de 
l'oiseau.  L'oiseau-mouche  est  plus  fort  qu'Hercule.  »  Victor  Hugo, 
L'Homme  devient  oiseau;  lettre  ouverte  à  Nadar,  18G4,  dans  la 
Revue  de  Paris  du  15  avril  1910, 


210  MÉMOIRES. 

sur  moi-même.  »  Protégé  par  les  fils  et  les  câbles  de  son 
appareil,  Taviateur  ne  fut  blessé  qu'aux  jambes;  même  chute 
avec  plus  de  garantie,  même  blessure  avec  moins  de  gra- 
vité^ même  cause  apparente  dans  la  poussée  des  vents  obli- 
ques, infiniment  plus  énergique  sur  la  voilure  sans  doute 
plus  légère  du  frère  Olivier. 

Le  gauchissement  de  l'aile  est  évidemment  une  raison, 
mais  Olivier  en  voit  une  décisive  dans  Tabsence  de  la 
queue  :  Ipse  vero  ferehat  causam  fuisse  ruinœ  suce  quod 
caudam  suam  in  posterioyH  parte  oblitus  fuerat  optare. 
Cet  empennage  articulé  à  la  Ghanteclair,  et  que  l'on  s^ 
représente  proéminant  sur  le  derrière,  a  en  effet  une  très 
grande  importance,  sous  ces  apparences  divertissantes.  C'est 
le  gouvernail,  et  il  prouverait,  sans  autre  argument,  le 
caractère  scientifique  de  la  tentative.  Pour  être  tardive,  la 
perspicacité  d'Olivier  n'est  pas  moins  remarquable,  car,  ce 
qu'il  déplore,  c'est  l'absence,  par  sa  faute,  d'un  organe  apte 
à  produire  de  l'énergie  mécanique  sur  l'air,  point  d'appui  et 
capable  d'imprimer  au  déplacement  la  direction  demandée. 
L'idée  est  si  juste,  si  naturelle  et  si  conforme  aux  lois  de  la 
mécanique  qu'on  la  retrouvera  plus  tard  mise  en  pratique 
dans  des  essais  moins  imparfaits,  et  qu'André  Grimaldi,  en 
son  voyage  aérien  de  Calais  à  Londres,  doublera  la  précau- 
tion :  il  mettra  deux  queues  et  en  exagérera  les  dimensions'. 

Nous  avons  dit  qu'au  moment  de  la  chute,  il  avait  par- 
couru un  peu  plus  d'un  stade  :  spacia  stadii  et  plus  volavit. 
Précisons  la  distance  :  le  stade  routier  valait  157™50;  le 
stade  Olympique  en  mesurait  192,25.  M.  Babelon  donne  une 
mesure  unique  qu'il  évalue  à  185  mètres  environ.  Quelle 
que  soit  la  mesure  que  nous  adoptions,  et  en  tenant  la  frac- 
tion pour  le  demi-stade,  nous  constatons  que  l'aviateur  a 
couvert  un  espace  limité  par  235  ou  288  mètres,  ni  plus  ni 
moins  que  nos  aviateurs  à  leur  début.  Le  12  décembre  1906, 

1.  Biografia  universelle  anlica  ed  moderna.  Venise,  1816.  — 
Bihl.  des  Ecrivains  de  la  Compagnie  de  Jésus,  par  Aug.  et  Aloys 
de  Backer,  2^  série.  Liège,  1854.  —  Corriera  délia  sera  de  Milan, 
juillet  1909. 


UNE    VICTIME   DE   l' AVIATION    AU    XI*    SIÈCLE.  211 

Santos-Dumont  se  maintient  à  6  mètres  de  hauteur,  moins 
que  la  hauteur  d'une  tour  pendant  21  secondes  1/5,  et  il 
parcourt  220  mètres  :  spacïo  stadii  et  plus.  Le  6  décem- 
bre 1907,  Blériot  effectue  deux  envolées;  elles  ne  dépassent 
pas  500  mètres,  trois  stades,  un  peu  plus  qu'Olivier,  un  peu 
moins  que  Jian  Battista  Danti,  à  Pérouse,  en  1491.  On  le 
voit,  nous  n'allions,  il  n'y  a  pas  encore  bien  longtemps,  ni 
plus  haut  ni  plus  loin.  C'est  le  propre  des  débuts  d'être 
modestes,  On  n'allait  ni  bien  loin  ni  bien  vite  en  1765  avec 
la  voiture  à  vapeur  de  l'ingénieur  Gugnot.  Sa  vitesse  ne 
dépassait  pas  4  kilomètres  à  l'heure,  et  l'alimentation  de  sa 
chaudière  nécessitait  des  arrêts  tous  les  quarts  d'heure,  et  ce 
furent  les  débuts  de  nos  90  à  l'heure;  ce  qui  prouve  que  les 
débuts,  s'ils  sont  modestes,  ne  sont  jamais  méprisables*.  J'en 
appelle  à  l'autorité  de  nos  aviateurs  triomphants  comparée 
à  celle  d'Olivier  mutilé  à  son  premier  essor. 

Impotent,  condamné  à  l'inaction,  réduit  à  ne  plus  rien 
entreprendre,  voué  à  la  rêverie  mystique  entre  les  murs  d'un 
cloître,  il  étudia  l'astronomie;  aéronaute,  astronome,  c'est 
toujours  le  mystère  de  l'atmosphère  qui  le  captive.  C'est  à 
cette  période  de  sa  vie  que  se  rattache  la  composition  de 
quelques  ouvrages  dont  on  a  conservé  le  titre,  mais  dont  le 
sort  est  inconnu''*.  Ce  sont  :  le  de  sïgnïs  planctarum  ;  le 
de  astrologoy^um  dogmatibus  et  le  de  clnromancia.  11  lut 
donc  astrologue,  mais  il  le  devint  non  pas  à  l'heure  où  on 
l'a  dit,  ni  dans  le  sens  où  on  l'a  compris.  L'astrologie  à  cette 
époque  présente  un  double  caractère  :  elle  participe  des  Ma- 
thématiques et  de  l'Haruspicine  et  elle  les  combine.  Celui 
(]ui  se  livre  à  l'étude  de  ces  combinaisons  est  un  devin,  c'est 
certain;  mais  chez  le  païen  christianisé  qu'est  l'homme  de 


1.  «  Il  y  a  ici  un  Atifrlois,  l|ls  d'ini  François,  écrivait  Guy-Patin,  le 
20  janvier  1()45,  qui  médite  (1«3  f;iiro  (I(?s  carrossos  qui  iront  ot  revien- 
dront en  un  même  jour  de  Paris  à  Fontîiinebleau,  sans  chevaux,  |»ar 
des  l'essorts  a<lmiral)les.  «  Voilà  (fui  va  i)ien  nous  éparjjjner  du  loin 
et  de  l'avoine.  »  On  entrevoyait  déjà  lu  lin  de  la  traction  animale. 

2.  Ilouzeau  et  Lancaster,  lilbliog rapide  générale  de  l'astronomie, 
t,  I,  Astrologie,  j).  728.  (Bruxelles,  1887). 


212  MÉMOIRES. 

ce  temps,  la  divination  dont  Texercice  est  d'ailleurs  plein  de 
dangers,  surtout  pour  un  religieux,  la  divination  est  devenue 
une  science  qui,  bien  loin  de  pousser  l'intelligence  humaine 
au  fatalisme  astrologique,  la  porte  excellemment  vers  la 
compréhension  des  choses  célestes  par  l'observation  des 
astres;  c'est  la  Mantique.  Au  regard  de  cette  science,  l'astre 
n'est  plus  cause;  il  n'est  que  signe  et  le  plus  souvent  signe 
conditionnel,  c'est-à-dire  avertissement,  laissant  à  l'homme 
tout  le  bénéfice  de  son  libre  arbitre'  ;  et  c'est  bien  la 
seule  acception  qui  convienne  a  l'astrologie  exercée  par 
frère  le  Olivier  à  côté  des  tribunaux  ecclésiastiques  accou- 
tumés à  ne  faire  aucune  concession  dans  les  limites  du 
dogme. 

Ses  observations  sur  la  comète  tendent  à  confirmer  ce 
point  de  vue.  La  comète  est  un  avertissement.  C'est  de  la 
supertition,  on  en  convient;  mais  il  ne  faut  pas  oublier  que 
la  superstition  sous  ses  mille  formes  est  le  fonds  de  l'intel- 
ligence individuelle  à  cette  époque,  et  comme  l'a  dit  M.  Lu- 
chaire,  «  l'empreinte  commune  à  toutes  les  classes^  ».  Dans 
tous  les  cas,  le  dogme  ne  réprouve  pas  celle-ci,  et  l'on  a  pu 
dire  que  «  les  comètes  forment  un  chapitre  important  de 
l'astrologie  catholique^  ».  Il  en  a  été  ainsi  tant  qu'on  a 
ignoré  la  nature  cosmique  de  ces  astres  et  les  lois  de  leur 
mouvement*. 


1.  Bouché-Lecler,  L'Astrologie  grecque.  Paris,  Leroux,  1899, 
pp.  593-623»  —  Astrologie,  «  fille  de  lAstronomie,  —  fille  folle  d'une 
mère  sage  —  qui,  née  sous  le  ciel  chaldéen  ou  sous  le  ciel  égyptien, 
sut  fasciner  l'esprit  hellénique,  obtint  des  mains  de  Ptolémée  l'au- 
mône d'un  vêtement  scientifique  splendide  et  traversa,  déguisée  en 
science  exacte,  le  Moyen-âge  et  la  Renaissance  ;  elle  ne  succomba 
qu'au  seuil  du  siècle  de  Newton  (Lefebvre,  S.  J.,  Revue  des  ques- 
tio7is  seientiflques,  20  avril  1910). 

2.  Achille  Luchaire,  La  Société  française  au  temps  de  Philippe- 
Auguste,  p.  20. 

3.  Bouché-Leclercq,  lac.  cit.,  pp.  351-361. 

4.  Le  P.  Thirion  :  Calixte  III  et  la  Comète  de  1456  {Revue  des 
questions  scientifiques,  décembre  1909).  —  Voir  aussi  :  Millochan, 
Les  Comètes  {La  science  au  vingtième  siècle,  15  mnrs  1910).  — 
Baillaud,  Les  Comètes  {Revue  scientifique,  14  mai  1910). 


UNE   VICTIME   DE   l' AVIATION   AU   XI«   SIÈCLE.  213 

Si  nous  nous  dégageons  des  hypolhèses  de  l'Astrologie 
appliquée,  des  énigmes  de  rApotélismatique,  pour  nous  en 
tenir  simplement  à  l'astronomie,  nous  restons  frappés  de  la 
splendeur  de  la  comète  de  Halley  sous  la  plume  d'Olivier. 
Nous  ignorons  si  les  phénomènes  qui  l'accompagnent  dimi- 
nuent d'intensité  à  chaque  apparition  nouvelle,  ainsi  qu'on 
a  cru  le  remarquera  II  est  certain  que  celle-là  provoqua 
autant  d'admiration  que  d'effroi.  Les  historiens  racontent 
qu'elle  «  étendait  trois  grands  rayons  qui  occupaient  pres- 
que toutes  les  parties  méridionales  du  ciel^  »,  image  do  la 
flamboyante  crinière  dont  parle  Olivier.  Il  n'est  pas  jusqu'à 
ces  «  larmes  lumineuses  »  qui  ne  répondent  à  une  des  con- 
ditions du  phénomène.  «  Du  noyau  de  la  comète,  écrivait 
Bessel  en  1835,  s'échappaient  des  aigrettes  lumineuses  diri- 
gées tantôt  vers  le  soleil,  tantôt  à  l'opposé,  comme  un  incen- 
die que  le  vent  éteint  d'un  côté  pour  le  rallumer  de  l'au- 
tre ^  »  Le  signalement  est  le  même  à  près  de  huit  cents  ans 
de  distance,  seul  le  choix  de  l'expression  accentue  les  nuan- 
ces*. 

Sa  tendance  à  l'observation  ressort  encore  plus  claire- 
ment de  l'erreur  qu'il  commet  en  attribuant  la  même  ori- 
gine aux  deux  comètes.  Le  pronostic  de  l'une  et  de  l'autre 
est  identique  et  l'astrologie  les  confond.  Elles  sont  égale- 
ment belles,  mais  l'astronomie  hésite;  indifférente  aux  évé- 
nements, et  frappée  cependant  par  les  ressemblances,  elle 


1.  L'apparition  de  1739,  écrit  Flammarion,  fut  moins  éclatante  que 
celle  (le  1682  et  celle  de  1835  le  fut  moins  également  que  celle  de 
1759.  »  Arago  remarque  que  celles  qui  laissèrent  la  plus  vive  impres- 
sion dans  la  mémoire  des  hommes  portent  les  dates  de  1456  et  de  1066. 

2.  De  Larrey,  Hist.  d'Angleterre,  d'Ecosse  et  d'Irlande.  Rotter- 
dam, 1707,  t.  I. 

3.  Louis  Houllavigne,  Les  Comètes  {Revue  de  Paris,  décembre  1909). 

4.  «  Les  comètes  périodiques  ne  nous  reviennent  jamais  à  des 
périodes  rigoureusement  équidistantes;  celle  de  Halley,  la  plus  stable 
de  celles  que  nous  connaissons,  a  eu  des  périodes  successives  de 
76  ans  6>  jours,  75  ans  323  jours,  76  ans  171  jours.  »  {Ibld.)  L'appari- 
tion de  1666  est  rappelée  sur  une  très  vieille  tapisserie  de  Rayeux.  Un- 
groupe  de  personnages  l'admirent  :  «  Toti  mirant  stellam.  »  — 
*<  Stella  crinita  (Chron.  de  Nuremberg). 


214  MEMOIRES. 

en  arrive  à  se  persuader  qu'elle  est  en  présence  du  même 
astre.  Ce  n'est  pas  la  même  cependant,  il  s'agit  ici  de  la 
comète  de  Haly-Ben-Rodoam.  Arago  nous  avertit  qu'on  la 
considéra,  en  ciïet,  comme  une  des  apparitions  de  la  comète 
de  Halley^  On  voit  que  sous  les  incertitudes  de  la  compa- 
raison, la  vérité  est  bien  près  d'éclore;  cette  ignorance  est 
si  près  de  la  science  qu'on  ne  craint  pas  d'admettre  qu'Oli- 
vier avait  le"  pressentiment,  de  la  périodicité.  Nous  disons 
le  pressentiment,  car  nous  tenons  encore  comme  démontré 
que  la  science  n'a  atteint  que  beaucoup  plus  tard  cette  cer- 
titude. 

«  Je  suis  bien  porté  à  croire,  écrivait  Halley,  éprouvant 
semblable  hésitation,  que  la  comète  de  l'année  1531  observée 
par  Apianus  est  la  même  que  celle  qui  a  reparu  en  1607  et 
qui  nous  a  été  décrite  par  Kepler  et  par  Longomontan,  et 
qu'enfin  j'ai  revue  moi-même  et  que  j'ai  observée  soigneu- 
sement l'an  1682^  ».  Olivier,  qui  opère  sans  le  secours  des 
dates,  dit  simplement  je  l'ai  vue.  Il  l'avait  vue  telle  qu'il 
la  voyait  et  que  se  trouvait  décrite  celle  du  dixième  siècle 
dans  la  chronique  de  Nuremberg.  A  ses  yeux,  ce  ne  pouvait 
être  que  la  même,  tant  les  caractères  étaient  semblables  et 
les  événements  identiques.  Il  y  a  dans  l'histoire  de  la  science 
d'inexplicables  lacunes.  La  vérité  s'obscurcit  à  certaines 
heures  et  disparaît  pour  reparaître  à  quelques  siècles  d'in- 
tervalle comme  si  elle  n'avaif  jamais  existé.  C'est  ainsi 
qu'a  disparu  pendant  longtemps  la  notion  de  la  périodi- 
cité. 

Or,  on  écrivait  hier  :  nous  ne  sommes  plus  sûrs  aujour- 
d'hui qu'aucun  savant  n'ait  eu  connaissance  avant  Halley 
de  la  marche  des  comètes  dans  l'espace  et  de  leur  périodicité. 
Une  étude  récente,  très  récente  (1909),  de  certains  passa- 
ges du  Talmud  nous  autorise  à  admettre  que  plusieurs  ap- 

1.  «  Elle  jetait  une  clarté  égale  au  quart  de  celle  que  la  lune  ré- 
pand dans  son  plein  et  était  trois  fois  plus  grosse  que  Vénus.  » 
(Arago,  Astronomie  populaire,  Paris,  1858,  t.  II,  ch.  xrii  :  Di^s 
comètes  visibles  à  l'œil  nu,  p.  315. 

2.  Dans  la  Cométographie  d'Halley. 


UNE   VICTIME   DE   l' AVIATION   AU   XI®   SIECLE.  215 

paritions  antérieures  de  la  comète  de  Halley  avaient  été 
observées  avec  soin*.  Voilà  donc  une  découverte;  mais 
qu'elle  illusion!  et  c'est  Halley  lui-même  qui  vient  la  dissi- 
per: «  Il  y  a  déjà  lontemps,  dit  il,  que  l'on  a  soupçonné,  si 
Ton  peut  ajouter  foi  à  ce  qui  est  rapporté  par  Diodore  de 
Sicile,  que  les  anciens  Ghaldéens  avaient  acquis  par  une  lon- 
gue observation  la  connaissance  certaine  du  retour  des  comè- 
tes 2. 

Et  voici  qu'en  poussant  plus  avant  nos  recherches,  nous 
découvrons  tout  au  fond  de  la  Ghaldée  cette  certitude  que  «  les 
comètes  viennent  des  profondeurs  de  l'espace  où  elles  plon- 
gent comme  les  poissons  dans  la  profondeur  des  mers  »  et 
qu'elles  y  retournent  pour  émerger  de  nouveau  du  sein  de 
cette  immensité ^  Et  voilà  comment  la  vieille  découverte 
scientifique  réapparaît  quelquefois  comme  issue  d'un  nouveau 
lieu  dans  un  nouveau  milieu  et  d'une  nouvelle  origine,  et 
comment  la  périodicité  de  la  comète  de  Halley  découverte 
au  dix- septième  siècle,  peut  très  bien  avoir  été  devinée  au 
onzième,  puisqu'on  l'exhume  aujourd'hui  des  chronologies 
perdues  dans  les  antiquités  mortes. 

Nous  n'insisterons  pas  sur  le  sentiment  patriotique  et 
religieux  qui  porte  Olivier  à  maudire  les  comètes.  Il  voue  la 
première  à  l'exécration  parce  qu'il  ne  la  sépare  pas  des  mas- 
sacres exercés  par  les  païens  dans  un  pays  oii  fleurit  sa  foi. 
La  seconde  ne  lui  inspire  pas  une, moindre  horreur  parce 
qu'elle  apparaît  comme  une  alliée  des  conquérants  qui  vien- 
nent opprimer  ce  pays  ou  il  espérait  qu'un  jour  refleurirait 
sa  race.  Le  sol  où  se  développent  en  liberté  la  race  et  la  re- 
ligion, c'est  toute  la  patrie  aux  yeux  du  vieux  moine  saxon, 
élève  en  ceci  de  l'antiquité,  mais  qui,  moins  heureux 
qu'Edouard  le  Confesseur,  déplore  d'avoir  trop  longtemps 


1.  Note  de  M.  G.  Renaudot,  dans  la  Revue  générale  des  sciences, 
15  mars  1910.  Choniqiie  et  correspondance  :  Astronomie. 

2.  fie  Monnier,  La  Théorie  des  Comètes,  Paris,  1743.   —  Hûckel, 
Les  idées  des  anciens  sur  les  Comètes  {Revue  des  idées,  15  mai  1910). 

3.  Bouché  Leclerc(i,  toc.  cit.,  p.  358.  —  Lenormant,  La  divination 
chez  les  Chaldéens,  p.  38. 


216  MÉMOIRES. 

vécu,  assez  pour  être  le  témoin  humilié  des  victoires  d'une 
race  ennemie'. 

Et  maintenant  s'il  vous  prend  envie  de  dire  avec  un  inter- 
locuteur de  Sénèque  :  Que  m'importe  de  savoir  cela  et  quel 
profit  m'en  revient-il 2?  nous  répondrons  avec  Arthur  Hanne- 
quin  :  «  La  science  d'aujourd'hui  est  fille  de  la  science  d'hier, 
et  ce  serait  omettre  quelque  chose  de  la  science  que  d'igno- 
rer la  lente  évolution  d'où  est  sortie  sa  vie  présente  et  d'où 
n'ont  pu  que  lui  rester,  comrpe  aux  plus  parfaits  des  orga- 
nismes, celles  des  formes ancestrales,  d'ineffaçables  emprein- 
tes^ ».  Sans  doute,  le  système  rudimen taire  d'Olivier  de 
Malmesbury  se  classe,  à  la  distance  des  siècles,  comme  un 
modèle  inutile,  mais  la  conception  a  traversé  la  distance  et 
avec  elle  l'ambition  de  la  réaliser.  Il  fut  un  temps  où  cette 
ambition  égaya  les  esprits,  ou  !a  satire  en  travestit  la  forme, 
où  les  hommes  volants  grimacèrent  dans  la  caricature  et  où 
Lalande  écrivait  :  «  Si  les  savants  se  taisent,  ce  n'est  que 
par  mépris*  ».  Si  l'on  avait  mieux  connu  le  passé,  on  aurait 
sans  doute  mieux  auguré  de  l'avenir.  Nous  en  avons  la 
preuve  dans  tou!es  les  manifestations  scientifiques  et  indus- 
trielles qui  s'opèrent  autour  de  la  vieille  conception.  Est-ce 


1.  Vidée  de  Patrie,  par  Edmond  Poincaré,  dans  la  Revue  poli- 
tique et  parlementaire  du  10  août  1910. 

2.  Préface  du  livre  1er,  ])es  questions  naturelles. 

3.  A.  Hannequin,  Etudes  d'Hist.  des  sciences  et  d'hist.  de  la  phi- 
losophie, t.  1,  Introduction,  p.  xlix.  —  L'auteur  démontre  que 
«  l'histoire  de  la  science  est  susceptible  de  devenir  une  sorte  d'ensei- 
gnement de  la  science  par  l'histoire  ».  —  «  Il  importe  peu  de  savoir 
où,  pour  la  première  fois,  est  apparue  telle  expression.  Ce  qui  im- 
porte, c'est  de  connaître  les  conditions  dans  lesquelles  les  concepts 
ont  pris  naissance;  car,  de  môme  que  dans  une  formation  cristalline 
peut  se  rencontrer  incluse  de  l'eau-mêre,  de  même  un  concept  garde 
du  milieu  où  il  s'est  cristallisé  une  sorte  d'eau-mère.  Or,  s'il  est  vrai 
que  celle-ci  diminue  la  pureté  du  concept,  d'autre  part  elle  permet 
de  reconnaître  sa  liaison  avec  d'autres  concepts.  De  pareils  rensei- 
gnements seront  toujours  utiles,  quand  il  s'agira  de  l'élaboration  et 
de  l'épuration  d'un  concept  »  (W.  Ostwald,  La  science  et  l'histoire 
des  sciences,  trad.  par  E.  Philippi,  dans  la  Revue  du  inois,  10  mai 
1910,  p.  513). 

4.  Journal  de  Paris,  23  mai  1782. 


UNE   VICTIME   DR   l'aVIATION   AU   Xl«    SIÈCLE.  217 

à  dire  que  l'avenir  appartienne  au  vol  simplifié  cFIcare  ? 
c'est  le  vol  olympien  ;  nous  n'y  pouvons  prétendre.  «  Les 
téméraires  chercheurs  d'ailes  battantes  se  heurtèrent  jus- 
qu'ici à  d'insurmontables  difficultés  »,  a  écrit  M.  Rolls ^ 
L'histoire  vient  de  le  montrer  à  ses  débuts  et,  s'il  est 
une  partie  de  l'aéronautique  à  laquelle  s'applique  le  doute 
mélancolique  de  Gabriele  d'Annunzio,  c'est  bien  au  vol 
Icarien^.  Cette  étude  n'a  pas  eu  pour  but  d'ailleurs  d'abor- 
der ces  problèmes.  On  a  simplement  voulu  rendre  à  une 
physionomie  mal  connue  la  place  qui  lui  est  due  au  chapitre 
premier  de  l'histoire  de  l'aviation. 


1.  W.  Rolls  :  Comment  vole  un  aéroplane;  les  oiseaux,  p.  11.  — 
G.  Péraud  affirmait  encore  en  1886  que  les  ailes  artificielles  articulées 
étaient  seules  capables  de  résoudre  le  problème. 

2.  «  Peut-être  que  si;  peut-être  que  non  :  Lefèvre  à  Juvisy,  Ferber 
à  Boulogne,  Fernandez  à  Nice,  Delagrange  à  Bordeaux,  Leblond  à 
Saiiit-Sébaslien,  Robl  à  Breslau,  Watchter  à  Beteny,  Steward  Rolls 
à  Bournemouth,  Daniel  Kinct  â  Gand  et  son  frère  à  Stockel,  pour  ne 
citer  que  les  noms  inscrits  au  grand  martyrologe  :  Forse  che  no. 


lOe  SÉRIE.   —  TOME   X.  17 


LES   DÉBUTS   DU   JOURNAL   A   TOULOUSE.  219 

LES  DÉBUTS  DU  JOURNAL 

A  TOULOUSE 

Par  m.  le  baron  DESAZARS  DE  MONTGAILHARD^ 


Le  journal,  tel  que  nous  Tentendons  aujourd'hui,  ne  pou- 
vait naître  qu'avec  l'invention  de  l'imprimerie,  car  l'impri- 
merie était  seule  capable  de  satisfaire  aux  besoins  d'une 
publicité  multiple  et  rapide.  Mais  il  aurait  dû  naître  immé- 
diatement après,  puisque  l'instrument  nécessaire  à  sa  publi- 
cité était  trouvé.  Ce  ne  fut  pourtant  qu'au  commencement 
du  dix-septième  siècle  qu'il  débuta,  et  presque  simultané- 
ment en  France,  en  Angleterre  et  en  Hollande. 

On  a  longtemps  discuté  la  question  de  la  priorité,  et  on  l'a 
généralement  tranchée  en  faveur  de  Venise,  en  s'appuyant 
sur  l'étymologie  du  mot  <  gazette  »,  gazetta,  dont  on  s'est 
d'abord  servi  pour  désigner  ce  genre  de  publication.  C'était 
à  l'époque  des  guerres  contre  les  Turcs,  qui  préoccupaient 
tous  les  esprits.  Pour  satisfaire  la  curiosité  publique,  le  gou- 
vernement de  Venise  faisait  lire,  dit-on,  sur  la  place  publi- 
que, un  résumé  des  nouvelles  qu'il  avait  reçues  du  théâtre 
de  la  guerre  et  qui  étaient  consignées  sur  des  feuiliee  de 
papier  qu'on  désignait  sous  le  nom  de  Fogliavvzsi.  On  don- 
nait une  petite  pièce  de  monnaie,  frappée  en  1536  et  appelée 
gazetta,  pour  entendre  cette  lecture  ou  pour  prendre  con- 

1.  Lf>ctures  faites  à  l'Académie,  les  18  et  20  janvier  1910. 


220  MEMOIRES. 

naissance  de  ce  qui  avait  été  lu.  D'autres  ajoutent  que  ces 
nouvelles  étaient  consignées  sur  un  «  cahier  »  appelé  Noti- 
zie  scritte  et  que  ce  cahier  se  vendait  une  gazetta^  d'où  le 
nom  de  «  gazette  »  donné  par  le  public  à  ce  cahier. 

A  la  même  époque,  la  maison  de  banque  des  Fugger 
publiait  presque  chaque  jour,  à  Augsbourg,  en  Bavière,  une 
espèce  de  journal  intitulé  Ordinari- Zeitungen\  et  parfois 
un  supplément  portant  pour  titre  Extraordinari-Zeitungen. 
Le  prix  du  numéro  était  de  4  kreuzers  pour  chacune  de 
ces  feuilles.  L'abonnement  pour  toute  l'année,  y  compris  les 
frais  de  distribution  à  domicile,  s'élevait  à  25  florins  pour 
recevoir  les  deux  publications  et  à  14  florins  pour  les  Oy^di- 
nari-Zeitungen  seuls.  La  Bibliothèque  impériale  de  Vienne 
conserve  une  collection  de  ces  journaux  qui  va  de  1568  à 
1604,  et  l'on  peut  y  lire  des  lettres  écrites  dans  les  divers 
idiomes  des  pays  dont  elles  provenaient:  l'italien  y  domine, 
parce  qu'il  était  la  langue  commerciale  de  l'époque. 

Les  Anglais  ont  revendiqué  pour  leur  pays  l'initiative  de 
la  création  du  journal;  mais  il  a  été  reconnu  que  les  trois  nu- 
méros d'un  Mercure  portant  la  date  de  1588  et  conservés  au 
British  Muséum  étaient  le  produit  d'une  supercherie  litté- 
raire dont  l'auteur  serait  Lord  Harwicke. 


L  —  Création  de  la  «  Gazette  »,  a  Paris. 

En  réalité,  le  premier  journal,  dans  l'acception  actuelle 
du  mot,  est  né  en  France,  et  l'on  doit  sa  création  à  un  méde- 
cin, Théophraste  Renaudot,  originaire  de  Loudun,  dans  le 
Poitou,  et  venu  à  Paris,  en  1612,  à  l'instigation  du  célèbre 
capucin.  Frère  Leclerc  du  Tremblay,  plus  connu  sous  le 
nom  de  Père  Joseph,  et,  plus  tard,  d'Eminence  grise,  lors- 
qu'il fut  le  principal  collaborateur  du  cardinal  de  Richelieu 

1.  Le  mot  Zeilun  g  signifie,  à  proprement  parler,  «  chose  du  temps, 
événement  ».  On  en  a  fait,  dans  l'îicception  usuelle,  «  nouvelle  (d'un 
événement),  journal,  gazette  »  (feuille  imprimée  qui  rapporte  les  nou- 
velles du  temps). 


LES  DEBUTS  DU  JOURNAL  A  TOULOUSE.        221 

devenu  premier  ministre  de  Louis  XIII.  Telle  est  la  version 
habituelle  des  historiens  qui  se  sont  occupés  des  origines  de 
la  Presse  en  France*,  et  nous  la  croyons  exacte.  Mais  ce 
que  nous  ne  saurions  admettre,  c'est  que  Tidée  du  journal 
ait  été  exclusivement  inspirée  à  Renaudotpar  les  petites  feuil- 
les volantes,  imprimées  en  cachette,  qui  se  vendaient  sous 
le  nom  de  Nouvelles  à  la  main  ou  de  Gazettes,  et  qu'on 
lisait  avec  avidité. 

Après  avoir  fait  ses  études  médicales  à  Montpellier  et  y 
avoir  été  reçu  docteur  en  médecine  à  l'âge  de  dix-neuf  ans, 
Renaudot  s'était  mis  à  voyager  en  Italie  pour  y  recueillir  ce 
qu'il  y  «  trouverait  de  meilleur  en  la  pratique  de  son  art  >. 
C'était  un  esprit  curieux  et  réfléchi,  et  il  avait  également 
étudié  les  institutions  économiques  et  philanthropiques  de  la 
Péninsule. 

Rentré  à  Loudun,  il  n'avait  pas  tardé  à  y  acquérir  une 
véritable  célébrité  en  «  s'appliquant  à  de  fréquentes  anato- 
mies,  à  la  connaissance  des  simples  et  à  la  propagation  des 
remèdes  plus  curieux,  comme  en  témoignent  ses  livres  >, 
a-t-il  dit  de  lui-même.  Ces  remèdes  curieux  étaient  les  re- 
mèdes chimiques,  alors  tout  nouveaux,  qu'il  savait  employer 
avec  succès. 

11  ne  se  contenta  pas  de  soigner  des  malades  et  de  publier 
des  livres  sur  la  médecine.  A  ses  études  médicales  comme 
à  sa  pratique  professionnelle  il  joignait  des  idées  huma- 
nitaires qu'il  manifestait  et  qu'il  appliquait  journellement. 

Sur  ces  entrefaites,  Henri  IV  était  tombé  sous  le  couteau  de 
Ravaillac  (1610)  et  les  partis  féodaux  s'apprêtaient  à  relever 
la  tête.  La  tranquillité  publique  était  menacée  tout  à  la  fois 
par  les  factions  des  grands  et  par  la  misère  du  peuple.  Le 
Père  Joseph  avait  eu  l'occasion,  dans  ses  tournées  conven- 
tuelles, de  voir  l'évèque  de  Luçon,  Richelieu,  qui  s'ennuyait 
profondément  dans  son  misérable  diocèse  et  qui  ne  deman- 
dait qu'à  se  démontrer  sur  un  théâtre  plus  important.  Il 
avait  reconnu  en  lui  une  intelligence  supérieure  et  il   le 

\.  Hatin,  llist.  de  la  Presse  en  France ^  Paris,  1859,  1. 1,  pp.  70  et  s. 


222  MÉMOIRES. 

représenta  à  la  Reine -Régente  comme  capable  de  mener  à 
bonne  fin  les  plus  grandes  affaires  politiques. 

D'autre  part,  le  Père  Joseph  avait  été  frappé  des  idées 
économiques  et  philanthropiques  de  Théophraste  Renaudot; 
et,  quoiqu'il  fût  protestant,  il  résolut  de  l'introduire  à  la 
Cour.  Dès  1612,  il  fit  appeler  Renaudot  en  qualité  de  méde 
cin  ordinaire  et  de  conseiller  du  Roi.  Et,  peu  à  peu,  s'établit 
entre  ces  trois  personnages,  Richelieu,  le  Père  Joseph  et 
Renaudot,  une  entente  complète  qui  se  traduisit  par  une  col- 
laboration assidue  pour  tout  ce  qui  concernait  les  affaires 
politiques  et  sociales.  Il  en  fut  surtout  ainsi  lorsque  Riche- 
lieu, devenu  tout-puissant,  fut  fait  cardinal  en  1622  et 
devint  premier  ministre  en  1624. 

Renaudot  quitta  définitivement  Loudun,  en  1625,  pour 
s'établir  à  Paris,  où  il  s'occupa  d'améliorer  la  situation  des 
pauvres  et  des  malades  en  établissant  des  bureaux  de  charité 
dans  chaque  paroisse,  des  maisons  de  travail  pour  les  valides 
des  deux  sexes  et  des  hôpitaux  pour  les  invalides  civils  et 
militaires.  Enfin,  autorisé  depuis  1618  à  établir  des  Bureaux 
d'Adresse  et  de  Rencontre  pour  venir  en  aide  aux  malheu- 
reux qu'il  voulait  libérer  de  la  misère  par  le  travail,  il  mit 
tons  ses  soins  à  leur  organisation  définitive.  Pour  populari- 
ser le  Bureau  qu'il  établit  à  Paris,  en  1630,  il  créa  un  organe 
d'information  qu'il  intitula  :  «  Inventaire  des  Adi^esses  du 
Bureau  de  Rencontre^  où  chacun  peut  donner  et  recevoir  des 
avis  de  toutes  les  nécessitez  et  commoditez  de  la  vie  et  société 
humaine*  ».  Cet  Inventaire  est  des  plus  intéressants  à  lire. 
Il  est  rempli  de  renseignements  spéciaux  pour  les  miséreux 
malades  ou  cherchant  du  travail,  tels  que  «  expériences 
curieuses,  remèdes  nouveaux,  traitement  des  maladies  secrè- 
tes, adresses  d'avocats  cherchant  des  causes,  liste  des  études 
de  procureurs  et  de  notaires  à  vendre,  adresses  d'apprentifs 
cherchant  maistres  et  de  raaistres  cherchant  apprentifs,  noms 


1.  On  peut  voir  un  exemplaire  de  cet  Inventaire  à  la  Bibliothèque 
municipale  de  Rouen,  et  un  autre,  plus  complet,  à  la  Bibliothèque 
Mazarine,  à  Paris. 


LES  DÉBUTS  DU  JOURNAL  A  TOULOUSE.        223 

de  toutes  les  personnes  de  considération  dont  on  a  besoin, 
adresses  de  chemins  ez  paj^s  éloignés,  maisons  à  louer, 
gardes-malades,  informations  de  mariage,  changements  de 
quartiers...  »,  etc.,  etc. 

Pour  faire  connaître  le  Bureau  d'Adresses,  Renaudot  fit 
afficher  le  placard  suivant  dans  tous  les  quartiers  de  Paris 
et  jusque  dans  les  faubourgs  : 

«  De  par  le  Roy, 
«  On  fait  assavoir  à  toutes  personnes  qui  voudront  ven- 

«  dre,  achepter,  louer,  permuter,  prester,  apprendre,  ensei- 

<  gner;  aux  maistres  qui  veulent  prendre  des  serviteurs  et 
«  à  ceux  qui  cherchent  condition  pour  servir  en  quelque 
«  qualité  que  ce  soit;  à  ceux  qui  auront  les  lieux,  commo- 
«  ditez  et  industries  propres  pour  estre  employez  à  quelques- 
«  unes  des  choses  mentionnées  en  ce  présent,  ou  qui  auront 

<  d'autres  advis  à  donner  ou  recevoir  pour  toutes  sortes 
«  d'affaires,  négoces  et  commoditez  quelconques,  qu'ils  y 
«  seront  reçus  indiff'éremment  sans  qu'on  y  préfère  ou  favo- 
«  rise  aucun  aultre  que  celuy  qui  fera  la  condition  du  public 
€  meilleure;  et  qu'ils  se  pourront  addresser  au  Bureau  esla- 
«  bly  par  Sa  Majesté  pour  la  commodité  publique,  qui  est 
«  ouvert  depuis  huict  heures  du  matin  jusques  à  midy  et 
«  depuis  deux  jusqu'à  six  de  relevée,  ausquelles  heures  cha- 
«  cun  sera  reçu  à  y  venir  ou  envoyer,  donner  et  rencontrer 

<  l'adresse  qu'il  désirera. 

«  Ledit  Bureau  d'Adresse  se  tient  près  le  Palais,  rue  de  la 
«  Calandre,  et  au  Marché-Neuf,  à  l'enseigne  du  Coq.  » 

Les  droits  à  payer  ne  pouvaient  excéder  trois  sous  «  pour 
€  chacun  enregistrement  ou  extrait  desdits  registres  et  gra- 

<  tuitement  pour  les  pauvres,  et  sans  qu'aucun  soit  contraint 
«  de  se  servir  desdits  bureaux,  tables  et  registres,  si  bon  ne 

<  lui  semble.  > 

A  ce  Bureau  d'Adresse  et  de  Rencontre^  où  la  publicité 
commerciale  était  gratuite  pour  les  pauvres,  devaient  se 
joindre  bientôt  les  Ventes  à  grâce^  troque  et  rachat,  et,  en 
1637,  les  Monts-de-piété, 


224  MÉMOIRES. 

Établies  sur  de  telles  bases,  relevant  directement  de  Taiito- 
rité  royale  et  destinées  surtout  au  soulagement  des  malheu- 
reux, ces  diverses  institutions  ne  pouvaient  qu'être  favora- 
blement accueillies.  Elles  n'échappèrent  pas  pourtant  aux 
critiques  et  aux  calomnies.  Elles  furent  l'objet  de  nombreux 
libelles.  La  magistrature  elle-même  se  montra  hostile  à 
l'œuvre  de  Renaudot,  toutes  les  fois  qu'elle  fut  appelée  à 
en  connaître,  notamment  le  Ghâtulet. 

D'autre  part,  une  guerre  acharnée  était  faite  à  Richelieu 
et  à  sa  politique.  On  multipliait  contre  lui  les  pamphlets  les 
plus  violents;  on  lisait  avec  avidité  les  Nouvelles  à  la  main 
qui  dénaturaient  journellement  ses  actes  pour  les  livrer  à  la 
malignité  publique.  Renaudot  proposa  à  Richelieu  d'établir, 
pour  y  répondre,  une  publication  périodique  paraissant  cha- 
que semaine.  Il  en  avait  les  éléments  dans  son  Bureau 
d'adresses  qui  constituait  une  véritable  agence  d'information 
commerciale  et  industrielle  et  où  il  recevait  de  nombreuses 
nouvelles  qu'il  mettait  à  la  disposition  de  ses  clients.  Et  il 
en  avait  les  moyens  grâce  à  l'imprimerie  qui  y  était  annexée 
pour  composer  les  billets  d'annonce  qu'il  faisait  distribuer 
suivant  les  nécessités  du  jour.  Richelieu  comprit  immédia- 
tement de  quelle  utilité  pouvait  lui  être  une  pareille  publica- 
tion. Il  y  donna  son  adhésion  et  promit  aussi  son  concours. 
Il  en  fut  de  même  de  Louis  XIII,  lorsque  Richelieu  lui  sou- 
mit la  demande  de  Renaudot.  Et,  le  30  mai  1631,  était 
octroyé  «  par  Sa  Majesté  à  Théophraste  Renaudot,  l'un  de 
«  ses  conseillers  et  médecins  ordinaires,  maistre  et  inten- 
«  dant  des  Bureaux  d'adresses  de  ce  Royaume,  et  à  ses  en- 
«  fants,  successeurs  ou  ayants  droit  de  lui,  le  privilège  de 
«  faire,  imprimer,  faire  imprimer  et  vendre,  par  qui  et  où 
«  bon  leur  semblera,  les  nouvelles,  gazettes  et  récits  de  tout 
«  ce  qui  s'est  passé  et  passe  tant  dedans  que  dehors  le 
«  royaume,  conférences,  prix  courant  des  marchandises  et 
«  autres  impressions  desdits  bureaux,  à  perpétuité,  et  tant 
«  que  lesdites  gazettes,  nouvelles  et  autres  impressions  au- 
«  ront  cours  en  ce  dit  royaume;  et  ce  exclusivement  à  tous 
«  autres  »,  Défenses  étaient  faites,  à  peine  de  6,000  livres 


LKS  DÉBUTS  DU  JOURNAL  A  TOULOUSE.        225 

d'amende,  de  «  troubler  ledit  Renaudot  dans  l'impression  et 
vente  de  ses  dites  gazettes  et  autres  dépendances  de  son 
Bureau  d'Adresse  ». 

Dès  l'obtention  de  ce  privilège,  Renaudot  s'empressa  de 
faire  paraître  une  feuille  imprimée  de  quatre  pages,  format 
petit  in-4",  qu'il  appela  simplement  la  Gazette.  Ce  titre  de- 
vait d'autant  mieux  faire  comprendre  le  but  et  la  portée  de 
la  publication  qu'il  était  vulgairement  employé  pour  désigner 
les  Nouvelles  à  la  main  qui  se  distribuaient  plus  ou  moins 
clandestinement  et  qui  étaient  colportées  un  peu  partout. 
Mais  les  premières  feuilles  qui  parurent  ne  portaient  ni 
date,  ni  numéro  d'ordre.  Elles  étaient  simplement  signées 
d'une  lettre  de  l'alpbabet.  On  ne  peut  donc  dire  quel  fut 
réellement  le  jour  où  la  Gazette  parut  pour  la  première  fois. 
On  ne  trouve  une  date  qu'à  la  fin  de  la  Gazette  portant  la 
lettre  majuscule  F  et  qui  se  termine  ainsi  :  Du  Bureau 
d'Adresse,  au  Grand  Coq,  sortant  au  Marché-Neuf,  près  le 
Palais,  à  Paris,  le  4  juillet  1631,  avec  privilège.  Gomme 
cette  lettre  F  est  la  sixième  de  l'alphabet,  et  comme  Renau- 
dot faisait  paraître  son  journal  hebdomadairement,  il  s'en 
suivrait  que  la  première  feuille  de  la  Gazette  remonterait  au 
30  mai  1631,  c'est-à-dire  au  jour  même  où  Renaudot  avait 
obtenu  son  privilège.  Ge  n'est  là  qu'une  hypothèse  émise  par 
Hatin  en  son  Histoire  de  la  Presse  en  France.  Elle  est  d'au- 
tant plus  admissible  que  la  Gazette  ne  fit  que  continuer 
périodiquement  et  en  l'agrandissant  le  bulletin  que  Renau- 
dot faisait  paraître  au  jour  le  jour  sous  le  nom  de  Bureau 
de  l'Ady^esse  et  de  V Extraordinaire. 

La  Gazette  réussit  si  bien  que,  dès  le  28  novembre  1631, 
elle  doubla  son  format  qui  fut  porté  à  huit  pages  in-4°,  ou 
pfutôt  qu'elle  adjoignit  à  sa  feuille  de  quatre  pages  intitulée 
la  Gazette  une  feuille  annexe  de  quatre  autres  pages  et  du 
môme  format,  portant  le  titre  de  Nouvelles  ordinaires  de 
divers  endroits.  Plus  tard,  furent  encore  ajoutés,  suivant 
le  cas,  des  Suppléments  et  des  Extraordinaires. 

Ges  premiers  numéros  do  la  Gazette  ne  ressemblent  guère 
aux  journaux  d'aujourd'hui.  On  n'y  retrouve  pas  d'articles 


226  MÉMOIRES. 

vraiment  politiques  à  la  façon  de  ce  qu'on  nomme  actuelle- 
ment un  «  premier-Paris  »  ou  un  éditoriaL  Renaudot  se  con- 
tenta d'y  donner  les  nouvelles  qu'il  recevait  tant  de  France 
que  des  pays  étrangers,  en  commençant  toujours  par  ces 
derniers,  et  il  expliquait  ainsi  son  mode  de  procéder  dans  sa 
préface  des  Gazettes  àa  1631  :  «  L'ordre  des  temps  et  la  suite 
des  dates  m'obligent,  dit-il,  à  commancer  mes  relations  par 
les  lieux  les  plus  esloignés  pour  finir  par  la  France,  par  où 
peuvent  néantmoins  commancer  ceux  qui  voudront  suivre 
celuy  de  la  dignité;  tandis  que  mes  correspondances  se  vont 
formant  jusques  aux  pais  les  plus  esloignés  pour  vous  en 
rendre  le  meilleur  compte  qu'il  me  sera  possible.  » 

Renaudot  fut  aidé  dans  la  rédaction  de  sa  Gazette  par  le 
célèbre  généalogiste  Pierre  d'Hozier,  dont  la  correspondance 
était  très  considérable  soit  en  France,  soit  à  Tétranger.  Ils 
avaient  formé  ensemble  le  plan  de  cette  publications  et 
d'Hozier  communiquait  à  «  son  ami  Renaudot  »  toutes  les 
nouvelles  qu'il  apprenait  par  ses  correspondants. 

Richelieu  ne  se  contenta  pas  de  favoriser  la  publication 
delà  Gazette.  Il  y  fit  insérer,  pour  faciliter  sa  politique,  des 
relations,  des  notes  et  nombre  de  pièces  officielles  ou  semi- 
officielles.  De  son  côté,  Louis  XIII  lui  fournissait  person- 
nellement des  articles.  Aussi  Renaudot  pouvait-il  dire  fière- 
ment, et  non  sans  raison,  que  sa  Gazette  était  «  le  journal 
des  Roys  et  des  puissances  de  la  terre  ».  La  Cour  et  la  Ville, 
le  Parlement  et  TArmée  s'habituèrent  ainsi  à  aller  chercher 
dans  les  feuilles  volantes  de  Renaudot  l'histoire  au  jour  le 
jour  des  hauts  faits,  des  batailles,  des  condamnations,  des 
exécutions,  des  ridicules,  en  un  mot  de  tous  les  événements 
grands  et  petits  de  leur  temps. 

Lorsque  Richelieu  mourut,  le  4  décembre  1642,  Renaudot 
resta  bien  en  cour,  car  il  obtint,  malgré  de  longues  entraves, 
l'autorisation  de^bâtir  VHostel  des  consultations  charitables. 
Mais,  à.  la  mort  de  Louis  XIII  qui  suivit  d'assez  près  celle 
de  son  premier  ministre,  la  Reine-Régente,  Anne  d'Autri- 

1.  Voir  le  Bictioniiaire  des  Anonymes,  2e  édition,  no  6,939. 


LES  DÉBUTS  DU  JOURNAL  A  TOULOUSE.        227 

che,  fut  circonvenue  par  les  nombreux  ennemis  de  Renau- 
(let,  à  la  tête  des(|nels  se  trouvait  Guy- Patin,  pour  lui  faire 
enlever  ses  divers  privilèges.  Le  Parlement  fut  saisi  par 
l'Université  de  demandes  en  suppression  de  toutes  les  insti- 
tutions qu'avait  fondées  Rcnaudot,  et  ces  institutions  furent 
en  effet  supprimées.  Il  lui  enleva  môme  le  droit  d'exercer 
la  médecine  à  Paris.  Seule,  la  Gazette  put  survivre,  et 
Renaudot  finit  par  entrer  dans  la  faveur  de  Mazarin  plus 
encore  qu'il  n'avait  été  dans  celle  de  Richelieu.  En  arri- 
vant au  pouvoir  au  moment  où  la  manie  des  pamphlets 
faisait  rage,  le  nouveau  ministre  avait  compris  de  (juel 
secours  lui  serait  le  seul  journal  qui  existait  à  cette  époque. 
Non  seulement  il  maintint  à  la  Gazette  son  caractère  ofii- 
cieux,  mais  encore  il  augmenta  son  crédit.  Pour  assurer  le 
mérite  littéraire  de  la  Gazette^  Richelieu  avait  attaché  à  sa 
rédaction  des  écrivains  distingués,  tels  que  Mézeray,  Beau- 
tru.  Voiture,  La  Galprenède.  Du  temps  de  Mazarin,  c'est  à 
Le  Tellier,  Beautru  et  de  Lionne  que  Renaudot  devait  com- 
muniquer la  rédaction  de  son  journal. 

A  la  mort  de  ïhéophraste  Renaudot,  survenue  le- 25  octo- 
bre 1653,  la  Gazette  fut  continuée  par  ses  fils,  Eusèbe  et 
Isaac,  tous  deux  médecins,  puis  par  son  petit-flls,  Eusèbe, 
deuxième  du  nom,  connu  sous  le  vocable  d'abbé  Renaudot, 
qui  succéda  à  son  père  en  1679  et  qui  mourut  en  1720. 

La  Gazette  avait  créé  dans  les  habitudes  des  Parisiens  un 
besoin  de  curiosité  que  les  événements  de  la  Fronde  avaient 
rendu  encore  plus  vif.  Ne  pouvant  créer  d'autre  journal, 
les  adversaires  de  Mazarin  y  avaient  suppléé  par  des  libelles, 
des  satires,  des  pamphlets;  et  ces  adversaires  étaient  nom- 
breux et  redoutables,  car  Mazarin  avait  contre  lui  le  Peuple 
et  le  Parlement.  La  Cour  avait  dû  quitter  Paris  le  6  jan- 
vier 1649  et  Renaudot  avait  reçu  Tordre  de  la  suivre  à  Saint- 
Germain  avec  l'imprimerie  dont  il  avait  la  direction.  11 
obéit,  mais  il  se  préoccupa  de  l'avenir.  Le  Parlement  pou- 
vait créer  un  autre  journal  en  concurrence  avec  le  sien.  Et, 
la  guerre  finie,  qui  l'emporterait  du  gazetier  du  Palais  royal 
ou  du  gazetier  du  Palais  de  justice?  Renaudot  conjura  ce 


228  MÉMOIRES. 

danger  en  faisant  créer  par  ses  fils  un  nouveau  journal  qu'il 
intitula  le  Courrier  français,  journal  du  Parlement.  Son 
succès  fut  d'autant  plus  grand  que  les  Parisiens,  gccoutumés 
à  lire  la  Gazette,  étaient  littéralement  consternés  de  sa  dis- 
parition. «  L'on  y  courait  comme  au  feu,  dit  un  contempo- 
rain, Ton  s'assommait  pour  en  avoir;  les  colporteurs  don- 
naient des  arrhes  la  veille,  afin  qu'ils  en  eussent  des 
premiers;  on  n'entendait,  le  vendredi,  crier  autre  chose 
que  le  Courrier  français,  et  cela  rompait  le  cou  à  toutes 
les  autres  productions  de  l'esprit.  > 

Cependant,  le  Courrier  français  était  moins  bien  informé 
que  la  Gazette,  et  un  autre  contemporain,  Naudé,  s'en  plai- 
gnait en  ces  termes  :  «  Le  Courrier  de  nouvelle  invention, 
qui  se  clabaude  tous  les  matins,  de  fort  bonne  heure,  est 
assez  mal  informé,  et,  pour  le  dehors,  si  la  Gazette  de  Saint- 
Germain  ne  suppléait  tellement  quellement  à  ses  oubliances, 
nous  ne  saurions  rien  du  tout...  » 

Un  poète,  appelé  Saint-Julien,  et  qui  ne  manquait  ni  d'es- 
prit, ni  de  gaieté,  se  mit  à  traduire  le  Courrier  français  en 
vers  burlesques.  Sa  facilité  à  versifier  était  grande,  car  moins 
de  quarante-huit  heures  lui  suffisaient  pour  la  traduction  et 
pour  l'impression  de  son  journal,  qui  paraissait  le  diman- 
che, tandis  que  le  CourrHer  français  paraissait  le  vendredi. 
Mais  en  1650,  quand  Mazarin  eut  triomphé  de  la  vieille 
Fronde,  Saint-Julien  abandonna  le  parti  des  Princes  et  leur 
fit  une  guerre  encore  plus  vive  que  celle  qu'il  avait  faite  au 
parti  de  la  Cour. 

A  son  tour,  le  Courrier  français  eut  des  imitateurs,  et 
l'on  vit  naître  successivement  :  le  Courrier  de  la  Cour,  por- 
tant les  nouvelles  de  Saint-Germain  ;  —  le  Journal  poétique 
de  la  Guerre  parisienne,  par  Mathieu  Questier,  dédié  aux 
Amis  du  Roi,  des  Lois  et  de  la  Patrie;  —  le  Bahillay^d  du 
temps,  en  vers  burlesques;  —  la  Gazette  des  Halles,  dont 
la  destinée  fut  éphémère;  —  le  Burlesque  On  de  ce  temps, 
qui  sait,  qui  fait  et  qui  dit  tout,  lequel  ne  dura  que  huit 
numéros,  quoiqu'il  fût  rempli  de  verve;  —  le  Courrier  du 
Temps,  qui  fut  un  libelle  plutôt  qu'un  journaL 


LES   DÉBUTS   DU   JOURNAL    A    TOULOUSE.  229 

Pendant  ce  temps,  on  avait  vu  égaleniont  paraître  le 
Courrier  Bourdelais,  commencé  en  1649  lors  de  la  pre- 
mière guerre  de  Bordeaux  et  qui  se  continua  durant  la 
deuxième  et  la  troisième  guerre,  mais  qui  n'eut  que  onze 
numéros,  et  le  Courrier  de  la  Guyenne.  Tous  deux  étaient 
frondeurs.  On  leur  opposa  le  Courrier  de  Bourdeaux,  qui 
soutenait  le  parti  royaliste.  Malgré  leur  titre,  aucun  de  ces 
journaux  ne  s'imprimait  ou  ne  se  publiait  à  Bordeaux.  Ils 
sortaient  des  presses  parisiennes,  comme  le  Courrier  de  Pon- 
toise,  le  Courrier  polonais,  et  d'autres  encore  })ortant  des 
noms  de  localités  sans  qu'ils  y  fussent  composés. 


II.  —  Reproduction  de  la  «  Gazette  »,  a  Toulouse. 

Cependant,  le  journal  était  trop  entré  dans  les  mœurs  et 
dans  les  besoins  du  temps  pour  que  la  province  ne  finît  pas 
par  en  bénéficier  à  son  tour.  Mais,  comme  la  (ra^^/^ê  jouis- 
sait d'un  privilège  exclusif  tant  pour  Paris  que  pour  tout  le 
royaume,  il  était  difficile,  sinon  impossible,  de  lui  créer  des 
concurrents  provinciaux.  Elle  en  profita  pour  céder  son  pri- 
vilège à  certains  imprimeurs  de  la  province  et  les  autori- 
ser à  reproduire  chaque  semaine  son  édition  de  Paris.  C'est 
du  moins  de  cette  manière  qu'elle  procéda  à  Toulouse. 

Nous  n'avons  pu  retrouver  l'époque  où  elle  débuta  ainsi. 
Les  deux  collections  que  possède  la  Bibliothèque  munici- 
pale sont  incomplètes.  Celle  qui  remonte  le  plus  haut  com- 
prend les  années  1675  à  1706  avec  une  lacune  pour  l'année 
1693  qui  a  dû  être  égarée.  Elle  porte  cette  mention  manus- 
crite :  «  Pro  communi  Bibliotheca  Co7iventus  Tolosani  FF. 
Prœdic{atorum).  Donné  par  Maistre  Thomas,  nostre  apo- 
thicaire ».  La  seconde  collection  va  de  1700  à  1746  et  porte 
le  nom  de  Bertrand.  Ce  nom  est  sans  doute  celui  de  l'ar- 
chéologue toulousain,  qui  vivait  au  dix-huitième  siècle  et  qui 
est  mort  en  1809.  Malheureusement,  le  premier  numéro  de  la 
plus  ancienne  de  ces  collections,  remontant  à  1675,  fait  défaut 
et  nous  no  pouvons  par  suite  savoir  s'il  contenait  quelque 


5^ 


230  MÉMOIRES. 

avis  faisant  connaître  qu'il  commençait  une  série  on  qu'il  la 
continuait.  D'autre  part,  rien  n'indique  que  la  Gazette  im- 
primée à  Toulouse  ait  cessé  sa  publication  en  1746,  quoique 
cette  année  soit  la  dernière  qui  ait  été  conservée  à  la  Biblio 
thèque  de  la  ville.  11  semble,  au  contraire,  résulter  d'une 
correspondance  conservée  aux  Archives  départementales  de 
la  Haute-Garonne  S  entre  l'intendant  du  Languedoc,  rési- 
dant à  Montpellier,  M.  de  Saint  Priest,  et  son  subdélégué  à 
Toulouse,  M.  Amblard,  que  la  Gazette  continua  à  être  réim- 
primée à  Toulouse  jusqu'à  l'année  1761,  époque  à  laquelle 
1'^'^  son  privilège  fut  révoqué,  ainsi  que  nous  le  ferons  connaître 

.-^  plus  loin. 

^y     \  La  Gazette  réimprimée  à  Toulouse  ne  paraissait  qu'une 

y  fois  par  semaine,  le  dimanche;  mais  sa  distribution  était 

ajournée  au  lundi  quand  le  courrier  de  Paris  n'arrivait  que 
le  dimanche'^. 

Chaque  numéro  se  composait  de  huit  pages  petit  in  4^  à 
deux  colonnes  et  se  terminait  ainsi  :  Jouxte  la  Copie  ïm- 
pyHmée  à  Paris  au  Bureau  de  l'Adresse.  Le  «  Bureau  de 
l'Adresse  »  de  Paris  fonctionnait  comme  les  agences  actuel- 
les de  la  Presse  parisienne,  centralisant  les  nouvelles  du 
jour,  les  rédigeant  et  les  envoyant  ensuite  aux  Gazettes  de 
la  province  qui  se  contentaient  de  les  reproduire.  Seulement, 
cette  reproduction  était  littérale  et  intégrale,  tandis  qii'au- 
jourd'hui  elle  est  facultative  et  peut  être  modifiée. 

Chaque  numéro  de  la  Gazette  était  accompagné  d'un  sup- 
plément portant  le  même  numéro  et  daté  du  même  jour, 
composé  de  quatre  pages  du  même  format  que  la  Gazette 
et  continuant  sa  pagination.  Ce  supplément  était  intitulé  : 
NovvELLES  ORDINAIRES.  Il  ne  différait  pas  de  la  Gazette  pro- 
prement dite  ni  pour  la  «nature  des  matières,  ni  pour  le 
mode  d'impression. 

Chaque  numéro  de  la  Gazette  se  terminait  ainsi,  au  début 
de  la  collection  conservée  à  la  Bibliothèque  de  la  ville  : 

1.  Série  G,  147. 

2.  Avis  inséré  dans  la  Gazette,  n»  48,  du  27  novembre  1713,  p.  192, 
c.  2,  et  numéros  suivants. 


LES  DÉBUTS  DU  JOURNAL  A  TOULOUSE.        231 

A  ToLOSE,  LE  (jour,  mois  et  an) 

Par  Iean  et  I.  Jacques  Bovde,  imprimeurs  du  Roy,  des 
Etats  généraux  de  la  Province  de  Languedoc  et  de 
rVniversité  de  Tolose. 

Auec  Privilège. 

Jean-Jacques  Boude  étant  décédé  au  mois  de  mars  1675, 
c'est  sa  veuve  qui  lui  succéda,  et  les  numéros  suivants  por- 
tent la  mention  de  son  nom  joint  à  celui  de  son  beau-frère  : 

A  ToLOSE,  le  20  mars  1675 

Par  Iean  Bovde  et  la  Vevue  de  I.  lacques  Bovde,  impri- 
■  meurs  du  Roy,  des  Estât  s  généraux^  de  la  Province  de 

Languedoc  et  de  V  Vniversité  de  Tolose,  près  le  Collège 

de  Foix. 

Auec  Privilège. 

A  partir  du  n*"  45  de  la  Gazette  et  des  Novvelles  Ordinai- 
7^es  du  10  novembre  1676,  la  mention  finale  ajoute  : 

Et  se  vendent  à  la  Porterie,  à  la  boutique  dudit  S' Boude 
Auec  Privilège. 

La  rue  de  la  Porterie  a  aujourd'hui  disparu  par  l'agran- 
dissement de  la  place  du  Gapitole.  Elle  se  trouvait  presqu'en 
face  de  la  rue  Saint-Rome  et  débouchait  presqu'en  face  la 
rue  du  ïaur. 

A  partir  de  l'année  1678,  et  dès  le  premier  numéro  daté 
du  4  janvier,  Jean  Boude  est  seul  indiqué  comme  impri- 
meur de  la  Gazette  et  des  Novvelles  Ordinaires.  C'est  sans 
doute  qu'il  était  devenu  l'unique  concessionnaire  du  privi- 
lège. 

La  lettre  initiale  du  mot  Gazette  était  historiée.  Elle  se 
trouvait  dans  un  écusson  carré  entouré  de  palmes  et  était 
surmontée  de.sept  étoiles,  posées  5  et  2.  Dans  l'intérieur  de 
la  panse  du  G  qui  tenait  tout  le  carré,  on  voyait  une  flèche 


232  MEMOIRES. 

allant  de  gauche  à  droite  vers  les  étoiles.  Les  autres  lettres 
du  mot  Gazette  étaient  des  capitales  simples. 

Les  caractères  typographiques  qui  étaient  employés 
étaient,  en  général,  du  7.  Parfois,  certains  articles  étaient 
composés  en  9  ou  en  10. 

Le  numéro  17  de  la  Gazette  du  22  avril  1681  porte  à  la 
fin  de  la  huitième  page  (foliotée  204)  cette  annonce  :  — 
«  Tout  le  discours  de  la  Gazette  de  France,  d'aujourdhuy 
en  avant,  sera  mis  dans  un  seul  Gayer,  sans  y  ajouter  ny 
diminuer,  pour  la  conduite  du  Public,  et  ne  se  vendra  qu'au 
prix  ordinaire,  un  sol  la  pièce.  > 

Dans  le  numéro  suivant  du  27  avril  1681,  le  titre  change. 
Il  n'est  plus  seulement  :  Gazette^  mais  Gazette  de  Frange. 
Le  journal  s'imprime  désormais  sur  deux  colonnes  et  en 
plus  petits  caractères.  Il  est  restreint  à  quatre  pages  et  les 
Nouvelles  ordinaires  cessent  d'y  être  jointes.  La  typogra- 
phie devient  très  défectueuse. 

Le  titre  est  de  nouveau  modifié  en  1684,  à  partir  du  nu- 
méro 13  du  28  mars,  sans  explications  sur  ce  changement. 
On  revient  au  titre  primitif  portant  simplement  le  mot 
Gazette.  Les  caractères  typographiques  sont  un  peu  plus 
forts,  et  le  nombre  des  pages  est  porté  à  huit  pour  chaque 
numéro.  A  la  fin  de  la  dernière  page  se  trouve  l'indication 

suivante  : 

A  Toulouse 

Chez  Jean  Boude,  le  Jeune,  à  la  Porterie,  où  se  tient  le 
Bureau  des  Gazettes  de  France  et  des  Pais  Estrangers. 

On  donne  avis  au  PubHc  que  les  Gazettes  des  Païs  Eslrangers 
arrivent  deux  fois  la  semaine,  le  dimanche  et  le  jeudy. 

En  1685,  les  deux  colonnes  par  page  sont  supprimées. 
Chaque  numéro  se  compose  de  seize  pages.  C'est  l'année  de 
la  révocation  de  l'Edit  de  Nantes.  On  annonce  que  cet  Edit 
a  été  imprimé  et  qu'on  le  distribue  au  Bureau  des  Gazettes 
avec  «  d'autres  Edits  et  Déclarations  donnés  en  faveur  de 
ceux  de  la  Religion  Prétendue  Réformée.  » 

A  partir  du  numéro  28  du  12  juillet  1692,  le  titre  de  la 


LES  DÉBUTS  DU  JOURNAL  A  TOULOUSE.        233 

Gazette  change.  Son  grand  G  avec  les  sept  étoiles  est  rem- 
placé par  un  G  plus  petit,  enfermé  dans  un  carré  de  feuil- 
lage avec  une  fleur  à  cinq  pétales  dans  le  milieu.  Les  au- 
tres lettres  capitales  du  mot  Gazette  deviennent  également 
plus  petites.  Le  journal  n'a  que  quatre  pages  à  deux  colonnes. 
Les  caractères  employés  sont  d'un  type  plus  petit,  mais  plus 
net.  Le  papier  est  meilleur. 

En  1696,  l'imprimeur  Jean  Boude  meurt,  et  sa  belle-sœur 
lui  succède.  A  partir  du  n*»  38  du  22  septembre  de  cette 
année,  la  Gazette  porte  cette  mention  à  la  quatrième  page  : 

A  Toulouse 

Chez  la  veuve  de  J.-J.  Boude,  imp^Hmeur 
et  marchand  libraire, 

La  veuve  Boude  avait  en  effet  «  la  cession  du  privilège  > 
de  la  Gazette  (de  Paris)  pour  les  provinces  de  Languedoc  et 
de  Guienne,  ainsi  que  nous  l'apprend  le  numéro  32  de  la 
Gazette^  imprimée  à  Toulouse  en  date  du  5  août  1702*. 

A  partir  du  numéro  36  du  6  septembre  1710,  le  privilège 
de  la  Gazette  passe  à  Claude-Gilles  Lecamus,  «  imprimeur 
du  Roi,  de  la  Cour,  des  Etats  généraux  de  la  Province  de 
Languedoc  et  de  l'Université,  à  la  Porterie  >.  Dans  le  nu- 
méro 38  du  20  septembre  1710,  nous  le  voyons  ajouter  qu'il 
est,  en  outre,  l'imprimeur  du  Clergé,  et,  à  partir  du  nu- 
méro 46  du  15  novembre  1710,  qu'il  est  également  l'impri- 
meur des  Etats  généraux  de  Foix. 

A  la  mort  de  Claude-Gilles  Lecamus,  sa  veuve  lui  suc- 
céda et  continua  son  privilège  jusqu'à  sa  cessation  en  mars 
1752. 

La  Gazette  étant  imprimée  à  Toulouse  «  jouxte  la  copie 
imprimée  à  Paris,  au  Bureau  de  l'Adresse  >,  ainsi  que  l'in- 
diquait chaque  numéro  à  la  fin  de  la  quatrième  page,  ne  con- 
tenait pas  de  chroni(jue  locale  proprement  dite. 

C'est  par  exception  qu'on  lit  dans  le  numéro  19  du  5  may 

1.  In  fine,  p.  128,  c.  2. 

10e   SÉRIE.   —  TOME   X.  18 


234  MEMOIRES. 

1681,  page  212,  tout  à  fait  à  la  fin  de  la  dernière  page,  cet 
avis  au  public  :  —  «  On  a  volé  des  Calices  d'argent  et  le 
Saint-Ciboire  dans  une  des  Eglises  du  Diocèse  de  Lodève. 
On  prie  ceux  qui  auroient  quelque  connoissance  de  ce  vol 
d'en  donner  avis  ou  à  M^''  l'Evêque  de  Lodève,  ou  à  M.  Be- 
lot,  procureur  au  Parlement  de  Toulouse,  demeurant  en 
cette  ville,  proche  la  porte  de  Montgaillard.  » 

En  1686,  dans  le  numéro  3  de  la  Gazette  du  28  janvier  et 
en  sa  dernière  page,  nous  retrouvons  une  véritable  locale. 
Elle  est  ainsi  libellée  : 

«  De  Toulouse,  le  ^3  larivier  1686. 
«  On  fit  ici,  la  semaine  dernière,  l'élévation  de  saint  Clair, 
martyr,  dans  Téglise  des  RR.  PP.  Augustins  du  Couvent 
général.  Le  Chapitre  de  l'Eglise  Métropolitaine  de  Saint- 
Estienne  fit  l'ouverture  de  cette  solennité  le  14  de  ce  mois 
par  une  procession,  et  une  Messe  chantée  par  la  musique. 
Le  15,  les  PP.  Jacobins  y  vindrent  aussi  en  procession, 
pour  y  célébrer  les  divins  Mystaires.  Le  16,  les  PP.  Cor- 
deliers.  Le  17,  les  PP.  Carmes.  Le  18,  les  PP.  Trinitaires. 
Et  le  19,  les  PP.  de  la  Mercy  firent  de  même  avec  beau- 
coup de  majesté  et  de  dévotion.  Le  20,  les  PP.  Augustins 
firent  eux-mêmes  TOCfice  avec  une  magnifique  procession 
après  Vêpres,  où  Ton  portoit  le  corps  de  ce  glorieux  saint 
Martyr  dans  une  fort  belle  chasse,  et  son  Chef  dans  un  au- 
tre. Le  21,  le  Chapitre  de  Téglise  Collégiale  de  Saint-Sernin 
fit  la  clôture  de  cette  pieuse  octave,  avec  autant  de  pompe 
et  de  zèle  qu'on  en  pouvoit  souhaiter  d'une  Communauté  si 
Auguste.  Il  y  avoit  tous  les  jours  un  grand  concours  de 
peuple,  on  y  a  même  remarqué  quelques  nouveaux  cou- 
vents, qui  temoignoient  beaucoup  de  respect  et -de  dévo- 
tion. » 

Cette  relation  paraît  avoir  été  communiquée  à  la  Gazette 
imprimée  à  Paris  plutôt  qu'à  la  Gazette  réimprimée  à  Tou- 
louse, car  elle  a  toutes  les  formes  des  communications  adres- 
sées au  Bureau  de  l'Adresse 

Les  annonces  commerciales  ou  industrielles  n'existaient 


LES  DÉBUTS  DU  JOURNAL  A  TOULOUSE.        235 

pas.  La  Gazette  se  bornait  à  annoncer  dans  sa  dernière  page 
les  publications  venant  de  Paris  et  en  vente  à  la  boutique  de 
son  imprimeur-libraire,  et  celles  qui  étaient  faites  à  Tou- 
louse. 

C'est  ainsi  qu'on  peut  lire  dans  le  numéro  57  du  48  décem- 
bre 1685  l'annonce  suivante  : 

De  Toulouse 

Grapignan,   procureur^  en    vers   gascons^   par    l'illustre 
M.   Declarac  Duvernet  au  Pais  de  Foix. 

Grapignan,  procureur,  plaidant  d'un  nouveau  ton, 
Paroit  dans  cette  Ville  en  habit  de  Gascon, 
Et,  pour  y  débiter  ses  contes  et  sornettes, 
Eslit  son  domicilie  au  Bureau  des  Gazettes. 

Cette  annonce  reparaît  dans  plusieurs  numéros  suivants. 
Elle  est  remplacée  par  celle-ci  au  numéro  3  du  15  jan- 
vier 1686  : 

Lutrigot,  poème  Héroï  Couiique. 

C'est  l'auteur  du  Lutrin,  surnommé  Lutrigot, 

Dans  un  poème  à  grands  Vers,  qui,  berné  comme  un  sot, 

Paroit  dessus  la  scène  au  Bureau  des  Gazettes 

Où  Grapignan  Gascon  débite  ses  sornettes. 

Ce  petit  poème  burlesque  de  Grapignan^  qui  étaitune  satire 
en  vers  gascons  contre  les  procureurs,  paraît  avoir  eu  un 
grand  succès,  car  on  le  retrouve  souvent  annoncé  dans  la 
suite  avec  d'autres  publications  et  même  réimprimé  et  «  aug- 
menté de  nouveau  ».  Il  figure,  notamment,  avec  les  Quatrains 
de  Pihrac  «  mis  en  nouveau  françois  »,  et  les  poésies  d'Ami- 
Ibat  en  langue  moundine  dans  le  numéro  46  du  17  novem^ 
bre  1691  (page  368). 

Les  autres  annonces  de  livres  concernaient  surtout  des 
ouvrages  religieux. 

Au  mois  de  mai  ou  de  juin,  on  voyait  habituellement  figu- 
rer l'annonce  du  Recueil  des  pièces  présentées  à  r Aca- 
démie des  Jeux  floraux  qui  se  vendait  10  sols  broché 
avec  couverture  en  papier  marbré  et  15  sols  relié  en  ba- 


236  MÉMOIRES. 

sane '.  En  1711,  ce    Recueil  se  vendit  15  sols  broché    et 
20  sols  relié  «  à  cause  de  sa  grosseur  »,  dit  l'annonce*. 

La  Gazette  réimprimée  à  Toulouse  n'ayant  été  conservée 
à  la  Bibliothèque  municipale  que  jusqu'à  l'année  1746  inclu- 
sivement, nous  ignorons  comment  elle  continua  à  partir  de 
ce  moment.  Nous  savons  seulement  qu'elle  cessa  brusque- 
ment à  paraître  fin  mars  1752,  et  voici  en  quels  termes 
Pierre  Barthès  nous  l'apprend  dans  ses  Heures  perdues^  : 

<<  Avril  [1752]. 
«  Le  premier  de  ce  mois,  samedy,  comme  on  s'attendoit 
à  voir  la  Gazette^  selon  la  coutume,  on  a  été  surpris  de  rece- 
voir de  la  veuve  de  M.  Le  Camus,  un  avis  qui  porte  que  : 

«  Le  public  a  été  prévenu  dès  le  mois  de  juillet  dans  l'année  1751 
que  la  Gazelle  de  France  ne  seroit  plus  imprimée  dans  la  province; 
ce  projet  ayant  été  authorisé  par  le  Roy,  la  veuve  Lecamus  est 
obligée  de  cesser  l'impression  de  cette  Gazelle,  à  Toulouse,  le 
1er  avril  1752.  » 

c(  On  dit,  et  le  bruit  court  qu'on  a  formé  un  parti  là  des- 
sus. Ce  sera  confirmé  sans  doute,  et  quoique  les  nouvelles 
ne  doivent  émaner  que  de  la  Capitalle  du  Royaume,  nous 
verrons  à  quel  prix  on  le  taxera  et  si  nous  pourrons  nous  en 
accomoder.  On  peut  s'écrier  avec  le  poète  : 

Quid  non  morlalia  peclora  cogis 
A  uri  sacra  famés  /...  » 

Dans  ses  Heures  perdues^  Vxqvvq  Barthès  n'est  plus  re- 
venu sur  ce  sujet.  Nous  ne  sommes  donc  pas  exactement 
fixés  sur  la  spéculation  à  laquelle  il  fait  allusion.  Il  est  pro- 
bable qu'il  s'agit  de  l'achat  de  la  Gazette  de  France  par  le 
chevalier  de  Meslay,  en  1750,  et  de  sa  revente  au  fermier 
général  Le  Bas  de  Courmont,  ce  qui  donna  lieu,  en  efi'et,  à 
de  nouvelles  combinaisons  financières.  Et  voici  quels  en 
furent  les  résultats  à  Toulouse. 

1.  Année  1705,  p.  128;  année  1706,  p.  72;  année  1707,  p.  88,  etc. 

2.  Numéro  25  du  20  juin  1711,  p.  100,  c.  2. 

3.  Manuscrit  inédit,  conservé  à  la  Bibliothèque  de  la  ville,  en  ori- 
ginal 2«  cahier,  p.  43,  et  en  copie,  1. 1,  p.  383  de  la  copie. 


LES  DÉBUTS  DU  JOURNAL  A  TOULOUSE.        237 


III.  —  Les  premières  <  affiches  »  de  Toulouse. 

Antérieurement  à  la  fondation  de  la  Gazette,  Théophraste 
Renaudot  avait  inauguré  une  autre  publication  qui  avait  eu 
également  un  grand  succès.  Cette  publication  remontait  à  la 
création  du  Bureau  d'Adresse,  En  effet,  lorsqu'il  eut  ouvert 
ses  registres  à  tous  ceux  qui  se  présentaient  moyennant  une 
rétribution  de  trois  sous,  Théophraste  Renaudot  n'avait  pas 
tardé  à  comprendre  que,  pour  servir  utilement  ses  clients, 
il  était  nécessaire  de  porter  directement  à  la  connaissance 
du  public,  à  domicile,  leurs  demandes  et  leurs  offres.  Il  avait, 
en  conséquence,  fait  paraître  une  feuille  qui  était  en  grande 
partie  la  reproduction  des  registres  de  son  Bureau  d'Adresse. 
On  ignore  si  cette  publication  avait  une  périodicité  régu- 
lière et  quel  en  était  le  prix.  Mais  son  existence,  qui  ressor- 
tait implicitement  des  privilèges  de  Renaudot,  est  établie  par 
plusieurs  feuilles  conservées  à  la  Bibliothèque  nationale  de 
Paris  et  reproduites  par  Edouard  Fournier,  dans  ses  Vay^é- 
tes  historiques  et  littéraires,  ainsi  que  par  Eugène  Hatin, 
dans  son  Histoire  de  la  Presse  en  France'^.  Ces  feuilles 
datent  de  septembre  1633.  11  est  probable  que  la  réussite  de 
cette  publication  donna  à  Renaudot  l'idée  de  la  Gazette  poli 
tique  qu'il  fît  paraître  dans  les  mêmes  conditions  de  publi- 
cité, mais  en  la  rendant  périodique  à  des  jours  déterminés 
de  la  semaine. 

A  la  mort  de  Renaudot,  c'est-à-dire  en  1653,  le  Bureau 
d'Adresse  fut  séparé  de  celui  de  la  Gazette  et  donna  lieu  à 
une  publication  qu'on  appela  les  Affiches  de  Paris,  des 
Provinces  et  des  Pays  étrangers.  Après  quelques  années, 
elles  furent  remplacées  par  les  Petites  Affiches.  En  1702, 
les  Petites  Affiches  étaient  en  pleine  prospérité.  Mais,  un 
peu  plus  tard,  elles  cessèrent  à  leur  tour  d'être  publiées. 
Elles  avaient  été  reprises  de  1745  à  1751  par  un  imprimeur- 

1.  T.  II,  pp.  95  et  suiv. 


238  MEMOIRES. 

libraire  de  Paris,  nommé  Antoine  Boiidet,  lorsque  le  cheva- 
lier de  Mesléou  Meslay,  ayant  acheté  la  Gazette  de  France  à 
l'abbé  Aunillon,  revendiqua  les  Affichés  comme  une  émana- 
tion de  son  privilège;  et  l'imprimeur  Antoine  Boudet,  qui 
ne  les  publiait  qu'en  vertu  d'une  permission  tacite,  fut  con- 
traint de  cesser  leur  publication.  Le  chevalier  de  Meslay 
finit  par  obtenir  un  arrêt  du  Conseil  du  mois  de  juillet  1756 
qui  lui  reconnaissait  un  privilège  général  aussi  étendu  que 
celui  qu'avait  obtenu  Théophraste  Renaudot  au  siècle  précé- 
dent. Ce  privilège  comprenait  V Affiche  de  Paris^  les  Affi- 
ches projetées  pour  les  Provinces  et  la  Gazette  de  France. 

Une  fois  nanti  de  ce  privilège,  le  chevalier  de  Meslay 
confia  la  rédaction  de  la  Gazette  à  M.  Meusnier  de  Querlon; 
puis  il  lui  donna  également  à  rédiger  les  Affiches  des 
Provmces,  L'abbé  Aubert  fut  enfin  chargé  de  V Affiche  de 
Paris. 

Ces  diverses  feuilles  périodiques  ayant  obtenu  un  grand 
succès,  le  chevalier  de  Meslay  vendit  son  privilège  à  M.  Le 
Bas  de  Courmont,  qui  était  fermier  général  à  Paris.  Et 
celui-ci  traita,  le  6  septembre  1759,  avec  un  imprimeur- 
libraire  de  Toulouse,  nommé  Nicolas  Garanove,  pour  lui 
céder  le  privilège  de  la  feuille  des  Affiches  et  Annonces  et 
Avis  divers,  qui  devait  se  publier  à  Toulouse. 

Nicolas  Garanove  était  à  cette  époque  un  des  dix  impri- 
meurs-libraires autorisés  à  Toulouse.  Il  devait  jouir  d'une 
notoriété  importante,  car  il  était  fils  d'un  ancien  capitouP.  Il 
logeait  dans  la  rue  Saint-Rome,  où  il  avait  trois  presses. 
Il  travaillait  ordinairement  pour  les  fermes  du  Roi  et  avait 
un  privilège  pour  l'impression  de  tous  les  arrêts  du  Parle- 
ment *. 

Le  traité  qui  fut  passé  par  M.  Le  Bas  de  Gourmont^ayec 
Nicolas  Garanove  a  été  transcrit  dans  le  Livre  de  la  Com- 
munauté de  Messieurs  les  Imprimeurs  et  Libraires  de  Tou- 

1.  Garanove  (Jean-François),  marchand,  devint  capitoul  en  1715. 

2.  Indications  fournies  par  un  Etat  dressé  par  le  subdélégué  de 
Toulouse,  Amblard,  le  20  novembre  1758  {Archives  départementales 
de  la  Haute  Garonne,  série  G,  147). 


i. 


LES  DEBUTS  DU  JOURNAL  A  TOULOUSE.        239 

louse,  manuscrit  conservé  à  la  Bibliothèque  municipale ^  Il 
est  ainsi  conçu  : 

«  Je.  soussigné,  propriétaire  du  privilège  exclusif  d'im- 
primer,  faire  imprimer,  vendre  et  débiter  des  affiches  dans 
tout  le  royaume  accordé  par  Sa  Majesté  par  arrest  du  Con- 
seil du  mois  de  juillet  1756,  permets  que  le  sieur  Caranove, 
imprimeur  delà  ville  de  Toulouse,  fasse  imprimer,  vandre  et 
débiter  par  qui  bon  luy  semblera  dans  la  ville  de  Toulouse 
une  feuille  d'affiches,  annonces  et  avis  divers  composée  à 
rinstar  de  celles  de  Lion  et  Nantes,  Bordeaux,  Paris  et  autres 
villes  où  la  permission  a  na  esté  acordée,  dans  laquelle  feuille 
d'affiches  qui  paretra  toutes  les  semaines  seront  anoncés  les 
maisons,  terres,  biens,  offices  et  effets  à  vendre  ou  à  louer,  le 
départ  et  l'arrivée  des  vaisseaux,  enfin  tout  ce  qui  intéraisse 
les  ars,  les  sciences,  l'agriculture,  la  navigation  et  le  com- 
merce, pour  le  terme  et  espace  de  4  années  à  compter  du 
1*'  juillet  dernier  moyennant  la  somme  de  trois  cens  livres 
qui  sera  payée  annuellement  et  d'avance  audit  sieur  proprié- 
tere  par  le  sieur  Caranove  et  à  condition  d'envoyer  audit 
sieur  propriétere  par  le  même  Caranove  toutes  les  semaines 
la  ditte  feuille  d'atfiche  de  Toulouse  franc  de  port. 

«  Fait  double  [un  mot  illisible],  ce  6  septembre  1759. 
signé  Gourmont.  Contrôlé  à  Toulouse,  le  19  septembre  1759. 
Enregistré  sur  le  présant  registre  des  imprimeurs  et  librai- 
res de  ceste  ville  en  conformité  des  reglemens,  à  Toulouse, 
ce  19""^  septembre  1759. 

«  François  Hénault,  sindic  ». 

Que  fut  cette  publication  de  l'imprimeur  Caranove  et  com 
bien  dura-t-elle?  C'est  ce  qu'il  nous  a  été  imposri'ble  de 
savoir,  car  aucun  numéro  n'en  a  été  conservé  et  aucun  docu- 
ment ne  rindi(|ue.  Le  souvenir  s'en  est  môme  perdu  si  fort 
que  Dumège  n'en  parle  pas  dans  ses  Institutions  de  la  ville 
de    Toulouse,  tandis  qu'il  indique  une  publication  sembla- 


1.   P:iffe  278.  —  Caldlogue  général  des  manuscrits  (U's  liihliolhè' 
ques  publiques  de  France,  t.  XFJII,  Siii4)léinent.  iv*^  1010  .t  lOIl, 


240  MÉMOIRES. 

ble  qui  aurait  été  inaugurée  à  Toulouse  par  l'abbé  Forest 
et  qui  remonterait  à  l'année  1754'.  Ce  dernier  nom  rap- 
pelle celui  d'une  famille  d'imprimeurs  toulousains,  vivant  à 
pareille  époque.  Mais  nous  n'avons  pu.  retrouver  aucun  nu- 
méro de  ce  journal,  ni  aucune  mention  du  privilège  qu'au- 
rait obtenu  l'abbé  Forest  à  cet  égard.  Cette  publication  devait 
sans  doute  n'être  qu'une  simple  feuille  d'annonces  comme 
celle  de  Nicolas  Garanove. 

Cependant,  les  Affiches  de  Toulouse,  si  on  en  juge  par 
celles  qui  ont  paru  dans  la  suite,  avaient  un  caractère  plus 
politique  et  plus  littéraire  que  les  Affiches  de  Paris.  Elles 
devaient  participer  des  Affiches  des  Provinces  que  Meusnier 
de  Querlon  nous  a  présentées  comme  ne  constituant  pas  des 
journaux  proprement  dits,  mais  comme  en  étant  V avant- 
coureur,  et  qui  étaient  rédigées  de  façon  qu'elles  pouvaient 
tenir  compte  de  journaux  à  ceux  qui  ne  les  lisaient  point, 
tandis  qu'elles  pouvaient  exciter  les  autres  à  les  consulter. 
«  L'Affiche,  ajoutait-il  philosophiquement,  peint  en  raccourci 
toutes  les  vicissitudes  humaines.  Le  tableau  de  ces  muta- 
tions perpétuelles  que  subissent  et  les  biens  et  les  charges 
dont  nous  annonçons  les  ventes,  en  nous  retraçant  notre  con- 
dition naturelle,  cadre,  à  ce  qu'il  nous  semble,  assez  bien 
avec  celui  des  écrits  modernes,  qui  se  succèdent  rapidement, 
qui  se  poussent  comme  les  flots  et  les  vagues,  qui  s'eftacent 
et  s'engloutissent  de  même^  ».  La  comparaison  est  suriout 
exacte  pour  les  débuts  du  journalisme  à  Toulouse,  car  c'est 
à  peine  s'il  reste  quelques  souvenirs  des  premiers  journaux 
qui  y  ont  été  publiés. 

Sur  ces  entrefaites,  :a  Gazette  subit  une  nouvelle  trans- 
formation. 

Sous  l'impulsion  du  comte  de  Choiseul,  devenu  premier 
ministre,  Louis  XV,  par  lettres  patentes  d'août  1761,  révo- 
qua le  privilège  qui  avait  été  donné  à  Théophraste  Renaudot 
et  à  ses  successeurs  à  perpétuité  et  ordonna  que  la  Gazette 


1.  Tome  I,  p.  409. 

2.  Affiches  de  Paris,  premier  numéro  de  1759, 


LES  DÉBUTS  DU  JOURNAL  A  TOULOUSE.        241 

serait  réunie  au  département  des  Affaires  étrangères  et  qu'elle 
deviendrait  l'organe  officiel  du  Gouvernement.'  En  consé- 
quence, elle  augmenta  son  volume,  doubla  sa  périodicièé  et 
prit,  à  partir  du  1®''  janvier  1762,  le  titre  de  Gazette  de 
Finance  avec,  en  tête,  les  armes  royales. 

Pour  lui  assurer  une  rédaction  plus  complète  et  plus 
exacte,  le  comte  de  Choiseul  fit  appel  aux  intendants  des 
provinces  et  leur  demanda  de  rechercher  et  de  lui  faire 
parvenir  tous  les  renseignements  utiles,  après  les  avoir  bien 
contrôlés. 

C'est  ainsi  que,  le  20  août  1761,  le  vicomte  de  Saint-Priest, 
intendant  de  la  province  de  Languedoc,  écrivit  de  Montpellier 
à  M.  Amblard,  subdélégué  à  Toulouse,  la  lettre  suivante*  : 

Monsieur, 

Le  Roy  a  jngé  à  propos  de  révoquer  le  privilège  accordé  pour  la 
Gazelle  de  France  et  de  le  réunir  au  département  des  Affaires  étran- 
gères pour  être,  dans  la  suite,  composé'  et  im{)rimé  sons  les  ordres  et 
sous  l'autorité  du  ministre  auquel  en  a  confié  l'administration.  Sa 
Majesté  a  eu  également  [lacune]  de  la  rendre  plus  authentique,  plus 
intéressante,  et  de  luy  donner  toute  la  supériorité  dont  elle  est  sus- 
ceptible. C'est  pour  remplir  ses  intentions,  Monsieur,  et  pour  satis- 
faire aux  ordres  qui  m'ont  été  donnés,  que  je  vous  prie  de  vouloir  bien 
m'adresser  régulièrement  des  buletins  de  tout  ce  qui  arrivera  dans 
votre  département  qui  vous  paroitra  capable  de  satisfaire  et  d'inté- 
resser la  curiosité  publique,  particulièrement  tout  ce  qui  a  rapport  à  la 
pliisique,  à  l'histoire  naturelle,  à  des  projets  de  commerce,  à  des  éla- 
blissemens  de  manufactures,  plans  de  nouvelles  cultures,  faits  singu- 
liers et  extraordinair<^s.  La  vérité  et  la  fidélité  doivent  être  la  baze 
de  ces  Buletins,  et  je  vous  prie  de  donner  vôtre  attention  pour  qu'ils 
soient  rédigés  avec  toute  l'attention  convenable,  de  manière  que  je 
puisse  compter  sur  la  fidélité  des  faits.  Vous  voudrez  bien  me  les 
faire  parvenir  le  plus  promptement  qu'il  sera  possible,  cet  article 
étant  très  essentiel  pour  donner  plus  du  crédit  à  la  Gazelle. 

Je  suis.  Monsieur,  votre  très  humble  et  très  obéissant  serviteur. 

De  Saint-Priest. 

Dès  le  29  août  1761,  le  subdélégué  de  Toulouse,  M.  Am- 
blard, accuse  réception  de  sa  lettre  à  M.  de  Saint-Priest*  : 

1.  Archives  déparlemenlales  de  la  Ilaule-Garonne,  série  G,  147. 

2.  Ihid.,  série  G,  147. 


242^  MÉMOIRES. 

Monsieur, 

Je  fiûray  tout  ce  qui  dépendra  de  moy  en  l'exécution  de  la  lettre 
que  vous  m'aves  fait  l'honneur  de  m'ecrire  le  20  de  ce  mois  pour  vous 
adresser  des  bulletins  de  tout  ce  qui  se  passera  dans  mon  départe- 
ment qui  peut  intéresser  la  curiosité  publique  ou  l'intérêt  général  ; 
mais  la  stérilité  de  notre  Gazette  de  Toulouse  vous  prévient  d'avance 
({ne  je  n'auray  pas  vraisemblablement  de  la  matière  pour  remplir 
les  buletins.  Je  prendray  néanmoins  toutes  les  mesures  possibles 
pour  être  en  état  de  répondre  aux  intentions  du  Ministre  et  à  vos 
ordres. 

J'ay  l'honneur,  etc.  Amblard. 

J'ay  écrit  en  conséquence  dans  les  principalles  communautés  de 
mon  département  pour  qu'on  me  fit  part  de  ce  qui  arrivera  d'intéres- 
sant. 

Ainsi  que  rétablit  celte  lettre  du  subdélégué  Amblard,  la 
Gazette  continuait  à  être  réimprimée  à  Toulouse.  Et  il  est 
probable  qu'il  en  était  de  même  des  Affiches  dont  Nicolas 
Caranove  avait  le  privilège,  car,  quelques  mois  auparavant, 
le  l®""  décembre  1759,  M.  Amblard,  se  trouvant  à  Montpel- 
lier, en  réclamait  l'envoi  en  ces  termes'  : 

Souvenes  [vous]  de  m'envoyer  la  feuille  hebdomadaire  chaque 
mercredy  et  de  m'envoyer  pour  le  moins  un  procès-verbal  chaque 
semaine  pour  vous  donner  icy  mon  avis.  Relisés-le  avant  de  le  faire 
mettre  au  net... 

Le  comte  de  Ghoiseul  ne  se  contenta  pas  de  demander  leur 
concours  aux  intendants  pour  la  rédaction  de  la  Gazette;  il 
leur  envoya  un  «  prospectus  »  leur  traçant  leur  ligne  de 
conduite.  A  son  tour,  M.  de  Saint  Priest  envoya  ce  prospec- 
tus à  ses  subdélégués  avec  la  lettre  suivante*  : 

A  Montpellier,  le  20  novembre  1761. 

Je  joins,  Monsieur,  un  exemplaire  qui  vient  de  m'être  envoyé  par 
M.  le  comte  de  Ghoiseul,  ministre  des  aflaires  étrangères,  du  prospec- 
tus de  la  Gazette  de  France,  approuvé  par  Sa  Majesté;  l'attention 
particulière  qu'elle  veut  bien  donner  à  cet  ouvrage  doit  luy  assurer  la 
supériorité  la  plus  décidée,  et  comme  le  Ministre  me  recommande  d'y 

1.  Archives  départementales  de  la  Haute-Garonne,  série  G,  147. 


LES   DÉBUTS   DU   JOURNAL   A   TOULOUSE.  243 

concourir  en  tout  ce  qui  pourra  dépendre  de  moy,  je  ne  saurois  trop 
vous  rapeller  Tinstruction  que  je  vous  ay  donné  par  une  lettre  du 
27  août  dernier  [elle  est  du  20]  pour  la  composition  des  buletins  que  je 
vous  ay  prié  de  m'adresser  de  tout  ce  qui  arrivera  dans  vôtre  dépar- 
tement qui  vousparoitra  capable  de  satisfaire  ou  d'intéresser  la  curio- 
sité [)ublique,  et  particulièretnent  tout  ce  qui  a  raport  à  la  pliisique, 
à  l'histoire  naturelle,  aux  projets  de  commerce,  à  des  établissements 
de  mnnufaclures,  plans  de  nouvelles  cultures,  faits  singuliers  et  extra- 
ordinaires, de  manière  que  Penvoy  de  ces  buletins  puisse  m'être  fait 
avec  toute  la  régularité  que  les  circonstances  peuvent  voiis  permettre 
et  qu'ils  ayent  le  mérite  de  la  nouveauté.  Je  me  suis  aperçu  avec  peine 
que  dans  une  province  aussi  vaste  que  celle-cy  et  que  l'on  peut  regar- 
der à  juste  titre  comme  le  centre  de  la  Litérature,  des  Beaux-Arts, 
du  Commerce,  et  qui  offre  enfin  tant  de  ressources  pour  la  culture,  je 
n'aye  pu  encore  fournir  aucun  morceau  intéressant,  ni  signaler  un 
zèle  pour  un  objet  agréable  à  Sa  Majesté  et  qui,  au  fonds,  est  inté- 
ressant pour  la  nation.  Je  ne  saurois  trop  vous  prier,  Monsieur,  de 
redoubler  votre  attention  pour  vous  tenir  sur  les  avis  des  événements 
singuliers  et  extraordinaires  qui  pourroient  arriver  dans  volrre  dépar- 
tement et  pour  faire  les  recherches  de  tout  ce  qui  a  raport  aux  autres 
objets  de  mon  instruction  ;  vous  me  rendrez  un  service  signalé  d'entre- 
tenir une  correspondance  exacte  avec  moy  à  ce  sujet  et  de  ne  point 
perdre  de  vue  les  instructions  de  Sa  Majesté  qui  me  sont  recomman- 
dées delà  manière  la  plus  particulière. 

Vous  voudrés  bien  m'accuser  réception  de  cette  lettre. 

Je  suis.  Monsieur,  votre  très  humble  et  très  obéissant  serviteur. 

De  Saint-Priesï. 


A  cette  lettre  pressante  de  M.  de  Saint-Priest,  le  siibdélé- 
gué  Amblard  répondait  le  28  novembre  de  la  même  année 
(1761)  : 

Je  voudrois  bien  de  tout  mon  cœur  concourir  aux  vues  du  Ministre 
et  aux  vôtres  pour  le  succès  du  nouveau  plan  sur  la  Gazelle  de 
France.  La  ville  de  Toulouse  n'a  offert  encore  aucun  événement  qui 
me  paroisse  intéresser  la  curiosité  publique.  Etquoy  que  nous  y  ayons 
trois  Académies  de  Tâttérature,  des  Sciences  et  des  Beaux-Arts,  elles 
ne  fournissent  jusqu'ici  rien  d'intéressant  pour  le  public.  J'ay  môme 
écrit  dans  les  principalles  communautés  de  mon  département  sur  le 
même  objet.  Je  ne  puis  que  continuer  mon  zèle  et  mon  attention  pour 
tâcher  de  remplir  vos  vues,  et  je  my  intéresse  avec  d'autant  plus  d'em- 
pressement que  vous  me  faites  conoitre  toute  la  vivacité  du  vôtre 
pour  un  projet  aussi  louable  et  qui  ne  peut  être  que  très  utile  au 
public. 

J'ai  l'honneur,  etc. 


244  MÉMOIRES. 

Cette  lettre  n'était  guère  flatteuse  pour  le  mouvement  lit- 
téraire, scientifique  et  artistique  qui  se  produisait  à  Tou- 
louse à  cette  époque.  Cette  appréciation  de  M.  Amblard  tient 
peut-être  à  ce  que  lui-même  n'était  pas  au  courant  de  ce  qyi 
se  passait  dans  la  vie  toulousaine,  car,  si  nous  cherchions 
un  peu,  nous  pourrions  citer  bien  des  faits  qui  étaient  de  na- 
ture à  être  signalés  par  un  journal  bien  informé  et  voulant 
satisfaire  la  curiosité  publique. 

La  révocation  du  privilège  accordé  à  la  Gazette  en  4631  et 
la  suppression  de  sa  réimpression  à  Toulouse  avaient  dû 
donner  plus  d'importance  aux  Affiches  locales  imprimées  par 
Nicolas  Caranove.  Mais  celui-ci  se  faisait  vieux.  Il  exerçait 
sa  profession  depuis  1722.  Il  n'avait  pas  d'enfants  et  aspirait 
au  repos.  Nous  le  voyons  donner  sa  démission  d'imprimeur, 
le  16  octobre  1764,  en  faveur  du  sieur  Joseph  Dalles  ^  qui 
lui  succéda,  en  effet,  en  vertu  d'un  arrêt  du  Conseil  d'Etat 
privé  du  Roi,  en  date  du  11  février  1765 2.  Mais  rien  n'indique 
que  Joseph  Dalles  ait  continué  les  Affi^ches  de  Nicolas  Cara- 
nove. Et,  lorsqu'on  décembre  1774,  un  autre  imprimeur- 
libraire,  Jean-Florent  Baour,  annonça  la  publication  d'une 
«  feuille  hebdomadaire»  pour  le  1*''' janvier  1775,  sous  le  titre 
persistant  à' Affiches,  il  semble  qu'il  ait  voulu  se  conformer 
aux  innovations  qui  venaient  de  se  produire  à  Paris.  Nous 
pourrons  en  parler  avec  d'autant  plus  d'exactitude  que  nous 
avons  eu  sous  les  yeux  une  collection  complète  de  cette  pu- 
blication heureusement  conservée  dans  la  bibliothèque  de 
notre  vieil  ami,  M.  Gaston  d'Aldéguier,  petit-neveu  de  l'an- 
cien bibliothécaire  et  historien  de  la  ville  de  Toulouse^. 

1.  Livre  de  la  Communauté  de  Messieurs  les  Imprimeurs  et 
Libraires  de  Toulouse,  t.  I,  p.  322  (Ms  de  la  Bibliothèque  munici- 
pale de  Toulouse). 

2.  Livre  de  la  Communauté,  etc.,  t.  I,  pp.  324  à  328. 

3.  Il  en  existe  également  une  collection  à  la  Bibliothèque  munici- 
pale, mais  elle  est  incomplète. 


UNE    ORDONNANCE   SUR   LA   VOIRIE   DE  TOULOUSE.        245 


Ul  ORDOMANCE  SUR  \A  VOIRIE  DE  TOULOUSE 

AU  DIX-HUITIÈME  SIÈCLE  (1769) 


Par  m.  DUMAS' 

Doyen  de  la  Faculté  des  Lettres. 


La  seconde  moitié  du  dix  huitième  siècle  a  été,  pour  la 
plupart  des  grandes  villes  de  France,  une  époque  de  trans- 
formation et  d'embellissement.  A  mesure  que  la  population 
urbaine  augmentait,  soit  par  suite  de  l'excédent  des  nais- 
sances, soit  à  cause  de  Témigration  des  campagnes  dans  les 
villes  dont  on  se  plaignait  déjà,  des  besoins  nouveaux  se 
faisaient  sentir,  auxquels  il  était  indispensable  de  donner 
satisfaction.  De  plus,  par  suite  des  progrès  de  Tagriculture, 
de  l'industrie  et  du  commerce,  l'aisance  générale  est  devenue 
plus  grande,  le  produit  des  impôts  ne  cesse  de  s'accroître; 
le  renouvellement  du  bail  des  fermes  se  fait  toujours  à  des 
conditions  plus  avantageuses  pour  le  roi;  les  octrois,  qui 
constituent  la  principale  et  souvent  même  l'unique  ressource 
des  villes,  mettent  à  la  disposition  des  municipalités  des 
sommes  de  plus  en  plus  élevées,  sans  qu'il  y  ait  accroisse- 
ment de  tarifs.  Enfin,  il  y  a  eu  presque  partout  des  adminis- 
trateurs remarquables  qui  ont  su  concevoir  des  plans  à  la 
fois  utiles  et  grandioses  et  les  mener  à  bonne  fin.  ils  ont 
cherché  à  orner  les  villes  de  beaux  bâtiments,  de  monuments, 

1.  Lu  dans  la  séance  du  28  avril  1910. 


246  MEMOIRES. 

cle  fontaines,  de  promenades  publiques,  qui  encore  aujour- 
d'iiui  en  constituent  parfois  le  plus  bel  ornement;  ils  ont  fait 
disparaître  des  ruelles  tortueuses,  sombres  et  humides,  qu'ils 
ont  remplacées  par  des  rues  larges  et  droites,  par  des  places 
publiques  spacieuses  qui  ont  donné  aux  villes  ce  qui  leur 
manquait  le  plus  :  de  l'air,  de  la  lumière  et  du  soleil.  Dans 
les  pays  d'élections,  et  surtout  dans  les  villes  qui  étaient 
chefs-lieux  d'intendance,  c'est  presque  toujours  l'intendant 
qui  a  eu  l'initiative  des  grands  travaux  et  qui  a  su  les  faire 
exécuter. 

Thiroux  de  Crosne  a  embelli  Rouen.  Rouillé  d'Orfeuil  a 
travaillé  à  rendre  Ghâlons  «  très  belle  d'infâme  qu'elle  était.  » 
Le  pont  de  Tours,  la  rue  Nationale,  qui  font  encore  aujour- 
d'hui l'admiration  des  étrangers  et  qui  donnent  à  cette  ville 
un  aspect  monumental,  sont  l'œuvre  de  l'intendant  Du  Cluzel. 
La  ville  de  Saintes  est  redevable  à  l'intendant  de  Reverseaux 
de  très  beaux  quais  et  d'une  promenade  publique.  A  Bor- 
deaux, le  théâtre,  les  allées  de  Tourny,  et  surtout  les  splen- 
dides  quais  qui  encadrent  si  majestueusement  la  Garonne, 
sont  l'œuvre  des  intendants.  La  statue  élevée  à  l'un  d'entre 
eux,  Tourny,  rappelle  encore  le  souvenir  de  cet  excellent 
administrateur.  A  Limoges,  pendant  les  vingt-cinq  années 
qui  ont  précédé  la  Révolution,  il  y  eut  une  véritable  fièvre  de 
bâtir,  et  la  ville,  qui  en  avait  d'ailleurs  leplus  grand  besoin, 
commença  à  se  transformer.  A  Montpellier,  on  construit  un 
hôtel  pour  le  gouverneur,  un  évêché,  un  théâtre,  on  perce 
des  rues  nouvelles.  A  Pau,  à  Montauban,  on  élève  de  vérita- 
bles palais  pour  loger  l'intendant.  Il  serait  facile  de  multiplier 
les  exemples,  car  il  semble  qu'il  y  ait  eu  au  dix-huitième 
siècle  une  véritable  émulation  parmi  les  intendants,  et  les 
contemporains  se  sont  plu  à  rendre  hommage  à  leur  activité, 
à  leur  bienfaisance  éclairée. 

Les  sommes  considérables  nécessitées  par  ces  grands 
travaux  furent  fournies  en  partie  par  les  villes  intéressées; 
mais  comme  les  finances  municipales  étaient  le  plus  souvent 
dans  un  état  lamentable,  jamais  ces  travaux  n'auraient  pu 
être  entrepris  et  surtout  menés  à  bonne  fin,  si  les  intendants, 


UNE   ORDONNANCE    SUR    LA    VOIRIE   DE   TOULOUSE.        247 

par  leur  zèle,  par  leur  habileté,  par  leur  influence,  n'avaient 
pas  réussi  à  se  procurer  les  ressources  indispensables.  Ils  ob- 
tiennent des  subventions  sur  les  fonds  généraux  des  travaux 
publics;  ils  sont  autorisés  à  employer  une  partie  des  fonds 
libres  de  la  capitation,  les  excédents  de  Timposition  du 
casernement,  ainsi  que  tous  les  «  revenants  bons  »,  c'est- 
à-dire  toutes  les  économies  qu'ils  peuvent  réaliser  sur  les 
diff*érents  chapitres  de  leur  administration.  Parfois  même, 
ils  font  mettre  à  leur  disposition  un  grand  nombre  de  soldats, 
comme  le  fit  Du  Gluzel  pour  la  construction  du  pont  de  Tours. 

Toulouse  n'était  pas,  malgré  son  importance,  chef-lieu 
d'intendance  ;  elle  était  placée  sous  l'administration  de  l'inten- 
dant de  Montpellier  qui  était  représenté  à  Toulouse  par  un 
subdélégué,  et  elle  était  située  en  pays  d'Etats.  Aussi  ne 
pouvait-elle  compter  ni  sur  l'intervention  énergique  de  l'in- 
tendant pour  favoriser  ou  défendre  auprès  du  gouvernement 
royal  les  projets  que  pouvaient  former  les  capitouls,  ni  sur 
les  subventions  du  contrôleur  général.  Golbert,  en  1672, 
avait  refusé  de  secourir  Toulouse,  après  un  grand  incendie, 
parce  qu'elle  ne  contribuait  pas  aux  grandes  dépenses  de 
l'Ktat.  Ses  successeurs  suivirent  son  exemple  et  invoquèrent 
toujours  la  même  raison,  souvent  même  ils  s'opposèrent 
aux  dépenses  proposées  par  les  capitouls,  même  pour  des 
objets  utiles,  parce  que  le  mauvais  état  des  finances  de  la 
ville  ne  le  permettait  pas.  Les  capitouls  étaient  donc  obligés 
de  se  montrer  prudents  et  modérés,  et  si  les  embellissements 
de  Toulouse  au  dix-huitième  siècle  furent  moindres  que 
dans  d'autres  villes  qui  lui  étaient  bien  inférieures  sous  tous 
les  rapports,  c'est  en  grande  partie  parce  que  l'intendant  n'y 
résidait  pas,  et  parce  que  les  modestes  subventions  que  pou- 
vaient lui  accorder  les  Etats  du  Languedoc  pour  faciliter  les 
entreprises  des  ouvrages  utiles  ou  grandioses  ne  sauraient 
être  comparées  à  celles  que  reçurent  sur  le  trésor  royal  les 
villes  situées  dans  les  pays  d'élections. 

Malgré  cela,  les  capitouls  ne  restèrent  pas  inactifs.  Sur  leur 
demande  et  sur  celle  de  l'intendant,  M.  Garipuy,  directeur  des 
travaux  de  la  sénéchaussée,  dressa  un  plan  d'ettsemblo  qui 


248  MÉMOIRES. 

consistait  à  achever  la  place  de  l'hôtel  de  ville,  à  aligner  le 
quartier  Saint  Gyprien,  à  établir  des  allées  d'ormeaux  depuis 
la  porte  Saint-Etienne  jusqu'à  celle  du  Château  et  à  la 
rivière,  à  bâtir  des  quais,  à  créer  un  jardin  public  médicinal 
entre  le  couvent  des  carmes  déchaussés  et  l'oratoire  du 
Crucifix,  à  obliger  les  communautés  religieuses  à  plaquer  de 
petites  maisons  avec  des  boutiques  le  long  de  leurs  enclos 
pour  éviter  le  désert  de  ces  murailles  nues  et  le  danger 
d'être  attaqué  sans  secours.  Tous  ces  travaux  devaient  coûter 
environ  deux  millions.  L'intendant  pensa  que  les  ministres 
n'autoriseraient  jamais  une  semblable  dépense  et  invita  les 
capitouls  à  se  borner  à  faire  une  place,  une  fontaine  et  un 
cours.  Ne  pouvant  exécuter  ce  plan,  les  capitouls  entrepri- 
rent les  grands  travaux  de  terrassement  de  l'esplanade  et 
transformèrent  en  une  belle  promenade  publique  les  terrains 
vagues  qui  s'étendaient  entre  la  porte  Montgaillard  et  la 
porte  Montoulieu.  De  1750  à  1766,  ils  consacrèrent  environ 
800,000  livres  à  divers  embellissements ^ 

Si  les  capitouls  étaient  soumis  à  la  tutelle  administrative 
quand  il  s'agissait  de  questions  budgétaires,  s'ils  ne  purent 
pas  toujours,  à  cause  de  l'opposition  qu'ils  rencontrèrent, 
réaliser  les  projets  qu'ils  avaient  conçus,  leur  autorité  était 
beaucoup  plus  grande  pour  tout  ce  qui  touchait  à  la  régle- 
mentation de  la  voirie.  Ils  ont  fait  de  sérieux  efforts  pour 
améliorer  le  pavage,  l'éclairage,  la  propreté,  la  sûreté  des 
rues.  Ils  ont  publié,  dans  le  cours  du  dix-huième  siècle,  de 
nombreuses  ordonnances  relatives  à  ces  différents  points,  et 
le  11  décembre  1769,  ils  ont  groupé  dans  une  ordonnance 
générale  en  118  articles  tous  les  règlements  particuliers. 
C'est  une  sorte  de  code  municipal  pour  tout  ce  qui  concerne 
la  voirie.  L'étude  en  présente  un  certain  intérêt  parce  qu'elle 
nous  fait  connaître  d'une  manière  précise  les  principales 
obligations  auxquelles  étaient  soumis  les  habitants  de  Tou- 
louse à  la  veille  de  la  Révolution  française. 

Les  capitouls  commencent  par  définir  la  rolicede  la  voirie. 

1.  Arch.  dép.,  G.  284. 


UNE   ORDONNA^XE   SUR    LA   VOIRIE   DE   TOULOUSE.        249 

Ils  donnent  à  ce  mot  la  plus  grande  extension.  <  Cette  por- 
tion précieuse  de  notre  juridiction  embrasse  les  objets  les 
plus  essentiels,  elle  veille  à  la  solidité,  à  la  symétrie  et  à  la 
régularité  des  bâtiments  que  Ton  construit;  elle  oblige  les 
propriétaires  de  ces  bâtiments  à  les  entretenir  et  à  en  prévenir 
promptement  la  ruine,  elle  empêche  que  les  citoyens  empiè- 
tent sur  les  rues  et  sur  les  places  publiques  par  des  saillies 
ou  des  étalages  qui  y  causent  de  la  difformité  ou  qui  inter- 
ceptent Tair;  elle  en  écarte  tous  les  obstacles  qui  les  rendent 
moins  libres  et  moins  sûres;  elle  pourvoit  à  la  largeur,  à 
Talignement  et  à  la  propreté  des  rues,  à  ce  qu'elles  soient 
éclairées  pendant  la  nuit  par  des  lumières  publiques,  à  l'en- 
tretien du  pavé  et  à  l'écoulement  des  eaux;  elle  s'applique 
enfin  à  la  conservation  des  chemins,  à  en  assurer  l'étendue 
et  la  commodité. 

€  Cette  police,  dont  les  soins  sont  également  étendus  et 
importants,  aboutit  à  l'embellissement  et  à  la  décoration  de 
la  ville,  à  en  rendre  les  avenues  aisées  et  agréables,  à  pro- 
curer aux  citoyens  l'abondance  des  subsistances,  la  santé,  la 
sûreté,  la  commodité  et  l'agrément.  Ces  grands  objets  qui 
intéressent  de  si  près  les  avantages  du  commerce,  le  service 
de  l'Etat  et  le  bonheur  public,  avaient  été  envisagés  par  nos 
prédécesseurs;  il  tâchèrent  d'y  pourvoir  par  divers  règle- 
ments; mais  comme  ces  règlements  sont  épars,  obscurs, 
imparfaits  et  la  plupart  inexécutés,  il  est  indispensable  de 
les  renouveler  et  de  les  réunir,  en  y  ajoutant  des  interpréta- 
tions utiles  et  des  dispositions  qui  ont  été  omises  ou  que  de 
nouvelles  circonstances  rendent  nécessaires.  > 

Ce  préambule  indique  d'une  manière  assez  précise  la 
nature  des  prescriptions  que  contient  l'ordonnance  des 
capitouls  et  qu'on  peut  grouper  de  la  manière  suivante  : 

V  Articles  relatifs  h  la  construction  et  à  la  réparation  des 

maisons; 
2**  Précautions  à  prendre  pour  la  tranquillité  et  la  sûreté 

des  rues; 
3*^  Prescriptions  pour  éviter  l'encombrement  des  rues; 

IQe   SKRIK.    —   TOME   X.  19 


250  MÉMOIRES. 

4"  Articles  relatifs  aux  promenades  publiques; 

5"  Eclairage  public; 

6**  Nettoiement  des  rues; 

l""  Hygiène  des  maisons  et  de  la  rue; 

8°  Pavage  des  rues  ; 

9"  Prescriptions  diverses. 


Il  est  expressément  défendu  à  toutes  personnes,  de  quelque 
qualité  et  conditions  qu'elles  soient,  à  tous  architectes,  entre- 
preneurs, maçons,  charpentiers  et  autres  ouvriers,  de  cons- 
truire ou  faire  construire  sur  les  rues  et  places  publiques  de 
la  ville  et  des  faubourgs  aucun  bâtiment  simple  ou  décoré, 
ni  des  murs  de  clôture,  ni  même  de  rétablir  aucune  maison 
ou  mur  de  clôture  «  qu'après  en  avoir  fait  la  dénonce,  que  la 
vérification  desdites  constructions  aura  été  faite,  que  les 
alignements  en  auront  été  fixés  en  la  forme  ordinaire  et 
qu'ils  en  auront  ensuite  obtenu  la  permission,  sous  peine 
contre  les  propriétaires  de  démolition  et  de  50  livres  d'amende, 
de  pareille  amende  contre  les  architectes,  entrepreneurs  ou 
ouvriers,  et  du  double  en  cas  de  récidive  ».  Quand  on  consulte 
les  plans  de  Toulouse  de  la  fin  du  dix-huitième  siècle  ou 
même  ceux  du  dix-neuvième  siècle  avant  les  grands  travaux 
qui  ont  été  exécutés  dans  les  cinquante  dernières  années, 
quand  on  parcourt  encore  aujourd'hui  les  vieux  quartiers 
de  Toulouse,  on  ne  soupçonnerait  guère  qu'il  existait  une 
ordonnance  sur  l'alignement  des  maisons,  ou  bien  on  est 
forcé  d'admettre  que  l'alignement  n'était  presque  jamais 
donné  conformément  à  la  ligne  droite,  ou  bien,  hypothèse 
assez  vraisemblable,  que  l'ordonnance,  sur  ce  point-là 
comme  sur  tant  d'autres,  n'a  pas  été  rigoureusement  observée. 

Pour  réduire  les  risques  d'incendies,  si  fréquents  et  si 
désastreux  par  suite  du  manque  d'eau  et  de  l'organisation 
rudimentaire  du  service  chargé  de  les  combattre,  il  est  dé- 
fendu de  construire  aucune  façade  extérieure  de  maison  en 
plâtre,   torchis,   corondage,  massécanat  simple  ou  revêtu 


UNE  ORDONNANCE  SUR  LA  VOIRIE  DE  TOULOUSE.    251 

sons  quelque  prétexte  que  ce  soit.  La  construction  sera 
faite  en  bonne  tuile  ou  pierre,  ainsi  que  celle  des  murs  mi- 
toyens, sous  peine  contre  le  propriétaire  de  démolition,  qui 
sera  faite  à  ses  dépens:  faute  par  lui  d'y  avoir  satisfait  dans 
le  délai  prescrit,  de  huit  jours  de  prison  et  de  cent  livres 
d'amende  contre  les  ouvriers,  payable  même  par  corps;  de 
double  amende,  de  plus  longue  prison  et  de  la  privation 
de  la  faculté  de  travailler  s'ils  récidivent;  d'enquis  et  puni- 
tion corporelle  à  la  troisième  contravention. 

Les  façades  extérieures  des  maisons  construites  en  tor- 
chis, corondage,  massécanat  ou  plâtre  seront  réparées  sous 
les  mêmes  peines  en  tuile  ou  en  pierre. 

Les  matériaux  de  construction,  tuiles,  chaux,  plâtre,  atti- 
rent également  l'attention  des  capitouls.  Les  tuiliers  de  la 
ville  et  du  gardiage  seront  tenus,  sous  peine  d'amende  arbi- 
traire, «  d'avoir  de  la  tuile  en  quantité  suffisante  pour  la 
fourniture  de  la  ville  et  de  la  faire  transporter  aux  lieux  où 
se  font  les  constructions,  s'il  en  sont  requis,  comme  aussi  de 
débiter  de  la  tuile  bonne  et  bien  cuite  et  de  faire  en  sorte 
qu'étant  courte  elle  se  trouve  de  la  mesure  portée  par  les 
règlements,  savoir  la  tuile  plane  de  quinze  pouces  de  canne 
en  longueur,  neuf  pouces  sept  lignes  de  large  sur  un  pouce 
six  lignes  d'épaisseur;  la  tuile  violette  de  huit  pouces  en 
carré  sur  un  pouce  quatre  lignes  d'épaisseur;  la  tuile  canal 
de  dix-huit  pouces  quatre  lignes  de  longueur,  cinq  lignes 
d'épaisseur,  huit  pouces  d'ouverture  à  un  bout  et  cinq  pou- 
ces six  lignes  à  l'autre  bout.  Si  la  tuile  est  défectueuse  ou 
courte,  le  tuilier  aura  (rois  cents  livres  d'amende  et  la  tuile 
sera  confisquée  >. 

«  Les  marchands  et  revendeurs  de  chaux  seront  obligés 
de  la  débiter  au  poids,  qui  doit  être  de  cent  cinq  livres  par 
quintal  et  de  la  vendre  de  bonne  qualité,  sous  peine  de  con- 
fiscation si  elle  est  défectueuse  ou  de  faux  poids,  de  cin- 
quante livres  d'amende  dans  l'un  et  Tautre  cas  et  du  double 
en  cas  de  récidive.  » 

Les  marchands  de  plâtre  seront  tonus  do  le  vendre  au 
poids  et  de  bonne  qualité. 


252  MEMOIRES. 

Les  contrevents,  auvents,  balcons  et  avant-corps  et  tout 
ouvrage  faisant  saillie  sur  la  rue  ne  pouvaient  être  cons- 
truits sans  permission  sous  peine  de  démolition  et  de  vingt- 
cinq  livres  d'amende  contre  les  propriétaires  ou  locataires, 
de  semblable  amende  contre  les  ouvriers  qui  étaient  en  outre 
tenus  solidairement  avec  eux  des  frais  de  la  démolition  si 
elle  n'avait  pas  été  faite  par  lesdits  propriétaires  ou  loca- 
taires dans  le  délai  fixé. 

Les  contrevents  devaient  être  placés  à  dix  pieds  au-dessus 
du  rez-de-chaussée,  les  auvents  à  la  même  hauteur,  et  ils 
pouvaient  avoir  trois  pieds  de  largeur  dans  les  grandes 
rues  et  deux  pieds  et  demi  dans  les  petites.  Tous  les  contre- 
vents qui  se  trouvaient  au-dessous  de  cette  hauteur  devaient 
être  démolis,  ou  mis  en  coulisse  ou  plaqués  contre  les  murs. 
Les  auvents  devaient  être  réduits  à  la  hauteur  et  largeur 
spécifiées. 

Après  l'achèvement  des  murs  dont  la  construction  avait 
été  autorisée,  le  directeur  des  travaux  publics  devait  s'assu- 
rer si  tous  les  règlements  avaient  été  observés;  en  cas  de 
contravention  il  dressait  un  procès  verbal  sur  lequel  se  ba- 
saient les  capitouls  pour  ordonner  la  démolition  des  murs 
et  des  ouvrages  aux  dépens  des  propriétaires  et  des  ouvriers 
qui,  en  outre,  étaient  condamnés  à  cent  livres  d'amende 
chacun.  En  cas  de  récidive,  les  ouvriers  encouraient  une 
double  amende  et  huit  jours  de  prison;  à  la  troisième  con- 
travention, ils  étaient  privés  de  la  faculté  de  travailler  et 
pouvaient  même  recevoir  une  punition  exemplaire. 

Quand  une  maison  menaçait  de  s'écrouler  sur  une  rue 
ou  sur  une  place  publique,  le  propriétaire  devait  pourvoir  au 
plus  tôt  à  sa  sûreté  sous  peine  de  cent  livres  d'amende.  Il 
était  cependant  défendu  de  placer  sans  permission  dans  les 
rues  ou  dans  les  places  publiques  des  étais,  des  étançons, 
«  des  échevalements  »  pour  faire  des  ouvertures  ou  des  répa- 
rations aux  maisons,  et  on  devait  les  retirer  aussitôt  après 
l'exécution  des  ouvrages.  Les  tranchées  ou  trous  faits  au 
pavé  des  rues  devaient  être  réparés  le  jour  même  où  les 
6tais  seraient  retirés. 


UNE   ORDONNANCE   SUR    LA  VOIRIE   DE   TOULOUSE.         253 

Aucune  fermeture  de  boutique,  aucune  porte  (rentrée  de 
maison,  de  grange  et  autres  édifices  ne  pouvait  s'ouvrir 
en  dehors,  sous  peine  de  démolition.  Les  capitouls  se  réser- 
vaient le  droit  de  confirmer  les  ouvrages  de  cette  nature  qui 
existaient  dans  des  places  vastes  et  qui  ne  gênaient  pas  la 
voie  publique.  Les  entrées  ou  ouvertures  de  cave  ayant 
saillie  sur  la  rue  ne  pouvaient  déborder  du  corps  des  murs 
de  plus  de  douze  pouces  dans  les  grandes  rues  et  huit  pou- 
ces dans  les  petites.  Elles  devaient  être  couvertes  de  plaques 
ou  grillages  de  fer  ou  de  bonnes  planches  en  chêne,  n'excé- 
dant pas  la  surface  du  pavé,  sur  lesquels  on  pourrait  mar- 
cher en  sûreté.  Le  pas  de  pierre,  les  marches,  les  seuils  et 
autres  avances  à  mettre  aux  portes  et  boutiques  des  mai- 
sons ne  devaient  pas  excéder  de  plus  de  huit  pouces  le  nœud 
du  mur.  Les  propriétaires  qui  avaient  de  pareilles  ouvertu- 
res et  avances  en  contravention  avec  les  prescriptions  de 
l'ordonnance  étaient  tenus  de  les  réformer  incessamment. 

11  était  défendu  de  construire  des  cheminées  avec  des 
tuyaux  en  saillie  sur  la  rue  ou  des  éviers  dont  la  vidange 
extérieure  se  trouverait  plus  haute  que  le  rez  de-chaussée. 
Les  cheminées  et  les  éviers  ainsi  construits  devaient  être 
démolis. 

Les  sorjets  ou  saillies  des  toits  ne  pouvaient  excéder  vingt 
pouces  dans  les  grandes  rues  et  quinze  pouces  dans  les 
autres. 

Afin  de  prévenir  la  chute  des  tuiles,  les  tuiles  canal  qui 
débordaient  les  sorjets  devaient  être  enchaînées  à  mortier 
franc.  Les  couvreurs  qui  travaillaient  sur  les  toits  étaient 
tenus  d'y  mettre  des  perches  ou  chevrons  afin  qre  les  pas- 
sants, s'apercevant  qu'on  travaillait,  pussent  éviter  le  danger 
de  la  chute  des  tuiles. 

Afin  d'empêcher  les  chutes  d'eau  sur  les  personnes  et  sur 
les  voitures,  les  propriétaires  qui,  à  partir  du  jour  de  la  pu- 
blication de  la  présente  ordonnance,  feraient  construire  ou 
reconstruire  des  maisons  ne  pourraient  poser  aucune  gout- 
tière saillante  sur  la  rue  sous  peine  de. cinquante  livres 
d'amende, 


254  MÉMOIRES.  . 

Aucun  habitant  ne  pouvait  avoir  sur  les  fenêtres  des  mai- 
sons des  caisses,  des  vases,  des  pots  à  fleurs  sous  peine  de 
cinq  livres  d'amende. 

Après  avoir  garanti  les  habitants  contre  les  dangers  pou- 
vant provenir  des  maisons,  les  capitouls  les  protègent  con- 
tre ceux  de  la  rue.  Ils  interdisent  de  tirer  de  jour  ni  de 
nuit  des  armes  à  feu  dans  les  rues  et  places  publiques,  ni 
(les  fusées,  pétards  ou  serpenteaux  sous  peine  de  prison  et  de 
cinq  livres  d'amende  dont  les  pères  et  mères  seront  respon- 
sables. Les  marchands  de  verre  et  les  vitriers  ne  pourront 
jeter  du  verre  dans  les  rues.  On  ne  pourra  jeter  des  pistaches 
ou  des  oranges  le  jour  de  carnaval  sous  peine  de  cinquante 
livres  d'amende.  Il  est  défendu  de  brûler  de  jour  ni  de  nuit 
dans  les  rues  et  places  de  la  ville  et  des  faubourgs  des  pail- 
les et  autres  choses.  Les  charrieurs  publics  devront  enlever 
lesdites  pailles. 

Comme  il  y  avait  dans  diverses  rues  et  places  des  puits  dont 
l'usage  était  très  utile  mais  qui  pouvaient  donner  lieu  à  de 
graves  inconvénients  s'ils  n'étaient  pas  fermés  pendant  la 
nuit,  il  était  enjoint  aux  dizeniers  qui  avaient  des  puits 
dans  leurs  moulons,  de  les  tenir  fermés  pendant  la  nuit  et 
d'être  exacts  à  les  ouvrir  à  la  pointe  du  jour,  sous  peine  de 
destitution. 

Les  prescriptions  relatives  à  Tencombrement  des  rues  sont 
assez  nombreuses.  Elles  étaient  d'autant  plus  nécessaires  que 
beaucoup  de  rues  étaient  étroites  et  tortueuses  et  qu'un 
grand  nombre  d'habitants,  considérant  la  rue  comme  leur 
propriété,  abusaient  de  leurs  prétendus  droits  pour  gêner  la 
circulation. 

Défense  est  faite  aux  marchands,  artisans,  bouchers, 
chevrotiers,  revendeurs  de  cochon  et  à  tous  autres  mar- 
chands qui  étalent  aux  marchés  ou  ailleurs  de  tenir,  sous 
peine  de  dix  livres  d'amende,  au-devant  des  boutiques  ou  le 
long  des  murs  des  maisons,  soit  qu'elles  leur  appartiennent 
ou  autrement,  ou  aux  encoignures  des  rues,  des  étalages, 
montres,  comptoirs,  échopes  volantes,  bancs,  chaises  ou 
corbeilles  faisant  saillie  sur  les  rues.  Les  propriétaires  ou 


UNE   ORDONNANCE    SUR   LA  VOIRIE   DE   TOULOUSE.         255 

locataires  ne  pourront  laisser  faire  des  étalages  le  lon^^  de 
leurs  maisons,  sous  peine  de  vingt-cinq  livres  d'amende  et 
de  plus  forte  s'ils  récidivent.  Il  est  défendu  aux  revendeuses 
de  gâteaux,  de  fruits  et  aux  bouquetières  d'étaler  aux  en- 
coignures des  rues,  devant  les  églises  et  collèges,  ni  aux 
portes  et  au  dedans  desdites  églises  et  collèges,  sous  peine 
de  confiscation  de  leurs  marchandises  et  de  cinq  livres 
d'amende.  11  est  ordonné  aux  marchands  qui  étalent  à  la 
place  Saint-Georges  le  jour  du  jeudi-saint  ou  aux  endroits 
où  se  tiennent  les  foires  de  Saint-Orens,  de  Saint-Jean  et  de 
Saint-Barlhélemy  de  se  ranger  de  façon  à  laisser  les  passa- 
ges libres.  Les  marchands,  artisans,  cafetiers  et  autres  ne 
pourront  avoir  des  serpillères  ou  tentes  avancées  dans  les 
rues,  devant  leurs  maisons  ou  boutiques,  <  sauf  à  eux  à  en 
avoir  des  pendantes  qui  ne  débordent  pas  le  mur  de  face 
de  leurs  dites  maisons  ». 

Il  est  défendu  aux  marchands  de  bois,  notamment  à  ceux 
de  la  rue  du  Port-Garaud,  aux  tapissiers,  serruriers,  char- 
rons, emboîteurs  de  roues,  sculpteurs,  menuisiers,  charpen- 
tiers, maçons,  marbriers,  tourneurs  et  autres  artisans  de 
tenir  dans  les  rues  et  places,  au-devant  de  leurs  maisons  et 
boutiques,  des  planches,  pièces  de  bois,  marchandises,  meu- 
bles, pierres,  marbres  et  autres  choses,  et  aux  marchands 
de  fer,  épiciers,  tonneliers,  aubergistes,  charrons  et  selliers 
d'y  laisser  des  pièces  de  fer,  tonnes,  tonneaux,  muids,  em- 
ballages, carrosses,  chaises,  charrettes  et  autres  voitures. 
Les  tapissiers,  selliers,  tonneliers,  charrons  et  autres  ne 
pouvaient  travailler  de  leur  métier  dans  les  rues. 

Les  particuliers  qui  faisaient  déposer  dans  les  rues  et 
places  publiques  des  tuiles,  tuileaux,  pièces  de  bois,  décom- 
bres ou  gravois,  terres  ou  autres  matériaux  résultant  de  la 
démolition,  construction  ou  réparation  des  bâtiments  de- 
vaient les  faire  enlever  dans  le  délai  de  vingt-quatre  heures, 
sous  peine  d'une  amende  de  cinq  livres  et  d'en  être  l'enlève- 
ment fait  à  leurs  frais  et  dépens;  ils  étaient  néanmoins 
autorisés  à  mettre  les  décombres  et  matériaux  utiles  sur 
l'un  des  revers  des  rues,  à  trois  pieds  de  distance  du  ruis- 


256  MÉMOIRES. 

seau,  à  la  condition  de  les  employer  incessamment  à  la  cons- 
truction, sinon  ils  les  feraient  enlever  huit  jours  après  avoir 
cessé  de  les  employer,  sous  peine  de  huit  livres  d'amende  et 
d'être,  lesdits  décombres  et  matériaux,  enlevés  aux  frais 
des  propriétaires. 

Afin  que  les  habitants  ne  fussent  point  incommodés  par 
la  rencontre  de  matériaux  de  construclion,  il  était  enjoint 
à  tous  ceux  qui  faisaient  bâtir  de  tenir  toutes  les  nuits  im  , 
médiatement  après  la  fin  du  jour,  môme  lors  des  pleines 
lunes,  une  lumière  placée  à  portée  desdits  matériaux,  sous 
peine  de  cinq  livres  d'amende  et  du  double  en  cas  de  récidive. 
Les  marchands  de  bois  et  autres  artisans  qui  avaient  des 
ateliers  sur  les  bords  de  la  Garonne  devaient  placer  le  plus 
tôt  possible  leurs  dits  ateliers  à  une  certaine  distance  afin 
que  la  navigation  et  les  bords  de  la  rivière  fussent  libres, 
sous  peine  de  5  livres  d'amende. 

Les  marchands  de  bois  de  Port-Garaud  devaient  laisser 
entre  leurs  pièces  de  bois  des  passages  suffisants  afin  que 
les  matières  déchargées  sur  le  bord  de  la  rivière  pussent 
être  facilement  transportées  au  chemin  qui  va  de  la  Bour- 
dette  à  la  rue  du  Port-Garaud.  Le  garde  de  Port-Garaud  de- 
vait dénoncer  les  contraventions  sous  peine  de  destitution. 

Pour  prévenir  les  obstacles  que  mettaient  à  la  circulation 
et  les  dommages  que  causaient  aux  appartements  bas,  aux 
denrées  et  marchandises  placées  sur  les  étaux  des  bouti- 
ques et  aux  murailles  des  maisons,  les  charrettes  chargées 
de  fagots  de  sarments  et  autres  choses,  les  charretiers  qui 
en  transportaient  en  ville  ne  pouvaient  y  entrer  avec  des 
charrettes  dont  la  charge  était  plus  large  de  douze  pans,  sous 
peine  d'une  amende  de  dix  livres,  de  confiscation  de  la 
charge  et  de  double  amende  en  cas  de  récidive.  Les  por- 
tiers de  la  ville  devaient  interdire  l'entrée  aux  charretiers 
contrevenants. 

Les  charretiers  étaient  tenus  de  faire  passer  leurs  char- 
rettes à  chevaux  ou  à  bœufs  par  le  milieu  des  rues  et  de  les 
conduire  en  restant  devant  les  bœufs  ou  à  côté  des  chevaux, 
sans  se  mettre  sur  les  charrettes,  sous  peine  de  vingt  sous 


UNE  ORDONNANCE  SUR  LA  VOIRIE  DE  TOULOUSE.    257 

d'amende,  de  plus  grande  et  même  de  vingt-quatre  heures 
de  prison  s'ils  récitlivent. 

Il  était  interdit  à  tous  ceux  qui  conduisaient  des  char- 
rettes, des  chevaux,  des  mulets  ou  des  ânesses  chargés  de 
bois  à  brûler,  de  fagots,  de  sarments  et  autres  objets  pour 
les  vendre,  de  s'arrêter  dans  les  rues;  ils  devaient  se  rendre 
directement  à  cet  effet  dans  les  places  publi(|aos  désignées 
pour  cela,  sous  peine  de  cinc]  livres  d'amende.  Les  charretiers, 
voituriers,  cochers  de  louage  ou  autres  ne  pouvaient  non 
plus  s'arrêter  sans  motif  dans  les  rues  où  deux  carrosses  ne 
passaient  pas  de  front.  11  était  défendu  aux  palefreniers, 
postillons,  valets  d'écurie,  de  conduire  par  les  rues,  aux 
abreuvoirs  ou  ailleurs  au  delà  de  trois  chevaux,  savoir  un 
attaché  à  la  queue  de  celui  qu'ils  montent  et  le  troisième  à 
la  main. 

Nul  ne  pouvait  couper  ou  abattre  les  arbres  des  prome- 
nades publiques  sous  peine  d'enquis  et  de  punition  corpo- 
relle; les  charretiers  et  autres  ne  pouvaient  les  endommager 
sans  s'exposer  à  une  amende  de  vingt-cinq  livres  et  à  un  en- 
quis  en  cas  de  récidive.  Les  bergers,  chevroliers, bouchers  et 
autres  ne  pouvaient,  en  aucun  temps,  mener  dépaître  du 
bétail,  gros  ou  menu,  dans  les  promenades  sous  peine  d'une 
amende  de  vingt-cinq  livres,  du  double  et  de  la  confiscation 
du  bétail  à  la  seconde  contravention.  Quiconque  démolissait 
pourn'importe  quel  motif  les  parapets,  les  sièges  des  rem- 
parts et  autres  i)romenades,  les  ponts  de  la  ville  et  des  fau- 
bourgs était  condamné  à  une  peine  corporelle.  Il  était 
défendu  de  jouer  au  mail  ou  aux  boules  sur  les  promenades 
ou  sur  les  grands  chemins  sous  peine  d'une  amende  de 
cinq  livres,  tant  contre  les  joueurs  que  contre  ceux  qui  prê- 
teraient les  boules,  et  de  confiscation  desdites  boules. 

L'éclairage  des  rues  a  été,  pendant  tout  le  dix -huitième 
siècle.  Tune  des  grandes  préoccupations  dos  capitouls.  Pour 
des  raisons  d'ordre,  de  sécurité  et  de  morale,  il  était  utile 
que  la  ville  fût  convenablement  éclairée;  mais  les  dépenses 
considérables  ({n'auraient  entraînées  ce  service  et  les  procé- 
dés rudimentaires  dont  on  disposait  ne  permirent  pas  d'ar- 


258  MÉMOIRES. 

river  au  résultat  souhaité.  C'est  seulement  à  la  fin  du  dix- 
septième  siècle,  en  1697,  que  des  lanternes  furent  installées 
dans  les  rues  de  Toulouse.  Elles  étaient  fournies  et  entrete- 
nues par  un  entrepreneur;  les  cordes  qui  les  retenaient  et 
qui  servaient  à  les  faire  monter  et  à  les  faire  descendre 
étaient  tantôt  fixées  aux  fenêtres  des  particuliers,  tantôt 
enfermées  dans  des  boîtes  dont  les  clefs  étaient  entre  les 
mains  des  dizainiers  chargés  du  service  de  Téclairage. 
L'ordonnance  de  1769  règle  d'une  manière  précise  le  fonc- 
tionnement de  cet  important  service.  Les  entrepreneurs  des 
lanternes  publiques  devaient  fournir  de  bonnes  lanternes 
sans  boudiné,  les  décrasser  et  les  nettoyer  tous  les  mois,  en 
changer  ou  en  réparer  les  carreaux,  s'il  y  avait  lieu,  au 
premier  avertissement  qui  leur  en  serait  donné  par  le  capi- 
taine de  la  santé,  et  remplacer  de  même  dans  le  jour  les 
lanternes  brisées,  sauf  en  cas  de  grêle  et  d'ouragan,  exceptés 
par  leur  bail.  Les  dizainiers  devaient  allumer  exactement 
tous  les  soirs',  sous  peinede  prison,  de  vingt  livres  d'amende, 
de  destitution  et  même  d'enquis  le  cas  échéant;  il  leur  était 
défendu  sous  les  mêmes  peines  de  substituer  d'autres  chan- 
delles à  celles  qui  leur  seraient  remises  par  le  capitaine  de 
la  santé.  Ils  devaient  mettre  les  chandelles  dans  les  lanter- 
nes immédiatement  après  la  fin  du  jour,  les  allumer  l'une 
après  l'autre  dans  le  cas  où  ils  en  auraient  plusieurs  dans 
leurs  moulons;  en  nettoyer  tous  les  soirs  les  bobèches;  les 
élever  à  deux  pieds  au  moins  au-dessous  de  la  poulie  et 
dénoncer  sans  délai  au  capitaine  de  la  santé  les  dégrada- 
tions faites  aux  lanternes,  sous  peine,  dans  chacun  des  cas 
spécifiés  et  pour  chaque  lanterne,  de  trois  livres  d'amende 
et,  en  outre,  de  répondre  aux  entrepreneurs  des  lanternes 
et  des  carreaux  brisés  ou  brûlés  par  leur  faute.  Ils  étaient 
tenus  de  fermer  tous  les  soirs  les  boîtes  des  lanternes,  d'en 
garder  les  clefs  toute  l'année,  de  les  ouvrir  eux-mêmes  ou 
de  les  faire  ouvrir  par  des  personnes  commises  par  eux 
lorsque  les  entrepreneurs  auraient  besoin  de  réparer  les 
lanternes  ou  de  les  retirer.  Ils  étaient  responsables  des  dé- 
gradations faites  aux  boîtes,  faute  d'être  fermées. 


UNE   ORDONNANCE   SUR    LA   VOIRIE^  DE   TOULOUSE.         259 

Les  propriétaires  ou  locataires,  les  chapitres, abbayes,  col- 
lèges, séminaires  et  autres  corps  et  couimunautés  chargés 
sans  distinction  de  la  descente  des  lanternes,  ainsi  que  les 
particuliers,  devaient  les  descendre  au  premier  avertisse- 
ment des  dizainiers  et  pour  cela  se  trouver  chez  eux  au 
moment  de  l'éclairage,  ou  charger  d'autres  personnes  ou 
des  voisins  d'en  faire  la  descente  sous  peine  de  trois  livres 
d'amende  et  «  d'être  »  l'ait  des  boîtes  à  leurs  frais  et  dépens 
en  cas  de  récidive.  Les  particuliers,  corps  et  communautés 
qui  obtiendraient  à  l'avenir  la  permission  de  placer  des 
boîtes  pour  se  dispenser  de  descendre  les  lanternes  devaient 
faire  réparer  le  plus  tôt  possible  et  tenir  réparées  avec  de 
bonnes  serrures  et  clefs  lesdites  boîtes  et  les  ponlies  ados- 
sées au  mur,  sinon  ils  seraient  privés  de  la  faculté  d'avoir 
des  boîtes  et  contraints,  sous  peine  d'une  amende  de 
cinq  livres,  de  recevoir  à  leurs  fenêtres  la  corde  des  lanternes 
pour  les  descendre.  Les  habitants  n'étaient  tenus  de  des- 
cendre les  lanternes  que  pendant  un  an,  après  lequel  cette 
obligation  passait  tour  à  tour  à  leurs  voisins.  Le  capitaine 
de  la  santé  leur  délivrait  sans  frais  un  certificat  portant 
qu'ils  avaient  descendu  la  lanterne  à  leur  tour  pendant  un 
an.  Quand  les  boîtes  étaient  communes  à  plusieurs  particu- 
liers, corps  ou  communautés,  ceux  à  la  maison  de  qui  elles 
étaient  adossées  devaient,  au  premier  avertissement  du  ca- 
pitaine de  la  santé,  les  réparer  en  entier,  sauf  leur  recours 
contre  les  autres  contribuants,  et  sans  que  le  refus  ou  le 
retard  de  ceux-ci  suspendît  le  service  des  lanternes;  sinon 
on  devait  y  pourvoir  à  leurs  frais  et  dépens. 

Il  était  défendu  de  casser  les  .lanternes,  les  cordes  et  les 
boîtes  avec  des  pierres  ou  autrement  sous  peine  d'enquis  et 
de  punition  exemplaire,  si  c'était  la  nuit,  de  vingt  livres 
d'amende,  si  c'était  pendant  le  jour,  et  de  plus  grande,  le 
cas  échéant,  au  profit  des  entrepreneurs.  Les  contrevenants 
étaient  en  même  temps  responsables  des  dc^gradations  des 
lanternes  et  des  boîtes. 

Le  commissaire  de  la  santé  devait  veiller  avec  souci  à 
l'exécution  de  tout  ce  qui  concernait  l'éclairage  et,  pour 


260  MÉMOIRES. 

exciter  son  zèle,  on  lui  attribuait  la  moitié  des  amendes. 

Depuis  le  règne  de  Louis  XIV,  depuis  l'organisation  de  la 
police  à  Paris,  les  municipalités  des  grandes  villes  prirent 
des  mesures  relatives  à  la  propreté  et  à  l'hygiène  de  leur 
cité.  Les  capitouls  de  Toulouse  suivirent  l'exemple  qui  leur 
était  donné  de  divers  côtés;  ils  publièrent  plusieurs  ordon- 
nances sur  ces  questions,  et  celle  de  1769  ne  fait  que  les 
résumer  et  les  compléter. 

Pour  assurer  d'une  manière  efficace  le  nettoiement  des 
rues,  il  était  enjoint  à  tous  les  habitants,  de  quelque  qualité 
et  conditions  qu'ils  fussent,  même  aux  abbayes,  chapitres, 
collèges,  séminaires  et  autres  corps  et  communautés  de  toute 
espèce,  de  faire  balayer  chaque  jour,  avant  huit  heures  du 
matin,  le  devant  de  leurs  maisons  ou  murs  de  clôture,  de 
nettoyer  les  ruisseaux,  de  faire  mettre  les  immondices  le 
long  des  murs  et  non  au  bord  des  ruisseaux,  ni  sur  les  pla- 
ces publiques,  notamment  sur  celle  de  Saint-Georges.  Ils 
ne  pouvaient  entraîner  les  immondices,  lors  des  pluies,  dans 
le  courant  des  ruisseaux,  sous  peine  de  dix  sous  d'amende, 
du  double  en  cas  de  refus,  et  de  plus  grande  s'il  y  avait  lieu. 
Ils  devaient  aussi,  et  sous  les  mêmes  peines  faire  arroser  le 
devant  de  leurs  maisons  ou  murs  de  clôture  deux  fois  par 
jour  pendant  l'été,  savoir  :  à  huit  heures  du  matin  et  à  deux 
heures  de  l'après  midi,  à  la  distance  de  deux  pieds  des  murs 
des  maisons. 

Les  charrieurs  publics  devaient  enlever  chaque  jour,  dans 
la  matinée,  les  immondices  de  leur  quartier,  même  en  hiver 
les  neiges  et  glaces  amoncelées  et  les  porter  aux  lieux  dési- 
gnés à  cet  effet,  nettoyer  au  balai  la  place  où  les  immondices 
auraient  été  ramassées  et  avoir  à  leurs  tombereaux  une  clo- 
chette, afin  que  les  habitants,  avertis  par  ce  moyen,  fissent 
à  la  hâte  balayer  le  devant  de  leurs  maisons,  sous  peine  con- 
tre les  charrieurs  de  dix  livres  d'amende,  du  double  s'ils 
récidivaient  et  d'être  privés,  à  la  troisième  contravention, 
de  l'effet  de  leur  bail  qui  serait  adjugé  à  un  autre.  Leurs 
tombereaux  devaient  être  tenus  en  bon  état,  les  planches  de 
derrière  plus  élevées,  afin  que  les  immondices  ne  pussent 


UNE   ORDONNAMGE    SUR   LA  VOIRIE    DE   TOULOUSE.         261 

point  se  répandre  dans  les  rues,  et,  pour  s'assurer  qu'ils 
remplissaient  leurs  obligations  à  cet  égard,  leurs  tombereaux 
étaient  visités  tous  les  mois.  Les  préposés  au  nettoiement  des 
places  i)ul)liques  où  se  tenaient  les  marchés  étaient  obligés 
de  les  nettoyer  chaque  jour  après  le  marché,  et  après  avoir 
ramassé  les  immondices  au  milieu  desdites  places,  ils  de- 
vaient les  faire  enlever  le  même  jour,  sous  peine  d'une 
amende  de  cinq  livres. 

Les  jardiniers,  revendeurs  et  revendeuses  ne  pouvaient 
laisser  ou  jeter  dans  les  rues,  les  cosses  de  fèves,  de  pois,  de 
haricots,  les  feuilles  et  jambes  d'artichauts;  il  leur  était  en- 
joint de  les  balayer,  de  les  amonceler  le  long  des  murs  de 
leurs  maisons  et  de  les  faire  enlever  dans  les  vingt-quatre 
heures.  Les  particuliers  qui  feraient  mettre  dans  les  rues 
de  la  ville  et  des  faubourgs  des  fumiers,  des  pailles,  des 
feuilles  de  mûriers,  devaient  les  faire  enlever  dans  les  vingt- 
quatre  heures  qui  suivraient  leur  dépôt. 

L'ordonnance  réglementait  même  les  tombereaux  des  par- 
ticuliers. Ils  devaient  avoir  deux  pans  de  largeur  dans  œu- 
vre sur  le  devant,  deux  pans  quatre  pouces  sur  le  derrière, 
deux  pans  et  quart  de  profondeur  sur  six  pans  de  longueur 
dans  œuvre,  et  les  planches  de  derrière  deux  pans  de  hauteur 
sous  peine  de  confiscation  et  de  vingt  livres  d'amende.  Les 
planches  de  derrière  devaient  être  bien  jointes  et  serrées 
pour  ne  pas  laisser  tomber  sur  la  voie  publique  les  matières 
transportées,  sous  peine  d'une  amende  de  cinq  livres.  La 
même  amende  serait  également  décernée  contre  les  charre- 
tiers et  conducteurs  qui,  transportant  des  fumiers,  des  foins, 
des  pailles  et  autres  choses,  les  laisseraient  se  répandre  dans 
les  rues. 

Nos  ancêtres  étaient  beaucoup  moins  exigeants  que  nous 
en  matière  d'hygiène,  mais  ils  ne  la  négligeaient  pourtant 
pas  complètement,  et  l'ordonnance  des  capitouls  va  nous  en 
fournir  plusieurs  preuves.  Pour  empêcher  que  l'air  ne  fût 
infecté  par  les  urines  et  matières  fécales,  les  propriétaires 
des  maisons  où  il  n'y  avait  point  de  latrines  étaient  tenus 
d'en  faire  construire  pour  eux  et  pour  leurs  locataires  dans 


262  MEMOIRES. 

trois  mois  pour  tout  délai,  sous  peine  de  cent  livres  d'amende 
et  d'être  les  portes  de  leurs  maisons  murées  jusqu'à  l'entière 
construction  desdites  latrines.  Les  clauses  qui  pouvaient 
avoir  été  insérées  dans  les  baux  ou  sous-baux  à  loyer  des 
maisons  ou  qui  pouvaient  l'être  à  l'avenir,  portant  que  les 
locataires  n'auraient  point  l'usage  des  latrines,  étaient  décla- 
rées nulles  et  de  nul  effet,  comme  illicites  et  contraires  à  la 
bonne  police  et  au  bien  public.  Malgré  ces  conventions,  les 
locataires  ou  sous-locataires  auraient  l'usage  des  latrines  et 
les  propriétaires  étaient  tenus  de  leur  en  céder  les  clefs  sous 
peine  d'une  amende  de  cinquante  livres  et  d'être  privés  du 
loyer  de  leurs  maisons.  Il  était  défendu  de  construire  des 
latrines  dont  les  urines  et  matières  fécales  s'écouleraient  dans 
les  rues  sous  peine  de  démolition,  de  cent  livres  d'amende 
contre  les  propriétaires  et  de  pareille  amende  contre  les 
ouvriers,  payable  même  par  corps.  Ceux  qui  en  avaient  fait 
construire  de  semblables  étaient  tenus  de  les  démolir  inces- 
samment. On  ne  pouvait  non  plus  en  construire  sur  les  murs 
de  la  ville.  Les  particuliers,  chapitres  et  les  autres  corps  ou 
communautés  qui  en  avaient  sur  lesdits  murs,  le  long  des 
promenades  ou  des  fossés  de  la  ville,  notamment  depuis  la 
porte  du  château  jusqu'à  celle  de  Saint-Etienne,  devaient  les 
faire  démolir  dans  les  huit  jours  qui  suivraient  la  publica- 
tion de  l'ordonnance,  sous  peine  de  cent  livres  d'amende  et 
d'y  être  mis  des  ouvriers  à  leurs  frais  et  dépens.  11  était 
enjoint  aux  gadouards,  sous  peine  de  prison,  de  nettoyer  les 
latrines  pendant  la  nuit,  de  commencer  à  dix  heures  du  soir 
en  hiver  et  à  onze  heures  en  été,  de  discontinuer  leur  travail 
avant  le  jour  et  de  faire  transporter  les  matières  fécales  aux 
lieux  accoutumés,  sans  les  répandre  dans  les  rues.  Il  était 
défendu  de  porter  dans  les  rues  ou  places  publiques,  de  jour 
ni  de  nuit,  des  matières  fécales,  des  urines  et  autres  ma- 
tières puantes,  de  jeter  par  les  fenêtres  de  pareilles  ma- 
tières, des  balayures,  décombres,  terres,  ni  même  des  eaux, 
sous  peine  de  cinq  livres  d'amende  dont  les  maîtres  seraient 
responsables  pour  leurs  domestiques.  On  ne  pouvait  garder 
dans  les   maisons  les  eaux  croupies  et  corrompues,  elles 


UNE   ORDONNANTE   SUR    LA  VOIRIE   DE   TOULOUSE.         263 

devaient  ,être  vidées  dans  les  ruisseaux  dans  lesquels  on 
jetterait  au  plus  tôt  un  ou  deux  seaux  d'eau  claire  pour  les 
faire  écouler. 

Les  laitiers  étaient  tenus  de  jeter  le  petit-lait  pendant  la 
nuit  dans  les  ruisseaux  des  rues  et  les  fabricants  d'amidon 
de  répandre  dans  les  ruisseaux,  également  pendant  la  nuit, 
Teau  corrompue  de  leurs  fabriques  et  d'y  jeter  tout  de  suite 
de  l'eau  claire  pour  la  faire  écouler. 

Les  particuliers  ne  pouvaient  garder  chez  eux  des  lièvres, 
des  lapins,  des  pigeons,  sous  peine  de  confiscation  et  de  cinq 
livres  d'amende.  Il  était  défendu  sous  la  même  peine  de  lais- 
ser  vaguer  dans  les  rues,  places  et  faubourgs,  la  volaille,  les 
oies,  les  canards  et  les  cochons.  Ceux  qui  avaient  des  oies 
chez  eux  devaient  nettoyer  fréquemment  les  lieux  où  ils  les 
tenaient.  11  était  interdit  de  laver  les  lits  dans  les  rues  et 
places  publiques  ou  de  les  porter  à  cet  effet  à  la  rivière,  à 
moins  que  ce  ne  fût  loin  des  abreuvoirs  et  des  endroits  où 
l'on  puisait  de  l'eau  pour  boire.  Les  blanchisseuses  ne  pou- 
vaient, sous  peine  d'amende  et  de  prison  en  cas  de  récidive, 
laver  au-dessus  et  autour  des  abreuvoirs,  des  radeaux  et 
autres  lieux  où  l'on  allait  chercher  de  l'eau  pour  l'usage  des 
habitants.  Les  particuliers  ne  pouvaient  aller  se  haigner 
dans  ces  endroits-là.  Il  était  défendu  de  jeter  dans  la  rivière 
ou  dans  les  égouts,  dans  les  fossés  des  remparts,  dans  le 
fossé  mayral  des  Trente-six-Ponts  ou  auprès  des  murs  des 
promenades,  des  matières  fécales,  des  immondices,  des  or- 
dures, des  fumiers,  des  décombres,  des  bêtes  mortes.  Les 
dizainiers  devaient  (aire /connaître,  sur-le-champ,  au  capi- 
taine de  la  santé,  les  chiens,  chats  et  autres  bêtes  mortes  qui 
se  trouveraient  dans  leurs  quartiers,  afin  de  les  faire  enlever 
par  lesgadouards.  Les  tanneurs  ne  pouvaient  mettre  à  sécher 
des  peaux  fraîches  dans  leurs  boutiques  ou  sur  les  rues, 
places  et  autres  endroits,  au  dedans  et  au  dehors  de  la  ville, 
sous  peine  d'une  amende  de  dix  livres,  de  plus  forte  et  même 
de  confiscation  desdites  peaux,  en  cas  de  récidive.  Il  était 
aussi  interdit  aux  bouchers,  aux  chevrotiers  de  faire  sécher 
au  devant  de  leurs  maisons  et  sur  les  rues  des  peaux,  des 


264  MÉMOIRES. 

fressures,  des  graisses,  mais  ils  pouvaient  les  exposer  dans 
leurs  maisons. 

Le  pavage  était  assez  négligé;  il  était  cependant  d'autant 
plus  nécessaire  de  l'entretenir  en  bon  état  qu'il  n'y  avait  pas 
do  trottoirs  :  aussi  les  capitouls  imposent-ils  aux  habitants 
certaines  obligations  sur  ce  point-là.  Tous  les  propriétaires, 
même  les  chapitres,  abbayes,  collèges,  séminaires,  corps  et 
communautés  religieuses  de  tout  sexe  étaient  tenus  de  faire 
réparer,  aussitôt  après  la  publication  de  rord'onnance,  les 
trous  et  ornières  qui  se  trouvaient  le  long  de  leurs  maisons, 
murs  de  clôture  et  possessions  et  même  la  totalité  du  pavé,  si 
c'était  nécessaire.  Ceux  qui  avaient  des  maisons  sur  les  pla- 
ces publiques  et  carrefours  feraient  également  réparer  le 
pavé  depuis  leurs  maisons  jusqu'à  une  étendue  de  douze 
pans,  l'entretien  du  surplus  demeurant  à  la  charge  de  la 
ville.  Le  directeur  des  travaux  publics  devait  indiquer  la 
pente  à  donner  au  pavé  et  les  proportions  des  gondoles  ser- 
vant à  conduire  les  eaux  de  Tintérieur  des  maisons  dans  les 
rues.  Dans  le  cas  où  les  particuliers  n'exécuteraient  pas  ces 
travaux,  le  capitaine  de  la  santé  marquerait  les  endroits  à  ré- 
parer; le  directeur  des  travaux  publics  indiquerait  la  pente 
et  la  proportion  des  gondoles,  et  les  capitouls  ordonneraient 
les  travaux.  Les  paveurs  avertiraient  les  propriétaires  qui 
auraient  la  faculté  d'employer  des  paveurs  à  leur  choix, 
vingt-quatre  heures  après  l'avertissement,  ou  fourniraient 
aux  paveurs  désignés  par  les  capitouls  les  cailloux  et  le 
sable  nécessaires.  A  défaut  d'option  par  les  propriétaires,  les 
travaux  seraient  faits  à  leurs  dépens  par  les  paveurs  prépo- 
sés par  les  capitouls.  Les  conditions  dans  lesquelles  les  pa- 
veurs exécuteront  les  travaux  sont  nettement  déterminées  : 
soit  qu'ils  fassent  à  neuf,  soit  qu'ils  réparent  le  pavé,  ils 
devront  mettre  pour  le  moins  quatre  pouces  de  sable  neuf  de 
rivière,  sous  les  cailloux,  poser  les  cailloux  de  joint  et  non  de 
plat,  n'y  laisser  que  six  lignes  au  plus  de  joints,  bien  garnir 
.de  sable  lesdits  joints  et  battre  le  pavé  à  refus  de  la  demoi- 
selle «  uniment  et  sans  flache  »  sous  peine  d'une  amende  de 
vingt  livres  et  d'être  condamnés  à  refaire  le  pavé  à  leurs 


UNE   ORDONNANCE   SUH    LA    VOIRIE   DE  TOULOUSE.         265 

dépens,  de  double  peine  et  môme  de  prison  s'ils  récidivent. 

Les  paveurs  devaient  enlever  les  décombres  vingt-quatre 
heures  après  avoir  terminé  leur  ouvrage,  sous  peine  de  cinq 
livres  d'amende  et  d'en  être  l'enlèvement  fait  à  leurs  frais. 
Le  prix  du  pavage  était  fixé  à  quarante-cinq  sous  la  canne 
carrée  de  pavé  neuf,  y  compris  la  fourniture  de  sable  et  de 
cailloux;  à  vingt-cinq  sous  la  canne  de  pavé  refait  avec 
fourniture  de  ce  qui  était  nécessaire;  à  dix  sous  par  canne 
pour  la  main  d'œuvre  lorsque  la  fourniture  du  sable  et  des 
cailloux  serait  faite  par  les  particuliers.  Les  travaux  devaient 
être  reçus  par  le  directeur  des  travaux  publics  et,  en  cas  de 
malfaçon,  les  paveurs  seraient  condamnés  à  vingt  livres 
d'amende  et  la  réfection  du  pavé  serait  exécutée  à  leurs  frais. 
Les  paveurs  devaient  se  faire  inscrire  au  greffe  de  la  police 
et  ne  pas  travailler  sans  avoir  satisfait  à  cette  disposition. 
Ils  ne  pouvaient  s'absenter  sans  permission  et  ils  étaient 
tenus  d'indiquer  le  lieu  où  ils  iraient  travailler  et  la  durée  de 
leur  absence.  Nul  ne  pourrait  désormais  exercer  le  métier 
de  paveur  sans  avoir  travaillé  pendant  un  an  sous  des 
paveurs  dont  les  noms  seraient  inscrits  au  greffe.  Pour  met- 
tre  le  pavé  à  l'abri  de  détériorations  trop  rapides,  il  était 
défendu  aux  boulangers,  pâtissiers,  hacheurs  de  bois  et 
autres  de  fendre  du  bois  sur  le  pavé  des  rues  sous  peine  de 
dix  livres  d'amende.  C'est  dans  le  même  but  qu'il  était  inter- 
dit aux  rouliers  d'atteler  à  leurs  charrettes  plus  de  trois 
chevaux  ou  mulets  sous  peine  d'une  amende  de  cent  livres 
et  de  la  confiscation  des  charrettes,  chevaux  ou  mulets. 
Quant  à  ceux  qui  se  serviraient  de  charrettes  à  quatre  roues, 
ils  pourraient  employer  le  nombre  de  chevaux  qu'ils  juge- 
raient à  propos. 

L'ordonnance  renferme  un  certain  nombre  d'autres  pres- 
criptions qui  ne  se  rattachent  pas  à  l'une  quelconque  des 
divisions  indiquées  ci-dessus,  mais  qu'il  importe  cependant 
de  signaler.  Il  était  défendu  de  charger,  d'enlever  les  pla- 
ques ou  écriteaux  qui  étaient  placés  au  coin  des  rues  et  qui 
annonçaient  le  nom  desdites  rues.  Les  enseignes  ne  pou- 
vaient être  posées  qu'à  la  hauteur  de  quinze  pans  depuis  le 

10»  8ÉRÎK.   —  TOME  X.  20 


266  MÉMOIRES. 

pavé  de  la  rue  jusqu'à  la  partie  inférieure  du  tableau.  Il 
était  interdit  à  toutes  personnes  de  se  baigner  en  assemblée 
de  différents  sexes  autour  des  abreuvoirs,  des  radeaux  et 
autres  lieux  où  Ton  allait  chercher  de  Feau,  sous  peine  d'une 
amende  de  vingt-cinq  livres  et  de  prison.  Gomme  les  char- 
retiers montraient  une  obstination  effrénée  à  dégrader  les 
chemins  en  y  déposant  sans  cesse  à  la  dérobée  diverses  ma- 
tières, il  leur  était  très  expressément  défendu  de  transporter 
sur  les  chemins  du  gardiage  et  dos  environs  de  la  ville  ou 
dans  les  rues  des  faubourgs  ou  sur  les  promenades  publi- 
ques, des  fumiers,  immondices,  pailles,  terres,  décombres, 
tuileaux  et  autres  matériaux  sous  peine  de  huit  jours  de 
prison,  de  confiscation  des  charrettes  ou  tombereaux,  de 
cent  livres  d'amende,  payables  même  par  corps.  L'amende 
devait  appartenir  au  dénonciateur  qui  serait  tenu  secret. 
Nul  ne  pouvait  faire  de  dépôt  dans  les  rues  sous  peine  de 
vingt-cinq  livres  d'amende.  Il  était  interdit  de  déposer 
sur  les  chemins,  ou  près  des  chemins,  des  bêtes  mortes  tel- 
les que  chevaux  et  bêtes  à  cornes.  Il  fallait  les  enterrer  à 
trois  pieds  de  profondeur  sous  peine  de  dix  livres  d'amende 
dont  bénéficierait  le  dénonciateur.  Les  propriétaires  dont 
les  possessions  aboutissaient  aux  fossés  des  grands  chemins 
étaient  obligés  de  les  faire  curer  chaque  année  sur  l'éten- 
due de  leurs  possessions  dans  toute  leur  largeur  et  avec  la 
pente  nécessaire  à  l'écoulement  des  eaux,  comme  aussi  de 
les  élargir  et  de  les  approfondir,  s'il  le  fallait,  en  confor- 
mité des  règlements  de  la  province.  Les  possesseurs  dont 
les  fonds  aboutiraient  aux  fossés  mayraux  devaient  les  faire 
curer  tous  les  ans  dans  la  partie  qui  bordait  leur  propriété 
et  leur  donner  la  largeur,  la  profondeur  et  la  pente  néces- 
saires, afln  qu'ils  eussent  la  capacité  requise  pour  recevoir 
les  eaux.  Les  propriétaires  ne  pouvaient  combler  les  fossés 
des  chemins,  sous  prétexte  d'aller  à  leurs  propriétés,  mais 
ils  avaient  le  droit  de  faire  sur  ces  fossés  des  ponts  plus  éle- 
vés pour  laisser  toujours  libre  le  cours  des  eaux;  ils  ne  pou- 
vaient non  plus  faire  dans  lesdits  fossés  des  amas  de  paille, 
de  fumier  ou  d'autres  choses.  Les  pasteurs  n'avaient  pas  le 


tJNE    ORDONNANCE   SUR    LA  VOIRIE   DE  TOULOUSE.         267 

droit  de  faire  paître  les  bestiaux  dans  les  fossés  des  chemins, 
on  sur  les  tertres  ou  sur  les  haies,  sous  peine  de  dix  livres 
d'amende.  Les  porliers  de  la  ville  devaient,  sous  peine 
d'amende  arbitraire  et  de  destitution,  fermer  les  portes  de  la 
ville  à  neuf  heures  du  soir  en  hiver  et  à  dix  heures  en  été, 
les  ouvrir  à  quatre  heures  du  matin  en  été  et  à  six  heures 
en  hiver,  en  outre  les  tenir  ouvertes  en  tout  temps,  même 
les  jours  de  dimanche  et  de  fêtes,  sauf  celles  de  Montoulieu 
et  de  Montgaillard,  dont  le  guichet  serait  seul  ouvert  ces 
jours-là,  sous  peine  d'être  poursuivis  comme  concussion- 
naires. 

Cette  ordonnance  de  1769,  parles  nombreux  détails  qu'elle 
renferme,  est  une  page  de  l'histoire  toulousaine  Grâce  à  elle, 
nous  comprenons  mieux  ce  qu'était  la  ville  de  Toulouse,  ce 
qu'elle  aurait  dû  être,  nous  vivons  un  peu  avec  nos  ancêtres; 
et  je  ne  crois  pas  que  nous  ayons  à  regretter  ce  qu'on  est 
convenu  d'appeler  le  bon  vieux  temps.  La  rue  offrait  peut- 
être  un  peu  plus  de  pittoresque,  les  coureurs  d'aventures 
avaient  peut-être  le  moyen  de  satisfaire  plus  facilement  leur 
goût,  mais  les  inconvénients  signalés  sont  si  nombreux  et  de 
telle  nature,  que  nous  devons  nous  féliciter  de  ne  plu-s  avoir 
à  les  subir.  On  ne  peut  pas  dire  cependant  que  quelques-uns 
d'entre  eux  n'existent  plus  à  notre  époque. 

Certaines  prescriptions  de  1769  auraient  besoin  d'être 
renouvelées;  c'est  qu'en  effet  il  ne  suffit  pas  de  légiférer  pour 
changer  les  mœurs  d'un  pays,  quid  leges  sùie  moribii^. 
L'une  des  choses  qui  frappent  le  plus  dans  cette  ordonnance, 
c'est  la  multiplicité,  l'exagération  des  amendes,  la  facilité 
avec  laquelle  on  peut  mettre  les  habitants  en  prison  et  aussi, 
ce  qui  n'existe  plus,  je  crois,  dans  les  règlements  actuels,  la 
responsabilité  des  ouvriers  qui,  sur  l'ordre  du  propriétaire, 
exécutent  un  travail  contraire  aux  prescriptions  des  capi- 
touls.  Mais  qu'on  se  rassure,  les  règlements,  surtout  sous 
l'ancien  régime,  sont  faits  pour  ne  pas  être  appliqués;  c'est 
pour  cela,  sans  doute,  qu'ils  étaient  toujours  si  sévères.  On 
aimait  mieux  faire  peur  que  faire  mal,  on  était  arbitraire  et 
violent  par  habitude  et  doux  par  tempérament.  L'ordonnance 


268  MÉMOIRES. 

de  1769  n'eut  pas  un  meilleur  sort  que  beaucoup  d'autres, 
elle  ne  fut  que  très  vaguement  exécutée,  elle  dut  être  renou- 
velée et  complétée  en  1781.  Et,  pourtant,  si  les  capitouls 
s'étaient  montrés  plus  rigoureux,  s'ils  avaient  su  défendre 
les  habitants  contre  eux-mêmes,  comme  ont  trop  souvent  à 
le  faire  les  administrations  municipales,  la  ville  de  Tou- 
louse se  serait  plus  vite  transformée  et  elle  aurait  ainsi 
mieux  justifié  son  titre  de  capitale  du  Languedoc. 


PROBLÈMES    DE   MÉGANIQUE.  269 


METHODES  DE  RESOLUTION 

DES 

PROBLÈMES   DE    MÉGANIQUE 

D'APRÈS  L'ENSEIGNEMENT  DE  DESPEYROUS 

Par  Ulysse  LALA  * 

Associé  correspondant-résidant  de  l'Académie  des  Sciences,  Inscriptions  et  Belles-Lettres 

de  Toulouse. 


INTRODUCTION 


Le  développement  actuel  des  sciences  physiques  et  indus- 
trielles et  la  nécessité  corrélative  d'instituer  des  enseigne- 
ments spécialement  adaptés  aux  besoins  des  physiciens  et  des 
ingénieurs  déterminent  une  transformation  complète  des 
cours  de  mécanique  rationnelle  qui  constituent  logiquement 
la  base  du  haut  enseignement  scientifique. 

«  C'est  qu'en  efifet,  la  mécanique  est  la  plus  parfaite  des 
sciences  rationnelles  issues  des  sciences  d'obsey^vation  : 
elle  emprunte  aux  sciences  abstraites  les  méthodes  rigou- 
reuses et  se  retrempe,  à  chaque  pas,  aux  sources  fécondes 
de  r expérience  en  demandant  aux  faits  la  vérification  des 
conceptions  nécessairement  incomplètes  qu'on  peut  faire  en- 
trer dans  le  calcul.  Elle  a  l'avantage  de  posséder  à  la  fois 
les  deux  leviers  les  plus  puissants  de  l'esprit  humain,  Vana- 
lyse  mathématique  et  Vexpérience;  envisagée  à  ce  point  de 
vue,  c'est  la  science  par  excellence,  celle  qui  peut  le  plus 
contribuer  à  la  puissance  intellectuelle  et  matérielle  d'un 

1.  Lu  dans  la  séance  du  13  mai  1910. 


270  MÉMOIRES. 

pays  ^  »  Et  il  est  absolument  essentiel  «  de  donner  les 
résultats  par  des  méthodes  simples,  générales,  et  gous  la 
forme  définitive,  sous  laquelle  ils  sont  appliques  '^  »,  dans 
des  «  problèmes  concrels,  souvent  plus  difficiles  à  manier 
que  les  spéculations  théoriques^  ». 

Le  modèle  nouveau  des  cours  de  mécanique  est  fourni  par 
un  magistral  ouvrage  récent  dû  à  la  plume  particulièrement 
autorisée  d'un  professeur  de  l'Université  de  Toulouse  ^,  dans 
lequel  l'auteur,  prenant  «  à  peu  près  exactement  le  contre- 
pied  de  l'enseignement  officiel  français*  »  et  trouvant  que 
la  culture  purement  mathématique  de  «.  la  mécanique  dans 
ses  parties  les  plus  abstraites'^  »  constitue  une  «  éducation 
mécanique...  absurde  pour  les  physiciens  et  les  ingénieurs^  », 
développe  l'exposition  complètement  transformée  de  la  méca- 
nique en  utilisant,  dans  ce  but,  «  toutes  les  ressources  des 
mathématiques'^  »,  mais  en  n'oubliant  jamais  que  «  la  mé- 
canique est  une  science  expérimentale  qu'on  doit  apprendre 
au  laboratoire  en  faisant  des  expériences  '  »,  car  «  il  existe 
des  manipulations  de  mécanique  comme  de  physique,  par 
la  simple  raison  que  la  mécanique  est  le  chapitre  premier 
de  la  physique"^  »,  ne  différant  «  de  celle-ci  ni  par  ses  métho- 
des, ni  par  ses  résultats^  ». 

Dans  l'Avant  propos  de  ce  cours  de  Mécanique  ration- 
nelle et  expérimentale,  mais  cependant  non  technique,  le 
maître  qui  l'a  écrit,  trop  modeste,  oubliant  (peut  être  parce 
que  développée  insuffisamment  à  son  gré)  l'organisation, 
faite  sur  son  initiative,  de  manipulations  de  mécanique 
au  laboratoire  d'enseignement  de  la  physique  à  la  Faculté 
des  sciences  de  Toulouse,  déclare  que  «  nulle  part  en  France 

1.  A.  Cornu,  L'Ecole  Polylech7iique  {Revue  générale  des  sciences 
pures  et  appliquées,  VII,  1896,  p.  899). 

2.  A.  Cornu,  loc.  cit.,  p.  902. 

3.  H.  Douasse,  Cours  de  mécanique  ralio/Dielle  et  expérimenCale. 
1  vol.  in-8o,  692  p.;  Delagrave,  éd.  (1910). 

4.  H.  Bonasse,  loc.  cil.,  avant-propos,  p.  1. 

5.  Id.,  ibid.,  pp.  1  et  2. 

6.  Id.,  ibid.,'i>.  2. 

7.  Id.,  ibid.,  p.  3. 


PROBLÈiMES    DE   MÉCANIQUE.  271 

la  mécanique  n'est  enseignée  comme  une  science  expéri- 
mentale '  ».  Et,  en  effet,  à  ce  sujet,  M.  André  Pelletan, 
inspecteur  général  des  mines,  sous  directeur  de  l'Ecole  na- 
tionale supérieure  des  mines,  s'occupant  de  l'Ecole  polytech- 
nique, a  pu  récemment  écrire  les  lignes  suivantes^  : 

«  En  ce  qui  concerne  les  travaux  pratiques  de  mécanique, 
le  règlement  des  études  ne  contient  qu'une  phrase,  d'ailleurs 
énigmatique;  la  voici  :  «  Les  élèves  sont  appelés  à  voir  de 
près  le  fonctionnement  des  machines  en  mouvement.  »  Tout 
le  monde  est  appelé  à  voir  de  près  des  machines  en  mouve- 
ment, même  au  milieu  des  rues  de  Paris;  ce  n'est  pas  là  un 
privilège  ni  un  programme  d'instruction.  S'agit-il  de  ma- 
chines fonctionnant  à  l'Ecole  même?  J'y  ai  bien  découvert 
un  petit  appareil  à  vapeur,  égaré  là  par  le  hasard  de  je  ne 
sais  quelle  donation;  le  conservateur  des  collections  a  placé 
cet  objet  sous  verre,  comme  si  c'était  une  nouveauté  rare  et 
délicate  qu'il  fallait  mettre  à  l'abri  des  curiosités  indiscrètes. 
Mais  l'appareil  est  hors  d'usage;  ce  n'est  certainement  pas 
lui  qu'on  offre  en  spectacle.  Gomment  donc  faut-il  interpréter 
le  texte  sybillin  arrêté  par  le  conseil  de  perfectionnement? 
11  signifie  simplement  que  les  élèves  sont  invités,  quand  ils 
en  ont  l'occasion,  à  s'approcher  des  machines  et  à  les  re- 
garder tourner.  C'est  à  cela  que  se  borne  leur  instruction 
mécanique  pratique.  > 

Aujourd'hui,  un  enseignement  raisonnable  de  mécanique 
rationnelle  doit  consister  «  à  regarder  autour  de  soi  et  à 
expliquer  à  ses  élèves  ce  qu'on  a  vu  et  ce  qu'il  faut  voir.  Pas 
une  science  physique  n'est  aussi  proche  de  nous,  n'a  des 
applications  plus  vulgaires  et  tombant  plus  naturellement 
sous  notre  observation  journalière...  Tou^  les  jours,  nous 
expérimentons  les  conséquences  d'un  frottement  plus  ou 
moins  grand,  ne  serait-ce  qu'assis  à  notre  table  de  travail 

1.  H.  Bonasse,  Cours  de  niécanique,  etc.,  avant-propos,  p.  3. 

2.  A.  Pelletnn,  La  fornidlion  des  ingénieurs  en  France  et  à 
V étrange)'  (Revue  p[«';néralo  des  sciences  pures  et  applifpu^es,  XXI, 
HIIO,  p.  281);  extrait  d'une  conférence  donnée  à  la  Technique  mo- 
derne, le  9  mars  191Q. 


272  MÉMOIRES. 

pour  éviter  que  notre  fauteuil  ne  s'échappe  de  dessous  notre 
séant,  ne  serait-ce  que  pour  faire  tenir  en  place  les  tableaux 
qui  ornent  nos  murs,  pour  huiler  la  pendule  ou  la  serrure, 
pour  régler  le  pèse- lettres.  L'enseignement  supérieur  de  la 
mécanique  consiste  précisément  à  assembler  et  à  déduire 
d'un  petit  nombre  de  principes  tous  ces  faits  d'expérience 
vulgaire  auxquels  nous  ne  pouvons  échapper.  Les  plus  vul- 
gaires, comme  la  toupie,  le  billard  et  la  bicyclette,  ne  sont 
ni  les  plus  faciles,  ni  les  moins  intéressants ^  » 

En  jetant  un  regard  en  arrière  sur  le  passé  si  récent  pour 
essayer  de  se  rendre  exactement  compte  des  méthodes  d'en- 
seignement considérées  maintenant  comme  de  simples  exer- 
cices de  mathématiques  pures  et  des  résultats  pratiques  que 
ces  méthodes  permettaient  d'obtenir,  on  est  frappé  de  ce  fait 
que  les  préoccupations  actuelles  n'étaient  peut  être  pas  abso- 
lument étrangères  à  certains  professeurs  de  mécanique.  11  en 
était,  en  particulier,  ainsi  pour  Despeyrous,  dont  on  conser- 
vera toujours  le  souvenir  dans  cette  Académie  et  à  la  Faculté 
des  sciences  de  Toulouse,  où,  s'efForçantde  justifier  complète- 
ment le  titre  «  ^mécanique  rationnelle  et  appliquée  »  de  la 
chaire  qu'il  occupa-  pendant  dix  ans  (1872-1882),  il  donna 
un  magistral  enseignement  théorique  et  pratique.  La  biblio- 
thèque de  la  mairie  de  Beaumont-de-Lomagne  (Tarn-et- 
Garonne),  où  sont  déposées  les  œuvres  de  Despeyrous,  pos- 
sède le  Programme  de  mécanique  rationnelle  en  103  feuil- 
les doubles  détachées,  et  le Program^ne  de  mécanique  appli' 
quée  en  30  feuilles  doubles  détachées  (carton  n«4)^  de  ces 
leçons  qui  exigeaient  deux  années  scolaires  pour  leur  déve- 
loppement et  dont  la  haute  valeur  fut  consacrée  par  un  pré- 
cieux hommage  posthume.  Le  Cours  de  mécanique  de  Des- 
peyrous 3,  imprimé  après  le  décès  de  l'auteur,  fut,  en  effet. 


1.  H.  Bouasse,  Cours  de  mécanique,  etc.,  avant-propos,  p.  5. 

2.  Mémoires  de  l'Académie  des  Sciences,  Inscriptions  et  Belles- 
Lettres  de  Toulouse,  8«  série,  t.  VII,  1885  (2«  sein.),  p.  112. 

3.  Deux  volumes,  A.  Hermann,  éd.;  —  t.  I  (1884),  x-369  pages,  plus 
76  pages  de  notes  (Darboux);  t.  II  (1880),  460  pages,  plus  146  pages 
de  notes  (Darboux). 


PROBLÈMES    Di:    MKCANIQUE.  273 

indiqué  comme  ouvrage  à  étudier  par  les  candidats  dans  les 
instructions  relatives  au  concours  de  l'agrégation  des  lycées 
pour  les  sciences  mathématiques. 

Cette  constatation  officielle  et  répétée  de  la  valeur  de 
l'enseignement  d'un  maître  regretté  n'étonnait  nullement 
ceux  qui  avaient  eu  la  bonne  fortune  de  suivre,  à  la  Faculté 
des  sciences  de  Toulouse,  les  leçons  de  ce  professeur  remar- 
quable par  sa  science  profonde  et  par  la  respectueuse  affec- 
tion dont  Tentouraient  ses  élèves,  auxciuels  ils  ne  marchan- 
dait, d'ailleurs,  ni  sa  bienveillance,  ni  son  dévouement. 

Le  cours  de  Despeyrous,  aujourd'hui  épuisé,  croyons-nous, 
enrichi  de  fort  nombreuses  (22)  et  très  intéressantes  notes 
de  réminent  secrétaire  perpétuel  de  l'Académie  des  sciences, 
M.  Darboux,  doyen  honoraire  de  la  Faculté  des  sciences  de 
Paris,  constituait,  en  effet,  le  meilleur  des  guides  pour  des 
étudiants  sur  le  point  de  devenir  des  maîtres.  Aussi,  a-t-on 
peut-être  le  droit  de  signaler,  avec  peine,  certaines  lacunes 
présentées  par  la  partie  de  cet  ouvrage  qui  reproduisait, 
disait-on,  l'enseignement  de  Despeyrous. 

Le  très  regretté  professeur,  préoccupé  de  maintenir  le 
niveau* élevé  de  ses  leçons,  perfectionnait  constamment  son 
cours,  et  les  auditeurs  des  dernières  aimées  s'étonnaient  de 
ne  pas  retrouver  dans  l'ouvrage  imprimé  certains  points  sur 
lesquels  le  maître  insistait  pourtant  avec  soin.  C'est  ainsi, 
par  exemple,  que  l'on  constatait  l'absence  de  diverses  ques- 
tions touchant  à  la  physique  mathématique  :  étude  des  cor- 
des vibrantes  comme  application  des  principes  généraux  du 
mouvement  des  systèmes  de  points  matériels;  —  vibrations 
des  gaz  dans  les  tuyaux  cylindriques,  propagation  du  son 
dans  l'espace,  mouvement  ondulatoire  d'un  liquide  pesant 
et  homogène,  en  hydrodynamique;  —  la  thermodynami- 
que, etc. 

De  plus,  au  point  de  vue  de  l'exposition,  les  méthodes 
n'étaient  pas  toujours  les  dernières  adoptées  par  Despeyrous. 
Les  é(|  nation  s  différentielles  du  mouvement  d'un  corps  so- 
lide, en  particulier,  ne  sont  [)as  établies,  dans  le  cours  im- 
primé, par  la  méthode  exposée  pour  la  première  fois  en 


274 


MEMOIRES. 


1880-1881  par  Despeyrous,  méthode  que  l'on  trouve  dans  les 
Mémoires  de  l'Académie  des  Sciences,  Inscriptions  et  Belles- 
Lettres  de  Toulouse^.  Oïl  doit  faire  la  même  remarque  rela- 
tivement aux  théorèmes  généraux  du  potentiel  et  à  l'attrac- 
tion des  ellipsoïdes,  questions  que  Despeyrous  exposait, 
dans  les  derniers  temps,  ainsi  qu'on  peut  les  lire  dans  les 
mêmes  Mémoires^.  L'ordre  adopté  dans  le  livre  pour  la 
distribution  des  matières  n'était  même  pas  conforme  au  plan 
général  du  cours  que  Despeyrous  avait  lui  même  résumé 
en  un  tableau, synoptique  qu'il  communiquait  à  ses  élèves ^ 


I.  statique 

ou  lois 

de  la  composition 

des  forces 

et  des  couples. 

Etude 
de  l'équilibre. 


.1.  8e  série,  tome  III,  2^  semestre  1881,  pp.  145-168.  —  Voir  aussi, 
même  série,  tome  IV,  2^  semestre  1882,  pp.  81-87. 

2.  7e  série,  tome  VJII,  pp.  221-242,  1876,  et  tome  X,  pp.  374-396, 
1878. 

3.  Tableau  synoptique  du  cours  de  mécanique  rationnelle 

de  Despeyrous. 

Livre  I,  —  Composition  des  forces  et  des  couples. 
Appendice  au  livre  I  :  Centres  de  gravité. 
Livre  IL  —  Equilibre  d'un  point  matérieL 
Livre  III.  —  Equilibre  d'un  système  de  points  maté- 
riels. 
Livre  IV.  —  Equilibre  d'une  masse  fluide  en  hydro- 
statique. 
Livre  V.  —  Loi  générale  de  l'équilibre  ou  principe  des 

vitesses  virtuelles. 
Livre  VI.-  Attraction  (  }■  Tliéorie  du  potentiel 

des  corps.  ^-  Application    a    1  attraction 

^  (  des  ellipsoïdes. 

II.  Cinématique.  Livre  VII.  —  Composition  des  vitesses,  soit  de  trans- 
ou  étude  l        lation,  soit  de  rotation, 

du  mouvement     /  Livre  VIII.  —  Mouvement  d'un  point  matériel, 
indépendamment  /  Livre  IX.  —  Mouvement  d'un  système  de  points  maté- 
de  ses  causes.     \        riels  (corps  solide). 

/  Livre  X.  ~  Mouvement  d'un  point  matériel. 
Livre  XI.  —  Mouvement  d'un  système  de  points  maté- 
riels. 
Livre  XII.  —  Mouvement  d'un  corps  solide. 
Livre  XIII.  —  Mouvements  relatifs. 
Livre  XIV.  —  Mouvement  d'une  masse  fiuide  ou  hydro- 
dynamique. 


III.  Dynamique 

ou 

étude' des  causes 

qui  produisent 

des  effets  connus 

et  réciproquement, 

étude 
des  effets  produits 
par  des  causes 
connues.         ' 


Livre  XV.  —  Thermo- 
dynamique. 


1.  Physique  générale  déduite 

d'une  seule  hypothèse. 

2.  Résumé  de  la  théorie  expé- 

rimentale de  la  chaleur. 

3.  Etude  générale  de  la  ther- 

modynamique. 

4.  Théorie  des  gaz. 


PROBLÈMES  DE  MÉGANIQUE.  275 

Enfin,  dans  un  ouvrage  étudié  par  de  futurs  professeurs, 
on  aurait  vu,  avec  satisfaction,  figurer  sous  une  fornie 
quelconque:  note,  appendice,...,  le  résumé  des  méthodes  de 
résolution  des  problèmes  de  mécanique,  groupées,  d'une  ma- 
nière très  personnelle,  par  Despeyrous,  qui  revenait  fort 
souvent,  dans  ses  conférences,  sur  cet  ensemble  do  procédés 
aux(iuels,  disait-il,  «  aucun  problème  de  mécani(|ue  ne  peut 
échapper  »,  et  dont  on  ne  trouve  pas  trace  dans  le  catalo- 
gue des  œuvre»  de  Th.  Despeyrous,  déposées  à  la  Bibliothè- 
que de  la  mairie  de  Beaumont-de-Lomagne*. 

Gomme  les  problèmes  de  mécanique  proposés  par  Des- 
peyrous à  ses  élèves^  n'étaient  pas  de  simples  «  sujets  de 

1.  Mémoires  de  VAr.adémie  des  Sciences,  I.  et  B.-L.  de  Toulouse, 
8e  série,  t.  VJI,  1885  {2^  semestre),  pp.  110  et  suiv.,  appendice  à 
l'Eloge  de  Despeyrous,  par  Tillol. 

2.  Type  de  problèmes  posés  par  Despeyrous  : 

Soient  0  et  Oj,  deux  treuils  à  axes  horizontaux  et  parallèles.  Un 
cordon  sans  masse  est  enroulé  plusieurs  fois  sur  le  cylindre  OB  de 
l'un  d'eux;  l'une  des  extrémités  de  ce  cordon  étant  accrochée  sur  ce 
cylindre  et  l'autre  extrémité  étant  tirée  par  un  poids  de  masse  m.  Un 
second  cordon,  sans  masse,  est  également  enroulé  sur  la  grande  roue 
OjAi  du  deuxième  treuil,  l'une  des  extrémités  de  ce  cordon  étant  ac- 


crochée sur  cette  grande  roue  et  l'autre  extrémité  étant  tirée  par  un 
poids  de  masse  n^^.  Enfin,  un  o^  cordon,  sans  masse,  est  enroulé[plu- 
sieurs  fois  et  sur  la  grande  roue  OA  du  premier  treuil  et  sur  le  cylin- 
dre O^B^  du  second,  les  extrémités  de  ce  3«  cordon  étant  accrochées  et 
sur  la  grande  roue  OA  et  sur  le  cylindre  Ojl^,.  —  On  demande  la  loi 
du  mouvement  <le  ce  système,  en  tenant  compte  de  la  résistance  de 
l'air  que  l'on  supposera  proportionnelle  au  carré  de'la  vitesse  angu- 
laire <le  chacun  des  treuils?  On  calculera  les  tensions  de  chacun  des 
cordons.  Voir  la  ligure  pour  le  sens  de  chaque  enroulement  (21  juil- 
let 1881  :  licence  es  sciences  mathématiques). 


276  MÉMOIRES. 

Spéculations  mathématiques^  »,  les  méthodes  dont  nous  par- 
lons, d'ailleurs  connues  individuellement,  présentent  par  le 
groupement  de  Despeyrous  un  très  vif  intérêt  pédagogi- 
que, et  nous  avons  cru  faire  œuvre  utile  en  les  reconstituant 
d'après  de  personnelles  et  très  complètes  notes  de  cours. 

En  présentant  ce  travail  à  l'Académie  des  Sciences,  Ins- 
criptions et  Belles-Lettres  de  Toulouse,  qui  a  compté  Des- 
peyrous parmi  ses  membres  les  plus  distingués,  nous  vou- 
lons affirmer  une  double  dette  de  reconnaissance  à  l'égsrd 
d'un  maître  vénéré  et  de  l'Académie  qui  nous  faisait  récem- 
ment le  grand  honneur  de  nous  inscrire  parmi  ses  associés 
correspondants  résidants. 

1.  H.  Douasse,  Cours  de  mécanique,  etc;  avant- propos,  \).  1. 


PROBLEMES    DE   MECANIQUE.  277 


I. 
Problèmes  de  statique. 

Une  ligure  variable  composée  d'un  certain  nombre  de  corps 
liés  entre  eux,  étant  donnée,  on  a,  au  point  de  vue  statique, 
deux  questions  à  résoudre  : 

le»"  Problème  :  Déterminer  les  conditions  cC équilibre  du 
système,  relativement  à  des  forces  données; 

2®  Problèmr  :  Déterminer  la  figure  d'équilibre  correspon- 
dant à  des  forces  données. 

Les  problèmes  de  statique,  ramenés  ainsi  à  deux  types,  sont 
résolubles  par  deux  méthodes,  dites  des  forces  intérieures  et 
du  travail  vit^tuel,  que  nous  allons  examiner  successivement. 

MÉTHODE  DES   FORGES   INTÉRIEURES. 

Que  le  système  donné  se  compose  d'un  seul  corps  ou  de  plu- 
sieurs en  nombre  quelconque  n  liés  entre  eux  d'une  manière 
également  quelconque,  il  faudra,  pour  déterminer  les  condi- 
tions d'équilibre  : 

l"  Examiner,  avec  soin,  quelles  sont  les  variables  qui  déter- 
minent la  position  d'équilibre  ou  la  figure  géométrique  de  cet 
équilibre;  appelons  h  le  nombre  de  ces  variables. 

2»  Déterminer  les  i  équations,  entre  ces  h  variables,  qui  résul- 
tent de  la  constitution  du  système  donné;  cette  seconde  partie 
est,  comme  la  première,  du  domaine  de  la  géométrie. 

30  Chercher  les  forces  intérieures  susceptibles  de  remplacer 
les  i  équations  de  liaison,  c'est-à-dire  les  forces  qui  mesurent 
les  résistances  que  doivent  offrir  les  liens  pour  que  l'équilibre 
puisse  exister  :  forces  égales  et  contraires  aux  tensions,  ou  con- 
tractions ou  pressions  qu'éprouvent  ces  liens  dans  l'état  d'équi- 
libre, sous  l'action  simultanée  de  forces  données,  dites  forces 


278  MEMOIRES. 

eœté7'îeweSy  qui  sont  appliquées  aux  divers  point  du  système 
considéré;  désignons  par  h  le  nombre  de  quantités  qui  .mesu- 
rent ces  forces  intérieures. 

4**  Enfin,  considérer  conune  libre  chacun  des  n  corps  du  sj^s- 
tème  donné  et  écrire  les  six  équations  d'équilibre  relatives  à 
chacun  d'eux.  Ces  équations  sont  : 

X=zO  ^ 

Y  =  0  ^  pour  R  =  0 

ZzzO  ] 

lu  —  yZ  —  zY  —  0) 

U—z^  —  œZ  —0  \  pour  G  =0 

N  =  ^Y— î/X  =  0  \ 

pour  le  point  de  coordonnées  x,  y,  z,  soumis  à  la  force  résul- 
tante R(X,  Y,  Z)  et  au  couple  résultant  G([.,  M,  N).  On  a 
ainsi  6w  équations. 

Gela  fait, 

1er  Problème.  Si  le  système  donné  est  de  forme  déterminée 
et  connue,  on  obtiendra  les  équations  nécessaires  et  suffisantes 
pour  que  ce  système,  avec  cette  figure  donnée,  soit  en  équi- 
libre sous  l'action  simultanée  des  forces  extérieures  également 
données,  en  éliminant  les  h  quantités  qui  mesurent  les  forces 
intérieures,  entre  les  6n  équations  d'équilibi'e,  ce  qui  donnera 
6^  —  h  équations  nécessaires  et  suffisantes  pour  l'équilibre. 

2«  Problême.  Si,  au  contraire,  on  veut  connaître  la  figure 
d'équilibre  qui  convient  aux  forces  extérieures  données,  il  suf- 
fit de  joindre  à  ces  6n  —  U  équations  d'équilibre,  les  i  équations 
de  liaison  et  de  résoudre  ces  6n  —  h  -{-  i  équations  par  rapport 
aux  h  quantités  qui  déterminent  la  figure  cherchée.  Ce  second 
problème  est  déterminé  si 

hz=z6n  —  h  -\-'i; 
indéterminé  si 

/i  >  6n  — /i  -h  i; 

enfin,  il  y  a  6n  —  /i  +  ^  —  h  équations  de  condition  si 

/i  <  6n  —  h  -\-  i. 


PROBLÈMES    DE    MECANIQUE.  279 

Remarques  :  I.  —  Le  choix  des  k  variables  qui  déterminent 
la  position  du  système  a  une  très  grande  importance  au  double 
point  de  vue  de  la  facile  détermination  des  équatioiis  d'équili- 
bre et  de  la  simplicité  de  ces  équations. 

II.  —  Dans  certains  cas,  il  est  possible  de  déterminer  immé- 
diatement les  6n  —  h  équations  d'équilibre,  ou  du  moins  quel- 
ques-unes d'entre  elles  dans  lesquelles  n'entrent  pas  les  forces 
intérieures.  Pour  cela,  le  système  étant  rendu  préalablement 
libre  et  invariable,  il  suffira  d'exprimer  que  la  somme  des  for- 
ces estimées  suivant  une  droite  quelconque  est  nulle.  Si  en  fai- 
sant ce  calcul  on  est  obligé  d'introduire  quelques  forces  inté- 
rieures, on  les  éliminera  des  équations  formées  par  ce  calcul  et 
l'on  obtiendra  ainsi  quelques-unes  des  6n  —  h  équations 
d'équilibre  à  trouver. 

III.  —  Le  système  donné  est  plan,  Qn  doit  être  remplacé 
par  3n. 

IV.  —  Signalons  l'utilité,  au  point  de  vue  pratique,  du  calcul 
des  forces  intérieures. 

MÉTHODE   DU   TRAVAIL   VIRTUEL. 

Considérons  un  système  forma  de  n  points  auxquels  sont 
appliquées  des  forces  extérieures  données.  La  position  de  ces 
n  points  est  déterminée  par  8n  coordonnées  rectangulaires,  et 
si  on  représente  par  i  le  nombre  d'équations  de  liaisons  du 
système  donné,  ce  système  est  dit  à  liaisons  complètes  si 

^  =  3^  —  1 

valeur  maximum  de  i,  et  à  liaisons  incomplètes^  si  on  a 

i<nn  —  1. 

Si  l'on  peut  exprimer,  à  l'aide  des  3n  coordonnées  rectangu- 
laires déterminant  la  position  des  n  points,  les  i  équations  de 
liaisons  du  système  donné 

L=:0         M  =  0         N=:0         


280  MEMOIRES. 

on  pourra  appliquer  immédiatement  léquation  générale  d'équi- 
libre 

S  (Xoœ  -f  Yhy  +  Zhz)  +  aSL  +  ^BM  +  vBN  +  =  0 

ou  l'équation  identique 

SPSi?  +  Ihh  +  [i.5M  -f  vBN  +  =0. 

En  développant,   on  aura   une  équation,   à  Sn  termes,  de  la 
forme 

UM,   +  U2a?/.   +    -i-VsnOZn-O. 

On  égalera  à  zéro  les  coefficients  de  chacune  des  3n  variations 
BiT,,  Bi/^,  ^Zi,  ^oon  lyn  Izn,  06  qui  (ionuera  3n  équations 

U,  =  0  U2  =  0  U3n  =  0. 

11  suffira  d'éliminer  entre  ces  3n  équafions,  les  i  facteurs 
indéterminés  X,  [x,  v,  ,  qui  n'y  entrent  d'ailleurs  qu'au  pre- 
mier degré,  pour  obtenir  les  3n  —  i  équations  nécessaires  et 
suffisantes  pour  l'équilibre. 

1^^  Problème.  —  Les  équations  demandées  sont  ces  "en  —  i 
équations. 

2^  Problème  —  On  joindra  à  ces  3n  —  i  équations  d'équili- 
bre, les  i  équations  de  liaisons 

L  =  0        MznO        N=:0        


et  on  aura  ainsi  3n  équations  pour  déterminer  les  ^n  coordon- 
nées qui  donnent  la  figure  d'équilibre  demandée. 

Remarques  :  I.  —  Il  est  utile  de  calculer  les  i  paramè- 
tres X,  (j.,  V, ,  car  ils  donnent,  à  un  facteur  près,  les  intensi- 
tés, et,  par  suite,  les  directions  des  forces  intérieures  qu'il  faut 
connaître  si  l'on  veut  calculer  les  résistances  que  doivent 
ofl"rir  les  liens  pour  l'équilibre. 

II.  —  S'il  est  possible  de  trouver  1i  coordonnées  de  nature 
convenable  Gj  62  Ô3 Oi,  qui  déterminent  la  position  du  sys- 


PROBLÈMES  DE  MÉGANIQUE.  281 

tème  donné,  en  tenant  coinpte  de  sa  constitution,  de  ses  liai- 
sons, l'équation  d'équilibre  est 

SPojt?  =  0 . 

Développée,  cette  équation  devient 

v,aei  +  ¥2^62  + +  ViBe&^o. 

Par  suite,  pour  le  problème  direct,  les  équations  d'équilibre 
sont 

V,  zzO        ¥2  =  0        Vk  —  O. 

La  solution  du  problème  inverse  résultera  de  la  résolution  de 
ces  h  équations  par  rapport  aux  h  variables  ôj  O2 0^-. 

III.  — La  méthode  exposée  dans  la  remarque  II,  qui  précède, 
ne  détermine  nullement  les  résistances  que  doivent  offrir  les 
liens  pour  que  le  système  soit  en  équilibre  sous  l'action  simulta- 
née des  forces  qui  l'attaquent.  Dans  la  plupart  des  cas,  on  par- 
vient néanmoins  à  les  trouver,  en  décomposant  les  forces  exté- 
rieures en  leurs  composantes;  les  unes,  appelées  forces  actives 
contribueraient  au  mouvement,  s'il  n'y  avait  pas  d'équilibre  ;  les 
autres,  nommées  foixes  7'ésistantes  ou  passives,  produisent 
seulement  les  réactions  des  liaisons. 

IV.  RexMarque  générale.  —  On  arrive,  dans  certains  cas,  à 
trouver  les  équations  d'équilibre,  soit  en  réduisant  les  forces 
au  plus  petit  nombre  possible,  soit  en  les  décomposant. 

Calcul  de  ZVop.  —  Divers  cas  sont  à  considérer  : 

lef  Cas.  —  En  coordonnées  rectilignes  et  rectangulaii^es 
oOf  2/,  z^  on  a 

^P^p  =:  S(XS.r  +  YS|/  +  Zhz), 

X,  Y,  Z  désignant  les  composantes,  suivant  les  axes,  de  la 
force  P. 
En  coordonnées  polaires  r,  0,  tj^,  on  a 

SP8p  =  2:(BSr  -f-  HrSO  +  Wr  sin  0  Z^) , 

10e   SÉRIE.    —   TOME   X.  21 


282  MÉMOIRES. 

R,  ©,  W  étant  les  composantes  de  la  force  P,  suivant  le  rayon 
vecteur  r,  suivant  une  perpendiculaire  à  ce  rayon  dans  le  plan 
azimutal  et  suivant  une  perpendiculaire  à  ce  plan. 

2*^  Cas.  —  Si  la  force  P  appliquée  au  point  m{x,  y,  z)  est  diri- 
gée suivant  la  droite  mA,  A  étant  un  point  quelconque  fixe 
pris  sur  cette  droite,  le  travail  virtuel  de  cette  force  est 

=FP5/?, 

p  désignant  la  distance  mA;  le  signe  —  se  rapporte  au  cas  où 
cette  force  est  dirigée  de  m  vers  A,  et  le  signe  +  à  celui  où  elle 
est  dirigée  en  sens  contrairjB  de  A  vers  m. 

3^  Cas.  —  Si  la  force  P  agit  suivant  la  perpendiculaire  à  une 
droite  fixe  ou  à  un  plan  fixe,  et  si  p  désigne  la  longueur  de  la 
distance  du  point  d'application  de  cette  force  P  à  cette  droite  ou 
à  ce  plan,  le  travail  virtuel  de  cette  force  est 

le  signe  —  étant  pour  le  cas  où  la  force  P  agit  de  son  point 
d'application  vers  le  pied  de  la  perpendiculaire,  et  le  signe  -f- 
pour  le  cas  contraire. 

4»  Cas.  —  Forces  de  la  nature  :  1»  Actions  mutuelles  entre 
des  points,  dirigées  suivant  leur  distance  et  fonctions  de  cette 
distance;  2»  attraction  ou  répulsion  émanée  d'un  centre  fixe, 
dirigée  suivant  la  droite  qui  joint  ce  centre  d'émanation  au 
point  matériel,  et  fonction  de  la  longueur  de  cette  droite. 

Soit  F(r)  l'intensité  d'une  force  de  la  nature;  posons 


Y—jY{r)dr; 


le  travail  virtuel  de  la  force  est 


le  signe  —  étant  relatif  au  cas  de  l'attraction  et  le  signe  -f-  à 
celui  de  la  répulsion. 


PROBLÈMES  DE  MECANIQUE.  283 

Si  dans  un  système  de  points  ou  de  corps  il  y  a  plusieurs 
forces  de  la  nature  F(>-),  Fi(r,),  F2(r2),  et  si  l'on  pose 

V  =  f¥(r)dr  +  fF,{r,)ai\  +  fF^{r>,)dr^  +  

la  somme  des  travaux  virtuels  de  ces  forces  est  encore 

le  signe  —  ayant  toujours  lieu  dans  le  cas  de  l'attraction,  et  le 
signe  H-  dans  celui  de  la  répulsion.  La  fonction  V  est  appe- 
lée le  potentiel  des  forces. 

Remarque.  —  Si  toutes  les  forces  de  la  nature  se  réduisent  à 
la  pesanteur,  la  quantité  oV  se  réduit  à 


Zy  désignant  la  distance  verticale  du  centre  de  gravité  du  sys- 
tème donné,  et  g  l'intensité  de  la  pesanteur. 

Théorème.  —  Quand  un  système  n'est  sollicité  que  par  des 
forces  de  la  nature,  V  étant  le  potentiel  de  ces  forces,  on  doit 
avoir  pour  l'équilibre  de  ce  système 

SV  =  0. 

pour  tous  les  déplacements  compatibles  avec  les  liaisons  du 
système.  Si  les  équations  de  cette  liaison  ne  contiennent  pas 
le  te7nps  explicitement ^  l'équation  précédente  entraîne  l'équa- 
tion 

Donc,  pour  toute  position  d''équilibre,  le  potentiel  V  des  for- 
ces est,  en  général,  maximaoM  minima.  Le  théorème  consiste, 
en  ce  que  si  V  est  maxima,  l'équilibre  est  stable^  et  si  V  est 
minima,  l'équilibre  est  instable. 


284  MÉMOIRES. 


IL 
Mouvement  d'un  point. 


Pour  la  détermination  des  équations  différentielles  du  mou- 
vement d'un  point,  nous  examinerons  successivement  le  cas 
d'un  point  libre  et  celui  d'un  point  gêné  par  des  obstacles  fixes. 


POINT    LIBRE, 


I.  —  En  coordonnées  cartésiennes  x^  ?/,  z^  rectangulaires  ou 
obliques,  si  l'on  désigne  par  X,  Y,  Z,  les  composantes,  suivant 
les  axes,  de  la  résultante  des  forces  accélératrices  qui  animent 
le  mobile,  on  a 


(1) 


IL  —  Dans  plusieurs  cas,  on  peut,  avec  avantage,  substituer 
aux  trois  équations  (1)  les  trois  suivantes 

^—  T 
dt  ~ 


^  =  F      (2) 
S6    =  0    1 

dans  lesquelles  v  désigne  la  vitesse  du  mobile,  p  le  rayon  de 
courbure  de  sa  trajectoire  et  T,  F,  Sô  les  composantes  de  la 
résultante  des  forces  accélératrices  respectivement  suivant  la 


PROBLÈMES  DE  MÉGANIQUE.  285 

tangente  à  la  trajectoire,  la  normale  principale  ou  rayon  de 
courbure  et  la  binormale  ou  perpendiculaire  élevée  au  plan 
osculateur  de  la  trajectoire  au  point  où  se  trouve  le  mobile. 

Ces  trois  équations  (2)  ont  l'avantage  de  contenir  explicite- 
ment quelques-unes  des  quantités  à  trouver  5,  r,  p  qui  ne  sont 
qu'implicitement  renfermées  dans  les  équations  (1). 

Dans  le  cas  où  T,  F,  Sô  ne  contiennent  pas  le  temps  explici- 
tement, il  est  très  utile  d'éliminer  l'élément  dt  du  temps  et  de 
prendre  pour  variables  indépendantes  ou  t?,  ou  5,  ou  l'angle  de 
la  tangente  avec  une  droite  fixe,  selon  que  l'une  de  ces  quanti- 
tés rendra  intégrables  quelques-unes  des  équations  (2). 

III.  —  Si  l'on  prend,  pour  déterminer  la  position  du  mobile, 
les  coordonnées  polaires  r,  6,  (]>,  l'angle  ô  étant  compté  à  partir 
de  l'axe  des  z  et  l'angle  ^  à  partir  de  l'axe  des  œ^  les  équations 
différentielles  du  mouvement  sont 


rdt 
1       d. 


r  sin  6  dt 

dans  lesquelles  R,  0,  ^  désignent  les  composantes  de  la  résul- 
tante des  forces  accélératrices  qui  animent  le  mobile,  respecti- 
vement, suivant  le  rayon  vecteur,  suivant  la  perpendiculaire  à 
ce  rayon  vecteur  dans  le  plan  azimutal  dans  le  sens  de  l'angle  6 
et  suivant  la  perpendiculaire  à  ce  plan  dans  le  sens  de  l'angle  (];. 
Si  la  trajectoire  du  mobile  est  plane,  contenue  dans  le  plan 
des  œy  par  exemple,  les  équations  (3)  se  réduisent  à  deux 


dh 
H 


rdtl     dt\  ' 


Remarques.  —  La  nature  du  mouvement,  étudiée  A  priori, 
fait  connaître, -en  général,  le  système  de  coordonnées  qu'il  faut 


286  MÉMOIRES. 

adopter,  ou  rectilignes,  ou  polaires,  ou  en  partie  rectilignes  et 
en  partie  polaires. 

Pour  favoriser  la  solution  du  problème  proposé,  il  est  utile 
de  se  servir  soit  du  principe  des  forces  vives,  soit  du  principe 
(les  aires,  lorsque  ces  principes  ont  lieu  pour  le  problème 
donné,  car  ils  conduisent  à  des  intégrales  premières  des  équa- 
tions dififérentielles  du  second  ordre  du  mouvement.  Le  prin- 
cipe des  aires  a  lieu  pour  tout  plan  dans  lequel  le  couple  des 
forces  accélératrices  situé  dans  le  plan  est  nul. 

Pour  les  problèmes  relatifs  à  des  forces  centrales,  il  y  a 
grand  avantage  à  utiliser  les  équations 

dw"^  -HZ  =P  2^dr  Principe  des  forces  vives  ; 

r^rfO  z=  Cdt  Principe  des  aires. 


(4) 


Formules  de  Binet. 


qui  se  réduisent  à  deux  distinctes  ;  les  signes  supérieurs  élant 
relatjfs  au  cas  de  l'attraction  et  les  signes  inférieurs  à  celui  de 
la  répulsion.  La  lettre  R  désigne  la  force  dirigée  suivant  le  cen- 
tre fixe  pris  pour  pôle;  G  est  la  constante  (double  de  l'aire 
décrite  dans  l'unité  de  temps)  du  principe  des  aires;  enfin, 
w  représente  la  vitesse,  car,  en  astronomie,  la  lettre  v  est  réser- 
vée pour  la  longitude  comptée  à  partir  du  nœud  ascendant. 


POINT   GENE   PAR   DES   OBSTACLES   FIXES. 

Considérons  maintenant  le  mouvement  d'un  point  gêné  par 
des  obstacles  fixes,  c'est-à-dire  assujetti  à  rester  sur  une  courbe 
ou  sur  une  surface  fixes. 

Dans  l'un  et  l'autre  cas,  on  peut  rendre  le  point  libre,  en 
joignant  aux  forces  accélératrices    données   qui  animent    le 


PROBLÈMES  DE  MÉCANIQUE.  287 

mobile,  les  réactions,  soit  de  la  courbe,  soit  de  la  surface,  et, 
par  suite,  l'on  doit  se  servir  de  l'un  quelconque  des  trois  systè- 
mes d'équations  différentielles  (1),  (2),  (3). 

Dans  le  cas  du  mouvement  d'un  point  sur  une  courbe,  l'équa- 
tion unique 


di 


,=T  (5) 


donne  la  solution  complète  de  la  question,  T  désignant  la 
somme  des  forces  accélératrices  qui  animent  le  point,  estimées 
suivant  la  tangente  à  la  courbe  donnée.  Cette  équation  exige 
seulement,  qu'à  l'aide  des  équations  connues  de  la  courbe  don- 
née, on  puisse  exprimer  x,  ?/,  ^,  en  fonction  de  l'arc  5. 


METHODE   DE  LAGRANGE. 

Cette  méthode,  très  générale,  consiste,  en  désignant  par  F  »a 
fonction 

X  — 4-Y— -4-  Z — 

à  appliquer  les  équations  différentielles  du  second  ordre 


d.  dT 
dtd^[ 

d.  dT 
dt  do;  ' 

d.  dT 
dt  d^' 

(0) 


dans  lesquelles  T  est  la  moitié  de  la  force  vive,  c'est-à-dire  la 
puissance  vive  du  mobile. 

Elle  exige  : 

1«  Que  l'on  choisisse  trois  (Oj,  Ô2,  O3),  ou  deux  (Oi,  62)  ou  une 
seule  (0,)  coordonnées  de  nature  quelconque  selon  que  le  point 
est  libre  ou  assujetti  à  rester  sur  une  surface  ou  sur  une  courbe. 
Ces  coordonnées  tiendront  compte  de  la  nature  des  obstacles. 


288  MÉMOIRES. 

surface  ou  courbe,  et  devront  être  appropriées  le  mieux  possi- 
ble à  la  nature  de  la  question  proposée: 

2»  Que  Ton  détermine  les  valeurs  des  anciennes  coordon- 
nées œ^  ?/,  z,  du  point,  en  fonction  du  temps  t  et  de  ces  nouvel- 
les coordonnées  9i,  Oj,  O3; 

3°  Que  l'on  calcule  la  puissance  vive  T  du  mobile  et  la  fonc- 
tion désignée  par  Fe  relative  aux  forces  accélératrices  données, 
en  fonction  du  temps  t,  des  0  et  des  0'  ; 

4®  Enfin,  que  l'on  forme  les  équations  (6)  au  nombre  de  3, 
lorsque  le  point  est  libre;  de  2,  quand  il  est  assujetti  à  rester 
sur  une  surface;  d'une,  quand  le  point  est  obligé  de  demeurer 
sur  une  courbe. 

Remarques  :  I.  —  Cette  méthode  de  Lagrange,  la  plus  remar- 
quable de  toutes,  est  aussi  la  plus  générale,  car  elle  est  applica- 
ble à  tout  système  de  coordonnées,  cartésien,  polaire,  géodé- 
sique,  ..  ..;  elle  est,  en  outre,  la  mieux  appropriée  à  la  question 
proposée,  puisqu'elle  fournit  les  équations  différentielles  les 
plus  faciles  à  intégrer. 

IL  —  Les  réactions  des  liens  physiques  n'entrent  pas  dans 
les  équations  différentielles  de  Lagrange,  desquelles,  en  effet, 
elles  ont  été  éliminées  par  le  choix  des  coordonnées  6.  Quand 
on  voudra  calculer  ces  réactions,  il  faudra  recourir  aux  autres 
méthodes  déjà  exposées;  mais  ce  calcul  n'exige  que  des  diffé- 
rentiations. 

OBSERVATIONS. 

I.  —  Lorsqu'un  point  est  gêné  par  des  obstacles,  il  y  a,  dans 
certains  cas,  avantage  à  se  servir  du  iwincipe  de  d'Alembert. 

IL  — Quand  un  point  fait  partie  d'un  système  animé  d'une 
vitesse  de  rotation  w,  autour  d'un  axe  fixe,  on  peut  se  servfr 
des  équations  différentielles  du  mouvement  relatif  d'un 
point;  —  ou  encore,  on  peut  faire  abstraction  de  ce  mouve- 
ment, pourvu  que  l'on  joigne  aux  forces  données  deux-nouvel- 
les forces  :  la  force  centinfuge  tù^r  et  la  force  tangentielle  r  — 

at 

dirigée  en  sens  contraire  de  cette  rotation.  La  lettre  r  désigne 
ici  la  distance  du  point  mobile  à  l'axe  de  rotation. 


PROBLÈMES   DE   MÉGANIQUE.  289 

III. 
Problèmes  de  dynamique. 

Pour  mettre  en  équations  un  problème  de  dynaniuiue,  nous 
pouvons  recourir  à  trois  métliodes  :  celles  de  cVAlenibert^  des 
f07xes  intérieures  et  de  Lagrange. 

MÉTHODE  DE   d'aLEMBERT. 

l®""  Procédé  :  Principes  de  d'Alembert  et  du  travail  virtuel 
combinés.  —  S'il  est  facile,  d'après  l'énoncé  de  la  question  à 
résoudre,  de  découvrir  les  i  équations  de  liaison  du  système 
entre  les  ?tn  coordonnées  rectangulaires 

OCiViZ^  X2Î/2Z2 œnVriZn 

de  ses  n  points,  le  principe  de  d'Alembert  combiné  avec  celui 
du  travail  virtuel  donne  immédiatement  les  3n  équations  dif- 
férentielles du  deuxième  ordre  entre  lesquelles  il  faut  éliminer 
les  i  facteurs  indéterminés  qui  s'y  trouvent. 

Les  Sn  —  i  équations  que  l'on  obtient  ainsi,  donnent,  par 
leur  intégration,  la  solution  complète  de  la  question  proposée. 
On  favorisera  cette  intégration  en  se  servant,  quand  ils  auront 
lieu,  des  principes  du  centre  de  gravité,  des  aires  et  des  for- 
ces vives^  puisque  ces  principes  s'expriment  par  des  équations 
intégrales  de  ces  Sn  —  i  équations  différentielles. 

2«  Procédé  :  Par  les  forces  perdues.  —  La  seconde  manière 
d'appliquer  la  méthode  de  d'Alembert  consiste  à  exprimer  qu'.à 
chaque  instant,  les  forces  perdues.,  résultantes  des  forces 
motrices  et  des  forces  effectives  prises  en  sens  inverse,  se  font 
équilibre  avec  les  liaisons  du  système.  Elle  doit  être  appliquée 
quand  on  connaît  préalablement  les  conditions  d'é(iuilibre  du 
système  donné. 


290  MÉMOIRES. 


MÉTHODE   DES   FORCES   INTÉRIEURES. 

Elle  consiste  à  considérer  chacun  des  n  points  du  système 
donné  comme  libre  sous  l'action  des  forces  qui  l'animent,  et 
sous  l'action  des  forces  intérieures  égales  et  contraires  aux 
résistances  que  doivent  offrir  les  liens  dans  l'état  de  mouve- 
ment. On  doit  employer  cette  méthode  quand  l'énoncé  de  la 
question  fait  découvrir  facilement  ces  résistances. 


METHODE  DE   LAGRANGE. 

On  applique  les  équations  différentielles  du  deuxième  ordre 
de  Lagrange.  Gela  exige  : 

10  Que  l'on  choisisse  h  coordonnées  61,  O2,  O3,  ,  Ojt,  de 

nature  quelconque  qui  déterminent,  en  tenant  compte  des  liai- 
sons du  système  donné,  la  position  de  ce  système,  ces  coordon- 
nées étant  fonctions  du  temps  et  indépendantes; 

2^  Que  l'on  détermine  la  somme  des  puissances  vives  T  en 

fonction  des  61,  62,  63,  0*  et  de  leurs  dérivées  du  premier 

ordre  par  rapport  au  temps  t,  6',,  O'a,  O'a,  ,  O'/fc,  ainsi  que  la 

fonction 

à  l'aide  des  coordonnées  0^,  O2, 63, ,  0^^ 

Remarques  :  I.  —  Cette  troisième  méthode,  la  plus  impor- 
tante de  toutes,  conduit,  en  général,  aux  équations  différentiel- 
les les  mieux  adaptées  à  la  question  et  les  plus  faciles  à  inté- 
grer. Pour  cette  intégration,  il  faudra  se  servir,  quand  ils 
auront  lieu,  des  principes,  soit  du  centre  de  gravité,  soit  des 
aires,  soit  des  forces  vives^  puisque  ces  principes  s'expriment 
par  des  intégrales  des  équations  différentielles  de  la  question. 

1.  Voir  Mémoires  de  l'Académie  des  sciences,  inscriptions  et  bel- 
les-lettres de  Toulouse,  8»  série,  t.  IV^  2^  semestre  1882,  pp.  81-87. 


PROBLÈMES   DE   MÉCANIQUE.  291 

II.  —  Les  réactions  qu'offrent  les  liens  n'entrent  pas  dans  les 
équations  différentielles  de  Lagrange,  desquelles  elles  sont  éli- 
minées par  le  choix  des  h  coordonnées  0.  Quand  on  voudra  les 
calculer,  ce  qui  n'exige  que  des  différentiations,  il  faudra  recou 
rir  à  la  seconde  méthode,  celle  des  forces  intérieures. 


OBSERVATION. 

On  met  quelquefois  un  problème  de  dynamique  en  équation 
en  se  servant  du  théoi^ème  des  quantités  de  mouvement  : 

-Sm— -=  SX 
dt  dt 

IK4r-'S)=K«-''')- 


IV. 
Mouvemeh^  d'un  corps  solide. 

ROTATION   AUTOUR   D'UN    AXE   FIXE. 

On  doit  successivement  considérer  le  corps  à  l'état  initial, 
puis  à  un  instant  quelconque  du  mouvement. 

Prenons  l'axe  fixe  de  rotation  pour  axe  des  z  et  l'origine  pour 
centre  de  réduction,  désignons  par  R»  et  G»  la  force  unique  et  le 
couple  unique  auxquels  se  réduisent  les  forces  d'impulsion  et 
appelons  de  même  R  et  G  la  force  et  le  couple  uniques  prove- 
nant des  forces  motrices. 

Pendant  la  durée  du  choc,  H  et  G  sont  négligeables  relative- 
ment à  Rï  et  Gî,  et  le  principe  de  d'Alembert  fournit  les  six 
équations  suivantes 


Xi  +  X,  -f  X2  +  nnùç^Vi       =  0 

Yi  +  Y,  4-  Y2  —  niiùQX^       zz  0    ^      (l)      Pour  les  forces; 


-  ■    =%' 

z,  +  z.  +  z,  rz  0    1 


292  MÉMOIRES. 

L<  —  ¥2^  4-  «0  ///  zxdm  =:  0 

Mt  +  Xzh  +  (ùo  fff  zydm  =  0    \     (!')     pour  les  couples. 

Ni  —  Gcoo  =  0 

Dans  ces  équations  Xj,  Yi,  Zi,  sont  les  composantes  rectan- 
gulaires de  Rt  ;  L»,  M»,  Nj,  les  composants  du  couple  G,; 
^n  2/1  -2^1,  les  coordonnées  du  centre  de  gravité  du  corps  dont  la 
masse  est  m;  Xi,  Y^,  Z^,  les  composantes  de  la  pression  R,  de 
l'axe  au  point  pris  pour  origine  et  X2,  Y2,  Z2  les  composantes 
de  la  pression  R2  de  Taxe  au  point  situé  à  la  distance  h  de  l'ori- 
gine. Ces  pressions  R,  et  R2  mesurent  la  fixité  de  Taxe  durant 
l'impulsion.  Enfin,  on  a 

La  dernière  équation  (!')  fait  connaître  la  vitesse  angulaire  Wq  de 
rotation  initiale  ;  les  cinq  autres  équations  déterminent  les  com- 
posantes des  forces  d'ébranlement  Ri  et  R2  durant  le  choc,  ou 
plus  exactement  les  cinq  quantités  Xi,  Yi,  X2,  Y2,  Zi  +  Zç^. 

Durant  le  mouve?nent  normal^  les  forces  motrices,  réduites 
à  R(X,  Y,  Z)  et  G(L,  M,  N),  agissant  seules,  on  a  les  six  équa- 
tions 

X+ Xj +  X2  +  co^w?^, ^mpi  —0     \ 

Cl  II 

Y  +  Yi  -f  Y2  +  i^^my,  -f  ~  m^i  =0    ^    0) 

Z  -f  Zi  +  Z2  =0 

d(ù 


L  —  hY2 —  0)2  fffzydm  +-^  Ç f  izocdm^z  0 

M  -f  /iXa  +  (o'^Jffzœdm  +  ^fff^y^^  =  ^    |    (1') 

N-G^  =0 

dt 

dont  les  cinq  premières  font  connaître  X^,  Yi,  X2,  Y2,  Zi  -}-  Zj, 
c'est-à-dire  les  résistances  Ri  (relative  à  l'origine)  et  R2  (rela- 
tive au  point  ^  iz:  0, 1/  =  0,  2  =  /i)  que  doit  offrir  l'axe,  pendant 


PROBr.ÊMES   DE   MÉGANIQUliî.  293 

le  mouvement,  pour  que  la  rotation  s'effectue.  La  sixième  donne, 
à  elle  seule,  l'accélération  de  la  vitesse  de  rotation  w  à  un  ins- 
tant quelconque  ^,  c'est-à-dire  la  loi  du  mouvement*. 


ROTATION  AUTOUR  D  UN   POINT  FIXE. 

Prenons  pour  origine  le  point  fixe  et  pour  axes  de  coordon- 
nées les  trois  axes  principaux  d'inertie  qui  se  croisent  en  ce 
point.  En  désignant  par  Ri(Xt,  Y^,  Zi)  et  Gi(Li,  Mf ,  Ni)  la  force 
et  le  couple  unique  dus  aux  forces  d'impulsion  et  par  R| 
(Xj,  Yi,  Zi)  la  tixité  que  doit  offrir  au  début  le  point  fixe  (ori- 
gine), Vétai  initial  du  corps  et  Vébranlement  du  point  fixe 
durant  le  choc  sont  déterminés  par  les  six  équations 

Xi  +  Xt  —  m(q.Zi  —  roVt)  zz  0   ) 

Y,  +  Y,  —  m{roX,  -  PoZ^)  =  0       (II) 

Z,  -{-Zi  —?n{poyt  —  qoœi)—0  ] 

Li  —  Apo  =  0  1 

Mi— B^o  =  0  (ir) 

Né— Gro=0  ) 

dans  lesquelles  m  est  toujours  la  masse  du  corps,  Xi,  ?/,,  ^,  les 
coordonnées  de  son  centre  de  gravité,  tandis  que  A,  B,  G  repré- 
sentent les  moments  principaux  d'inertie  par  rapport  aux 
axes  ox,  oij^  oz  et  Po,  q^,  ro,  les  composantes  de  la  vitesse  angu- 
laire initiale  wo.  Cette  vitesse  angulaire  d'impulsion  wo  est  dé- 
terminée en  grandeur,  car 

et  en  direction,  ses  cosinus  directeurs  étant 

£?      i2      I» 

1         »         1 

G)o  0)0  (i)0 

1.  Applications  :  treuil,  machine  d*Atwood,  pendule  composé,  etc. 


294  MÉMOIRES. 

ce  qui  fait  connaître,  par  suite,  la  position  de  l'axe  instantané 
de  rotation  initial.  Tout  cela  résulte  uniquement  des  trois  der- 
nières équations  {II').  Les  trois  premières  (II)  donnent  ensuite 
Xi  Yi,  Z,,  c'est-à-dire,  sans  indétermination,  la  résistance  Ri  que 
doit  offrir  le  point  fixe  durant  le  choc. 

Le  mouvement  normal  est  déterminé  par  les  six  équations 
suivantes  : 

X  +  Xi  —  m[^i  -J  —  1/.  -^—  0)2^?,  ^p{pœ,  4-  QVi  +  rzy)]  =  0  j 

Y  +  Y,  ^m[^,  — —  ^1  -^  —  ^^^1  +  Q{P^i  4-  QVi  +  rz,)]  —  0  |  jes  forces; 

Z  +  Z,  —  ^[2/i-J  — ^1  J~^^^i  -Vripoc-^qy,  +  r^,)]  =  0  ) 

aJ-,.(B-C)  =  L 

b5-..(G^A)=zM  Pardples. 

G  J-2^^(A-B)i=N 

Les  trois  dernières  équations  (2'),  intégrées,  donneront  des 
composantes  p,  g,  r,  relativement  aux  axes  principaux  d'iner- 
tie (fixes  dans  le  corps  et  mobiles  avec  lui)  de  la  vitesse  angu- 
laire 0)  du  corps  à  un  instant  quelconque  t.  Cette  vitesse  est 
alors 

iù  zzY p"^  -\-  q^  -^  r^ . 

En  outre,  l'axe  instantané  de  rotation  à  l'instant  ty  est  égale- 
ment déterminé,  car  ses  cosinus  directeurs  sont 

p       q       7- 


Faisons  remarquer  que  les  oonstarates  introduites  par  l'inté- 
gration se  détermineront  à  l'aide  des  c'onditions  initiales  de  la 
question. 


t^ROBLÈMES   DE   MÉCANIQUE.  295 

Connaissant  ainsi  à  chaque  instant  ;?,  q^  r,  et  en  plus  les 
coordonnées  Xx^  2/1,  ^t,  du  centre  de  gravité,  les  trois  premières 
équations  (2)  serviront  à  déterminer  la  résistance  R,(Xi,  Y,,  Z,) 
que  doit  offrir  le  point  fixe  (orij^ine)  à  un  instant  quelconque  t 
du  mouvement. 

Observons  maintenant  que  les  axes  de  coordonnées  choisis 
(principaux  d'inertie)  étant,  par  suite  de  leur  fixité  dans  le 
corps,  mobiles  avec  lui,  il  est  indispensable  de  connaître  leur 
position  à  un  instant  quelconque.  La  position  (qui  détermine 
celle  du  corps)  des  axes  principaux  d'inertie  est  liée  à  la 
vitesse  w  par  les -trois  équations  d'Euller 


p^z  —  cos  ç  +  -^  sin  ô  sin  tp 

g  =  —  —  sin  9  +  -^  sin  e  cos  9       (2'') 


^^  =  ^  +  ^1'°''- 


Ces  équations  différentielles  du  premier  ordre  en  9,  ô,  ^, 
angles*  qui  font  connaître  la  position  des  trois  actes  principaux 
d'inertie  par  rapport  à  trois  axes  rectangulaires  fîœes  passant 
aussi  par  le  centre  de  pirouettement  (origine)  donnant,  par  inté- 
gration, ©,  0,  ^,  en  fonction  du  temps  ^,  définissent  la  position 
du  corps  à  un  instant  quelconque.  Le  problème  est  alors  com- 
plètement résolu. 

Remarque.  —  Si  le  corps  est  abandonné  à  lui-même  après 
l'action  des  forces  d'impulsion,  les  forces  motrices  sont  nulles, 
ce  qui  entraîne 

GzzO. 

Par  suite,  les  seconds  nombres  des  équations  (2'),  compo- 
sants de  ce  couple  nul  G,  sont  également  nuls  et  les  équa- 
tions (2')  s'intègrent  aisément.  Elles  donnent,  dans  ce  cas, 


1.  Mémoires  de  V Académie  des  sciences,  inscriptions  et  belles^ 
lettres  de  Toulouse,  8«  série,  t.  III;  2e  semestre  1881,  p.  163. 


296  MÉMOIRES. 

^'^  '  ABC  0)^0) 

dt  HZ 


/[/i(B  +  G)-G?— BC(o2][/i(G  +  A)  — G?-GAg)2J[/î(A  +  B)  — GI-AB( 

La  quadrature  qui  reste  à  effectuer,  pour  laquelle  les  varia 
blés  sont  séparées,  et  où 

^^=A+B-+G- 

ne  peut  être  faite  qu'au  moyen  des  fonctions  elliptiques.  Mais 
observons  qu'il  n'est  pas  nécessaire  d'intégrer  cette  quadrature 
pour  établir  les  beaux  théorèmes  découverts  par  Poinsot  et 
constituant  la  théorie  géométrique  du  cas  actuel. 

Equations  de  Résal.  —  Elles  sont  relatives  à  un  corps  symé- 
trique par  rapport  à  un  axe  oz  et  tournant  autour  d'un  point  o 
de  cet  axe.  La  condition  corrélative 

A  =  B 

fait  prendre  aux  équations  déterminant  la  position  du  corps  à 
un  instant  quelconque  t  la  forme  très  simple  suivante 

(2"r:    Asi„e^  +  (2A-C)J-cos6-Cn-  =  M 

Dans  ces  équations, 

(h 

dt 

et  donne  l'angle  décrit  par  le  corps  autour  de  oz  en  vertu  de  sa 
rotation  p7'opre^. 

1.  Applications  :  tore,  balance  gyroscopique. 


PROBLÈMES   DE   MÉCANIQUE.  297 


CORPS    SOLIDE   LIBRE   OU    GÊNÉ. 


On  ramène  le  mouvement  d'un  corps  gêné  par  des  obstacles 
à  celui  d'un  corps  libre  enjoignant  aux  forces  qui  animent  le 
corps  celles  que  font  naître  ces  obstacles. 

Le  corps  solide  étant  libre,  ou  rendu  libre,  on  prendra  pour 
centre  de  réduction  des  forces  qui  l'animent  son  centre  de  gra- 
vité. Le  mouvement  se  décomposera  alors  en  deux  :  l'un  de 
translation  du  centre  de  masse  produit  par  la  résultante  uni- 
que R  (X,  Y,  Z)  et  régi  par  les  équations 


l'autre  de  rotation  autour  du  centre  de  gravité  iP,,  œ^^  3:,,  consi- 
déré comme  fixe,  produit  par  le  couple  résultant  unique 
G(L,  M,  N).  Les  équations  de  ce  mouvement  de  rotation 
sont  (2')  et  (2"j,  ou  s'il  y  a  lieu  (2'").  Le  problème  de  la  toupie 
est  une  application  de  ce  dernier  cas. 

Remarque.  —  La  valeur  de  la  force  unique  R  dépend,  dans 
certains  cas,  de  celle  du  coui)le  G.  Dans  ce  cas,  les  deux  mou- 
vements ne  sont  pas  indépendants.  Mais,  dans  la  nature,  la 
force  et  le  couple  étant  indépendants,  il  en  est  de  même  des 
deux  mouvements  fictifs  substitués  au  mouvement  complexe. 


lÔ»  SÉRIE.   —  TOME  X.  â2 


298 


MEMOIRES. 


APPENDICE. 


PROBLEME  DU  MECANIQUE. 


Nous  allons  appliquer  les  méthodes  indiquées  précédemment 
au  problème  de  dynamique  suivant  : 

Loi  du  inouvement  de  deux  points  matéyHels  pesants  k 
et  Aj,  7^éunis  par  un  cordon  inextensible,  sans  poids ^  et  assu- 
jettis à  rester  sur  deux  plans  inclinés  adossés^  dont  V inter- 
section est  horizontale. 

La  force  gm  qui  anime  le  point  A  peut  se  décomposer  en 
deux  :  gm  cos  a  perpendiculaire  au  plan  incliné,  détruite  par  la 
résistance  de  ce  plan  qu'elle  presse,  n'ayant  aucun  rôle  dans  le 
mouvement,  gm  sin  a  parallèle  à  la  ligne  de  plus  grande  pente 
du  plan  et  concourant  au  mouvement.  Raisonnement  et  conclu- 
sion analogues  pour  Ai. 


Prenons  G  pour  origine  des  coordonnées.  Le  plan  mené  par 
ce  point  perpendiculairement  à  l'intersection  horizontale  de 
deux  plans  inclinés  coupe  ceux-ci  suivant  les  lignes  de  plus 
grande  pente  GP,  GQ,  le  long  desquelles  va  s'effectuer  le  mou- 
vement. Posons 

xzziGP^  ^iiziGAi. 


PROBLÈMES  DE  MECANIQUE.  299 

Ce  ne  sont  pas  là  deux  inconnues  distinctes  à  déterminer,  car 
elles  sont  liées  par  la  relation 

œ  -\-  ûciznl  (1). 

MÉTHODE  DE  d'Alembert.  1^'  Procédé  :  Principe  de  d'Alem- 
hert  combiné  avec  celui  des  vitesses  virtuelles.  —  Dans  le  cas 
général,  l'équation  générale  du  mouvement  est 

Ici,  le  mouvement  étant  rectiligne,  on  n'a  qu'une  dimension  à 
considérer,  et  en  observant  que 

X  =1  gm  sin  a  Xi  ==  gm^  sin  a, , 

l'équation  du  mouvement  se  réduit  à 

gm  sin  ^  —  '^^-Jn)  ^^  +  (^^^i  sin  a,  —  mi  — ^-j  S./,  =:0. 

De  l'équation  de  liaison  (1),  il  résulte,  /  étant  une  constante 

lx,  —  —  lx  (!') 

et  l'équation  du  mouvement  peut  s'écrire 

(d'^x  d^x  \ 

gms'in  *— "~^  —  ^^'  ^'"  ^»  +  ^»"^)  ^^  =  ^• 

Elle  doit  avoir  lieu  quel  que  soit  S^;  donc  on  a 

d^x  d^x 

^(msina— m,  sinajzzm—  —m^  — ^, 

ce  qui,  en  tenant  compte  de  J'é(juation'(l)  de  liaison,  qui  donne 

rf^jp,  _      d'^x 


dl^  dt 


d") 


300  MÉMOIRES. 

se  lédiiit  à 

g(m^\n  a  —  nii  sin  aj)  =z  (m  +  ^^i)  — r^,  (2) 


d'où  l'on  tire 

d?x 


dt^       7n  -\-  mi 


(w  sin  a  —  WiSinai).  (2') 


Telle  est  l'équation  du  mouvement.  Il  est  inutile  de  l'inté- 
grer,  car  elle  nous  montre  que  l'accélération  — -  étant  cons- 

(a/C 

tante,  le   mouvement  du  point  A  est  uniformément  accéléré. 
Par  suite,  à  cause  de  (1"),  il  en  est  de  même  pour  le  point  A,, 

Si  l'on  a  m  sin  a  >  mi  sin  a, , 

le  point  A  descend,  car  son  accélération  — ^  est  positive;  alors 
A,  monte. 
Si,  au  contraire,       m  sin  a  <  rrii  sin  a^, 

d^x 
c'est  Al  qui  descend  et  A  qui  monte,  car  — —  est  négatif. 

(XI 

2^  Procédé  :  Par  les  forces  perdues.  —  Ecrivons  que  les 
forces  perdues,  résultantes  des  forces  motrices  et  des  forces 
effectives  prises  en  sens  inverse,  se  font  équilibre  avec  les 
liaisons. 

Pour  le  point  A,  la  /brce  motrice  qui  produit  le  mouvement 

est  gin  sin  a;  la  force  accélératrice  de  ce  point  étant  — r-, 

dt^ 
d^x 
sa  force  effective  est  m  —j;  celle-ci  devant  être  prise  en  sens 

contraire,  on  a  pour  force  perdue  du  point  A 

d^x 
gm  sin  a  —  m  -— j, 

d^x 
car    les   deux    forces   gm  sin  a  et   —  m.  -—■ ,  dont  la  force 

dt^ 


PROBLÈMES   DE   MÉCANIQUE.  301 

perdue  est  la  résultante,  agissent  suivant  la  même  droite.  De 
même  la  force  perdue  du  point  Ai  est 

grUi  sina,  —m,  — — -. 

Les  forces  perdues  doivent  se  faire  équilibre  avec  les  liaisons 
du  système  qui  consistent  ici  en  un  cordon  de  longueur  cons- 
tante l  passant  sur  une  poulie.  Il  faut  donc  que  les  forces  qui 
tirent  le  cordon  de  chaque  côté  soient  égales,  condition  qui 
donne 

d'^x  .  d^x. 

gm  sin  a  —  m  — -  =  gnii  sin  a,  —  m,  — -* , 

c'est-à-dire,  en  tenant  compte  de  (l"),  l'équation  (2)  trouvée 
plus  haut.  Par  suite,  mêmes  conséquences. 

Méthode  des  forces  intérieures.  —  Elle  possède  l'avantage 
de  déterminer  les  relations  du  système.  Dans  le  cas  actuel, 
nous  connaissons  les  forces  normales^  gm  cos  a  et  gm^  cos  a, 
détruites  à  chaque  instant  par  les  plans  inclinés,  mais  il  faut 
encore  trouver  les  tensions  T  et  Tj  des  brins  G  A  et  G  A,  dans 
l'état  de  mouvement. 

Eh  joignant  à  la  force  gm  sin  a  qui  anime  A,  la  tension  T 
dirigée  de  A  vers  G,  ce  point  A  peut  être  considéré  comme  libre, 
et  réquation  de  son  mouvement  est 

d'^x 
m  —-1  zz  gm  sin  a  —  T . 
dt^ 

De  même  l'équation  du  mouvement  Ai  est 

mi  -^  z=  gmt  sin  ai  —  T, ,      - 

le  point  A,  étant  libre  sous  l'action  de  la  force  gmt  sin  a,  et  de 
la  tension  Ti  dirigée  de  A|  vers  G.  Or,  dans  l'état  de  mouvement, 
ou  a 


302  MÉMOIRES. 

car  il  faut  qiril  y  ait  équilibre  entre  les  forces  introduites,  et  les 
deux  forces  T  de  G  vers  A.  et  Ti  de  G  vers  Aj,  agissant  en  G  sur 
les  deux  brins  d'une  poulie,  ne  peuvent  se  faire  équilibre  que 
si  elles  sont  égales.  Exprimant  cette  égalité  des  tensions  T 
et  T,,  il  vient 


d^x  .  d^x 


m  — ^  —  gm  sin  a  =  nit  ——  —  gm  sin  qli 

ut  Oit 

ce  qui,  à  cause  deFéquation  de  liaison  (1"),  nous  redonne  l'équa- 
tion (2)  avec  ses  conséquences  connues. 

Mais  de  plus,  dans  la  méthode  actuelle,  nous  pouvons  calcu- 
ler la  tension  T  du  cordon;  on  a,  en  effet, 


T(t  X 
—  gm  sin  a  —  — , 


d^x 
ce  qui,  en  remplaçant-— -par  sa  valeur  (2'),  devient 
cit 


T  =  ^ — -i-  (sin  a  4-  sin  ai) 

m  +  mi 


et  nous  montre  que  la  tension  T,  la  même  pour  les  deux  brins 
du  fil,  ne  varie  pas  avec  le  temps. 

dx 
Méthode  de  Lagrange.  —  La  vitesse  du  point  A  étant — , 

(dx\^ 
— -j  ;  de  même,  la  force  vive  de  Ai  est 


dx dXi 

dt  dt 


PROBLÊMES   DE   MÉGANIQUE.  303 

en  vertu  de  l'équation  (l)  de  liaison.  On  a  donc 


T-^-+-')0 


N'ayant,  à  cause  de  la  relation  (1),  qu'une  inconnue  œ^  nous 
n'avons  besoin  que  d'une  équation  telle  que 

dt  db'        dd  ~    *  * 


Ici,  0  =  ^,  6— J; 


et  par  suite, 


dT       ^      ^       ^dx         dT       ^ 


L'équation  de  Lagrange  est  donc 

d.  r  dx"] 

--^    (m  -f  ^i)  -Tf    =  somme  des  forces  suivant  Cx , 


c'est-à-dire 


d^x 
{m  +  ^i)-3T^  =  p^  sin  a  —  gmi  sin  aL^ , 


ce  qui  est  précisément  l'équation  fournie  par  les  autres  métho- 
des. Observons,  enfin,  que  dans  le  procédé  actuel,  les  tensions 
sont  éliminées. 


DE   l'inutilité   de   LA   TRANSPIRATION  DES   PLANTES.      305 


DE  L'INUTILITE 

DE 

LA  TRANSPIRATION   DES  PLANTES 
Par  LECLERG  DU  SABLONL 


En  physiologie  végétale  on  appelle  transpiration  le  déga- 
gement de  vapeur  d'eau  par  les  plantes;  on  distingue  avec 
soin  la  transpiration  de  la  sudation  qui  est  un  dégagement 
d'eau  à  l'état  liquide;  les  deux  phénomènes  se  produisent 
dans  des  conditions  entièrement  différentes.  C'est  une  opi- 
nion classique  adoptée  par  la  presque  unanimité  des  phy- 
siologistes et  des  agronomes  que  la  transpiration  est  une 
fonction  de  la  plus  grande  utilité  pour  la  plante  et  qui  joue 
un  rôle  essentiel  dans  sa  nutrition.  C'est  cette  opinion  que 
je  vais  discuter. 

On  admet  généralement  que  la  transpiration  : 

1°  Permet  à  la  plante  d'absorber  par  ses  racines  les  sels 
minéraux  qui  lui  sont  nécessaires; 

2**  Etablit  dans  la  tige  un  courant  ascendant  qui  rend  pos- 
sible l'arrivée  de  l'eau  et  des  sels,  absorbés  par  les  racines, 
jusque  dans  les  feuilles  les  plus  élevées; 

3'  Augmente  l'élaboration  de  matière  organique  par  les 
parties  v(»rtes. 

.rexaminerai  successivement  ces  trois  points  et  je  recher- 

1.  Lu  dans  la  séance  du  19  mai  1910. 


306  MÉMOIRES. 

clierai  ensuite  la  véritable  fonction  des  stomates  qui  sont  la 
porte  de  sortie  ordinaire  de  la  vapeur  d'eau. 

Absorption  des  sels  minéraux.  —  La  plante  doit  emprun- 
ter au  sol  un  certain  nombre  de  sels  minéraux  qui  sont  indis- 
pensables. Or,  on  sait  que,  dans  les  conditions  ordinaires  de 
la  végétation,  Peau  évaporée  à  la  surface  des  feuilles,  est 
remplacée  par  l'eau  absorbée  par  les  racines.  La  transpira- 
tion détermine  donc  l'absorption  d'eau  par  les  racines.  Mais 
en  résulte- t-il  que  la  transpiration  détermine,  en  même 
temps,  l'absorption  des  sels  qui  sont  en  dissolution  dans 
l'eau  du  sol?  Pour  cela,  il  faudrait  admettre  que  le  liquide 
qui  imprègne  le  sol  entre  tel  quel  dans  les  racines,  avec  les 
sels  qu'il  dissout,  comme  il  entrerait  dans  une  éponge  des- 
séchée. Nous  allons  voir  que  cela  est  contraire  à  la  fois 
aux  lois  de  l'osmose  et  aux  résultats  de  l'expérience. 

Lorsqu'une  membrane  perméable  sépare  deux  solutions 
d'un  même  sel,  le  passage  du  sel  à  travers  la  membrane  se 
fait  toujours  de  la  solution  la  plus  concentrée  vers  la  solu- 
tion la  moins  concentrée,  de  façon  à  établir  l'égalité  de  con- 
centration. D'autre  part,  le  passage  de  l'eau  à  travers  une 
pareille  membrane,  se  fait  de  la  solution  dont  le  pouvoir 
osmotique  total  est  le  plus  faible  vers  la  solution,  dont  le 
pouvoir  osmotique  est  le  plus  fort.  Prenons  un  exemple 
pour  fixer  les  idées.  Soit  deux  liquides  A  et  B,  séparés  par 
une  membrane  perméable  sur  laquelle  ils  exercent  la  même 
pression  et  renfermant  en  dissolution  divers  corps  et  notam- 
ment du  chlorure  de  sodium. 

Supposons  d'abord  que  le  chlorure  de  sodium  ait  la 
même  concentration  en  A  qu'en  B  ;  ce  sel  ne  traversera  donc 
pas  la  membrane  perméable.  Mais  si,  en  vertu  des  autres 
substances  dissoutes,  la  concentration  moléculaire  totale  est 
plus  forte  en  A  qu'en  B,  l'eau  passera  de  B  en  A.  Dans  ce 
cas,  A  empruntera  à  B  de  l'eau  sans  lui  prendre  le  chlorure 
de  sodium  dissous  dans  cette  eau. 

Dans  une  seconde  hypothèse,  admettons  que  la  concentra- 
tion du  chlorure  de  sodium  soit  plus  forte  en  B  qu'en  A;  le 


chlorure  passera  de  B  en  A.  Mais  si,  en  même  temps,  la  con- 
centration moléculaire  totale  est  la  même  des  deux  côtés  de 
la  membrane,  il  n'y  aura  pas  passage  d'eau.  Donc  A  emprun- 
tera à  B  du  chlorure  de  sodium  sans  lai  prendre  de  Peau. 

Supposons  enfin  que,  la  concentration  du  chlorure  de 
sodium  étant  toujours  plus  forte  en  B  qu'en  A,  la  concentra- 
tion totale  soit  supérieure  en  B;  alors  A  recevra  du  chlorure 
de  sodium  de  B  et  B  recevra  de  l'eau  de  A.  L'eau  traversera 
la  membrane  en  sens  inverse  du  chlorure  de  sodium. 

Les  corps  dissous,  et  les  liquides  qui  les  dissolvent,  tra- 
versent donc  les  membranes  indépendamment  les  uns  des 
autres.  Le  corps  dissous  peut  traverser  sans  le  dissolvant  et 
le  dissolvant  sans  le  corps  dissous.  11  est  facile  de  faire  à  la 
plante  vivante  l'application  de  ces  principes. 

Pour  pénétrer  à  l'intérieur  des  cellules,  le  liquide  du  sol 
doit  traverser  d'abord  la  membrane  de  cellulose  qui  est 
est  toujours  perméable,  puis  la  membrane  protoplasmique 
que  l'on  considère  quelquefois  comme  semi-perméable,  c'est- 
à-dire  comme  imperméable  pour  les  substances  dissoutes. 
Mais,  en  réalité,  la  membrane  protoplasmique  est  seule- 
ment très  peu  perméable,  au  moins  dans  le  cas  des  cellules 
absorbantes  de  la  racine;  la  seini-perméabilité,  à  peu  près 
complète,  ne  se  rencontre  que  dans  des  cas  assez  rares. 
Les  membranes,  que  les  liquides  du  sol  ont  à  traverser 
pour  pénétrer  dans  la  plante,  sont  donc  des  membranes 
perméables,  mais  très  peu  perméables.  Gela  posé,  suppo- 
sons la  transpiration  arrêtée  et  la  plante  saturée  d'eau, 
toutes  les  cellules  ayant  atteint  leur  maximum  de  turges- 
cence. L'absorption  d'eau  par  les  racines  est  alors  complè- 
tement suspendue.  En  sera-t-il  de  même  de  l'absorption  des 
sels  dissous  dans  le  liquide  où  plongent  les  racines? 

Considérons  plus  spécialement  un  phosphate  assimilable, 
le  phosphate  de  calcium  ou  de  potassium  par  exemple.  On 
sait  que,  lorsqu'un  pareil  sel  arrive  dans  les  cellules  vivan- 
tes qui  doivent  l'utiliser,  celles  de  la  feuille  en  général,  il 
entre  dans  des  composés  organiques  solides  ou  tout  au  moins 
colloïdes  et  n'existe  plus  en  tant  que  sel  minéral;  son  pou- 


308  MÉMOIRES. 

voir  osmotique  devient  donc  nul  à  l'intérieur  de  la  plante. 
A  l'extérieur,  au  contraire,  ce  pouvoir  est  appréciable,  si 
faible  soit-il.  Le  phosphate  sera  donc  absorbé  de  façon  à 
égaliser  le  pouvoir  osmotique  à  l'intérieur  et  à  l'extérieur  de 
la  plante.  Mais  le  sel  absorbé  sera  bientôt  précipité  et  fera, 
par  conséquent,  place  à  une  nouvelle  absorption,  sans  qu'il 
soit  nécessaire  qu'une  quantité  quelconque  d'eau  entre  dans 
la  racine. 

On  voit  donc  que,  dans  le  cas  où  la  transpiration  et  par 
suite  l'absorption  d'eau  par  les  racines  sont  suspendues,  les 
sels  qui  sont  précipités  dans  les  cellules  vivantes,  au  fur  et 
à  mesure  de  leur  absorption  peuvent  être  enlevés  au  milieu 
extérieur  jusqu'à  complet  épuisement  de  ce  dernier.  Or,  les 
sels  utiles  à  la  plante  sont  toujours  précipités  au  moment  de 
leur  utilisation  ;  donc  l'entrée  de  sels  utiles  peut  s'effectuer 
sans  qu'il  y  ait  absorption  d'eau  par  les  racines  et,  par  con- 
séquentv  sans  qu'il  y  ait  transpiration  par  les  feuilles. 

Si,  au  contraire,  le  sel  absorbé  est  inutile  à  la  plante  et 
reste  à  l'état  soluble  dans  la  cellule  vivante,  son  absorption 
cessera  dès  que  son  pouvoir  osmotique  sera  le  même  à  l'in- 
térieur et  à  l'extérieur. 

Quels  sont  maintenant  les  changements  qui  surviendront 
dans  l'absorption  par  les  racines,  si  l'on  suppose  que  les 
feuilles  transpirent  d'une  façon  intense?  Les  cellules  per- 
dant de  l'eau,  leur  pouvoir  osmotique  augmentera  et  ne  sera 
plus  équilibré  par  leur  turgescence  affaiblie;  il  y  aura  donc 
absorption  d'eau.  Mais  rien  ne  sera  changé  dans  les  condi- 
tions d'absorption  des  sels,  cette  absorption  dépendant  uni- 
quement de  la  différence  de  concentration  à  l'intérieur  et  à 
l'extérieur  de  la  racine. 

Une  expérience' déjà  ancienne  de  Schlœsing  (1869)  peut 
servir  de  démonstration' expérimentale  aux  considérations 
quijprécèdent,  bien  qu'elle  n'ait  point  été  faite  dans  ce  but. 
Deuxrpieds  de  Tabac  comparables  sont  cultivés  dans  des  pots 
semblables;  mais  l'un.  A,  est  sous  cloche,  dans  une  atmos- 
phère saturée  qui  rend  la  transpiration  minime;  l'autre,  B, 
laissé  à  l'air  libre,  transpire  abondamment. 


DE   l'inutilité    de   LA   TRANSPIRATION   DES   PLANTES.      309 

Les  cendres  de  ces  deux  plantes  ont  été  analysées  avec 
précision.  L'acide  phosphorique  qui  passe  pour  Télénient 
le  plus  utile  aux  plantes,  était  plus  abondant  en  A  dans  la 
plante  qui  ne  transpirait  pas  qu'en  B  dans  la  plante  qui 
transpirait  ;  l'acide  sulfurique  et  la  potasse  qui  sont  considé- 
rés aussi  comme  jouant  un  rôle  très  important,  sont  à  peu 
près  aussi  abondants  en  A  qu'en  B.  Pour  ce  qui  concerne  les 
éléments  minéraux  utiles,  l'expérience  de  Schlœsing confirme 
donc  pleinement  les  conclusions  auxquelles  l'application  des 
lois  de  l'osmose  nous  avait  conduits  directement. 

Mais  les  éléments  minéraux  inutiles  ou  tout  au  moins 
très  peu  utiles,  tels  que  la  silice,  la  chaux,  le  chlore,  sont 
beaucoup  plus  abondants  en  B,  dans  la  plante  qui  a  transpiré. 
On  peut  expliquer  ce  résultat  en,  admettant  qu'à  l'air  libre 
les  conditions  sont  devenues  plus  favorables  à  la  précipita- 
tion de  certains  sels  minéraux  et  notamment  des  sels  de 
chaux.  Schlœsing  a  trouvé,  en  effet,  qu'en  B  les  acides 
organiques  étaient  plus  abondants,  et  l'on  sait  que  l'un  des 
rôles  de  sels  de  chaux  dans  la  plante  est  de  précipiter  sous 
forme  de  sels  insolubles  les  acides  organiques  qui  se  produi- 
sent en  excès. 

L'augmentation  d'absorption  des  sels  sous  l'influence  de 
la  transpiration  a  donc  porté  presque  uniquement  sur  les 
sels  qui  n'étaient  pas  nécessaires;  on  peut  donc  admettre 
que  cette  augmentation  a  été  inutile  pour  la  plante.  Nous 
verrons,  d'ailleurs,  tout  à  l'heure,  que  la  plante  qui  n'a  pas 
transpiré  a  prospéré  plus  que  l'autre  au  point  de  vue  de  la 
formation  de  matière  organique. 

L'exemple  des  plantes  aquatiques  va  nous  donner  une 
autre  démonstration  do  l'inutilité  de  la  transpiration  pour 
l'alimentation  minérale  de  la  plante.  Dans  ce  cas,  en  effet,  il 
n'existe  rien  de  comparable  au  courant  établi  par  la  trans- 
piration; la  circulation  se  fait  uniquement  par  diffusion 
d'une  cellule  à  l'autre,  et  l'absorption  d'eau  est  rigoureuse- 
ment nulle  tant  que  la  plante  ne  change  pas  de  volume;  les 
tissus  sont  toujours  saturés.  Les  plantes  aquatiques  sont 
cependant  celles  qui  renferment  le    plus  de  cendres.    La 


310  MÉMOIRES. 

Renoncule  aquatique  en  a  jusqu'à  28  p.  dOO  du  poids  de  sa 
matière  sèche,  alors  que  la  plupart  des  plantes  aériennes 
en  ont  moins  de  5  p.  100. 

Dans  ce  cas,  la  plante  étant  constamment  saturée  d'eau, 
il  est  bien  évident  que  les  substances  dissoutes  sont  entrées 
indépendamment  de  l'eau.  L'absorption  des  aliments  miné- 
raux n'est  donc  nullement  liée  à  celle  de  l'eau,  mais  seule- 
ment à  l'utilisation  ou  à  la  précipitation,  sous  une  forme 
quelconque,  des  sels  déjà  absorbés.  L'accumulation  de  cer- 
taines substances  minérales  dans  les  plantes  tient  à  ce  que 
les  conditions  sont  favorables  à  la  précipitation  de  ces  subs- 
tances, ces  conditions  favorables  pouvant  se  produ-ire,  soit 
dans  les  plantes  qui  transpirent  beaucoup,  soit  dans  celles 
qui  ne  transpirent  pas  du  tout,  comme  les  plantes  aquati- 
ques. 

Transport  des  sels  absorbés.  —  Le  courant  ascendant  établi 
dans  la  tige  par  la  transpiration  est-il  nécessaire  pour  que  les 
sels  absorbés  par  les  racines  soient  élevés  jusqu'aux  feuilles? 
Pour  répondre  à  cette  question,  il  suffit  de  se  reporter  au 
mécanisme  maintenant  connu  de  l'ascension  de  la  sève. 

La  transpiration  seule  ne  peut  déterminer  l'ascension 
d'un  liquide  à  une  hauteur  supérieure  à  la  pression  atmos- 
phérique, c'est-à-dire  environ  10  mètres.  Dans  la  réalité, 
cette  hauteur  est  encore  bien  moindre  si  l'on  tient  compte 
des  obstacles  que  rencontre  la  sève  pour  traverser  les  tissus. 
Ewart  a  en  effet  montré  que  la  pression  nécessaire  pour 
élever  de  l'eau  dans  une  tige,  est  égale  à  une  colonne  d'eau 
égale  à  plus  de  six  fois  la  hauteur  de  la  tige.  La  transpira- 
tion seule  est  donc  impuissante  à  faire  monter  la  sève  dans 
les  arbres  élevés. 

On  sait  que  l'eau  peut  s'élever  dans  les  tissus  vivants  à 
une  hauteur  indéfinie,  grâce  au  pouvoir  osmotique  des  cel- 
lules du  bois,  et  grâce  surtout  à  ce  fait  que  le  poids  des 
colonnes  liquides  renfermées  dans  les  vaisseaux  est  supporté 
par  le  squelette  de  la  plante,  de  telle  sorte  que  la  pression 
hydrostatique  est  sensiblement  la  même  au  sommet  de  l'arbre 


DE   l'inutilité   de   LA    TRANSPIRATION   DES   PLANTES.      311 

qu'à  la  base.  La  transpiration,  en  diminuant  le  pouvoir 
osmotique  des  cellules  de  la  feuille,  contribue  seulement  à 
rendre  le  courant  ascendant  plus  rapide.  Mais  lorsque  la 
transpiration  est  arrêtée,  le  courant  n'en  continue  pas  moins 
tant  que  la  turgescence  des  cellules  n'est  pas  complète. 

D'autre  part,  le  dégagement  de  vapeur  d'eau  est  à  peu 
près  nul  pendant  l'hiver  chez  les  arbres  à  feuilles  caduques; 
et  cependant,  on  sait  qu'au  printemps,  avant  Téclosion  des 
bourgeons,  les  réserves  de  la  racine  émigrent  partiellement 
jusqu'à  l'extrémité  des  tiges.  Ce  courant  est,  il  est  vrai, 
beaucoup  plus  lent  que  celui  qui  se  produit  pendant  la  trans- 
piration, mais  son  existence  montre  que  le  transport  des 
matières  solubles  peut  se  faire  indépendamment  de  la  trans- 
piration. 

Formation  de  matière  sèche.  —  C'est  une  opinion  classi- 
que parmi  les  agronomes  que  le  poids  de  la  matière  organi- 
que élaborée  par  une  plante  est  en  raison  de  la  quantité  d'eau 
transpirée.  Hellriegel  et  d'autres  auteurs  ont  cherché  à  éta- 
blir expérimentalement  une  relation  qui  relie  ces  deux  quan- 
tités. Dans  les  conditions  où  les  expériences  ont  été  faites,  la 
formation  de  1  gramme  de  matière  sèche  correspond  à  l'éva- 
poration  d'unequantité  d'eau  comprise  entre  200  et  300  gram- 
mes. Les  plantes  vigoureuses  forment  d'ailleurs  plus  de 
matière  sèche  que  les  plantes  faibles,  pour  une  môme  quan- 
tité d'eau  transpirée. 

Dans  une  expérience  de  Hellriegel,  citée  dans  la  plupart 
des  traités  d'agronomie,  un  pied  d'Orge  cultivé  en  pot  avec 
1  gr.  640  de  nitrate  de  calcium  avait  formé  1  gramme  de 
matière  sèche  pour  292  gramme  d'eau  transpirée.  Tandis 
que  pour  un  autre  pied  comparable,  mais  cultivé  sans  nitrate, 
1  gr.  de  matière  sèche  correspondait  à  867  grammes  d'eau 
transpirée,  soit  environ  trois  fois  plus. 

On  sait  les  conséquences  qui  ont  été  tirées  de  cette  expé- 
rience. L'emploi  des  engrais  permettrait  aux  plantes  de 
mieux  utiliser  l'eau  fournie  par  le  sol;  dans  les  pays  secs, 
les  engrais  aideraient  ainsi  de  lutter  contre  la  sécheresse. 


312  MÉMOIRES. 

Un  examen  attentif  de  ces  expériences,  d'ailleurs  exactes, 
permet  de  leur  donner  une  interprétation  toute  difl'érente.  Il 
est  facile  de  montrer  qu'il  n'existe  aucune  relation  nécessaire 
entre  la  formation  de  matière  sèche  et  la  température,  l'in- 
tensité de  ces  deux  phénomènes  variant  sous  l'influence  de 
causes  différentes.  Dans  une  jeune  plantule  en  germination, 
la  transpiration  est  intense  et  cependant  on  sait  que  le  poids 
sec  diminue;  ici  les  deux  phénomènes  sont  inverses  loin 
d'être  proportionnels.  De  même  une  Betterave  transpire 
beaucoup  pendant  la  seconde  année  de  sa  végétation,  alors 
que  le  poids  de  sa  matière  sèche  diminue. 

L'expérience  de  Schlœsing,  citée  tout  à  l'heure,  montre 
aussi  l'absence  de  relation  entre  la  transpiration  et  la  for- 
mation de  matière  sèche.  Dans  la  plante  A,  qui  est  sous  cloche, 
la  formation  de  1  gramme  de  matière  sèche  de  feuilles  corres- 
pond à  177  grammes  d'eau  transpirée;  tandis  que  dans  la 
plante  B,  qui  est  à  l'air  libre,  1  gramme  de  matière  sèche 
formée  correspond  à  772  grammes  d'eau  transpirée,  soit 
plus  de  quatre  fois  plus. 

L'assimilation  et  la  transpiration,  dépendant  de  causes 
différentes,  sont  donc  deux  phénomènes  indépendants.  On 
conçoit  qu'ils  restent  dans  un  rapport  constant  si  les  condi- 
tions extérieures  restent  invariables;  mais  dès  que  les  cir- 
constances changent,  le  rapport  change. 

Il  est  facile  de  s'expliquer  le  résultat  de  l'expérience  de 
Hellriegel.  Le  pied  d'Orge  cultivé  sans  nitrate  forme 
1  gramme  de  matière  sèche  pour  867  grammes  d'eau  trans- 
pirée, tandis  que  le  pied  cultivé  avec  nitrate  forme 
1  gramme  de  matière  sèche  pour  292  grammes  d'eau.  Mais 
il  faut  remarquer  que  le  pied  sans  nitrate  n'a  produit  que 
1  gr.  105  de  matière  sèche,  ce  qui  correspond  à  une  trans- 
piration de  956  grammes  seulement;  tandis  que  le  pied  cul- 
tivé avec  nitrate  a  donné  25  gr.  504  de  matière  sèche  cor- 
respondant à  7451  grammes  d'eau  transpirée. 

Si  rOrge  sans  nitrate  a  transpiré  plus  que  l'autre  à  éga- 
lité de  poids  sec,  c'est  simplement  parce  que  les  tiges  et  les 
feuilles  étaient  peu  vigoureuses  et  avaient  une  surface  plus 


DE    l'inutilité   de   ^IA   THANSPIll^TION    DES   PLANTES.      313 

grande  par  rapport  à  leur  volume;  la  transpiration  est,  en 
effet,  proportionnelle  à  la  surface  plutôt  qu'au  volume  ou 
au  poids.  Donc  toutes  les  circonstances  qui  augmenteront  la 
vigueur  d'une  plante  devront,  toutes  choses  égales  d'ail- 
leurs, diminuer  la  transpiration  par  unité  de  poids.  C'est  ce 
que  l'expérience  vérifie. 

On  voit  ce  qu'il  faut  penser  des  conséquences  tirées  de 
l'expérience  de  Hellriegel  relativement  au  rôle  des  engrais 
dans  les  pays  secs;  l'emploi  des  engrais,  et  notamment  des 
nitrates,  devant  permettre  une  meilleure  utilisation  de  l'eau, 
fournie  par  le  sol  en  quantité  souvent  trop  faible.  Mais  le 
pied  d'Orge  cultivé  avec  nitrate  a  dû,  pour  mener  à  bien  sa 
végétation,  emprunter  au  sol  7451  gr.  d'eau,  tandis  que  le 
pied  sans  nitrate  s'est  contenté  de  956  grammes.  Si  l'eau 
avait  été  mesurée  parcimonieusement,  le  pied  avec  nitrate 
aurait  souffert  le  premier,  et  pour  une  quantité  d'eau 
moyenne,  son  développement  aurait  été  arrêté,  tandis  que 
le  pied  sans  nitrate  aurait  continué  de  végéter.  L'emploi 
des  engrais,  très  utile  incontestablement  pour  augmenter  la 
récolte,  augmente  donc  aussi  le  besoin  d'eau.  On  constate 
d'ailleurs  fréquemment,  dans  les  pays  secs,  que  l'emploi  des 
engrais  chimiques  est  préjudiciable  aux  récoltes  si  la  pluie 
est  insuffisante. 

Rôle  des  stagnâtes,  —  La  vapeur  d'eau  sort  des  plantes 
presque  uniquement  par  de  petits  orifices  appelés  stomates 
et  formés  par  1  ecarlement  de  deux  cellules  épidermiques. 
Pendant  longtemps,  sur  la  foi  des  expériences  de  Boussin- 
gault,  on  a  admis  que  l'émission  de  vapeur  d'eau  était  la 
seule  fonction  des  stomates.  Celait  là  une  raison  de  plus 
pour  admettre  que  la  transpiration  était  utile  pour  la  plante, 
11  est,  en  efl'et,  sans  exemple  qu'un  organe  dont  la  présence 
est  aussi  générale  que  celle  des  stomates  ne  corresponde 
qu'à  une  fonction  nuisible. 

On  a  dû  renoncer  à  cette  manière  de  voir.  Blackman  a,  en 
eflet,  montré  que  les  expériences  de  Boussingault,  tout  en 
étant  matériellement  exactes,   avaient   été  faites   dans  de 

IQe  SÉRIE.   —  TOME   X.  23 


314  MEMOIRES. 

mauvaises  conditions  et  devaient  être  interprétées  autre- 
ment. En  réalité,  les  échanges  gazeux  de  la  respiration  et 
de  l'assimilation  du  carbone  s'effectuent  non  point  à  travers 
la  cuticule,  comme  le  pensait  Boussingault,  mais  par  l'ou- 
verture des  stomates,  et  c'est  là  le  véritable  rôle  des  stomates. 

Il  est  facile  en  effet  de  montrer  que  le  développement 
des  stomates  est  en  raison  directe  de  l'intensité  des  échanges 
gazeux  de  l'assimilation  et  non  en  raison  directe  de  l'émis- 
sion de  la  vapeur  d'eau.  Examinons  les  cas  les  plus  typiques 
à  ce  point  de  vue. 

Divers  auteurs,  et  notamment  Lothelier,  ont  comparé  les 
plantes  poussées  dans  un  air  sec  à  celles  qui,  toutes  choses 
égales  d'ailleurs,  sont  restées  dans  une  atmosphère  saturée. 
On  a  trouvé  deux  structures  très  différentes  adaptées  à  des 
conditions  de  milieux  différentes.  Or,  le  nombre  des  stoma- 
tes est  à  peu  près  le  même  dans  les  deux  cas;  on  doit  en 
conclure  que  la  fonction  correspondant  aux  stomates  n'a  pas 
varié.  L'assimilation  et  la  respiration  ont,  en  effet,  à  peu 
près  la  même  intensité  dans  l'air  sec  et  dans  l'air  humide. 
La  transpiration,  au  contraire,  très  forte  dans  l'air  sec, 
devient  nulle  dans  l'air  saturé.  Dans  ce  cas,  les  stomates  ne 
se  conduisent  donc  pas  comme  les  organes  de  la  transpira- 
tion. Si  cette  conclusion  n'a  pas  été  celle  des  auteurs  ayant 
étudié  la  question,  c'est  que  ceux-ci  avaient  l'idée  préconçue 
que  les  stomates  étaient  les  organes  de  la  transpiration. 

Les  plantes  adaptées  à  un  milieu  sec  sont  particulièrement 
instructives  au  point  de  vue  qui  nous  occupe.  Toute  leur 
organisation  semble  converger  vers  un  but  unique  :  ralentir 
le  dégagement  de  vapeur  d'eau.  Si  les  stomates  étaient  les 
organes  de  la  transpiration,  le  moyen  le  plus  simple  serait 
de  les  supprimer.  Or,  il  n'en  est  rien  ;  les  stomates  subsis- 
tent dans  les  plantes  des  pays  secs,  mais  ils  sont  disposés  de 
telle  sorte  que  l'oxygène  et  le  gaz  carbonique  puissent  cir- 
culer librement,  tandis  que  la  vapeur  d'eau  sort  le  plus 
difficilement  possible.  Le  moyen  le  plus  ordinairement  em- 
ployé est  d'entretenir  une  atmosphère  saturée  de  vapeur 
d'eau  dans  le   voisinage  de   l'ouverture  des   stomates.  La 


315 

sortie  de  la  vapeur  est   ainsi  retardée  sans   que  celle   de 
Toxygène  soit  entravée. 

Les  plantes  aquatiques  ont  souvent  servi  d'exemple  pour 
montrer  que  les  stomates  seraient  bien  les  organes  de  la 
transpiration.  En  effet,  les  plantes  qui  vivent  submergées  ne 
transpirent  point  et  sont  en  même  temps  dépourvues  de 
stomates.  D'autre  part,  elles  respirent  et  assimilent;  on  de- 
vrait donc  s'attendre  à  y  voir  subsister  les  stomates  si  ceux-ci 
sont  essentiellement  les  organes  de  l'assimilation  et  de  la 
respiration. 

A  cela  on  peut  répondre  que,  si  les  plantes  aquatiques 
n'ont  pas  de  stomates,  elles  n'ont  pas  de  cuticule  à  la  sur- 
face de  leurs  feuilles.  Les  échanges  gazeux  peuvent  donc  te 
produire  par  osmose  à  travers  les  parois  de  l'épiderme, 
comme,  l'ont  montré  les  expériences  de  Deveaux.  Les  sto- 
mates, comme  organes  de  la  respiration  et  de  l'assimilation, 
sont  donc  inutiles  aux  plantes  aquatiques.  La  cuticule,  qui 
rend  les  parois  des  cellules  épidermiques  imperméables,  est 
indispensable  aux  plantes  aériennes  pour  empêcher  une 
trop  grande  déperdition  d'eau  qui  n'est  pas  à  redouter  chez 
les  plantes  aquatiques. 

En  somme,  les  stomates  ont  pour  rôle  et  pour  fonction  de 
permettre  l'entrée  et  la  sortie  du  gaz  carbonique  et  de 
l'oxygène,  et  si,  en  même  temps,  ils  laissent  échapper  de  la 
vapeur  d'eau,  c'est  qu'il  est  impossible  qii'il  en  soit  autre- 
ment. S'il  m'était  permis  de  comparer  les  stomates  à  un  or- 
gane du  corps  humain,  je  les  comparerais  aux  poumons 
qui  ont  pour  fonction  de  faire  entrer  l'oxygène  et  sorlir 
l'acide  carbonique,  mais  qui  ne  peuvent  remplir  ce  rôle 
qu'en  rejelant  en  même  tenips  une  certaine  quantité  de  va- 
peur d'eau.  La  transpiration  pulmonaire,  comparable  à  la 
transpiration  des  plantes,  a  lieu  aussi  bien  en  hiver,  lorsque 
l'organisme  a  besoin  de  toute  sa  chaleur,  qu'en  été  lorsqu'il 
a  intérêt  à  en  perdre. 

Le  fait  que  le  dégagement  de  vapeur  d'eau  par  les  plan- 
tes augmente  beaucoup,  toutes  choses  égales  d'ailleurs, 
dès  que  les  tissus  sont  tués,  nous  montre  encore  que  la  trans- 


:Uf)  MÉMOIRES. 

piration  ne  doit  pas  être  considérée  comme  une  véritable 
l'onction  vitale. 

Il  résulte  de  l'ensemble  de  cette  discussion  que  le  dégage- 
ment de  vapeur  d'eau  n'est  utile  à  aucune  des  fonctions 
essentielles  de  la  plante.  Souvent  même  la  transpiration  de- 
vient un  danger  contre  lequel  l'organisme  se  défend  par 
des  adaptations  variées.  Chaque  fois  que  les  conditions  exté- 
rieures deviennent  favorables  au  dégagement  de  vapeur,  la 
plante  s'ingénie  à  retenir  par  tous  les  moyens  possibles 
l'eau  qu'elle  a  eu  quelquefois  tant  de  peine  à  extraire  du 
sol.  Ce  que  l'on  doit  considérer  comme  une  fonction  utile  à 
la  plante,  ce  n'est  donc  pas  le  dégagement,  c'est  la  réten- 
tion de  vapeur  d'eau. 


Toulouse,  Imp.  Douladoure-Pbivat,  rue  S*  Rome,  39.  —8306 


LA  RÉSISTANCE   DES   VOLANTS   DE   MACHINES.  317 


LA  RÉSISTANCE  DES  VOLANTS  DE  MACHINES 


Par  m.  VERSEPUYV 


La  généralisation  de  l'emploi  des  turbines  à  vapeur  comme 
moteurs  et  de  la  commande  des  machines  outils  ou  des  engins 
divers  par  réceptrices  électriques,  permettra  de  réduire  l'impor- 
tance des  masses  animées  d'un  mouvement  alternatif.  On 
pourra  ainsi,  dans  un  grand  nombre  de  cas,  éviter  l'exagération 
des  dimensions  des  volants  destinés  à  compenser  les  causes 
d'irrégularité  dans  la  production  ou  l'utilisation  de  l'énergie 
mécanique,  malgré  l'augmentation  toujours  croissante  de  la 
puissance  instantanée  des  engins. 

C'est  ainsi  que  dans  les  aciéries  on  peut  commander  un 
train  de  laminoirs  absorbant  une  puissance  instantanée  de 
10,000  chevaux  par  une  réceptrice  électrique  d'une  puissance  de 
1,000  chevaux,  actionnée  par  le  courant  produit  par  une  station 
centrale. 

On  intercale,  à  cet  elfet,  entre  la  ligne  de  distribution  d'éner- 
gie électrique  et  le  laminoir,  trois  dynamos  ou  alternateurs. 

La  première  réceptrice  de  1,000  chevaux  reçoit  le  courant  de 
la  ligne  et  actionne  une  génératrice  de  dimensions  beaucoup 
plus  robustes.  Le  courant  produit  par  le  groupe  convertisseur, 
ainsi   constitué,    est    envoyé   dans   une   dernière    réceptrice 

1.  Lu  «lans  la  séance  du  \C)  juin  1910. 


318  MÉMOIRES. 

d'importance  encore  croissante  et  qui  commande  l'engin  mé- 
canique. 

On  a  ainsi  remplacé  le  volant  unique  des  énormes  machines 
h  vapeur  qui  actionnaient  les  grands  laminoirs  par  une  série  de 
volants  électro  mécaniques  constitués  par  les  i-iduits  ou  rotors 
des  quatre  dynamos  ou  alternateurs  intercalés  entre  le  moteur 
de  la  station  centrale  et  la  machine-outil. 

Un  bon  alternateur  ou  dynamo  pouvant,  sans  inconvénient, 
supporter  pendant  quelques  instants  un  courant  d'intensité 
double  du  régime  normal,  on  voit  qu'on  pourra,  grâce  à  la  com- 
binaison ci-dessus,  produire  sur  le  laminoir,  pendant  un  instant 
très  court  mais  suffisant,  l'effort  instantané  de  10,000  chevaux 
nécessaire,  en  ne  demandant  au  moteur  de  la  station  centrale 
qu'un  supplément  d'énergie  incapable  de  nuire  aux  enroule- 
ments des  génératrices  et  réceptrices  électriques. 

On  paiera,  bien  entendu,  les  avantages  de  cette  transformation 
en  tenant  compte  des  rendements  successifs  de  chaque  organe. 
Si  l'on  admet  que^ce  rendement  soit,  par  exemple,  de  0,85  pour 
chaque  dynamo  ou  alternateur  et  également  de  0,85  pour  les 
lignes,  on  voit  qu'il  faudrait,  pour  vaincre  un  supplément  de 
résistance  demandant  un  supplément  d'effort  instantaiié  de 
9,000  chevaux  pendant  une  seconde,  demander  à  la  génératrice 
de  la  station  centrale  un  supplément  de  1,000  chevaux  pendant 
vingt  secondes  environ,  ce  qui  ne  présente  pratiquement  aucun 
inconvénient,  surtout  si  cette  génératrice,  d'une  puissance  très 
supérieure,  actionne  différents  trains  de  laminoirs,  ou  si  la 
station  centrale,  comme  c'est  le  plus  souvent  le  cas,  envoie  sur 
des  barres  omnibus  le  courant  produit  par  plusieurs  généra- 
trices accouplées  en  parallèle  et  qui  se  partagent  les  supplé- 
ments de  demande  d'énergie. 

On  peut  donc  corriger  assez  aisément,  grâce  à  cette  méthode, 
les  variations  les  plus  considérables  dans  la  puissance  instan- 
tanée absorbée  par  les  engins  d'utilisation. 

Il  n'en  sera  pas  ainsi  s'il  s'agit  de  variations  du  même  ordre 
dans  la  production  de  l'énergie  motrice. 

Les  grands  moteurs  à  gaz  utilisés  dans  les  usines  métallur- 
giques pour  actionner  des  machines  soufflantes  ou  des' généra- 


LA    RÉSrSTANXE    DKS    VOLANTS    DE    MACHINES.  319 

triées  électriques  et  actionnés  par  le  gaz  des  hauts-fourneaux, 
atteignent  des  puissances  de  5,000  chevaux.  Si  l'on  considère 
que  certains  de  ces  moteurs  sont  à  quatre  temps  et  à  double 
effet,  c'est-(à-dire  ne  reçoivent  sur  chaque  face  du  piston  qu'une 
impulsion  tous  les  deux  tours  de  l'arbre,  on  voit  quelle  irrégu- 
larité initiale  doit  être  corrigée  par  le  vohint,  et  quelle  masse  il 
faut  bii  donner  pour  obtenir  des  coeflicients  d'irrégularité  qui  ne 

dépassent  pas  — -. 

Le  calcul  de  la  masse  à  donner  au  volant  pour  obtenir  ces 
coefficients  ne  présente  d'ailleurs  aucune  incertitude.  Il  n'en  est 
pas  de  même  du  calcul  de  ses  dimensions  au  point  de  vue  de  la 
résistance  à  l'éclatement. 

M.  Bertrand  de  Fontviolant,  dans  son  cours  de  mécanique 
appliquée  à  l'Ecole  centrale  des  Arts  et  Manufactures,  enseigne, 
comme  ses  prédécesseurs,  que  la  jante  du  volant  doit  être  con- 
sidérée comme  une  frette  maintenant  l'ensemble  sous  les  efforts 
dus  à  la  force  centrifuge  et  à  la  pesanteur. 

Si  la  frette  vient  à  se  desserrer,  on  fait  alors  intervenir 
comme  secours  la  résistance  des  bras  et  celle  du  moyeu  ou  de 
ses  assemblages.  Mais  on  n'admet  pas  que  l'on  puisse  calculer 
sans  incertitude  la  tension  des  bras  et  consi  iérer  que  leur 
action  puisse  soulager  la  tension  dans  la  jante,  tant  que  les 
assemblages  de  la  jante  ne  sont  pas  desserrés. 

Cette  doctrine  prudente  a  été  critiquée  récemment  et  on  a 
proposé,  à  l'étranger,  d'appliquer  au  calcul  des  volants  la  théorie 
mathématique  de  l'élasticité  pour  déterminer  dans  quelle  pro- 
portion travaillent  simultanément  les  bras  et  la  jante.  Le  but 
poursuivi  étant,  bien  entendu,  de  permettre  de  construire  des 
volants  de  dimension  toujours  croissante  en  diminuant  les 
(•oefticients  de  sécurité  admis  jusqu'à  ce  jour  pour  le  travail  du 
métal. 

Nous  croyons  que  celte  nouvelle  méthode  de  calcul  est,  no- 
tamment, inapplicable  aux  volants  en  fonte  coulée.  Pour  per- 
mettre d'écriie  les  é(juatiuns  qui  donnent  les  allongements 
corres[)ondaiils  de  la  j;m((;  ni  des  bras,  et,  [)ar  suite,  leur  ttMisioii 
réciproque,  cette  métliod»'  deuiandc  d'admeltre  que  le  volant  est 


320  MPJMOIRES. 

symétrique  par  rapport  à  l'axe  d'un  bras  quelconque  et  par 
rapport  à  la  bissectrice  de  l'angle  compris  entre  deux  bras 
consécutifs. 

Or,  il  n'en  est  pas  ainsi  pour  les  volants  venus  de  fonderie  et 
qui  sont  presque  toujours  fondus  en  deux  pièces  ;  il  suffit  de 
considérer  l'axe  d'un  bras  voisin  de  la  coupure  pour  voir  que  la 
masse  d'un  1/2  volant  n'est  pas  symétrique  par  rapport  à  un 
axe  quelconque. 

On  suppose  encore  que,  par  suite  de  la  symétrie  générale  du 
système,  l'angle  au  centre  A(  0  Aa  est  invariable.  —  Or,  cet 
angle  peut  varier  par  suite  de  la  nature  de  l'assemblage  en  B 
(barrette  en  2  articulations  qui  permet  une  variation  angulaire 
des  bras  et  une  déformation  des  extrémités  des  1/2  jantes) 

{fig-  2). 

Enfin,  la  méthode  ne  tient  pas  compte  des  états  moléculaires 
qui  peuvent  résulter  de  la  gêne  apportée  au  retrait  de  la  fonte 
pendant  le  refroidissement  dans  le  moule.  Ce  retrait  est  supé- 
rieur à  un  centimètre  par  mètre  lorsqu'il  est  libre,  soit  —t. 

Or,  la  méthode  conduit  à  considérer  des  allongements  li- 
néaires de  : 

1 


4  X  10* 


La  valeur  du  retrait  peut  donc  être  400  fois  plus  grande  que 
celle  de  l'allongement  hypothétique  calculé. 

Si  l'on  examine  le  retrait  d'un  volant  fondu  avec  un  moyeu 
d'une  seule  pièce,  on  voit  que  les  bras,  en  se  refroidissant,  ten- 
dent à  tirer  également  sur  la  jante,  sauf  à  casser  si  la  contrac- 
tion est  trop  gênée.  C'est  pour  éviter  cet  accident  de  fonderie, 
assez  fréquent,  que  l'on  donne  souvent  aux  bras  des  poulies  et 
volants,  en  une  seule  pièce,  la  forme  courbe  ci-contre. 

Si,  au  contraire,  comme  c'est  le  cas  pour  un  grand  volant,  le 
moyeu  est  en  deux  pièces,  les  quatre  bras  fixés  à  un  1/2  moyeu 
ne  peuvent  exercer,  de  par  leur  position,  des  actions  égales  sur 
la  jante,  et,  par  suite  de  la  différence  des  surfaces  d'appui  sur  le 


LA   RÉSISTANCE   DES    VOLANTS   DE   MACHINES.  321 

sable  du  moule,  c'est  le  1/2  moyeu  qui,  appelé  par  les  bras  a  et 
&,  tend  à  se  rapprocher  de  l'arc  mn. 


Fig.  1. 


322  MÉMOIRES. 

Dans  le  refroidissement,  les  bras  c  ei  d  ont  leurs  actions  sur 
le  moyeu  équilibrées  en  partie,  et  le  retrait  peut  y  donner  lieu, 
plus  facilement  que  dans  les  bras  a  et  b,  k  des  tensions  anta- 
gonistes. 

On  ne  peut  songer  à  calculer  les  tensions  ou  compressions 
qui  peuvent  résulter  des  ditférences  de  retrait  pour  un  volant 
considéré. 


Fig.  3. 

Mais  il  convient  de  faire  remarquer  que  ces  tensions  ou  com- 
pressions initiales  peuvent  exister,  qu'elles  amènent  parfois  la 
cassure  des  pièces  pendant  le  refroidissement  et  qu'elles  peu- 
vent être  très  supérieures  aux  efforts  calculés  par  la  nouvelle 
méthode. 

On  voit  en  particulier  que,  si  le  retrait  a  été  gêné  dans  les  bras 
c  et  cl  et  facilité  dans  les  bras  a  et  &,  il  peut  en  résulter  que  les 
bras  c  ei  d  travaillent  comme  la  corde  tendue  d'un  arc,  ou,  si 
l'on  préfère,  comme  l'entrait  d'un  arbalétrier  formé  par  la  jante, 
et  que  les  bras  a  et  b,  sous  la  tension  de  l'entrait,  peuvent  tra- 
vailler à  la  compression  comme  deux  poinçons  {fîg.  3). 

Si  celte  compression  initiale  engendre  un  raccourcissement 

des  bras  a  et  ^  supérieur  à -—:  c'est-à-dire   1/W  de  milli- 

mètre  par  mètre  (grandeur  non  mesurable  en  pratique,  étant 
donné  les  irrégularités  de  fonderie),  ce  raccourcissement  sera 
suffisant  pour  annuler  tout  l'effet  attendu  des  composantes  dans 
les  bras. 


LA    RÉSISTANCE   DES    VOLANTS    DE   MACHINES.  323 

Nous  considérons  donc  la  nouvelle  méthode  proposée  comme 
incertaine  et  dangereuse,  et  la  théorie  mathématique  de  l'élasti- 
cité inapplicable  dans  l'espèce,  parce  ({ue  s'appiiyant  sur  des 
hypothèses  contraires  à  la  nature  du  métal  mis  en  œuvre. 

Il  est  certain  que  l'on  est  gêné  dans  la  construction  des 
grands  volants  en  fonte  coulée  par  les  coefticients  de  sécurité 
admis  actuellement  et  par  la  vitesse  limite  à  la  jante.  Aussi 
a-t-on  proposé  ou  de  frotter  les  volants  en  fonte  ou  de  les  rem- 
placer par  des  volants  en  feuilles  d'acier  découpées,  super- 
posées et  solidarisées  par  des  boulons  transversaux  ;  et  il  semble 
que  cette  construction,  qui  a  donné  toute  satisfaction  pour  la 
constitution  des  induits  des  dynamos  et  alternateurs,  pourra 
s'étendre  très  rationnellement  à  la  construction  des  volants  des 
grands  moteurs  k  gaz. 


324 


MEMOIRES. 


CALCUL   D'UN  VOLANT 


EXPOSE  DE  LA  METHODE  DE  CALCUL  ELASTIQUE. 

Examinons  d'abord  les  forces  extérieures    auxquelles  est 
soumise  la  jante  lorsque  le  volant  est  en  mouvement.  Nous 


uir^f 


avons  d'abord  les  forces  centrifuges  dirigées  suivant  les  rayons 
et  uniformément  réparties  sur  la  circonférence.  Si  p  est  cette 


CALCUL  d'un  volant.  '  325 

force  par  unité  de  longueur  d'arc  mesuré  sur  la  fibre  neutre  de 
la  jante,  nous  aurons  : 

(I)  p  :zzm  .  10^  .  r 


ou  m  =z  masse  de  l'unité  de  longueur  : 
w  zz  vitesse  angulaire  ; 

r   zz  rayon  du  cercle  de  la  fibre  neutre  de  la  jante.  Nous 
désignons  dorénavant  ce  cercle  par  la  lettre  G. 

D'autre  part,  si  G  représente  le  poids  de  l'unité  de  longueur 
de  jante,  n  le  nombre  de  tours  du  volant  à  la  minute  et  ^  iz:  9,81 
l'accélération  de  la  pesanteur, 
on  a  : 

G  2tm 

En  substituant  ces  valeurs  dans  la  formule  précédente,  celle- 
ci  devient  :  , 

G  /2TMy 

ou 

(2)  p  =  0.00112n2G  .  r  . 

Supposons  d'abord  le  volant  dépourvu  de  ses  bras. 

Toutes  les  forces  centrifuges  p  produisent  alors  dans  la  jante 
une  tension  générale  constante,  et  leur  courbe  de  pression 
coïncide  avec  le  cercle  G.  Tout  le  long  de  ce  cercle  la  tension  T 
a  pour  valeur  : 

(3)  T-pr. 

Gette  tension  a  pour  effet  d'allonger  la  circonférence  de  la 
jante  et,  par  suite,  d'augmenter  son  rayon. 

Si  maintenant  nous  examinons  l'influence  des  bras  du 
volant  sur  la  jante,  nous  voyons  que  ceux-ci  s'opposent  à  cet 


326 


MEMOIRES. 


allongement  de  rayon  ;  on  en  conclut  que  chaque  bras  est  sou- 
mis à  un  effort  de  tension.  Soit  P  cet  effort  de  tension. 

En  résumé,  les  forces  extérieures  qui  sollicitent  la  jante 
sont  : 

1°  Les  forces  centrifuges  p  uniformément  réparties  sur  la 
circonférence; 

2^  Les  forces  P,  dirigées  vers  le  centre  de  l'anneau,  qui  agis- 
sent au  point  d'allache  de  chaque  bras  et  dont  la  valeur  est  à 
calculer  {fig.  4). 


Fig.  5. 


Pour  étudier  l'influence  des  forces  P,  supposons  d'abord  la 

jante  articulée  aux  différents  points  d'application  Ai  A2  A3 

de  ces  forces.  Chacune  d'elles  se  décompose  alors  en  deux 
forces  S,  dirigées  suivant  les  côtés  adjacents  du  polygone  ré- 
gulier inscrit  dans  le  cercle  C  et  dont  les  sommets  sont  les 
points  Al  A2  A3 

On  a  alors  deux  courbes  de  pression  superposées. 

La  première  est  due  uniquement  aux  forces  centrifuges  p  et 
coïncide  avec  le  cercle  G.  L'effort  correspondant  est  une  tension 
T  zz  pj\  qui  agit  au  centre  de  gravité  de  chaque  section. 

La  deuxième  courbe  de  pression  est  due  aux  forces  P  :  c'est 


CALCUL  d'un  volant.  327 

le  polj'goiie  réj^ulier  A,  A2  A3 Suivant  chacun  de  ces  côtés 

agit  une  force  S  qui  est  égale  à 


(4)  S  - 


2  sin 


a  étant  la  moitié  de  l'angle  que  forment  entre  eux  deux  bras 
consécutifs. 

Une  section  quelconque  mn  résiste  donc  : 

10  A  un  effort  de  tension  qui  agit  au  centre  de  gravité  M  de 
la  section  et  qui  est  égal  à  T  =z  pr.  ; 

2«  A  un  effort  S  qui  agit  suivant  la  corde  A  A2  du  cercle  G. 
Cette  force  S  engendre  dans  la  section  7nn  d'abord  un  effort  de 
compression  N  que  l'on  peut,  sans  erreur  sensible,  supposer 
égal  à  S  et  qui  agit  lui  aussi  au  centre  de  gravité  M.  On  a,  par 
conséquent,  à  cause  de  la  relation  (4)  : 

(5)  N 


2  sin 


Le  signe  négatif  indique  les  efforts  de  compression. 

La  force  extérieure  engendre  de  plus,  dans  la  section  mn 
un  moment  fléchissant.  Pour  calculer  ce  moment,  considérons 
dans  la  figure  ci-dessus  le  secteur  Ai  OA2  formé  par  les  deux 
bras  consécutifs  OAi  et  OA2.  Soit  OB  la  bissectrice  de  l'angle 
Al  OA2,  a  l'angle  de  la  section  mn  avec  l'axe  OB. 

Le  moment  dû  à  la  force  S  dans  la  section  mn  est  alors 

égal  à  : 

M,  =  S  [r  cos  9  —  r  cos  a].  ) 
ou  (6) 

M|  m  S  .  r  [cos  9  —  cos  a] .    ) 

Dans  l'hypothèse  que  nous  venons  de  faire  d'une  articulation 

aux  points  A,  A2 ,  les  moments  sont  nuls  en  ces  points.  En 

réalité,  chacune  des  coupes  OA,  OA2  OA3...,  faite  suivant  l'axe 
d'un  bras,  est  sollicitée  par  un  moment  d'encastrement  que 


328 


MEMOIRES. 


nous  désignerons   par  Mo.   Ce   moment  et  la  force  P   (ou  la 
force  S)  sont  les  deux  inconnues  du  problème. 

Supposons  enlevée  la  partie  de  l'anneau  qui  est  à  gauche  de 
la  coupe  mn,  et  considérons  comme  positifs  les  moments  qui 
tournent  autour  du  point  M  dans  les  sens  des  aiguilles  d'une 
montre  {fig.  5).  Le  moment  M^  de  la  rotation  (6)  est  par  consé- 
quent négatif,  et  le  moment  total  dans  la  section  sera  en  gran- 
deur et  en  signe  : 


m 


M  zz  Mo  Sr  (cos  o  —  cos  a). 


Fig.  6. 


Considérons  maintenant  un  élément  de  l'anneau  limité  par 
deux  sections  infiniment  voisines  mn  et  m'n'  inclinées  d'un 
angle  ç  sur  l'axe  OB  et  formant  entre  elles  un  angle  c^cp.  Sous 
l'influence  du  moment  M,  l'une  de  ces  sections  tournera  par 
rapport  à  l'autre  d'un  angle  AS  qui  est  égal  à 


(8) 


A3=:— — —  ou  El  AS  =  M.ds 
Jbii 


ou ds  zz  r.d  9  est  la  longueur  de  l'élément,  E  zn  coefficient 

d'élasticité  du  métal,  I  le  moment  d'inertie  de  la  section  par 
rapport  à  un  axe  passant  par  son  centre  de  gravité  (voir  /îg.  6). 


CALCUL  d'un  volant.  329 

Eq  remplaçant  M  par  sa  valeur  tirée  de  la  relation  (7),  il 
vient  : 

E  .  I .  Aa  =  [Mo  —  S  .  r .  (cos  ç  —  cos  a)]  rrfç 

Par  raison  de  symétrie,  il  faut  que  la  somme  des  rotations  de 
tous  les  éléments  compris  entre  A  et  B  soit  nulle. 
On  a  donc  : 

A  [Mo  —  Sr  fcos  cp  —  cos  a)j  rd(^  =  0 

d'où  l'on  tire 

(9)  Mo  a  —  Sr  (sin  a  —  a  cos  a)  =  0 
et  puisque 

(4)  S  = 

Pr(sina-«cosa)^^ 
2.  sin  a 

(10)  P.r(sina-acosa)_ 

2x  sin  a 

Dans  l'hypothèse  d'une  articulation  aux  points  Ai  A2  A3, 
nous  avons  vu  que  la  courbe  des  pressions  dues  aux  forces  P 

était  le  polygone  régulier  Ai  A2  A3 En  réalité,  à  cause  du 

moment  d'encastrement  Mo,  la  force  S  est  déplacée  parallèle- 
ment à  elle-même  d'une  quantité  ^>  =  — ^  et  la  ligne  des  pres- 

sions   réelles    des  forces  P  est  un  autre  polygone  régulier 

A\  A'2  A' 3  dont  les  côtés  sont  parallèles  à  ceux  du  premier  de 

ces  polygones   et  distants  de  ceux-ci  de  la  longueur  cons- 

*     *     ^       Mo 
tante  h  zn  — . 

Ce  rapport  —^  peut  se  déduire  de  la  formule  (9)  et  ne  dépend, 

comme  on  le  voit,  que  de  l'angle  a.  Par  conséquent,  la  courbe 
des  pressions  réelles  des  forces  P  est  indépendante  de  la  di- 
mension des  bras.  Elle  ne  dépend  pas  non  plus  de  l'intensité 
des  forces  centrifuges/?. 

10«  SÉRIE.   —  TOME   X.  24 


330  MÉMOIRES. 

La  formule  (10)  ne  donne  que  le  rapport  de  Mo  et  de  P,  et 
pour  pouvoir  calculer  chacune  de  ces  inconnues,  il  faut  par 
conséquent  déterminer  une  autre  condition  qui  nous  permette 
de  poser  une  nouvelle  équation  entre  ces  deux  inconnues. 

A  cet  effet,  examinons  le  déplacement  du  point  Ai  dû  aux 
déformations  par  rapport  à  l'axe  OB  supposé  fixe  (fig.  5  et  6). 

Nous  ne  considérons  que  le  déplacement  de  ce  point  norma- 
lement à  OR.  Ce  déplacement  est  égal  «à  la  moitié  de  l'allonge- 
ment que  subit  la  corde  Aj  A2  :  désignons-le  par  Aa. 


Fig.  7. 

Il  est  clair  que,  par  suite  de  la  symétrie  générale  du  système, 
l'angle  au  centre  Ai  OA2,  formé  par  les  deux  bras  OAi  et  OA2, 
ne  peut  pas  varier  quelles  que  soient  les  déformations  que 
subissent  l'anneau  et  ses  bras.  Il  faut  donc  que  l'allongement 
de  la  demi-corde  a  corresponde  à  un  allongement  àr  du  rayon, 
tel  que  l'on  ait  : 

(Voir  fig.  7)  -  =  — 

oaa  zur  sin  a.  On  en  conclut  que  : 

Aa 


(11)  ^r  — 


sin  a 


CALCUL  d'un  volant.  331 

L'allongement  Ar  que  subit  le  bras  est  évidemment  propor- 
tionnel à  la  tension  P  qui  agit  dans  son  axe,  et  nous  pouvons 

poser 

^r  —  c.P. 

Où  c  est  une  constante  qu'on  peut  calculer  et  qui  ne  dépcni 
que  des  dimensions  longitudinales  et  transversales  des  bras. 
En  combinant  les  équations  (1 1)  et  (12),  on  voit  que  l'on  a  : 


(13) 


^a 
sin  a 


c.P  —  ^^ 


Dans  cette  équation  il  s'agit  d'exprimer  l'allongement  ^a  en 
fonction  des  forces  centrifuges  p  et  des  deux  inconnues  P  et 
Mo. 


Fig.  8. 


L'allongement  total  de  la  moitié  de  la  corde  A,  A2,  c'est-à-dire 
de  la  longueur  a  =  r  sin  a,  provient  de  trois  causes  diffé- 
rentes : 


332  MÉMOIRES. 

l»  On  a  d'abord  la  déformation  Aa,  due  à  la  tension  générale 
T  =  p,r. 

Si  Q  désigne  la  section  de  la  jante,  cet  allongement  sera 

égal  à 

Ta 

ou,  puisque  la  demi-corde  ainr  sin  a 

7?.r2  sin  a 


(14)  Aa,  -= 


DE 


2<*  Ensuite,  on  a  la  déformation  Aaj  due  à  l'effort  de  com 
pression 

(5)  N  =  ^«. 

Cette  déformation  est  donnée  par  la  formule 

^^^  =  ÔË^ 
d'où  l'on  tire 

-Pr 


(15j  .      «2 


2QE 


3<^  Enfin,  il  nous  reste  la  déformation  Aa3  due  aux  mo- 
ments M.  Pour  la  calculer,  nous  considérerons,  comme  nous 
l'avons  déjà  fait  plus  haut  (/?^.  6),  l'élément  de  la  jante  limité 
par  les  deux  coupes  mn  et,  m'n'  représentées  dans  la  figure  8 
où  9  et  c?9  indiquent  les  mêmes  valeurs  que  précédemment. 

Nous  avons  vu  que,  si  l'on  suppose  la  section   mn   fixe, 

la  section  m'n'  tournera  autour  de  son  centre  M  d'un  angle 

égal  à 

MAs 


ou 


AS  = 

El 

A5  =  rd(D 


et 

(7)  M  zi:  M«  ~  Sr  (cos  ?  —  cos  a) 


CALCUL  d'un  volant.  333 

Par  suite  de  cette  rotation,  le  point  Ai,  invariablement  lié  à  la 
section  m'n' ^  vient  en  A'i.  Si  nous  projetons  le  point  M'  sur 
la  coicle  Ai  Aj  en  M"  et  le  point  k.\  en  A"i,  les  deux  triangles 
Al  A'i  A"i  et  Al  M'  M''  sont  évidemment  semblables,  et  on  a  : 

AiA%  __  AiA'i 
M'  M"  ~  A,M'* 

Dans  cette  foiliiule,  A^  A"i  représente  l'allongement  da  de  la 
corde  dû  à  la  rotation  AB.  De  plus,  on  a  : 

M'  M"  =:  r  (cos  cp  —  cos  a) 

A   A' 

Quant  au  rapport   ^      /,  il  est  égal  à  l'angle  A3,  puisque  cet 

A-i  A 

angle  est  infiniment  petit.  On  a  donc  : 

da  ^       M  As 

=  Ao  z= 


r(cos9  —  cos  a)  ~  E.I. 

u  en  remplaçant  M  et  As  par  leurs  valeurs  données  plus  haut 

da  [Mo  —  S>'  cos  cp  —  cos  a)] 


r  (cos  ©  —  cos  a)  E  .  i . 

ce  qui  donne  : 


rd^ 


da  =z  [Mo  (cos  ç  —  cos  a)  —  Sr  (cos  ç  —  cos  a)-]  c^^p . 

Il  en  résulte  que  l'allongement  total  A<23  dû  aux  moments, 
est  égal  à  l'intégrale  de  l'expression  précédente  étendue  à  tous 
les  éléments  compris  entre  Ai  et  B,  c'est-à-dire  cette  intégrale 
prise  entre  les  limites  O  et  a.  Donc  : 

«3  =  rr-j-  /     [Mo  (cos  ç  cos  a)  —  Sr  (cos  9  —  cos  a)2j  rfjp . 

On  trouve,  en  etl'ectuant  cette  intégrale  définie  : 

Aa3  =  rr-f    Mo  (sin  a  —  %  cos  a)  —  Sr 

l'^  •  t  L  (a  -f-  2  a  cos^  a  —  W  COs  a  sin  a) J 


334  MÉMOIRES. 

P 

OU  en  remplaçant  S  par  —-. —  (4)  et  Mo  par  sa  valeur  donnée 
dans  la  formule  (10)  : 

Pr^rsin  a  —  aCOSa)-       (a  +  Sacos^a  — 8  cos  a  sin  a)1 


^a^ 


ri 


El  L        2  a  sin  a        ~  4  sin  a  j 

ce  qui  donne  en  réduisant 

,^^,  ,       Pr^r(2sin2a — asinacosa — «a^)"! 

(1^^       «  =Ërl^ ïTihT^^ J- 

L'allongement  total  ^a  de  la  demi-corde  est  égal  à 

où  les  trois  valeurs  du  second  nombre  sont  respectivement 
données  par  les  relations  (14)  (15)  (16). 
Par  conséquent,  on  a  : 

P.r^sina         Pr         P/'^(2sin2a  —  asina.cosa  —  a^ 

^  "^      ^^  —        QË  2QË  +  ~ËÎ  4a .  sin  a  ' 

Calculons  maintenant  l'allongement  d'un  bras  dû  à  la  force  P. 
Si  les  dimensions  transversales  de  ce  bras  varient  suivant  des 
lignes  droites,  on  peut  calculer  leur  allongement  au  moyen  de 
leur  section  moyenne  sans  commettre  d'erreur  sensible. 

Soit   Qi  cette  section  moyenne,    l'allongement  ^^  du  bras 

sera  : 

Q,.E 


Qr 


P.r 


r  étant  la  longueur  théorique  du  bras  qui  est  égale  au  rayon. 
Nous  avons  vu  que  l'on  avait  •  (13) 

/^oN  sin  a 

(13)  -^  =  ^''' 

il  en  résulte  l'équation 

P  •  ^^^  _  2ÛE  sin  a  P  .  r^  (2  sin^  g  —  a  sin  oc .  cos  a  —  a?)  _  QjE 
^^^      "ÔË"  ~       P^r         Ëï  4asin2a  ~~  P .  r 

dans  laquelle  il  n'entre  plus  que  la  seule  inconnue  P. 


DÉVELOPPEMENT   POST  EMBRYONNAIRE   DES   MYRIOPODES.      335 

LE  DÉVELOPPEMENT  POST-EMBRYOMAIRE 

DES    MYRIOPODES 

ET     SES     RAPPORTS     AVEC     LA     S  Y  ST  É  M  A  T  I  Q.U  E 

Par    M.    Jules    CHALANDE'. 


Un  naturaliste  et  écrivain  distingué,  qui  consacra  sa 
thèse  en  doctorat  à  Tétude  des  Myriopodes,  Fabre,  d'Avignon, 
dont  on  vient  de  fêter  le  jubilé,  écrivait  en  1855  :  «  Les 
Myriopodes  semblent  un  défi  jeté  par  la  nature  à  nos  arran- 
gements systématiques  ».  Il  est  difficile,  en  effet,  pour  ces 
animaux,  non  seulement  de  baser  une  règle  de  classification 
sur  les  modifications  de  tels  ou  tels  organes,  mais  encore 
de  pouvoir  établir  des  lois  générales  qui  ne  subissent  de 
nombreuses  exceptions  à  tous  les  degrés  de  l'échelle.  Si 
nous  voulions  donner  une  description,  un  peu  poussée,  du 
développement  post-embryonnaire  de  ces  êtres,  il  nous  fau- 
drait décrire  autant  de  groupes  que  de  familles  et  parfois 
même  suivre  l'évolution  d'une  simple  espèce  en  dehors  du 
genre  auquel  elle  appartient.  Nous  nous  bornerons  donc 
ici  à  envisager  seulement  les  phases  de  développement  qui 
peuvent  s'appliquer  d'une  manière  générale  et  sans  restric- 
tions à  chaque  famille;  nous  avons  du  reste  déjà  publié  le 
résultat  détaillé  de  nos  recherches  sur  l'évolution  de  ces 
animaux^. 

1.  Lu  dtins  la  séance  du  23  juin  1910. 

2.  Recherches   biologiques  et  analomiques  su7'  les  Myriapodes 
(Société  d'histoire  naturelle  de  Toulouse,  J905). 


336  MÉMOIRES. 

Nous  ferons  abstraction  des  Pauropodes  et  des  Lysiopeta- 
lides,  sur  lesquels  nous  n'avons  pu  poursuivre  l'étude  du 
développement  post-embryonnaire  faute  de  matériaux  de 
travail;  et  comme  on'^doit  toujours  se  garder  de  faire  des  gé- 
néralités quand  on  traite  des  Myriopodes,  nous  entendons 
restreindre  nos  conclusions  aux  espèces  européennes  et  plus 
particulièrement  françaises,  les  exotiques  pouvant  nous  réser- 
ver des  surprises. 

Les  Myriopodologistes  ont  généralement  adopté,  dans  ses 
grandes  lignes,  pour  les  espèces  européennes,  la  classifica- 
tion de  R.  Latzel,  1880-84. 


®    /  l»'  Ordre  :  Chilopoda. 


f  Se 
]   Li 


Scutigeridae. 
thobiidae. 


Q    ,  .   Scolopendridae. 

g*  I  [   Geophilidae. 

'C    \  2^  Ordre  :  Symphyla Scolopendrellidae. 

jg    /  3«  Ordre  :  Panropoda Paiiropodae. 

S.  0.  Pselaphognatha...       Polyxenidae. 
•ô   /  l  /   Glomeridae. 

S    1  I  \   Polydesmidae. 

rt    \  4«  Ordre  :  Diplopoda.  \    S.  0.  Chilognatha \   Chordeumidae. 

^  ■  /   Lysiopetalidae. 

\    Inlidae. 

S.  O.  Colobognatlia Polyzonidae. 

Par  leur  structure  externe,  comme  par  leur  organisation 
interne,  les  Myriopodes  peuvent  cependant  être  répartis  en 
deux  grands  groupes  :  Ghilopodes  etDiplopodes,  les  Symphy- 
les  et  les  Pauropodes,  quoique  formant  deux  ordres  parfaite- 
ment caractérisés,  se  rattachant  étroitement  aux  Diplopodes. 

Ces  deux  groupes  sont  tellement  distincts,  qu'un  Myrio- 
podologiste  américain,  Bollman,  a  tenté  de  distraire  le 
groupe  des  Ghilopodes  de  la  classe  des  Myriopodes  et  de  les 
rattacher  aux  Hexapodes.  Disons  tout  de  suite  que  cette  clas- 
sification serait  trop  artificielle  et  que  les  Hexapodes  ont  plus 
d'affinité  avec  les  Diplopodes  qu'avec  les  Ghilopodes. 

Un  des  principaux  caractères  de  l'organisation  interne 
qui  précise  cette  division  en  deux  groupes  est  l'orientation 
de  l'appareil  génital  et  sa  superposition  par  rapport  aux 
autres  organes.  Si  l'on  ouvre,  dans  la  cuvette  à  dissection, 


DEVELOPPEMENT  POST-EMBRYONNAIRE   DES   MYRTOPODES.      337 

la  cavité  somatique  d'un  Ghilopode  par  la  face  dorsale,  on 
trouve  successivement  : 

1°  Le  vaisseau  dorsal,  ou  appareil  vasculaire; 

2°  L'appareil  génital  ; 

3°  Le  canal  digestif; 

4^  La  chaîne  ganglionnaire  ventrale. 

Dans  le  groupe  des  Diplopodes,  on  trouve,  au  contraire  : 

1°  Le  vaisseau  dorsal  ; 

2**  Le  canal  digestif; 

3^  L'appareil  génital; 

4"  La  chaîne  ganglionnaire  ventrale. 

L'appareil  reproducteur  est  ainsi  logé  au-dessus  du  canal 
digestif  chez  les  premiers  et  au-dessous  chez  les  seconds. 
En  outre,  chez  les  Ghilopodes,  il  se  déverse  en  arrière,  dans 
le  dernier  sagment  du  corps,  par  un  orifice  unique,  tandis 
que  chez  les  Diplopodes  il  se  déverse  en  avant,  par  deux 
orifices  pairs,  situés  entre  le  second  et  troisième  segment. 

Nous  verrons  cependant  que  l'étude  du  développement 
post-embryonnaire  vient  détruire  l'équilibre  de  ces  groupe- 
ments et  qu'une  partie  des  Ghilopodes  se  rattache  étroitement 
aux  Diplopodes  par  leur  mode  d'évolution. 

On  doit  considérer  dans  la  vie  des  Myriopodes  quatre 
périodes  bien  distinctes  : 

1°  La  Période  embryonnaire;  évolution  de  l'individu 
dans  l'œuf  avant  1  eclosion. 

2°  La  Période  de  développement  post-embryonnaire , 
qu'on  a  comparée  à  la  période  de  métamorphose  des 
Hexopodes,  mais  qui  cependant  en  diffère  complète- 
ment; 

3*^  La  Période  de  maturation,  pendant  laquelle  se  déve- 
loppent les  organes  génitaux  ; 

4<*  La  Période  adulte^  réservée  uniquement  à  la  repro- 
duction. 


388  MEMOIRES. 

Si  Ton  suit  ces  diverses  périodes,  on  assiste,  selon  les 
individus,  à  deux  modes  d'évolutions  : 

1^  Le  développement  direct; 

2"^  Le  développement  par  gemmation. 


!«'■  Mode  :  Développement  direct. 

Les  Scolopendridae  et  quelques  Geophilidae  se  dévelop- 
pent selon  ce  mode.  La  manifestation  de  la  deuxième  pé- 
riode se  réduit  au  développement  des  formes  acquises  au 
sortir  de  l'œuf,  et  la  troisième  période,  qui  comporte  seule- 
ment révolution  de  l'appareil  génital  interne,  ne  produit 
aucune  modification  externe. 

Le  développement  est  direct,  il  se  poursuit  et  s'achève 
complètement  dans  Toeuf  avant  l'éclosion.  Les  jeunes,  à  leur 
naissance,  sont  pourvus  d'autant  de  segments  et  de  paires 
de  pattes  que  l'animal  adulte  et  leur  nombre  est  toujours 
fixe  pour  les  individus  d'une  même  espèce.  Il  en  est  de  même 
pour  les  ocelles  et  pour  les  artictes  antennaires. 


2®  Mode  :  Développement  par  gemmation. 

Ce  mode  de  développement  se  manifeste  chez  une  partie 
des  Ghilopodes  {Lithobiidae,  Scutigeridae  et  la  plupart  des 
Geophilidae)  et  chez  les  Sjmphyles,  les  Diplopodes  et  les 
Pauropodes. 

Les  Myriopodes  de  ce  groupe  présentent  un  mode  de  dé- 
veloppement post-embryonnaire  très  spécial  et  fort  intéres- 
sant au  point  de  vue  de  leur  filiation  et  de  leur  affinité  avec 
les  groupes  voisins,  développement  que  nous  appellerons 
gemmaire,  et  que  l'on  a  comparé  à  tort  à  la  métamorphose 
des  Insectes,  dont  il  diffère  fondamentalement,  quoique 
semblant  présenter  une  certaine  analogie. 


DÉVELOPPEMENT  POST-EMBRYONNAIRE   DES   MYRIOPODES.      339 

Ici,  nous  n'assistons  pas  à  une  transformation  modifiant 
plus  ou  moins  profondément,  non  seulement  les  formes  gé- 
nérales de  l'animal,  mais  encore  ses  organes  et  son  genre 
de  vie,  comme  dans  la  métamorphose  des  Hexapodes.  Il  n'y 
a  pas  transformation,  mais  bourgeonnement  d'un  nouvel 
être,  à  la  suite  du  premier. 

Oïl  doit,  en  effet,  considérer  chez  ces  Arthropodes  deux 
parties  absolument  distinctes,  tant  par  leur  origine  que  par 
leur  organisation  et  le  rôle  qui  leur  est  dévolu.  L'individu 
est  en  quelque  sorte  constitué  par  deux  êtres,  l'un  d'origine 
ovulaire  qui  apparaît  au  sortir  de  l'œuf  et  qui  rappelle  l'or- 
ganisation des  Hexopodes,  l'autre  d'origine  gemmaire,  qui 
n'existe  pas  au  moment  de  la  naissance,  mais  qui  bourgeon- 
nera à  la  suite  du  premier  pendant  la  période  de  développe- 
ment post-embryonnaire  et  rappellera  l'organisation  des 
Annelides. 

La  partie  d'origine  ovulaire,  que  nous  appellerons  Pro- 
some,  est  conformée  pour  la  conservation  de  l'individu;  c'est 
là  que  se  trouveront,  dans  leur  grand  développement,  les 
organes  essentiels  à  la  vie  végétative. 

La  partie  d'origine  gemmaire,  que  nous  appellerons  Me- 
tasome,  sera  la  reproduction,  en  un  nombre  fixe  ou  variable 
de  somites,  des  pénultièmes  segments  du  Prosome  et  sera 
conformé  plus  spécialement  pour  la  conservation  et  la 
reproduction  de  l'espèce.  C'est  là  que  se  développeront,  pen- 
dant la  période  de  maturation,  les  organes  génitaux;  c'est 
là  encore  qu'apparaîtront,  pendant  cette  même  période,  chez 
la  plupart  des  mâles  des  Diplopodes,  les  organes  copula- 
teurs,  indépendants  de  l'appareil  génital  et  provenant  de  la 
transformation  de  une  ou  plusieurs  paires  de  pattes.  Et  c'est 
précisément  dans  le  premier  ou  deuxième  segment  d'origine 
gemmaire  (sauf  chez  les  Glomeridae)  que  ces  pattes  copula- 
trices  bourgeonneront,  marquant  par  leur  présence  la 
limite  entre  les  deux  parties  d'origines  différentes,  le  Pro- 
some et  le  Métasome. 

Les  Symphyles,  ces  êtres  si  spéciaux  par  leur  organisation, 
qui  possèdent  des  glandes  filières  comme  les  Araneïdes,  qui 


340  MÉMOIRES. 

se  rattachent  aux  Diplopodes  par  la  disposition  de  leur  appa- 
reil génital  et  forment,  par  la  simplification  de  leur  appareil 
respiratoire,  le  passage  entre  ces  derniers  {Inliclae)  et  les 
Hexapodes  {Thysanours) ,  et  qui  par  leur  intime  parenté 
avec  les  Gampodidae  doivent  être  regardés  avec  ceux-ci 
comme  étant  les  plus  proches  de  la  forme  ancestrale  des 
Myriopodes  et  des  Hexapodes,  n'échappent  pas  aux  règles 
de  ce  mode  de  développement. 

Les  Lithohiidae  et  les  Scutigeridae^  quoique  intimement 
liés  aux  Scolopendridae,  tant  par  leurs  formes  externes 
que  par  leur  organisation  interne,  subissent  aussi  les  mêmes 
lois  générales  de  développement  que  les  Diplopodes. 

Les  Scolopendridae^  au  contraire,  représentent  le  type 
du  développement  direct;  chez  eux,  l'évolution  s'accomplit 
entièrement  dans  l'œuf,  avant  l'éclosion,  indice  d'une  forme 
supérieure. 

Le  développement  par  gemmation  procède  chez  tous  les 
Myriopodes  d'une  même  origine,  suit  les  mêmes  phases  et 
aboutit  aux  mêmes  fins.  Il  débute,  après  une  première  mue, 
par  la  segmentation  ou  dédoublement  du  segment  pénul- 
tième, ou,  pour  mieux  dire,  par  le  bourgeonnement  entre  ce 
segment  et  l'anal  d'un  nouveau  segment.  Il  se  poursuit  par 
le  bourgeonnement  successif  d'autres  segments,  toujours 
entre  le  nouveau  pénultième  et  l'anal,  et  la  croissance  des 
pattes,  chaque  stade  de  développement  étant  accompagné 
d'une  mue  qui  a  pour  objet  de  débarrasser  l'individu  de  la 
cuirasse  dermique  de  ses  sclérites,  ou  de  ses  anneaux,  dont 
la  rigidité  s'opposerait  au  travail  du  bourgeonnement  et  du 
développement  des  nouveaux  éléments  en  formation.  C'est 
pendant  le  repos  qui  précède  chaque  mue  que  s'élabore  ce 
travail. 

Les  nouveaux  anneaux  se  dédoubleront  à  leur  tour,  suc- 
cessivement en  deux  segments  simples  chez  les  Ghilopodes, 
ou  resteront  composés  de  deux  somites  chez  les  Diplopodes 
et  les  Pauropodes.  En  dehors  de  cette  particularité  caracté- 
ristique qui  scinde  les  Ghilopodes  et  les  Diplopodes,  on 
trouvera  des  divergences  très  marquées  dans  l'organisation 


DÉVELOPPEMENT   POST-EMBRYONNAIRE   DES    MYRIOPODES.      341 

initiale  de  l'individu  au  sortir  de  l'œuf  provenant  de  l'évo- 
lution embryonnaire  et  dans  l'arrêt  déflnitif  du  développe- 
ment post-embryonnaire.  On  remarquera  aussi  entre  chacun 
de  ces  groupes  des  différences  notables  dans  le  nombre  des 
anneaux  qui  bourgeonnent  à  chaque  stade  de  développe- 
ment, et  dans  le  nombre  de  ces  stades.  Ces  divers  groupes 
correspondent  aux  familles  établies  par  la  systématique  ac- 
tuelle, mais  non  aux  groupements  en  sous-ordres. 

L'évolution  embryonnaire  produit  à  l'éclosion  trois  types 
bien  distincts. 

Dans  le  premier,  l'individu  est  pourvu  à  sa  naissance 
d'un  grand  nombre  de  segments  pédigères,  nombre  qui 
sera  très  variable  selon  les  espèces  et  les  individus,  et  il  n'y 
aura  pas  accroissement  des  artictes  antennaires  dont  le 
nombre  sera  toujours  fixe.  On  trouve  ce  type  chez  certains 
Geophilides. 

Dans  le  second,  l'individu  est  pourvu  à  sa  naissance  de 
7  paires  de  pattes  et  de  8  segments,  et  il  y  aura  accroisse- 
ment non  limité  d'articles  antennaires.  Ce  type  est  repré- 
senté par  les  Lithohiidae  et  les  Scutigeridae  et  par  l'ordre 
des  Symphyles. 

Dans  le  troisième,  l'individu  possède,  au  moment  de  la 
naissance,  3  paires  de  pattes  seulement,  nombre  qui  rappelle 
une  origine  commune  avec  les  Hexapodes  et  5  à  7  seg- 
ments. Il  n'y  aura  pas  accroissement  des  artictes  antennai- 
res dont  le  nombre  sera  toujours  fixe.  Ce  type  est  repré- 
senté par  l'ordre  des  Diplopodes. 

l^"*  Type. 
Geophilidae  (eœ  p.). 

Caractères  :  Individus  pourvus  à  leur  naissance  d'un  grand  nom- 
bre, très  variable,  de  segments  pédigères. 

Quelques  somites  seulement  d'origine  gemmaire. 

Prosome  et  métasome  non  différenciés  et  composés, 
pour  les  individus  d'une  même  espèce,  d'un  nonil^re 
\;iii;il)Ie  de  somites. 


342  MÉMOIRES. 

Pas  d'accroissement  antennaire. 

Apparition  dans  les  deux  sexes,  pendant  la  période  de 
maturation,  d'organes  génitaux  accessoires  dans  le 
dernier  segment  du  corps,  près  de  l'orifice  génital. 

Ce  premier  type  est  représenté  par  les  Geqphilidae,  ou 
du  moins  par  un  grand  nombre  d'entre  eux,  car  certains 
semblent  échapper  à  la  règle. 

L'évolution  directe  dans  Tœuf  n'est  pas  complète;  la 
deuxième  période  se  manifeste  par  le  bourgeonnement  suc- 
cessif de  quelques  segments,  peu  nombreux  et  en  nombre 
variable,  entre  le  segment  pénultième  et  l'anal  et  la  crois- 
sance d'une  paire  de  pattes  sur  chacun  d'eux.  La  troisième 
période  (période  de  maturation)  produit  en  même  temps  que 
révolution  de  l'appareil  génital  interne,  l'apparition  dans  le 
dernier  segment  du  corps,  près  de  l'orifice  génito-excrémen- 
tiel,  d'organes  génitaux  complémentaires  externes,  qui 
semblent  en  voie  d'atrophie. 

Les  jeunes,  au  sortir  de  l'œuf,  sont  pourvus  d'un  grand 
nombre  de  segments  pédigères,  et  sauf  l'accroissement  des 
quelques  segments  pénultièmes,  ne  sont  différenciés  de  l'ani- 
mal adulte  que  par  leur  forme  plus  petite. 

Dans  certains  groupes  de  cette  famille,  le  nombre  des 
segments  est  très  variable  pour  les  individus  d'une  même 
espèce,  et  cette  variabilité  provient,  autant  que  nous  avons 
pu  le  constater,  de  la  segmentation  post- embryonnaire. 

On  voit  par  ce  qui  précède  que  seuls  les  Geophilidae  se 
rattachent  à  deux  modes  de  développement,  et  l'on  peut, 
pour  cette  raison,  et  aussi  parce  que  leur  développement 
anamorphotique  est  très  peu  accentué,  les  considérer 
comme  un  groupe  intermédiaire  et  en  période  de  transition. 
L'évolution  s'accomplit  presque  entièrement  dans  l'œuf,  et 
c'est  seulement  par  un  reste  d'atavisme  que  nous  voyons  se 
produire,  chez  certains,  pendant  la  période  post-embryon- 
naire, le  bourgeonnement  des  quelques  segments  du  me- 
ta some. 


développement  post-embryonnaire  des  myriopodes.     343 

2«  Type. 
Chilopodes  {ex  p.)  et.  Symphyles. 

Caractères  :  Individus  pourvus  à  leur  naissance  de  7  paires  de 
pattes. 

La  moitié  environ  des  comités  d'origine  gemmaire. 

Prosome  et  métasome  composés,  pour  les  individus 
d'une  même  espèce,  d'un  nombre  toujours  fixe  de 
somites  et  ordinairement  différenciés  entre  eux  par 
la  dispos^ition  des  scutelles  dorsales. 

Accroissement  antennaire  et  ocellaire  non  limité  pour 
les  individus  d'une  même  espèce. 

Apparition  chez  les  femelles,  pendant  la  période  de  ma- 
turation, d'organes  génitaux  accessoires  dans  le  der- 
nier segment  du  corps,  près  de  l'ouverture  génitale 
(sauf  chez  les  Symphyles). 

Dans  ce  groupe,  c'est  seulement  l'arrêt  de  Taccroisse- 
ment  gemmaire,  qui,  au  point  de  vue  du  développement,  sé- 
pare les  Chilopodes  de  l'ordre  des  Symphyles. 

Chez  les  Symphyles,  l'accroissement  s'arrêtera  lorsque 
l'individu  sera  pourvu  de  12  segments  pédigères.  Chez  les 
Chilopodes  {Lithobiidae  et  Scutigeridaé),  il  s'arrêtera  seu- 
lement lorsque  la  15®  paire  de  pattes  sera  formée.  Mais  tan- 
dis que  le  nombre  des  artictes  des  tarses  sera  toujours  fixe 
chez  les  Lithohiidae^  sauf  dans  le  genre  exotique  Germa- 
tobius^  chez  les  Scutigeridae  il  subira  un  accroissement 
considérable  et  non  limité. 

En  considérant  la  similitude  du  mode  de  développement 
embryonnaire  et  post-embryonnaire  des  trois  familles  qui 
composent  ce  groupe,  on  est  frappé  de  l'hétérogénéité  de 
leurs  formes  externes  et  de  leurs  organisations  anatomi- 
ques  qui  indiquent  trois  origines  distinctes  Les  Symphyles, 
comme  nous  l'avons  déjà  dit,  se  rapprochent  de  la  forme 
ancestrale  des  iMyriopodes  et  dos  Hexapodes  par  leur  pa- 
renté avec  les  Campodidae  et  sont  intimement  liés  avec  les 
Diplopodes.  Les  Scutigeridae  ont  une  grande  affinité  avec 


344  MÉMOIRES. 

les  Aranéïdes,  et  les  Lithohiidae,  type  caractéristique  des 
Chilopodes,  n'ont  aucun  lien  commun  avec  les  Diplopodes, 
si  ce  n'est  pas  leur  mode  d'accroissement  gemmaire. 


3«  Type. 
Diplopodes. 

Caractères  :  Individus  pourvus  à  leur  naissance  de  3  paires  de 
pattes. 

La  moitié  environ,  ou  un  plus  grand  nombre,  de  somi- 
tes  d'origine  gemmaire. 

Pas  d'accroissement  antennaire. 

Accroissement  ocellaire  non  limité  pour  les  individus 
d'une  même  espèce. 

Apparition,  chez  les  mâles,  pendant  la  période  de  ma- 
turation (sauf  chez  les  Polyxenidae),  d'organes  copu- 
lateurs,  provenant  de  la  transformation  de  une  ou 
plusieurs  paires  de  pattes  et  placés  dans  le  7e  seg- 
ment, marquant  ainsi  la  limite  entre  le  Prosome  et 
le  Metasome,  ou  (chez  les  Glomeris)  de  pattes  copu- 
latrices  supplémentaires,  situées  dans  le  segment 
pénultième. 

Chez  les  Diplopodes,  c'est  également  l'arrêt  de  l'accroisse- 
ment gemmaire  qui  précise  les  divisions  adoptées  par  la 
systématique,  sans  cependant  s'accorder  avec  le  classement 
en  sous-ordres  des  Pselaphognatha,  Chilognatha  et  Colo- 
bognatha.  Le  nombre  des  segments  acquis  pendant  la  pé- 
riode de  gemmation  est  ïixe  ou  variable,  et  cette  particu- 
larité, qui  a  une  valeur  incontestable,  scinde  le  sous-ordre 
des  Chilognatha. 

1®"^  Groupe  :  Accroissement  gemmaire  fiœe. 

Pselaphognatha  et  Chilognatha  {eœ  p.). 

Dans  ce  groupe,  qui  comprend  les  Pselaphognatha  {Po- 
lyxenidae) et  une  partie  des  Chilognatha  {Glomeridae, 
Polydesmidae  et  Chordeumidae),  l'accroissement  gemmaire 


DÉVELOPPEMENT   POST  EMBRYONNAIRE   DES   MYRIOPODES.      345 

est  fixe,  c'esl-à-dire  qu'il  s'arrête,  pour  les  individus  d'une 
même  espèce,  à  un  nombre  toujours  invariable  de  segments 
et  de  paires  de  pattes. 
Cet  accroissement  s'arrêtera  : 

1°  Chez  les  Polyœenïdae,  à  11  segments  et  13  paires  de 
pattes. 

2*^  Chez  les  Glomeridae,  à  12  ou  13  segments,  selon  les 
genres  et  17  paires  de  pattes. 

3"  Chez  les  Polydesmidae,  à  19  ou  20  segments  et  29  à 
31  paires  de  pattes,  selon  les  genres. 

4«  Chez  les  Chordeumidae^  à  30  segments  et  49  ou  50  pai- 
res de  pattes  selon  les  genres. 

Chez,  les  Polyxenides  et  les  Glomerides  le  prosome  et  le 
métasome  ne  seront  pas  différenciés  à  l'âge  adulte. 

Chez  les  Polydesmides  et  les  Ghordeumides,  ils  seront 
différenciés  chez  le  mâle,  par  la  présence  des  pattes  copula- 
trices  dans  le  7®  segment. 


2*'  Groupe  :  Accroissement  gemmaire  variable. 

Chilognatha  {ex  p.)  et  Colobognatha. 

Dans  ce  second  groupe,  l'accroissement  gemmaire  n'est 
pas  limité,  c'est-à-dire  qu'il  est  d'un  nombre  variable  de 
segments  et  de  paires  de  pattes,  pour  les  individus  d'une 
même  espèce. 

Le  métasome,  qui  sera  composé  d'un  nombre  souvent 
considérable  d'anneaux,  sera  différencié  du  prosome  par  la 
présence  des  pattes  copulatrices  dans  le  7®  segment. 

Ce  groupe  est  représenté  par  la  grande  famille  des  luli- 
daeei  celle  des  Polyzonidae.  11  écarte  les  lulidae  des  autres 
familles  du  sous-ordre  des  Ghilognathes  {Glomeridae,  Poly^ 
desmidae  et  Chordeumidae)  chez  lesquels  l'accroissement 
gemmaire  est  ffxe  et  les  rapproche  des  Polyzonides. 

IQe  SÉRIE.   —  TOME  X.  t25 


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DÉVELOPPEMENT   POST-EMBRYONNAlKE   DES   MYRIOPODES.       347 


•     RÉSUMÉ. 

Au  point  de  vue  tout  spécial  de  l'évolution,  les  Scolo- 
pendridae  constituent,  par  leur  développement  direct,  un 
groupe  isolé  autant  des  autres  Gliilopodes  que  des  Symphy- 
les,  des  Diplopodes  et  des  Pauropodes. 

Dans  le  groupe  à  développement  gemniaire,  les  Geophilù 
dae  forment  un  type  de  transition,  prêt  à  se  séparer  de  ce 
groupe. 

Les  autres  Chilopodes  (Scutigeridae  et  Lithobiidae)  ainsi 
que  les  Symphyles  forment  un  type  qui  ne  diffère  de  celui 
des  Diplopodes  que  par  le  développement  initial  acquis  au 
moment  de  la  naissance  et  provenant  du  développement  em- 
bryonnaire. 

Chez  les  Diplopodes,  l'accroissement  gemmaire,  non  li- 
mité, sépare  les  Iulidae  des  autres  familles  du  sous-ordre 
des  Ghilognathes  et  les  rapproche  des  Golobognathes. 


LES  POSTULATS  DE  LA  MÉCANIQUE.  349 

LES  POSTULATS  DE  LA  MÉCANIQUE 

ET  LES  ÉQUATIONS   DITES  DE  DIMENSIONS 

Par  iM.  P.  JUPPONT. 


I.  —  Les  équations  de  déflmtjox. 

La  précision  avec  laquelle  les  formules  mathématiques  expri- 
ment les  rapports  numériques  simples  ou  complexes  entre 
grandeurs  mesurables  les  rend  particulièrement  précieuses 
pour  la  représentation  des  phénomènes  physiques. 

Cette  traduction  concise  des  résultats  d'expérience  à  Taide 
des  symboles,  signes  et  règles  du  calcul,  que  Galilée  fut  l'un 
des  premiers  à  utiliser,  a  été  l'un  des  instruments  les  plus 
féconds  du  progrès  scientifique. 

Mais  la  mathématique  a  fait  mieux  encore  ;  par  sa  pénétra- 
tion dans  les  définitions  des  grandeurs,  elle  a  pernlis  de  repré- 
senter algébriquement  les  notions  fondamentales  en  fonction 
de  leurs  éléments  constitutifs;  et  le  rapprochement  de  ces  for- 
mules et  équations  les  unes  avec  les  autres  est  devenu  un  pro- 
cédé d'analyse  remarquable,  en  même  temps  que  la  réduction 
du  nombre  des  grandeurs  choisies  comme  base  des  définitions 
a  fourni  une  synthèse  progressive  des  faits  que  nous  savons 
exprimer  algébriquement. 

La  synthèse  ainsi  réalisée  devient  d'autant  plus  satisfaisante 
que  les  grandeurs  fondamentales  sont  plus  simples  et  que  leur 
noMihre  est  i)lus  petit;  et  hi  synthèse  sera  complète  si  nous 
réduisons  à  deux  le  nombre  des  grandeurs  simples  communes  à 


350  MÉMOIRES. 

toutes  les  définitions,  puisque  deux  est  le  minimum  de  termes 
que  puisse  comporter  une  relativité  ou  un  rapport. 

Si  ce  but  idéal  est  atteint,  nous  disposerons  alors  d'un  instru- 
ment critique  dont  l'acuité  et  la  précision  ne  sauraient  être 
dépassées  en  principe  par  aucun  autre  mode  d'investigation, 
puisqu'à  la  simplicité  absolue  des  constituants  s'ajoute  la 
rigueur  mathématique  de  la  définition  de  tous  les  composés 
que  les  deux  éléments  constitutifs  permettent  d'expliciter. 

La  science  classique  donne  actuellement  aux  grandeurs  mé- 
caniques et  physiques  trois  composants  :  la  masse  M  de  la  loi  de 
Galilée  ou  postulat  de  la  force,  la  longueur  L  et  le  temps  ï. 

Ces  grandeurs  dites  fondamentales  sont  en  même  temps  con- 
sidérées comme  absolues  et  comme  entièrement  indépendantes 
les  unes  des  autres,  de  sorte  que  si  notre  univers  avait  des 
dimensions  différentes,  la  masse  de  la  matière  ne  serait  pas 
changée. 

Ces  hypothèses  sont  la  base  du  système  G.  G.  S.  et  les  expres- 
sions mathématiques  qui  représentent  des  grandeurs  quel- 
conques en  fonction  M,  L  et  T  sont  dites  :  équations  de  dimen- 
sions. 

La  notion  de  dimension  remonte  au  début  du  dix-neuvièmo 
siècle. 

Pour  vérifier  les  résultats  du  calcul,  Fourier,  dans  sa  Théorie 
de  la  chaleur^,  attribua  une  dimension  à  chaque  grandeur,  en 
s'inspirant  du  principe  de  l'homogénéité  mathématique. 

Le  célèbre  géomètre  dit,  en  effet  :  «  Les  ternies  d'une  même 
équation  ne  pourraient  être  comparés  s'ils  n'avaient  pas  le 
même  exposant  de  dimension.  » 

C'est  à  l'aide  de  cette  donnée  féconde  que  Fourier  a  étudié  les 
expressions  dans  lesquelles  figurent  les  coefficients  calorifiques 
de  conductibilité  ainsi  que  la  capacité  calorifique  qu'il  représen- 
tait comme  suit  en  fonction  de  la  longueur,  du  temps  et  de  la 
température. 


1.  Mémoires  de  V Académie  des  sciences,  1811;  Théorie  analyti- 
que de  la  chaleur,  182 î;  Œuvres  de  Fourier,  publiés  par  G.  Dar- 
boux.  Paris,  18S8,  t.  I,  p.  137;  Théorie  de  la  chaleur,  160  à  163. 


Temps  1 

Tenipéialiire  0 

—  1 

—  1 

—  1 

—  1 

0 

—  1 

LES    POSTULATS   DE   LA   MÉGANIQUE.  351 

Longueur  L 

h  Conductibilité  spécifique —  1 

h  Conductibilité  superlicique —  2 

c  Capacité  de  chaleur  =  CD  (1).  .       —3 

Q,  représentant  la  quantité  de  chaleur,  lapplication  des  idées 
de  Fourier  donne  les  équations  de  dimensions, 

^'  -  LTO 


L2T0 
Q 


^~L30 


et  l'on  en  tire  les  relations 


h  zn  —■  c  znLh 
L  h 

C  zz:  k  — . 
Jlj" 


Les  recherches  théoriques  de  Fourier  ne  s'appliquent  qu'aux 
grandeurs  calorifiques  ;  la  chaleur  n'y  est  pas  liée  à  l'énergie 
et  ne  pouvait  l'être  à  cette  époque,  puisque  «  l'ouvrage  »  de 
Cyrnot  sur  la  Puissance  motrice  du  feu  est  de  1824  et  que 
l'équivalent  mécanique  de  la  chaleur  a  été  calculé  pour  la  pre- 
mière fois  par  Mayer  en  1842. 

La  généralisation  de  la  notion  de  dimension  n'a  pu  se  faire 
(ju'après  la  découverte  des  principes  de  la  thermodynamique  et 
la  mesure  mécanique  des  manifestations  de  l'électricité. 

Ce  sont  les  applications  de  la  dimension  aux  grandeurs 
électriques  qui  l'ont  vulgarisée,  et  elle  est  devenue  classique 

1.  c  capacilé  spécifique  pour  la  chaleur  (no  26)  et  I>,  densité  qui, 
pour  ce  géomèlre,  est  le  nombre  irunilé  de  poids  (jui  é({uivalent  au 
poids  de  l'unité  de  volume. 


352  MÉMOIRES. 

avec  le  traité  d'Eve rett  :  Les  Applications  du  système  d'unités 
C.  G.  S. 

Cet  ouvrage,  dont  le  manuscrit  fut  revu  par  Glerck  Maxwell 
et  le  professeur  G. -G.  Foster,  a  été  publié  en  1875,  sous  les 
auspices  de  la  Société  de  Physique  de  Londres. 

Modifié  et  complété  en  1879,  l'année  même  de  la  mort  de 
Maxwell,  ce  traité  parut  sous  le  nom  d'  «  Unités  et  constantes 
physiques  »,  titre  conservé  dans  les  éditions  ultérieures  et  les 
traductions  qui  en  ont  été  faites,  notamment  en  français,  en 
1888,  par  M.  Jules  Raynaud,  professeur  à  l'Ecole  supérieure  de 
télégraphie. 

C'est  dans  cet  ouvrage  que  l'on  a  appliqué  systématiquement, 
pour  la  première  fois,  les  symboles  et  les  opérations  de  la  mul- 
tiplication et  de  la  division,  aux  équations  qui  expriment  une 
relation  physique  en  fonction  de  la  masse,  de  l'espace  et  du 
temps. 

Dans  la  préface  de  son  ouvrage,  Everett  estime  que  les  avan- 
tages de  ce  mode  de  calcul  sont  démontrés  par  ses  applications 
à  la  solution  des  problèmes  les  plus  difficiles  sur  les  unités  ;  et 
il  ne  craint  pas  d'aborder  après  Maxwell  la  recherche  de  l'ex- 
pression physique  de  divers  coefficients  thermiques,  bien  qu'au- 
jourd'hui encore,  aucune  équation  ne  soit  adoptée  pour  la  repré- 
sentation physique  de  la  température. 

Dans  sa  Theo7^y  of  Heat,  Maxwell  avait  esquissé  une  très 
intéressante  étude  de  ces  coefficients,  qu'il  sait  être  des  gran- 
deurs et  non  de  simples  valeurs  numériques,  comme  on  le  dit 
trop  souvent,  par  suite  de  l'indécision  qui  subsiste  encore  sur 
la  définition  de  la  température  comme  grandeur  physique. 

Dans  les  essais  de  Maxwell  sur  la  signification  du  coefficient 
de  conductibilité  ou  conductibilité  spécifique  thermique,  la 
nature  physique  du  coefficient  est  logiquement  liée  aux  diverses 
définitions  de  la  quantité  de  chaleur,  c'est-à-dire  aux  hypo- 
thèses faites  sur  la  nature  de  la  chaleur. 

L'examen  de  cette  tentative  nous  permettra,  par  analogie,  de 
mieux  saisir  comment  le  coefficient  que  l'on  fait  actuellement 
intervenir  dans  les  lois  de  Newton  et  de  Coulomb  sont  intime- 
ment liées  aux  procédés  mis  en  oeuvre  pour  mesurer  la  matière 


LES   POSTULATS   DE   LA   MECANIQUE.  353 

OU  l'électricité  qui  figure  dans  la  formule  représentative,  de  la 
loi  de  l'inverse  du  carré  de  la  distance;  il  montrera,  en  outre, 
commentées  coefficients  peuvent  avoir  une  valeur  numérique 
ou  une  signification  physique  suivant  les  définitions  adoptées 
et  les  hypothèses  mécaniques  qui  interviennent  dans  les  égalités 
par  lesquelles  le  phénomène  décrit  est  lié  avec  la  grandeur 
dynamique  à  laquelle  on  le  rattache. 

Si  Q  est  l'unité  de  chaleur,  L  l'unité  de  longueur,  T  l'unité  de 
temps  et  6  l'unité  de  température,  l'expression  du  coefficient 
de  conductibilité  /j,  tel  qu'il  a  été  défini  par  Fourier,  est  repré- 
sentée par  Maxwell  à  l'aide  de  l'équation 

-  LLTei  • 

Pour  bien  marquer  que  les  termes  constitutifs  de  cette  rela- 
tion sont,  non  pas  des  nombres,  mais  les  grandeurs  auxquelles 
les  nombres  s'appliquent,  Maxwell  enfermait  entre  [  ]  les  sym- 
boles de  ces  grandeurs. 

Nous  ne  conserverons  pas  cette  précaution  graphique,  car 
il  est  entendu  que  dans  tout  ce  qui  va  suivre,  les  symboles 
MLTO,  etc.,  représentent  des  grandeurs  et  non  pas  des  nombres. 

Une  remarque  est  cependant  nécessaire  :  le  terme  équation 
de  dimensions  empoyé  par  Maxwell  est  impropre,  car  le  mot 
«  dimension  »  a  déjà  une  signification  très  répandue;  il  déter- 
mine les  composantes  de  l'espace,  longueur,  largeur,  hauteur  ; 
il  ne  saurait  s'appliquer  à  M  et  à  T  que  l'on  ne  peu,t  assimiler  à 
L;  c'est  pourquoi  j'ai  proposé  le  terme  équation  de  défînitioti. 
Cette  dernière  expression  a  l'avantage  de  ne  rien  préjuger  quant 
au  rôle  physique  ou  mathématique  des  grandeurs  qui  rentrent 
dans  l'expression;  il  en  indique  seulement  la  fonction  représen- 
tative, ce  qui  ne  saurait  donner  lieu  cà  une  confusion.  L'expres- 
sion «  équation  de  définition  »  me  paraît  également  préférable  à 
«  équation  physique  »  qu'Everelt  employa  pour  les  distinguer 
des  équations  numériques,  puisque  l'emploi  des  «  équations  de 
définition  »  peut  s'appliquer  aux  grandeurs  cinématiques  et 
mécaniques,  aussi  bien  qu'aux  grandeurs  physiques. 


354  MÉMOIRES. 

Pour  les  raisons  ci-dessus,  je  persisterai,  dans  ce  qui  suit,  à 
employer  l'expression  «  équation  de  définition  »  au  lieu  et  place 
d'  «  équation  de  dimensions  ». 


II.  —  Les  dimensions  des  grandeurs  thermiques 

ET   LA    MÉGANIQUE    CLASSIQUE. 

Dans  la  formule  qui  exprime  la  conductibilité  thermique  en 
fonction  des  grandeurs  fondamentales,  donnons  successivement 
à  la  chaleur^  avec  Maxwell,  les  diverses  définitions  connues  : 

Si  la  chaleur  est  considérée  comme  équivalente  à  l'énergie 

mécanique 

Q  tO  travail  f  ML^T-^, 
on  a  : 

ML^T-^      Mli 
^     LT9      ^'P^' 

C'est  la  mesure  dynamique  de  la  conductibilité. 
Si  Q  est  la  chaleur  qui  élève  de  un  degré  centigrade,  l'unité 
de  masse,  d'après  Maxwell, 

MO       M 

dans  cette  hypothèse,  h  est  indépendant  de  6. 

C'est  la  mesu7^e  calorimétyHque  de  h. 

Si  Q  est  la  chaleur  qui  élève  de  un  degré  centigrade  l'unité  de 
volume,  toujours  d'après  Maxwell, 

^ LT6  ^  T  ' 

C'est  la  mesuj^e  thermométtHque  de  h,  qui,  comme  la  mesure 
calorimétrique,  est  indépendante  de  6. 

(*)  Le  signe  =|=  exprime  l'équivalence  et  non  l'égalité  njalhéma- 
tique. 


LES  POSTULATS  DE  LA  MÉCANIQUE.  355 

Si  l'on  pose  en  principe  que  /{  dépend  de  la  constitution  phy- 
sique des  corps,  ces  trois  expressions  doivent  être  équivalentes, 
sinon  la  thermométrie  serait  contradictoire  à  la  calorimétrie  et 
à  la  thermodynamique,  et  l'on  doit  avoir  : 

TH  "^  LT  "^  T  ^^^ 

La  mécanique  classique  ne  peut  interpréter  ces  équations, 
puisqu'elle  ne  connaît  pas  l'expression  de  6  en  fonction  de 
M,  L  et  T. 


III.  —  Les  définitions  des  grandeurs  thermiques 

ET   4C   LA   MÉGANIQUE   NATURELLE    ». 

A  diverses  reprises,  j'ai  entretenu  l'Académie  des  résultats 
que  l'on  obtient  en  considérant  les  lois  de  Kepler,  non  plus 
comme  des  équations  numériques,  mais  comme  des  lois  physi- 
ques contenant  la  mesure  de  la  matière  et  notamment  de  la 
masse  gravifique,  en  fonction  de  la  longueur  et  de  la  durée,  élé- 
ments distincts  de  la  masse  qui  cesse  d'être  une  grandeur  irré- 
ductible. J'ai  exposé  comment  cette  idée  m'avait  conduit  au 
système  à  deux  grandeurs,  c'est-cà-dire  à  la  représentation  de 
toutes  les  grandeurs  physiques  en  fonction  de  l'espace  et  du 
temps.  Par  une  coïncidence  remarquable,  cette  conséquence 
d'hypothèses  physiques  se  trouve  être  d'accord  avec  les  induc- 
tions philosophiques  les  moins  contestées  depuis  Kant,  savoir: 
que  l'espace  et  le  temps  considérés  comme  principes  de  nos 
connaissances  a  priori,  sont  les  deux  formes  pures  de  nos 
intuitions  sensibles,  dans  lesquelles  nous  trouvons  tout  ce  qui 
peut  être  découvert  par  l'expérience. 

Mes  hypothèses  sont  ainsi  d'accord  avec  la  philosophie  pour 
représenter  tous  les  phénomènes  en  fonction  des  deux  seuls 
éléments  universels,  le  temps  et  l'espace. 

La  Mécanique  naturelle,  c'est-à-dire  la  mécanique  basée 
sur  les  définitions  physicfues  résultant  des  lois  de  Kepler,  va 


356  MÉMOIRES. 

nous  fournir  la  vérilication  de  l'équivalence  des  formules  (a), 
vérification  que  la  mécanique  classique  ne  peut  tenter. 

Je  rappelle  que  la  définition  de  la  masse  est  M  ={=  7^:^  et  que 

la  température  6  =|=  L^T-^. 

Remplaçons  M  par  sa  valeur  dans  chacune  des  expressions, 
nous  avons  : 

X2  X36  '  T^  LT  "^  T  ' 

qui,  simplifications  faites,  nous  donne  : 

Gomme  L^T-^  =]=  6  pour  la  «  mécanique  naturelle  »,  on  a  : 

L2      L2      L2 

^  T  r^i3  T  Tjr  • 

Les  deux  premières  expressions  sont  identiques  et  identifient 
la  conductibilité  dynamique  à  la  conductibilité  calori^nétrique. 
C'est  là  un  premier  résultat  en  faveur  de  mes  hypothèses. 

Gomment  expliquer  l'équivalence 


Remarquons  que 


L2      L2 
Ï3  "^  T  • 


L2      L2    J_ 


comme 


X2  T  j^3 

et  exprime  une  densité,  nous  trouvons  que 


c'est-à-dire  que  les  conductibilités  calori7nétriques  et  dynami- 
ques sont  à  la  conductibilité  thermo^nétrique  dans  le  rapport 


LES   POSTULATS   DE   LA   MÉGANIQUE.  o"')? 

de  la  densité  du  corps  observé;  cette  relation  résulte  des  dé  lii- 
tions  successives  de  la  quantité  de  chaleur  par  rapport  à  la 
masse  et  au  volume  des  corps,  dont  la  température  a  varié  d'un 
degré. 

La  mécanique  naturelle  nous  fournit  donc  directement  l'iden- 
tification des  équations  de  dimensions  qui  résultent  des  trois 
définitions  que  Maxwell  a  données  de  la  conductibilité  ther- 
mique. 

Remarquons  que  les  trois  valeurs  de  la  conductibilité  four- 
nissent les  égalités 

— t-  (1) 

T^e  '  LT  ^^ 

T36  ^  T  *  ^  ^ 

De  l'équation  (1)  nous  tirons 

ce  qui  confirme  mon  hypothèse  sur  les  dimensions  de  la  tempé- 
rature. 

M 

Il  est  bon  de  remarquer  que  h  =|=  =-^  est  homogène  à  la  vis- 

cosité,  ce  qui  permet  des  inductions  sur  le  mécanisme  de  la 
conductibilité  calorifique. 

Les  équations  (2)  et  (3)  ont  besoin  d'être  corrigées  pour  être 
interprétées,  car  Maxwell  ne^  tient  pas  compte  de  la  spécificité 
du  corps  pour  la  chaleur. 

Pour  une  substance  donnée,  nous  avons  (c  étant  la  capacité 

calorifique  de  l'unité  de  masse  et  c^  la  capacité  calorifique  de 

l'unité  de  volume)  : 

cM  t  c,V . 

Gomme  M  =z  Vc? 

cNd  t  c,V 

cd^  c^.  (b) 


358  MÉiMOlRES. 

La  chaleur  spécifique  volumique  d'un  corps  donné  est  égale 
au  produit  de  la  chaleur  spécifique  massique  multipliée  par  la 
densité. 

Introduisons  cette  remarque  dans  les  formules  (1),  (2),  (3)., 

nous  avons  : 

ML  ^  cM 

ï^+r7f  ^^'' 

Lf  t  ^1  TjT  2  bis 

ML_^      L2 


L'équation  1  bis  nous  donne  : 


U 


^fc-.  (4) 

Si  l'on  admet  que  c  est  un  nombre,  on  retrouve  l'hypothèse 

L'équation  2  bis  nous  donne  : 

Mf—UfdLK  (5) 

Nous  retrouvons  la  définition  de  la  masse  par  rapport  k  d  et 
L',  comme  conséquence  de  l'équation  (b)  qui  relie  c  et  c,. 
L'équation  3  bis  nous  donne  : 

ot     ^ 


CiLT2 


Cj  =  cd 
ot      ^ 


Or.  -  =  L^ 

doù  et^,  =  ^.  (6) 


LES   POSTULATS   DK   LA    MÉCANIQUE.  350 

Pour  que  (4)  et  (6)  soient  homogènes,  il  faut  que  c  soit  mi 
nombre. 

Cette  dernière  condition  relative  à  c  peut  être  explicitée  plus 
directement  encore;  en  divisant  L  par  et  en  multipliant  par  T 
les  deux  membres  de  3  bis,  nous  trouvons  : 


Comme 


il  en  résulte  : 


I  '  1 

c^  —  cd,       ôt^     et      Tfq'fd, 


Si  l'on  admet  que  c  est  un  nombre,  on  retombe  sur  l'interpré- 
tation physique  "que  nous  donnons  aux  lois  de  Kepler,  c'est- 
à-dire  que  l'on  retrouve  la  définition  de  la  masse,  placée  à  la 
base  de  la  «  mécanique  naturelle  ». 


IV.  —  Les   dimensions  des  grandeurs  électriques  et   la 

MÉGANIQUE   GLASSIQUE. 

Examinons  maintenant  les  conséquences  auxquelles  la  mé- 
canique classique  aboutit  lorsquelle  représente  les  grandeurs 
électro-statiques  et  électro-magnétiques,  en  fonction  de  M,  L 
et  T,  par  l'identification  de  la  force  de  Galilée  aux  efforts  qui  se 
développent  entre  charges  électriques.  Le  résultat  de  l'applica- 
tion du  postulat  de  la  force  de  Galilée  aux  masses  électriques 
fournit  les  équations  dites  de  dimensions  des  grandeurs  élec- 
triques dont  les  principales  sont  rappelées  dans  le  tableau 
ci-dessous  : 


360 


MEMOIRES. 


Nature  de  la  grandeur. 


Quantité.  . 
Intensité. . 
Capacité.  . 
Potentiel . . 

Résistance 


Dans 

le  système 

électro-statique. 

mI  lIt"' 

mI  lI  t"' 

L 

mI  lI  t"' 

j  _i  j 

Dans 
le  Système 
électro-magné- 
tique. 


4  4 

M  2   L2 

d         -l         -1 

M2  L2  T 


13-2 

M2  L2  T 


L  T- 


Rapport 
E.S. 
E.M. 


LT-1  =r  V 

L2T-2  —  1)2 

1 
L-i  T  =  - 

V 


On  remarque  tout  d'abord  que  l'on  obtient  des  expres- 
sions mathématiques  différentes,  suivant  que  la  grandeur 
est  fournie  par  les  masses  électro-statiques  m  et  la  loi  Coulomb 

F  zz:      ^  ,  ou  par  laction  des  pôles  magnétiques  F  =:  -r-^,  ces 

pôles  étant  fournis  par  les  phénomènes  électro-dynamiques  et 
mesurés  par  les  lois  d'Ampère  et  de  Faraday. 

Pour  interpréter  ces  formules,  on  a  pris  l'habitude  d'écrire 
les  formules  fondamentales  de  l'électricité  sous  la  forme  : 

1  pp' 


F  =  — •  — r-j-  en  electro-statique  et  F 


U 


en  électro-ma- 


gnétique, et  l'on  dit  : 

h  est  le  pouvoir  inducteur  spécifique,  ja  la  perméabilité  ma- 
gnétique, et  l'on  ajoute,  si/j  =  1  le  pouvoir  inducteur  spécifique 
est  un  nombre,  la  mesure  est  faite  dans  le  système  électro-sta- 
tique; si  [A  :=  1,  la  perméabilité  magnétique  est  un  nombre;  la 
mesure  est  faite  dans  le  système  électro-magnétique. 

Cette  coriection  a  posieriotH  des  formules  de  l'électrotechni- 
que  n'est  pas,  logiquement,  satisfaisante. 

En  effet,  le  rapport  des  grandeurs  électro-statiques  aux  gran- 
deurs électro-magnétiques  correspondantes  est  fonction  d'une 
vitesse  que  l'expérience  a  montré  être  la  vitesse  de  la  lumière; 
l'intensité  électro-statique,  par  exemple,  n'est  donc  pas  un  mul- 
tiple numérique  de  l'intensité  électro-magnétique,  mais  bien  une 
grandeur  physique  différente  ;  il  en  résulte  que  la  nature  de  la 


LES  POSTULATS  DE  LA  MÉCANIQUE.  361 

grandeur  varie  avec  le  système  de  mesure,  ce  qui  est  inad- 
missible. 

L'introduction  des  coefficients  h  et  \).  (dont  les  dimensions 
sont  inconnues),  corrige  mathématiquement  la  contradiction, 
^qui  demeure  entière  au  point  de  vue  physique,  car,  dans  l'infi- 
nité d'hypothèses  qui  remplissent  la  condition  k'j.'zz-^^  l'ex- 

périence  ne  permet  pas  de  choisir  celle  qui  satisfait  aux  exigen- 
ces de  la  réalité. 

D'autres  solutions  a  posteriori  ont  été  proposées.  M.  Peliat  a 
indiqué  l'usage  de  coefficients  complémentaires,  MM.  Vaschy 
et  Brylinski  préfèrent  l'emploi  d'une  quatrième  unité;  mais 
jusqu'à  présent  toutes  ces  hypothèses  se  heurtent  à  l'objection 
grave  qu'elles  ne  sont  que  des  corrections  en  quelque  sorte 
métaphysiques,  d'une  contradiction  physique  indiscutable. 

D'autre  part,  si  l'on  examine  les  équations  de  dimensions  en 
elles  mêmes  et  qu'avec  Everett  on  les  considère  comme  des 
équations  physiques,  il  est  permis  de  se  demander  la  significa- 
tion objective  qui  correspond  par  exemple  au  symbole  L""  qui 
est  la  sj    d'une  longueur. 

Il  ne  s'agit  pas  ici ,  de  la  valeur  numérique  de  la  y  clu 
nombre  exprimant  la  valeur  de  la  longueur  expérimentale 
observée,  par  exemple,  la  distance  qui  sépare  deux  corps  élec- 

Q2 

trisés  sur  lesquels  on  vérifie  la  loi  de  Coulomb  F  =:  — .  Dans 

Li 

l'équation  qui  nous  occupe  \Jl  est  la  v  de  cette  grandeur, 
puisque,  par  convention,  on  applique  les  opérations  mathémati- 
ques aux  grandeurs  et  non  à  leur  qualificatif  numérique. 

La  formule  yL  ne  peut  avoir  aucune  signification  objective, 
car  yL  X  y L  =  L  voudrait  dire  que  la  longueur  est  une 
grandeur  réductible  en  des  élémenls  autres  que  des  longueurs 
infinitésimales;  que  par  exemple  elle  est  formée  de  deux  autres 
grandeurs  L"*  dont  la  combinaison,  par  multiplication,  four- 
nit la  longueur;  comme  la  combinaison  multiplicative  de  deux 
longueurs  fournit  une  surface  dont  la  mesure  est  le  produit  des 
mesures  des  deux  éléments  constitutifs  de  cette  surface. 

Cette  conséquence  est  contradictoire  avec  la  notion  de  lon- 

10e  SÉRIE.   —  TOME   X.  20 


362  MEMOIRES. 

gueur,  puisque  la  combinaison  additive  de  deux  longueurs 
fournit  une  autre  longueur  qui  est  le  total  des  deux  éléments 
ajoutés  bout  à  bout,  et  inversement,  le  partage  d'une  longueur 
en  tronçons,  quelle  que  soit  leur  mesure  ultime,  ne  saurait 
fournir  que  des  éléments  linéaires  de  même  nature  que  la  lon- 
gueur dont  ils  dérivent. 
De  plus,  comme  les  opérations  arithmétiques 

V^L,  v/l,  ^L...,  etc., 

sont  mathématiquement  en  nombre  infini,  il  serait  possible 
de  constituer  la  longueur  au  moyen  d'une  infinité  d'éléments 
de  nature  différente.  Que  les  géométries,  à  dimensions  fraction- 
naires qui  en  résultent,  soient  logiquement  possibles,  au  même 
titre  que  les  géométries  à  plus  de  trois  dimensions,  c'est  certain  ; 
mais  qu'elles  correspondent  à  une  réalité  spaciale,  c'est  beau- 
coup moins  probable. 

1  3 

Ces  éléments  purement  abstraits  L"",  L'',  etc.,  ne  correspon- 
dent, en  effet,  à  aucune  réalité  objectivable  ;  ce  sont  des  abstrac- 
tions créées  de  toute  pièce  par  l'imagination  scientifique,  comme 
la  Sirène  ou  les  Muses,  par  l'imagination  poétique,  les  méta- 
phores, les  images  par  l'imagination  littéraire. 

On  ne  peut  donc  attribuer  le  caractère  représentatif  de  la 

réalité  aux  expressions  L%  L"*,  etc.,  puisque  l'hypothèse  opé- 
ratoire d'où  ces  éléments  résultent,  fournit  des  grandeurs  con- 
tradictoires avec  la  nature  ultra  simple  de  la  longueur,  dont 
le  dernier  élément  est  le  point  géométrique  linéaire  à  une 
dimension. 
La  même  critique  s'applique  avec  plus  de  force  encore  aux 

13  5 

termes  M%  M%  M%  etc.,  puisque  pour  la  mécanique  classique 
la  masse  est  par  définition  une  grandeur  simple,  constante, 
absolue,  par  conséquent  irréductible  et  indépendante  de  l'espace 
et  du  temps,  dans  lesquels  elle  demeure  invariable,  quelles  que 
soient  les  circonstances  dans  lesquelles  la  matière  manifeste 
ses  propriétés  énergétiques. 


LES  POSTULATS  DE  LA  MÉGANIQUE.         363 

Cette  observation  pourrait  s'appliquer  au  temps  ;  mais,  chose 
digne  de  remarque,  le  temps  T  ne  figure  dans  les  équations  de 
Maxwell  qu'avec  des  exposants  entiers;  et  bien  que  nous  ne 
sachions  pas  à  quoi  peut  correspondre  un  terme  T^,  au  point 
de  vue  objectif,  la  difficulté  philosophique  n'est  pas  la  même 

4  4 

que  pour  les  termes  en  L'*  ou  M^,  puisque  la  représentation 
du  rôle  du  temps  a  pour  grandeur  ultra  simple  la  notion  de 
temps  elle-même,  et  non  une  composante  de  la  grandeur  fon- 
damentale, comme  cela  se  produit  pour  la  masse  et  la  longueur. 


V.  —  Les  définitions  des  grandeurs  électriques 

ET   LA  «  méganique   NATURELLE.  » 

La  «  Mécanique  naturelle  »,  qui  a  pour  base  les  lois  de 
Kepler,  considérées  comme  lois  physiques*,  définit  directement 
la  masse  M  =t=  L^T-'  à  l'aide  de  la  loi  :  le  cube  des  grands 
axes  est  pi^opoiHionnel  au  carré  des  temps  des  révolutions, 
tandis  que  la  loi  des  aires  L^  zz  b'T,  fournit  une  mesure  nou- 
velle de  la  matière  à  laquelle  j'ai  donné  le  nom  de  quantité 
q  t  L^T-^ 

.M      ^  .^  ,  .,  ^  L^  L  ^  L2 

Le  rapport  —  est  une  vitesse  ;etM=t=  —  7TT=t=7pr.'î?- 

Ces  données  essentielles  rappelées,  examinons  maintenant 
comment  la  mécanique  naturelle  interprète  les  équations  de 
dimension  des  grandeurs  électriques. 

Dans  ces  équations  remplaçons  M  par  L^ï-^;  nous  trouvons  : 


1.  Voir  à  ce  sujet  mes  différentes  études  :  Mémoires  de  l'Académie 
des  Sciences...  de  Toulouse,  1901,  pp.  5^06  et  suiv,;  1903,  pp.  177  et 
suiv.;  1904,  pp.  33  et  suiv. 


364 


MEMOIRES. 


Nature  de  la  grandeur. 


Quantité.  . 
Intensité.  . 
Capacité.  . 
Potentiel. . 
Résistance 


Dans 

le  système 

électro-statique. 


L3  T-2 
L3T-S 

L 
L2T-2 
L-iT 


Dans 
le  système 
électro-magné- 
tique. 


L2T-1 
L2  T-2 
L-1  T2 
L3T-3 
LT-i 


Rapport 


V 
V 


On  remarque  de  suite  que  la  quantité  électro-statique  est  équi- 
valente à  la  masse  de  la  loi  de  Kepler  et  que  la  quantité  électro- 
magnétique est  homogène  à  la  quantité  de  la  loi  des  aires. 

Nous  retrouvons  en  électricité  deux  définitions  de  la  quantité 
d'électricité,  homogènes  aux  deux  définitions  de  la  matière  qui 
nous  ont  été  fournies  par  les  lois  astronomiques.  La  première 
de  ces  définitions,  «  la  masse  »,  est  universelle  et  s'applique  à 
toutes  les  niasses  matérielles  ainsi  qu'à  toutes  les  charges  élec- 
triques. Cette  équivalence  de  la  loi  de  Kepler  L^  =:  ôT^,  à  la  loi 
de  Coulomb  n'est  pas  surprenante,  puisque,  dans  les  deux  cas, 
on  mesure  les  conditions  du  mouvement  d'une  manifestation 
énergétique,  périodiquement  reproduite  sur  une  courbe  du 
deuxième  degré,  suivant  les  lois  du  mouvement  uniformément 
varié. 

La  deuxième  définition,  la  quaiitité,  est  spécifique,  c'est- 
à-dire  spéciale  à  chaque  manifestation  énergétique,  puisque  la 
constante  de  la  loi  des  aires  varie  avec  chaque  planète. 

Comment  peut-il  y  avoir  analogie  entre  la  quantité  de  matière 
et  la  quantité  électro-magnétique  ? 

Aujourd'hui,  la  réponse  à  cette  question  est  devenue  facile. 

La  base  de  l'électro-magnétisme  est  l'action  d'un  feuillet 
magnétique  sur  un  pôle  placé  en  son  centre.  Or,  il  est  admis, 
sinon  démontré,  que  le  courant  électrique  est  produit  par  le 
déplacement  des  ions  négatifs,  dans  le  circuit  conducteur,  siège 
du  courant,  qui,  au  cas  particulier  du  feuillet  magnèlique,  est 


LES  POSTULATS  DE  LA  MÉGANIQUE.  365 

un  circuit  fermé  entourant  le  pôle  magnétique  sur  lequel  il  agit. 

Là  encore,  nous  retrouvons  l'image  du  phénomène  astrono- 
mique, et  l'on  comprend  qu'il  puisse  y  avoir  une  analogie  entre 
la  loi  des  aires  de  la  gravitation  et  la  surface  balayée  par  le 
vecteur  qui  réunit  un  ion  négatif  au  pôle  magnétique  autour 
duquel  il  se  déplace. 

Gomme,  d'autre  part,  l'ion  paraît  être  constitué  par  un  noyau 
central  électropositif,  entouré  d'ions  électro-négatifs  beaucoup 
plus  petits  que  lui,  par  conséquent  que  la  molécule,  conformé- 
ment aux  spéculat'ujns  des  philosophes,  paraît  être  une  image 
réduite  de  notre  système  solaire,  la  mécanique  naturelle  prend 
un  caractère  synthétique  qu'on  ne  peut  négliger. 

En  effet,  les  grandeurs  fondamentales 

MtL^T-2 

qui  sont  la  traduction  de  faits  astronomiques,  donnent  exacte- 
ment les  mêmes  principes  aux  mouvements  astronomiques,  à 
la  mécanique  et  aux  phénomènes  électriques. 

VI.  —  Quelques  avantages  de  la  «  mécanique  naturelle  ». 

Mais  la  mécanique  naturelle,  outre  qu'elle  n'a  pas  besoin 
des  postulats  de  la  force,  offre  une  autre  supériorité  sur  la  mé- 
canique classique  :  c'est  qu'en  dehors  de  la  masse,  mesure 
universelle  de  la  matière,  elle  fournit  une  mesure  qualitative 
q  fL^T-*  qui  différencie  les  diverses  sortes  de  molécules  les 
unes  des  autres,  comme  la  valeur  du  coefficient  de  la  loi  des 
aires  caractérise  individuellement  les  planètes. 

La  mécanique  naturelle  servira  donc  plus  logiquement  que  la 
mécanique  classique  toutes  les  branches  de  l'énergétique,  et 
notamment  la  chimie,  la  thermodynamique,  l'étude  de  la  diffu- 
sion, etc. 

Un  exemple  précisera  cette  conséquence. 

M       U- 

La  viscosité  a  pour  dimension  ;;.  =|=  YTr^  t  ^  '•>  comme  la  densité 


366  MÉMOIRES. 

d  f  ML-3,  il  en  résulte  que  le  rapport  -^-tfTpTFtTfrt^i  la 

grandeur  q  =f=  L^T-*,  n'est  pas  utilisée  par  la  mécanique  classi- 
que comme  mesure  des  propriétés  spécifiques  de  la  matière; 
cette  mécanique  ne  peut  donc  expliquer  la  portée  générale  du 

rapport  ^ . 

La  mécanique  naturelle  montre  au  contraire  de  façon  directe, 
que  ce  rapport  est  une  mesure  indirecte  de  q  de  chaque  molé- 
cule, c'est-à-dire  une  caractéristique  du  mouvement  propre 
des  ions  négatifs  autour  de  leur  noyau  central. 

J'avais  indiqué  il  y  a  quelques  années  l'homogénéité 

F  t  MLT--2 1  L*T-4 1  i^  X  g  t  ^1^'. 

La  remarque  précédente  sur  le  rapport  ^  =  ^  nous  permet 
d'écrire  F  :=  ^,  c'est-à-dire  de  fournir  l'expression  de  la  force 

(m 

transmise  par  un  milieu,  en  fonction  des  propriétés  physiques 
de  ce  milieu. 

Ce  résultat  est  d'ailleurs  en  concordance  avec  ce  fait  que  la 
conductibilité  thermique  est  elle-même  une  fonction  directe  de 
la  viscosité. 

La  mécanique  naturelle  permet  donc  de  s'affranchir,  dans 
certaines  limites,  de  la  condition  de  Vinaltérance^  des  milieux 
qui  pèse  d'autant  plus  lourdement  sur  les  interprétations  de  la 
mécanique  classique  que  ses  postulats  ne  tiennent  pas  compte 
du  rôle  des  milieux. 

Cette  insuffisance  des  ."principes  classiques  permet  de  com- 
prendre pourquoi  l'idée  de  masse  absolue  est  en  contradiction 
avec  l'expérience  dans  laquelle  Kauffmann  a  montré  que  la 
masse  des  ions  varie  avec  leur  vitesse  et  peut  devenir  infinie  si 
les  électrons  sont  au  voisinage  de  la  vitesse  de  la  lumière,  soit 
300000  kilomètres  par  seconde. 


1.  P.  Juppont,  Essai  d'Energétique  (Mémoires  de  l'Académie  des 
sciences  de  Toulouse,  1901,  p.  235). 


LES  POSTULATS  DE  LA  MÉGANIQUE.  367 

Les  bases  de  la  mécanique  naturelle  ne  sont  pas  en  contra- 
diction avec  ce  résultat,  puisqu'elles  font  de  la  masse  une  gran- 
deur relative  M  f  L^T-*,  fonction  du  temps  et  de  l'espace,  c'est- 
à-dire  des  conditions  du  mouvement  qui  sont  essentiellement 
dépendantes  du  milieu  dans  lequel  il  se  produit. 

Cette  remarque  conduit  à  rechercher  si  l'électricien  a  le  droit 
de  corriger  la  formule  de  la  force  électro-maguétique  F'  zz  h"  F 
(ou  la  force  observée  F'  =  h"  force  théorique  F  d'accord  avec 
les  postulats  classiques)  en  disant  que  pour  certaines  vitesses  v 
des  ions,  la  masse  des  ions  augmente,  ce  qui  revient  à  écrire 
M'  =t=K"  M,  en  faisant  h"  plus  grand  que  l'unité. 

Pour  solutionner  cette  importante  et  délicate  question,  exa- 
minons les  principes  suivis  par  le  mécanicien  dans  l'étude  des 
mouvements  réels  des  corps  dans  l'atmosphère.  L'artilleur 
constate  que  le  projectile  n'obéit  pas  à  la  loi  de  Galilée,  mais  il 
n'écrit  ni  F'  ^zh"  F,  ni  son  équivalent  FTzz/i"  Mv,  v  étant  la 
vitesse  initiale  du  projectile. 

Il  attribue  à  la  présence  de  l'air  la  production  d'une  force  rd- 
sistanteF" ,Qi\\QGY\{¥T -¥"  T -—Mv' ,v' èid.ni  la  vitesse  obser- 
vée. Le  mécanicien  écrit  donc  :  impulsion  initiale  FT,  moins 
impulsion  résistante  F"  T,  mesure  la  quantité  de  mouvement 
observée  Mv'. 

Il  assimile  ainsi  la  résistance  de  l'air,  qui  est  le  total  de  l'ac- 
tion d'un  ensemble  de  tourbillons,  à  une  force  unique  passant 
par  le  centre  de  gravité  du  projectile. 

L'image  mathématique,  du  fait,  devient 

(F  —  F")  T  —  Uv'-, 
c'est-à-dire,  si  F  —  F"  =  F' , 

Ce  mode  de  correction  a  pour  résultat  de  mettre  les  données 
de  l'expérience  d'accord  avec  le  postulat  de  la  force;  mais  il  ne 
prouve  pas  la  rigoureuse  exactitude  de  l'invariabilité  de  la 
masse,  car  la  formule  de  balistique  couramment  admise  est 
loin  de  représenter  exactement  les  faits  qui  se  produisent  dans 
le  mouvement  d'un  projectile  à  travers  l'atmosphère. 


368  MÉMOIRES. 

Il  est,  en  effet,  une  autre  représentation  plus  satisfaisante  des 
mouvements  d'un  projectile  dans  l'air,  c'est  d'écrire 

FT  =  Mv'  +  Smv" , 

c'est-à-dire:  l'impulsion  initiale  est  à  chaque  instant  égale  à  la 
quantité  de  mouvement  du  projectile  {Mv')  augmentée  de  la 
somme  des  quantités  de  .mouvements  des  molécules  déplacées, 
au  moment  considéré  {^mv"). 

C'est  évidemment  un  mode  de  représentation  plus  physique 
et  une  image  plus  exacte  des  faits. 

Mais  Sm,  c'est-à-dire  le  décompte  des  molécules  déplacées, 
est  impossible  ;  et  la  vitesse  v"  de  chacune  d'elles  ne  peut  être 
appréciée. 

L'insuffisance  de  nos  moyens  d'investigation  a  évidemment 
empêché  l'adoption  de  cette  expression  des  phénomènes  balis- 
tiques. 

Si  l'on  remarque  que  v"  est  une  fonction  de  î;',on  peut  écrire 
v"zza!;',  le  coefficient  numérique  a  étant  une  fonction  incon- 
nue de  î;'  ;  on  a  par  conséquent 

FT=:(M  +  Sam)i?'. 

Cette  forme  représentative  des  effets  balistiques  est  particu- 
lièrement intéressante,  car  si  nos  sens  ne  nous  révélaient  pas 
la  présence  de  l'air,  indispensable  à  notre  existence,  et  si  nous 
postulions  la  loi  de  Galilée  pour  les  corps  graves,  nous  serions 
amenés  à  interpréter  les  expériences  sur  les  projectiles  en  di- 
sant :  «  la  masse  d'une  balle  varie  avec  sa  vitesse  de  translation, 
comme  celle  des  électrons  dans  les  expériences  de  Kaufmann, 
puisque  le  produit  am  est  une  fonction  de  la  vitesse  v'.  » 

La  différence  d'échelle  entre  les  deux  phénomènes  par  rap- 
port à  nos  sens  ne  nous  permet  pas  d'apprécier  s'il  y  a  identité 
dans  les  deux  cas  et  par  conséquent  de  conclure  que  l'ion  en- 
traîne d'autant  plus d'éther  que  sa  vitesse  est  plus  grande;  mais 
la  certitude  que  le  projectile  déplace  de  l'air  et  l'impossibilité  où 
nous  sommes  de  savoir  si  l'électron  entraine  de  l'éther  permet- 
t:nt  de  comprendre  pourquoi,  guidé  par  ses  sens, l'artilleur  cor- 


LES  POSTULATS  DE  LA  MÉCANIQUE.  869 

rige  la  formule  de  la  force  par  un  procédé  que  l'électricien  ne 
peut  pas  employer. 

L'un  et  l'autre  adoptent  l'interprétation  la  plus  commode  dans 
l'état  actuel  des  principes  de  la  mécanique. 

Cette  commodité  aboutit  à  des  résultats  contradictoires;  et, 
pas  plus  l'un  que  l'autre,  ces  résultats  ne  nous  permettent  d'af- 
firmer ou  de  nier  l'exactitude  du  postulat  de  la  force.  La  con- 
naissance que  l'expérience  nous  donne  de  la  réalité  totale  est 
trop  insuffisante  dans  les  deux  caspourautoriser  une  induction 
rigoureuse  susceptible  d'être  érigée  en  principe  absolu. 

Nous  savons  que  les  lois  de  Kepler,  prises  pour  définition  de 
la  mesure  de  la  matière  et  la  «  mécanique  naturelle  »  qui  en 
découle,,  lèvent  la  contradiction  et  homogénéisent  les  grandeurs 
électriques  à  des  grandeurs  mécaniques. 

Si  les  résultats  que  nous  avons  énoncés  n'étaient  pas  suffi- 
sants pour  justifier  nos  hypothèses,  il  est  d'autres  moyens  de 
démontrer  que  les  lois  de  Kepler  ne  peuvent  être  de  simples 
formules  numériques. 

La  mécanique  classique  nous  dit  que  dans  les  deux  lois  de 
Kepler  : 

L^t^'T, 

les  coefficients  b  et  b'  sont  des  nombres. 
Divisons  ces  équations  membre  à  membre,  nous  trouvons  : 

ce  qui  veut  dire  que  le  temps  est  réductible  à  l'espace. 

Cette  conséquence  absurde  suffit  pour  faire  rejeter  les  hypo- 
thèses classiques. 

Il  est  facile  de  prouver  que  le  coefficient  b  de  la  loi  L"»  f  ^T^ 
est  bien  la  masse  de  Galilée. 

La  formule  de  la  force  de  Galilée  est  : 

FfMLT-V  (1) 


370  MÉMOIRES. 

La  deuxième  loi  de  Kepler  est  : 

L3  f  &T2 . 

De  cette  dernière  expression  nous  tirons  :  T-^  f  &L-^ 
Portons  cette  valeur  de  T-^  dans  la  définition  de  Galilée, 
nous  trouvons  : 

^^§-  («) 

Pour  la  mécanique  classique,  puisque  b  est  un  nombre,  la 
formule  (c)  n'a  pas  de  signification  possible. 

Pour  la  mécanique  naturelle,  qui  fait  <??=(=  M  par  définition,  la 
formule  (c)  devient  immédiatement 

Ft^>  (2) 

c'est-à-dire  la  loi  de  Newton,  la  loi  de  la  gravitation  universelle, 
et  identifie  de  façon  évidente  la  masse  terrestre  à  la  masse  pla- 
nétaire, en  même  temps  qu'elle  montre  l'impossibilité  d'intro- 
duire un  coefficient  physique  dans  la  loi  de  Newton,  [sous 
peine  de  détruire  l'homogénéité  de  l'équation  (2)  avec  ,1a  force 
de  Galilée  (1)  et  les  lois  de  Kepler. 

Si  on  admet,  pour  les  mêmes  raisons,  que  la  troisième  loi  de 
Kepler  donne  la  définition  de  la  quantité  q  =t=  L^T-\  on  trouve, 
ainsi  qu'il  a  été  déjà  rappelé,  le  rapport  mécanique 

M  .  L  . 

qui  est  en  harmonie  avec  les  résultats  des  deux  systèmes  de 
mesures  électriques. 

Non  seulement  la  mécanique  naturelle  jette  une  lumière 
assez  vive  sur  les  équations  de  définitions  des  grandeurs  ther- 
miques, alors  que  la  mécanique  classique  ne  peut  les  interpréter, 
mais  encore  elle  explique  les  deux  systèmes  d'équations  de 
définitions  des  phénomènes  électriques,  et,  par  ses  hypothèses 
fondamentales,  lève  les  contradictions  entre  le  système  élec- 
tro-statique et  le  système  électro-dynamique,  contradiction  que 
la  mécanique  classique  est  impuissante  à  supprimer. 


LES  POSTULATS  DE  LA  MECANIQUE. 


371 


VII.  —  Vérification  expérimentale  de  la  définition 


Nous  ajouterons  une  dernière  vérification  à  toutes  les  précé- 
dentes. 
La  définition  de  la  masse  de  Kepler  peut  se  mettre  sous  la 

M  t  ^,  t  Y  •  T  "^  ^^  • 

La  constante  ^,  de  la  loi  des  aires  pour  chaque  planète,  est  liée 
à  la  masse  par  une  vitesse  linéaire  v  qui,  en  l'espèce,  ne  peut 
être  que  la  vitesse  moyenne  de  translation  de  chaque  planète 
sur  son  orbite. 

Si  nos  hypothèses  sont  exactes,  le  produit  qv,  pour  chaque 
planète,  doit  être  une  constante  comme  le  rapport  L^T-^. 

Les  traités  d'astronomie  ne  donnant  pas  la  valeur  des  cons- 
tantes de  la  loi  des  aires,  nous  avons  fait  le  calcul  de  la  valeur 
L'T-*  de  chaque  planète  et  de  la  vitesse  moyenne  annuelle  sur 
son  orbite,  en  tenant  compte  de  l'excentricité,  d'après  les  don- 
nées de  y Anmmii^e  du  Bureau  des  longitudes. 

Les  résultats  de  ces  calculs  sont  contenus  dans  le  tableau 
suivant  : 


Noms 
des  planètes. 

M  =  L3T-» 

?  =  L>T-. 

l  -  "- 

Produits  q  v 
L»T-«  X  LT-« 

Mercure.  . . 

1 

0,608830 

1,59007 

0,9681 

Vénus 

1,000001 

0,850413 

1,17575 

0,999873 

La  Terre. . . 

1 

1 

0,999985 

0,999985 

Mars 

0,999998 

1,22898 

0,810213 

0,995736 

Jupiter.  . . . 

1,000916 

2,27832 

0,43827 

0,99852 

Saturne.  . . 

1,00024't 

3,08332 

0,32353 

0, 99754 i 

Uranus 

1,000004 

4,37287 

0,228134 

0,99759 

Neptune.  . . 

1,000021 

5,48176 

0,18240 

0,99087 

372  MÉMOIRES. 

Ces  résultats  montrent  que  nos  hypothèses  sur  la  masse  et  la 
quantité  gravifiques,   sur  leur  signification  physique  et  sur 

M 
leur  rapport  —,  sont  numériquement  d'accord  avec  les  faits, 

puisque  la  constance  du  produit  L^T-*  X  LT-^  est  sensible- 
ment du  même  ordre  que  la  constance  deL^T-^. 

Il  semble  que  les  excentricités  qui  varient  de  0,0089  pour 
Neptune  à  0,2056  pour  Mercure  soient,  indépendamment  de 
l'inexactitude  de  la  mesure  des  éléments  de  chaque  planète,  la 
cause  principale  des  écarts  que  l'on  constate  entre  les  valeurs 
calculées  de  la  constante  de  chacune  des  planètes  si  le  milieu 
interplanétaire  ne  joue  aucun  rôle.] 


VIII.  —  Conclusions. 

Tout  ce  qui  précède  tend  à  démontrer  que  le  postulat  de  la 
force,  c'est-à-dire  la  notion  de  masse  considérée  comme  une 
grandeur  absolue  et  indépendante,  doit  être  abandonnée  dans 
les  phénomènes  physiques.  Le  postulat  classique  ne  peut  et  ne 
doit  être  appliqué  que  dans  le  cas  où  les  corps  se  déplacent  dans 
le  vide  absolu,  c'est-à-dire  dans  l'hypothèse  irréalisable  de  la 
suppression  complète  des  milieux. 

La  Mécanique  naturelle  basée  sur  la  transformation  des 
lois  de  Kepler,  en  définitions  physiques,  a  donc  l'avantage  : 

10'  D'être  d'accord  avec  la  philosophie  qui  ne  reconnaît  que 
l'espace  et  le  temps  comme  principes  de  nos  connaissances 
a  priori  ;  et  suivant  le  langage  de  Kant,  comme  formes  pures 
de  nos  intuitions  sensibles,  dans  lesquelles  nous  trouvons  tout 
ce  qui  peut  être  découvert  par  l'expérience; 

2»  De  montrer  que  la  mécanique  classique  supprime  le  rôle 
des  milieux  et  ne  peut  s'appliquer  aux  phénomènes  physiques  ; 

30  D'être  d'accord  avec  les  expériences  de  Kaufmann; 

40  De  lever  toute  contradiction  entre  les  mesures  électro-sta- 
tiques et  électro-dynamiques  ; 

5°  De  donner  une  dimension  à  la  température; 

60  De  s'appliquer  aux  phénomènes  de  la  masse  pesante  et  à 


LES   POSTULATS   DR    LA.   xMÉCANIQUE.  373 

ceux  de  l'éther  électro-optique;  par  suite,  d'offrir  la  possibilité 
d'une  synthèse  mécanique  qui  embrasse  tous  les  faits  expéri- 
mentaux mesurables  dans  l'espace  et  le  temps. 

Cette  synthèse,  qui  aboutit  à  des  équations  de  déflnition  sim- 
ples et  facilement  interprétables,  est  d'autant  plus  acceptable, 
que  la  définition  de  la  masse  M  ^  L^T--  fournit  directement  la 
notion  de  potentiel  v^  ^  ML— ^  =(=  L^T— 2,  et  par  suite  la  définition 
générale  de  l'énergie  \V  =1=  Mv^  "f  M^L-*,  d'où  l'on  déduit  les 
deux  définitions  classiques  de  la  force  : 

W      ML      M^ 

L    '    T2    '   L2  ' 

La  dynamique  est  logiquement  liée  à  la  statique. 

On  place  l'énergie  à  la  base  de  la  mécanique  *,  et  si  l'on  pos- 
tule le  principe  de  la  conservation  de  l'énergie,  la  force,  au  lieu 
d'être  une  notion  «  première,  irréductible,  indéfinissable...  dont 
nous  avons  l'intuition  directe  2  »,  devient,  ce  qui  me  parait  plus 
exact,  une  grandeur  essentiellement  secondaire,  complexe, 
éphémère,  abstraite  et  définissable,  puisqu'elle  est  la  dérivée 
du  travail  par  rapport  au  chemin  sur  lequel  il  est  dépensé  ou 
produit;  ce  qui  est  d'ailleurs  conforme  à  l'intuition  de  la  force, 
que  nous  donne  l'expérience  musculaire,  lorsque  nous  voulons 
soulever  un  poids  ou  déplacer  un  corps  quelconque. 

Au  point  de  vue  de  l'enseignement,  enfin,  la  mécanique  natu- 
relle a  l'avantage  considérable  de  remplacer  des  postulats  abs- 
traits par  des  définitions  déduites  de  faits  simples  et  indiscutés, 
et  par  suite  de  donner  à  la  science,  des  principes  généraux, 
expérimentaux,  plus  facilement  saisissables  et  compréhensi- 
bles que  des  inductions  rigoureusement  indémontrables. 

1.  P.  Juppont,  Critique  de  la  Mécanique  classique  (Mémoires  de 
l'Académie  des  Sciences...  de  Toulouse,  1903,  pp.  177  et  suiv.). 

2.  Poincaré,  La  Science  et  Vhijpothèse,  p.  129. 


SÉANCE  PUBLIQUE  ANNUELLE 

DU  DIMANCHE  4  DÉCEMBRE  1910 


DISCOURS   D'OUVERTURE 


Par  m.  MAUREL 


PRESIDENT 


Il  est  du  sort  des  Sociétés  savantes,  et  c'est  même  là  un 
de  leurs  plus  heureux  privilèges,  d'être  en  voie  incessante 
de  rénovation.  Grâce  au  renouvellement  successif  de  leurs 
membres,  renouvellement  qui  les  rajeunit  au  fur  et  à  mesure 
qu'elles  sont  menacées  de  vieillir,  elles  jouissent  de  cet 
avantage  inestimable  de  pouvoir  compter  leur  existence  par 
des  siècles,  et  néanmoins  de  conserver  toute  l'ardeur  de  la 
jeunesse  et  l'activité  féconde  de  l'âge  mûr. 

Gomme  les  organismes  vivants,  auxquels  on  les  compare 
souvent,  elles  naissent  et  se  développent.  Mais  plus  favo- 
risées que  ces  derniers,  grâce  à  leur  rénovation,  elles  résis- 
tent mieux  au  temps,  si  bien  qu'elles  semblent  pouvoir  le 
braver.  La  nôtre  est  née  depuis  plus  d'un  siècle  et  demi,  et 
cependant  ses  productions  littéraires  et  scientifiques  prou- 
vent bien  qu'elle  est  loin  d'avoir  vieilli.  Mais  cette  dif- 
férence dans  la  durée  n'est  pas  la  seule  que  les  Sociétés 
savantes  présentent  avec  ces  organismes.  Tandis  que,  pour 
ces  derniers,  les  éléments  nouveaux  qui  entrent  dans  leur 
constitution,  perdent  toute  individualité  et  qu'ils  sont  aussitôt 
confondus  dans  le  tout  commun,  pour  les  Sociétés  savantes, 
leurs  membres,  en  y  entrant,  ne  perdent  rien  de  leur  per- 


376  SÉANCE   PUBLIQUE. 

sojinaiilé,  ils  n'abdiquent  aucun  de  leurs  droits  et  ne  cèdent 
rien  de  ce  qui  touche  à  leur  préférence  ou  à  leurs  senti- 
ments. 

Toutefois,  ce  n'est  pas  en  vain  qu'ils  participent  à  la  vie 
intime  de  celte  Société.  Celle-ci,  par  son  caractère,  par  ses 
traditions  et  aussi  jpar  ses  personnalités  dominantes,  exerce 
toujours,  quoique  souvent  à  leur  insu,  une  certaine  action 
sur  eux  :  c'est  l'influence  inévitable  du  milieu.  Mais,  d'autre 
part,  cette  action  est  réciproque,  et  ce  membre  souvent,  à 
son  tour,  impressionne  la  Société  dans  le  sens  de  son  carac- 
tère, de  ses^ qualités  et  cela  parfois  d'une  manière  telle  que 
cette  influence  lui  survit.  La  Société,  tout  en  restant  au  fond 
la  même,  subit  donc  ces  influences  successives,  et  conserve 
les^ traces  plus  ou  moins  profondes  de  ces  différentes  impres- 
sions; et  comme  les  divers  membres  qui  se  succèdent  sont 
forcément  de  leur  temps,  la  Société  elle  même,  sans  vieillir, 
reste  adaptée  à  son  milieu.  C'est  là  l'heureux  résultat  de  sa 
constante  rénovation.  Elle  reste  jeune  et  de  son  temps  parce 
qu'elle  se  renouvelle. 

Or,  l'année  qui  vient  de  s'écouler  est  une  de  celles  pen- 
dant lesquelles  ce  travail  de  rénovation  s'est  accompli  de  la 
manière  la  plus  intense  :  six  de  ses  membres  l'ont  quittée, 
et  elle  compte  dix  membres  nouveaux. 

Heureusement  que  parmi  les  membres  qui  manqueront  à 
nos  séances,  trois  ne  nous  ont  quittés  que  pour  prendre  une 
situation  meilleure;  aussi,  tout  en  les  regrettant,  l'Aca- 
démie ne  peut  qu'applaudir  à  leur  succès. 

M.  Renault  n'a  passé  que  trois  années  (1907)  parmi  nous; 
mais  déjà  nous  avions  pu  apprécier  ses  solides  qualités;  et 
l'Académie  le^lui.^avait  témoigné  en  le  nommant  son  secré- 
taire adjoint.  M.  Renault  a  été  appelé  à  Paris  pour  professer 
au  collège  RoUin.  L'Académie  est  convaincue  qu'il  saura, 
dans  ce  nouveau  milieu,  se  faire,  par  l'étendue  de  ses 
connaissances  et  son  caractère,  une  place  aussi  honorable 
que  celle  qu'iljs'était  acquise  parmi  nous.  Sur  sa  demande, 
l'Académie,  dans  sa  dernière  séance,  l'a  compris  parmi  ses 
membres  correspondants.  Elle  est  heureuse  de  pouvoir  con- 


DISCOURS  d'ouverture.  377 

tinuer  à  le  compter  parmi  les  siens,  et  elle  lui  envoie  ses 
meilleurs  souhaits  de  santé  et  d'avenir. 

M.  Roule  nous  appartenait  depuis  1897.  Ses  travaux  de 
zoologie  générale,  et  notamment  ceux  qui  concernent  les 
reptiles  et  les  poissons,  Pavaient  placé  depuis  quelques 
années  parmi  les  zoologistes  les  plus  estimés,  et  ils  l'avaient 
désigné  pour  occuper  la  chaire  du  Muséum  national  qui  lui 
a  été  confiée. 

M.  Roule  est  encore  jeune;  et  l'autorité  qu'il  a  déjà  acquise 
en  zoologie  ne  fera  sûrement  que  grandir  dans  ce  haut 
enseignement.  L'Académie,  heureuse  de  l'avoir  compté 
parmi  les  siens,  lui  envoie  ses  félicitations  et  l'assure  de  son 
plus  durable  souvenir. 

M.  Mathias  est  des  nôtres  depuis  1896.  Mais  sa  participa- 
tion à  notre  vie  académique  ne  s'apprécie  pas  par  sa  durée. 
Il  a,  en  eflet,  marqué  son  passage  parmi  nous  d'une  ma- 
nière toute  particulière. 

Presque  dès  son  entrée,  en  1900,  il  fut  nommé  secrétaire 
adjoint;  et  vous  devez  vous  souvenir  avec  quel  zèle  et  quelle 
compétence  il  en  remplit  les  ("onctions.  Aussi,  à  la  mort  de 
notre  regretté  secrétaire  perpétuel,  M.  Roschach,  en  1909, 
l'Académie  ne  crut  pouvoir  mieux  faire  que  de  le  lui  donner 
pour  successeur;  et  c'est  dans  ces  nouvelles  fonctions  qu'il 
s'est  fait  dans  l'Académie  une  place  tout  à  fait  exceptionnelle. 
Je  crois  inutile  de  rappeler  devant  vous  le  soin  qu'il  mettait 
à  nous  rendre  compte  de  notre  volumineuse  correspondance 
scientifique  et  aussi  du  dévouement  qu'il  déployait  quand  il 
s'agissait  de  la  vie  scientilique  ou  des  intérêts  de  l'Aca- 
démie. 

Mais  les  travaux  de  M.  Mathias  sur  le  magnétisme  ter- 
restre avaient,  depuis  quelques  années,  appelé  l'attention  de 
l'Autorité  sur  lui;  et  elle  a  tenu  à  lui  confier  un  service  qui 
lui  permettra  de  continuer  ses  importantes  recherches.  Elle 
l'a  appelé  à  diriger  l'observatoire  de  Clermont  Ferrand,  en 
lui  confiant  en  même  temps  la  chaire  de  physique  de  cette 
Faculté. 
Le  départ  de  M.  Mathias  est  une  grande  perte  pour  l'Aca- 

IQe   SKRIE.   —   TOME   X.  27 


378  SÉANCE   PUBLIQUE. 

demie.  Aussi,  se  rappelant  tous  les  services  qu'il  lui  a 
rentliis,  elle  a  jugé  qu'elle  ne  pouvait  pas  se  contenter,  en 
s'en  tenant  aux  règlements,  de  placer  M.  Mathias  parmi  ses 
membres  correspondants,  et,  par  un  vote  unanime,  elle  lui 
a  conféré  le  litre  de  secrétaire  perpétuel  honoraire,  en 
témoignage  de  sa  reconnaissance. 

Mais,  Messieurs,  ces  trois  membres  de  l'Académie  n'ont 
fait  que  s'éloigner  de  nous;  et  tout  en  regrettant  leur  départ, 
nous  ne  pouvons,  je  l'ai  dit.  que  nous  réjouir  avec  eux  de 
leur  avancement.  Mais  il  en  est  autrement  des  trois  autres 
membres  qui  nous  ont  quittés. 

L'Académie  a  eu  le  regret,  en  effet,  pendant  cette  année, 
de  perdre  deux  de  ses  membres  correspondants  :  le  D'"  Bastié, 
de  Graulhet  (Tarn),  et  le  D'  Débeaux,  de  Toulouse. 

Le  D""  Bastié  nous  appartenait  depuis  trente  ans;  il  avait 
été  nommé  correspondant  après  nous  avoir  communiqué  plu- 
sieurs travaux  sur  le  Languedoc,  comprenant  son  histoire, 
sa  géologie,  son  agriculture,  son  archéologie  et  son  hygiène. 
Depuis,  du  reste,  il  fut  plusieurs  fois  notre  lauréat;  et, 
malgré  son  grand  âge,  il  n'a  cessé  de  travailler  et  souvent 
pour  nous. 

M.  Débeaux,  pharmacierf  principal  de  l'armée  en  retraite, 
déjà  lauréat  de  notre  Académie,  avait  reçu  le  titre  de  mem- 
bre correspondant  en  1899,  après  un  travail  important  sur 
la  Flore  agenaise  qui  lui  valut  de  grands  éloges  de  notie 
directeur  actuel,  M.  Fabre,  qui  fut  le  rapporteur  des  prix 
de  cette  année. 

L'Académie  envoie  aux  familles  de  ces  deux  regrettés  col- 
lègues, avec  les  regrets  que  lui  inspire  leurs  pertes,  Tassu- 
rance  de  ses  sentiments  de  sincère  condoléance. 

Enfin,  tout  dernièrement,  un  nouveau  deuil,  celui  du 
D'"  Jules  Basset,  est  venu  attrister  l'Académie.  Ce  regretté 
collègue  nous  appartenait  depuis  1869;  il  comptait  donc 
quarante  et  un  ans  d'académicien.  Assidu  à  nos  séances 
jusqu'à  ces  dernières  années,  il  avait  pris  une  part  active  à 
ses  travaux. 
Sa  modestie  lui  avait  fait  refuser  plusieurs  fois  les  hon- 


DISCOURS  d'ouverture.  379 

neurs  de  la  présidence;  et  ce  ne  fut  que  sur  les  instances 
réitérées  de  quelques  uns  d'entre  nous  qu'il  entra  au  Bureau 
en  1895.  Il  fut  notre  directeur  pendant  deux  années  et 
occupa  le  fauteuil  de  la  présidence  pendant  les  deux  années 
suivantes,  en  1897  et  1898.  Enfin,  en  1907,  il  devint  membre 
libre. 

En  1909,  lorsque  l'Académie  eut  Theureuse  idée  d'ofirir 
un  souvenir  à  ceux  de  ses  membres,  quand  ils  compteraient 
quarante  ans  d'académicien.  Basset  fit  partie  de  la  première 
promotion;  et  il  put  comprendre  que  l'estime  que  l'Académie 
avait  pour  lui  n'était  pas  étrangère  à  la  décision  qu'elle 
avait  prise. 

Il  a  laissé  dans  nos  mémoires  plusieurs  travaux  impor- 
tants. Tels  sont  ceux  sur  Le  rhu7natisme  pulmonaire; 
Uart  de  faire  des  grands  hom^nes;  Vart  de  procréer  les 
sexes  à  volonté;  La  question  des  tours  et  de  l'assistance 
temporaire  aux  filles- mères;  La  contagion  de  la  tuber- 
culose, et  enfin  L'évolution  de  la  littérature,  des  sciences 
et  des  arts  pendant  le  dix-7ieuvième  siècle. 

Dans  toutes  ses  publications,  outre  la  connaissance  appro- 
fondie du  sujet  et  une  documentation  puisée  aux  premières 
sources,  on  trouve  toujours  le  mot  propre,  la  mesure  dans 
Texpression,  et  en  môme  temps  la  correction  et  l'élégance 
de  la  phrase. 

Mais  sans  rien  enlever  à  ses  travaux  scientifiques,  c'est 
encore  plus  par  ses  qualités  d'académicien  que  par  ses  pro- 
ductions que  J.  Basset  a  marqué  sa  place  [)armi  nous, 
et  que,  pour  faire  un  retour  vers  ce  que  je  disais  en  com- 
mençant, qu'il  a  laissé  la  trace  de  son  passage. 

Tous,  en  effet,  à  ce  point  de  vue,  nous  avons  pu  apprécier 
sa  parfaite  urbanité,  l'aménité  de  son  caractère  et  la  cour- 
toisie qu'il  savait  mettre,  quand  il  avait  a  exposer  ou  à 
défendre  ses  opinions. 

C'est  à  ces  qualités  dominantes  de  Basset  que  l'Académie 
rend  hommage  encore  une  fois.  Elles  resteront  attachées 
à  son  souvenir. 

L'Académie  adresse  à  sa  compagne,  à  son  fils,  à  sa  fille 


380  SÉANCE   PUBLIQUE. 

et  à  tous  les  siens,  avec  Fassnrance  de  la  grande  estime 
qu'elle  professait  pour  notre  regretté  collègue,  l'expression 
de  ses  vives  sympathies 

Enfin,  Messieurs,  depuis  notre  dernière  séance,  un  nou- 
veau deuil,  que  l'Académie  sent  vivement,  est  venu  la 
frapper.  Elle  a  perdu  son  secrétaire  particulier,  qui  depuis 
trente-un  ans  avait  su  alléger  assez  toutes  les  fonctions  du 
Bureau,  pour  que  leur  seule  charge  paraissait  être  de  les 
accepter. 

Darnaud  a  succombé  à  une  affection  implacable,  jeudi 
soir,  à  dix  heures,  au  moment  où  nous  levions  la  dernière 
séance.  Malgré  ses  souffrances,  il  n'a  cessé  de  s'occuper 
de  notre  Académie,  si  bien  que  le  jour  même  de  sa  mort  il 
demandait  les  diplômes  de  nos  lauréats  pour  les  compléter. 
Observateur  scrupuleux  de  nos  règlements  et  soucieux 
de  conserver  nos  traditions,  il  savait,  avec  beaucoup  de 
discrétion  et  de  tact,  nous  les  indiquer,  quand  il  voyait  que 
nous  pouvions  les  oublier.  Son  exactitude  pour  tout  ce  qui 
faisait  partie  de  ses  obligations  n'a  pas  été  mise  en  défaut 
une  seule  fois  pendant  les  trente-une  années  qu'il  nous  a 
appartenu.  Aussi,  par  ces  solides  qualités,  correction,  ponc- 
tualité et  scrupuleuse  honnêteté,  Darnaud  avait-il  conquis 
l'estime  et  la  sympathie  de  tous  les  membres  de  l'Académie 
et  surtout  de  ceux  qui  ont  passé  à  son  Bureau.  Sa  mort  est 
une  véritable  perte  pour  nous. 

En  ce  qui  me  concerne,  après  l'avoir  vu  à  l'œuvre  depuis 
plus  de  vingt  ans,  j'avais  conçu  pour  lui  une  véritable 
affection;  aussi  est-ce  de  tout  cœur  que  je  rends  hommage  à 
toutes  ses  qualités  qui  sont  celles  d'une  nature  d'élite  et  qui 
ont  fait  de  lui  un  homme  et  un  fonctionnaire  accomplis. 

L'Académie  adresse  à  sa  mère  et  à  sa  compagne,  qui  si 
souvent  l'aida  dans  ses  fonctions  de  secrétaire,  l'assurance 
de  sa  sympathie  et  de  ses  sentiments  de  sincère  condoléance. 
Messieurs,  l'Académie  a  eu  cette  année  à  renouveler 
une  partie  importante  de  son  Bureau.  Il  est  vrai  que  sur 
ces  six  membres,  trois  lui  restent  à  des  titres  différents. 
Notre  bibliothécaire,  M.  Crouzel,  conserve  ses  fonctions, 


DISCOURS  d'ouverture.  381 

et  nous  espérons   que  nous  pourrons  pendant   longtemps 
encore  bénéficier  de  sa  grande  compétence. 

Le  baron  Desazars  de  Montgailhard,  notre  directeur,  va 
prendre  le  fauteuil  de  la  présidence  en  apportant  à  ces 
fonctions  l'autorité  incontestée  que  lui  donne  sa  situation 
dans  le  monde  littéraire  et  que  justifie  l'étendue  ainsi  que 
la  variété  de  ses  connaissances. 

Notre  ancien  Président  va  prendre  les  fonctions  de  Tréso- 
rier perpétuel;  et  il  remercie  l'Académie  de  cette  marque 
d'estime. 

Enfin  M.  Fabre  entre  au  Bureau  comme  Directeur,  et 
l'Académie  sait  qu'elle  peut  compter  sur  son  zèle  et  son 
dévouement. 

Il  reste,  pour  compléter  le  Bureau,  à  nommer  notre 
Secrétaire  perpétuel  et  notre  Secrétaire  adjoint,  ce  qui  aura 
lieu  bientôt. 

Tels  sont  les  disparus,  soit  de  notre  Académie,  soit  de 
son  Bureau;  et  si  pour  tous  leur  absence  doit  nous  inspirer 
de  légitimes  regrets,  les  lois  de  la  rénovation,  par  contre, 
nous  permettent  d'envisager  l'avenir  avec  confiance. 

Dix  membres  nouveaux,  en  effet,  sont  entrés  cette  année 
à  l'Académie  ;  et,  elle  l'espère,  ils  lui  apporteront,  outre  le 
talent  qui  a  motivé  leur  nomination,  l'activité  scientifique 
sur  laquelle  elle  a  compté  en  les  choisissant. 

L'Académie  a  reçu  cette  année  quatre  membres  titulaires  : 

1**  Dans  la  sous-section  de  zoologie,  M.  Girard,  professeur 
à  rÉcole  vétérinaire; 

2°  Dans  la  sous- section  de  chimie,  M.  Hérisson-Laparre, 
ingénieur  en  chef  des  Poudres  et  directeur  de  la  Poudrerie; 

3°  Dans  la  classe  des  inscriptions  et  belles-lettres,  M.  Thou 
verez,  professeur  à  la  Faculté  des  lettres; 

4*^  Dans  la  sous-section  des  sciences  médicales,  M.  le  pro- 
fesseur Jeannel,  doyen  de  la  Faculté  de  médecine. 

Enfin,  parmi  ses  correspondants  locaux,  elle  a  admis 
dans  la  classe  des  sciences  : 

1°  Le  docteur  Bardior,  professeur  i\!j:vô<j:o  à  la  Faculté  de 
médecine  de  Toulouse; 


382  SÉANCE  PUBLIQUE. 

2°  Le  docteur  Baylac,  également  professeur  agrégé  à  la 
même  Faculté; 

3**  M.  Dop,  chargé  cFun  cours  à  la  Faculté  des  sciences; 

4®  M.  Gros,  inspecteur  primaire; 

5*^  M.  Lala,  maître  de  conférences  à  la  Faculté  des  scien- 
ces; 

6"^  M.  Mengaud,  professeur  au  lycée. 

Au  nom  de  l'Académie,  je  renouvelle  à  ses  nouveaux 
membres  titulaires  et  correspondants  les  souhaits  de  bien- 
venue. 

Tous  sont  dans  la  plénitude  de  leur  talent.  Beaucoup  sont 
encore  jeunes,  et  l'Académie  compte  sur  eux  pour  lui  appor- 
ter leur  féconde  collaboration,  de  telle  manière  que,  grâce 
à  eux  toujours  de  plus  en  plus  active,  et  son  heureuse 
influence  grandissant  de  plus  en  plus,  elle  puisse  voir  passer 
les  années  sans  en  sentir  le  poids,  et,  par  la  continuité  de 
sa  rénovation,  toujours  rester  jeune. 


ÉLOGE   DE   M.   JOSEPH   PAGET.  383 


ÉLOGE  DE  M.  JOSEPH  PAGET 


DOYEN  HONORAIRE  DE  LA  FACULTÉ  DE  DROIT  DE  L'UNIVERSITE  DE  TOULOUSE 


Par  Henri  DUMERIL. 


La  Franche-Comté,  écrivait  Francis  Wey,  il  y  a  quelque 
soixante-dix  ans,  «  est  la  terre  classique  des  géomètres,  des 
mathématiciens,  des  artilleurs  et  des  ingénieurs^  ».  Et  vous 
trouverez  la  même  observation  répétée  dans  maint  ouvrage 
sur  les  provinces  françaises.  11  faudrait  ajouter  que  cette 
terre  de  mathématiciens  est  aussi  une  terre  de  jurisconsul- 
tes. Nous  ne  nous  en  étonnerons  pas  si  nous  considérons, 
avec  Leibniz,  que  la  science  du  droit  a  d'étroites  analogies 
avec  les  sciences  dites  exactes  par  excellence.  C'étaient  des 
Comtois,  les  TouUier,  les  Proudhon,  les  Oudot,  les  Valette, 
les  Bugnet,  bien  d'autres  encore  parmi  les  commentateurs 
les  plus  connus  de  nos  codes  et  les  professeurs  les  plus  dis- 
tingués de  nos  écoles  de  droit.  C'est  du  Jura  que  nous  est 
venu,  avec  toutes  les  qualités  de  sa  race  et  du  terroir  natal 
—  qualités  qu'il  ne  dépouilla  jamais,  —  le  regretté  confrère 
à  la  mémoire  duquel  je  rends  aujourd'hui,  en  votre  nom,  un 
sincère  mais  insuffisant  hommage^. 

1.  Les  Français  peints  par  eux-mêmes,  Province,  1841,  t.  II,  p.  37. 

2.  Je  dois  remercier  ici  tous  ceux  qui  m'ont  fourni  des  renseigne- 
ments pour  la  présente  notice,  et  plus  spécialement  M.  Louis  Moli- 
nié,  conseiller  à  la  cour  d'appel  de  Rouen,  gendre  de  M.  Paget,  et 
M.  l'abbé  Louis  Perrad,  son  neveu  :  je  me  suis  plus  d'une  fols  con- 
tenté de  les  copier,  n'espérant  pas  pouvoir  mieux  dire. 


384  SÉANCE    PUBLIQUE. 

François-Joseph  Paget  naquit  à  Morbier  fJura)  le  25  dé- 
cembre 1837,  pendant  la  nuit  de  Noël.  Situé  dans  une  des 
régions  les  plus  montagneuses  et  les  plus  pittoresques  de  la 
France,  Morbier  n'est,  en  réalité,  qu'un  faubourg  supérieur 
de  Morez,  et  Morez  lui-même,  à  quelques  lieues  de  Saint- 
Claude,  son  chef-lieu  d'arrondissement,  est  «  un  des  centres 
les  plus  actifs  de  la  France  entière,  une  ruche  de  travail- 
leurs répandant  par  le  monde  les  produits  de  l'ingéniosité 
de  ses  enfants*  ».  L'horlogerie,  toutes  sortes  d'industries  à 
demi-patriarcales,  en  petits  ateliers  plutôt  qu'en  usines, 
entretiennent  chez  les  populations  de  ces  bourgades,  au 
milieu  d'une  nature  aussi  inclémente  que  grandiose,  une 
vie  industrielle  intense. 

Les  Paget  étaient  de  modestes  terriens,  venus  peut  être, 
mais  en  tout  cas  depuis  fort  longtemps,  depuis  des  siècles, 
de  Normandie,  fortement  enracinés  en  ce  coin  des  hauts 
plateaux  jurassiens^.  Estimés  pour  leur  honnêteté  et  leur 
cordialité,  arrivés  par  un  travail  opiniâtre  à  cette  petite 
aisance  qui,  au  village,  permet  de  vivre  sur  sa  terre  et  de  sa 
terre,  ils  comptaient  au  nombre  des  notables  de  l'endroit. 

Le  père  des  cinq  garçons  dont  François-Joseph  était  le 
cadet  avait  été  un  des  héros  obscurs  de.  l'épopée  napoléo- 
nienne ;  il  avait  fait  sept  ans  de  dures  campagnes  en  Espa- 
gne, puis,  avec  Soult,  autour  de  Toulouse.  Libéré  vers  les 
Gent-Jours^,  riche  seulement  de  rhumatismes  contractés  aux 


1.  Ardouin  Dumazet,  Yoyage  en  France,  23e  série,  ch.  xix. 

2.  Le  nom  de  Paget  est  répanda  en  Angleterre;  c'est  notamment  le 
nom  de  famille  des  marquis  d'Anglesey.  M.  Paget  se  disait  en  plai- 
santant leur  parent.  Lors  de  la  saison  des  bains,  lorsqu'il  allait 
rejoindre  ses  enfants  à  Dieppe,  où  son  gendre  était  président,  souvent 
des  Anglaises  s'informaient  des  origines  et  de  la  famille  de  ce 
M.  Paget,  de  Toulouse. 

3.  Voici  ce  que  dit,  dans  son  éloquente  brièveté,  le  certificat  qui  lui 
fut  délivré  plus  tard  et  auquel  sont  épinglées  deux  médailles  :  «  Entré 
au  25e  jéger  le  20  avril  1808.  Conscrit  de  1809.  Caporal  le  5  avril  1813. 
Prisonnier  de  guerre  le  31  mars  1813  en  Espagne.  Rentré  le  2  avril  1813. 
Campagnes  1809, 1810,  1811,  1812,  1813  en  Espagne.  » 

]V[.  Paget  avait  ce  certificat  encadré,  tout  près  de  son  bureau,  dans 
son  cabinet  de  travail  de  l'Union, 


ÉLOGE   DE   M.  JOSEPH   PAGET.  385 

bivacs,  il  vint  reprendre  an  pays  les  mancherons  de  la 
charrue  et  la  grande  blouse  de  cultivateur.  Il  y  choisit  comme 
compagne  une  fine  et  avisée  paysanne  de  sa  commune. 
Joseph  devait  hériter  des  qualités  distinctives  de  l'un  et  de 
Taulre. 

Les  cinq  enfants  grandissaient  ensemble.  Le  plus  jeune, 
le  matin,  chaussait  ses  sabots  et  accompagnait  un  des  aînés 
à  réglise  neuve  de  Morbier,  où  le  premier  baptême  célébré 
avait  été  le  sien.  On  passait  ensuite  en  classe.  Le  maître 
d'école  avait  pour  lui  des  soins  particuliers;  bien  plus  tard, 
membre  du  jury  d'agrégation  de  droit,  son  ancien  élève 
devait  s'échapper  toute  une  journée  de  Paris  pour  aller 
revoir,  dans  un  village  de  Seine-et-Oise,  le  vieil  instituteur. 
Le  soir,  on  rentrait  au  Vallon,  où  habitaient  les  parents. 

Or,  il  arriva  qu'un  jour...  Mais  ici  il  me  faut  revenir  quel- 
que peu  en  arrière  pour  mieux  faire  comprendre  l'événe- 
ment le  plus  décisif  peut-être  de  la  carrière  de  notre  con- 
frère. Au  dix- huitième  siècle,  trois  de  ses  grands-oncles 
maternels  avaient  quitté  Morbier  pour  aller  chercher  fortune 
à  Saint-Domingue.  Ils  s'y  étaient  établis  et  avaient  prospéré 
comme  colons.  Survint  la  tourmente  qui  bouleversa  l'île  lors 
de  la  Révolution  française.  Un  des  frères  Mayet-Tissot  — 
deux  avaient  disparu  on  ne  sait  comment —  regagna,  en 
compagnie  de  nièces,  la  métropole.  Après  l'avoir  parcourue 
en  divers  sens,  il  se  fixa  aux  portes  de  Toulouse.  Il  y  acheta 
une  vaste  propriété,  eut  une  maison  en  ville  et  une  large 
part  des  actions  du  moulin  du  Bazacle. 

Une  de  ses  nièces  entra  par  son  mariage  dans  la  famille 
Duportal.  Il  en  maria  une  autre  à  François  PageL  un  neveu 
qu'il  avait  mandé  du  Jura  et  à  qui  il  laissa  la  majeure  partie 
de  sa  fortune.  Celui-ci  menait,  sous  la  Restauration  et  la 
monarchie  de  Juillet,  la  vie  de  gentilhomme  campagnard  ; 
agriculteur,  éleveur,  chasseur,  il  devint  maire  de  Saint-Jean- 
de  l'Union  et  le  resta  jusqu'à  sa  mort,  fier,  un  peu  roguo 
même,  dit  on,  se  risquant  parfois  à  jouer  au  personnage. 
C'était  l'oncle  paternel  de  Joseph. 

Or,  il  arriva  qu'un  jour  — je  reprends  ici  le  fil  de  mon 


386  ^  SÉANCE   PUBLIQUE. 

récit  —  une  scène  curieuse  suivit  la  rentrée  des  enfants  au 
Vallon. 

L'oncle  de  Toulouse  était  arrivé  depuis  quelques  jours.  Il 
se  sentait  vieillir;  sans  héritiers  directs,  il  avait  songé  à 
demander  au  foyer  de  son  frère  un  enfant  pour  animer  le 
sien,  peut-être  pour  faire  de  lui  son  successeur.  Il  avait 
parlé  de  ses  projets  à  l'ancien  soldat  et  obtenu  son  adhésion. 
Sur  cinq  chaises  alignées,  il  fit  ranger  devant  lui  ses  neveux 
qu'il  considéra  longuement.  Son  choix  s'arrêta  sur  le  plus 
jeune,  qui  osait  à  peine  souffler  sous  l'insistance  de  ce 
regard.  «  C'est  celui-ci  que  j'emmène  »,  décida-t-il.  Au  dire 
du  curé  et  de  l'instituteur  consultés,  la  préférence  était  jus- 
tifiée. La  maman  ne  voulait  pas  céder  son  Benjamin;  on 
resta  sourd  à  ses  plaintes  :  Joseph  devrait  suivre  son  oncle 
dans  le  Midi. 

L'entant  n'avait  pas  dix  ans;  jamais  il  n'avait  perdu  de 
vue  SOS  horizons  familiers.  Le  transplanter  subitement  très 
loin  des  siens,  dans  le  milieu  tout  différent  qu'était  le  lycée 
de  Toulouse,  eût  été  maladroit,  dangereux  peut-être.  On  le 
comprit.  On  lui  fit  passer  au  préalable  une  année  scolaire 
dans  une  institution  du  chef-lieu  du  département.  Ces  neuf 
mois,  suffisants  pour  ménager  la  transition  entre  la  liberté 
des  champs  et  la  discipline  alors  austère  d'un  lycée  de 
grande  ville,  laissèrent  peu  de  traces  dans  la  mémoire  de 
l'enfant. 

Mais  ses  souvenirs  abondaient,  affluaient  à  la  moindre 
évocation  quand  il  parlait  de  son  voyage,  de  son  arrivée  à 
Toulouse,  des  bonnes  années  d'études  qu'il  y  avait  passées. 

Le  père  conduisait  le  petit  montagnard  descendant  des  pla- 
teaux du  Jura  vers  les  plaines  ensoleillées.  Le  beau  voyage 
que  fit  le  plus  jeune  des  deux  voyageurs  !  Ainsi  que  le  Petit 
Chose,  il  n'oublia  jamais  le  nom  du  capitaine  commandant 
le  vaisseau  qui  le  porta  de  Lyon  en  Avignon.  Tout  petit  et 
menu,  comme  il  s'était  caché  dans  un  coin  pour  s'y  reposer 
tranquille,  il  causa  une  grosse  inquiétude  à  son  père  et  à 
l'équipage,  qui  le  cherchaient  en  vain.  Un  moment  on  le 
crut  tombé  dans  le  Rhône. 


ÉLOGE  DE  M.  JOSEPH  PAGET.  387 

La  diligence,  malgré  ses  cahots,  ne  lui  plat  pas  moins  que 
le  bateau  :  si  joyeusement  tintaient  les  grelots  et  claquaient 
les  fouets!  Les  voyages  ne  manquaient  pas  de  variété,  en 
1847.  L'enfant  alla  même  en  cacolet  sur  les  confins  de  la 
Provence  et  du  Roussillon*. 

A  Toulouse  commença  une  vie  tout  à  fait  nouvelle. 

L'oncle  était  quelque  peu  exigeant;  il  avait  vivement  res- 
senti les  lacunes  de  sa  propre  éducation,  au  point  de  s'es- 
sayer à  apprendre  tout  seul  le  latin.  Il  voulait  faire  de  son 
neveu  un  savant.  Peut-être  exagéra-t-il,  et  s'il  eût  eu  affaire 
à  une  nature  moins  bien  douée,  eût-il  complètement  man- 
qué son  but.  Les  plaisirs  de  son  âge  étaient  parcimonieuse- 
ment mesurés  au  jeune  lycéen  ;  la  modeste  allocation  de 
50  centimes  par  semaine  ne  fut  jamais  augmentée.  Les 
vacances  même,  il  venait  chaque  matin  de  Belbèze  à  Tou- 
louse suivre  des  cours,  et  l'après-midi  il  rédigeait  ses  de- 
voirs. Mais  sa  robuste  santé,  tant  physique  que  moTale, 
résistait  à  tout,  et  puis,  à  côté  de  l'oncle,  il  y  avait  la  tante, 
la  tante  avec  la  grâce  alanguie  et  la  douceur  triste  des  créo- 
les; délicate,  maladive  même,  elle  n'était  pas  de  celles  qu'ai- 
grit la  mauvaise  santé.  Elle  était  toujours  là  pour  calmer  les 
impatiences  de  son  mari  et  atténuer  l'effet  de  ses  brusque- 
ries. Eloigné  de  sa  mère,  l'enfant  sut  pourtant  ce  qu'est  la 
sollicitude  maternelle. 

Le  lycée,  d'ailleurs,  avait  la  meilleure  part  de  son  temps. 
Quand  il  y  entra  —  l'établissement  était  encore  collège 
royal,  —  il  y  eut  bien  d'abord  quelques  tiraillements.  Les 
bâtiments  lui  avaient  paru  bien  tristes,  les  cours  bien  étroi- 
tes, auprès  des  vastes  et  lumineux  horizons  des  Alpes  fran- 
çaises^. De  jilus,  le  vent  révolutionnaire  qui  soufflait  sur  la 
France  agitait  même  les  basques  des  habits  à  queue  de 
morue  et  menaçait  l'équilibre  des  chapeaux  hauts  de  forme 
que  revêtaient  obligatoirement  nos  collégiens.  Des  mutine- 
ries éclatèrent;  les  pensionnaires  réclamaient  contre  leur 

1.  Voyez  l'allocution  prononcée  à  la  distribution  des  prix  du  Petit- 
Lycée  de  Toulouse  en  1897. 

2.  Allocution  déjà  citée. 


388  SÉANCE   PUBLIQUE. 

uniforme.  Mais  ces  velléités  de  révolte  cessèrent  vite.  L'étude 
et  les  bonnes  camaraderies  ne  tardèrent  pas  à  guérir  toute 
nostalgie.  Si  les  succès  de  Joseph  Paget  en  1848-49  ne  ré- 
pondirent pas,  en  septième,  à  ceux  qu'il  avait  obtenus  Tannée 
précédente  dans  le  deuxième  cercle  —  il  est  vrai  qu'il  avait 
sauté  par-dessus  la  huitième,  —  les  années  qui  suivirent  lui 
apportèrent  régulièrement  une  moisson  toujours  plus  riche 
de  lauriers.  En  rhétorique  (1854-1855),  il  a  douze  nomi- 
nations, dont  le  premier  prix  d'excellence;  en  logique 
(1855  56),  le  palmarès  mentionne  à  son  actif  dans  sa  classe, 
avec  un  second  prix,  cinq  premiers,  dont  le  prix  d'excellence 
et  le  prix  d'honneur,  et,  de  plus,  le  prix  d'honneur  (disser- 
tation française)  au  concours  entre  les  cinq  lycées  de  l'Aca- 
démie de  Toulouse.  Disons  en  passant  que  le  troisième 
accessit,  dans  ce  même  concours,  était  décerné  à  Léon 
Gambetta,  du  lycée  de  Gahors.  Quatre  gros  volumes,  les 
œuvres  de  Bossuet,  offerts  par  l'inspecteur  général  adminis- 
trateur de  l'Académie,  M.  Laferrière,  échurent  au  jeune 
lauréat  comme  récompense  de  sa  dernière  et  plus  éclatante 
victoire  scolaire.  Ce  que  les  palmarès  ne  disent  point,  c'est 
la  communion  de  pensées  qui  s'était  établie,  dans  cette 
année  de  philosophie,  entre  son  professeur  et  lui,  commu- 
nion profitable  à  l'un  comme  à  l'autre.  Quelque  temps  après, 
M.  Delondre^  ayant  quitté  notre  ville,  demandait  à  son 
ancien  élève  les  notes  prises  à  son  cours,  estimant  que  nulle 
part  il  ne  pourrait  trouver  son  enseignement  de  Toulouse 
plus  fidèlement  reproduit. 

Le  baccalauréat  ne  comportait  alors  qu'une  seule  série 
d'épreuves  à  la  fin  de  la  philosophie.  Paget  le  passa  tout 
naturellement,  sans  s'en  être  beaucoup  préoccupé  probable- 
ment, le  4  août  1856;  il  fut  reçu,  avec  la  mention  assez 

1.  Depuis  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Douai,  mort  pré- 
maturément en  1860.  M.  Garo  loue  chez  lui  «  un  spiritualisme  circons- 
pect, vraiment  scientifique  par  rexaclitude  des  connaissances,  par 
la  précision  serrée  des  arguments,  par  la  netteté  de  la  raison,  qui 
s'applique  tout  entière  et  s'emploie  à  démêler  ces  ditiiciles  problè- 
mes ».  Mémorial  de  V Association  des  anciens  élèves  de  VEcole  nor- 
male (1846-1876),  p.  177. 


ÉLOGE   DE   M.   JOSEPH  PAGET.  389 

bien,  par  un  jury  dont  quelques  membres  étaient  à  cette 
époque  fort  craints  des  candidats  douteux  :  MM.  Sauvage, 
Gatien-Arnoult,  Delavigne  et  Molins. 

L'oncle  se  déclara  satisfait,  et  désormais  il  laissa  les  cou- 
dées plus  franches  à  l'adolescent.  Les  habitudes  du  travail 
étaient  prises,  et  pour  la  vie. 

A  récole  de  droit,  de  nouveaux  succès  attendaient  le  jeune 
bachelier:  éloge  au  premier  examen  de  baccalauréat  en 
1857,  au  second  examen  de  baccalauréat  en  1858,  à  la  sou- 
tenance de  sa  thèse  de  licence  en  1859;  mention  de  droit 
romain  au  concours  de  licence.  Et  les  travaux  juridiques  ne 
lui  faisaient  pas  négliger  une  culture  moins  spéciale. 

Notre  Faculté  des  lettres  avait  organisé  des  conférences 
de  littérature  française  à  l'usage  des  étudiants  en  droit, 
conférences  à  la  suite  desquelles  étaient  décernées  des  ré- 
compenses. En  1857,  Paget  obtenait  une  seconde  mention; 
en  1858,  un  second  prix;  en  1859,  un  premier  prix.  Notre 
distingué  confrère  M.  le  baron  Desazars  de  Montgailhard, 
son  camarade  et  son  rival,  lauréat  des  mêmes  concours, 
pourrait  vous  dire  ce  qu'étaient  ces  exercices  littéraires 
dont  plus  d'une   fois  j'ai  entendu  regretter  la  disparition. 

Le  nouveau  licencié  considérait  maintenant  ses  études 
théoriques  comme  terminées.  Il  se  fît  inscrire  au  barreau, 
mais  plaida  peu,  se  consacrant  principalement  à  la  direc- 
tion du  domaine  de  l'Union  ;  son  existence,  pensait-il,  de- 
vait être  désormais  celle  d'un  propriétaire  foncier.  Et,  dès 
1861,  il  épousait  M"«  Lucie  Dardé,  celle  à  laquelle  nous  en- 
voyons aujourd'hui  l'expression  de  notre  sympathie  res- 
pectueuse et  attristée.  De  cette  union  devait  naître  une  fille 
que  nous  ne  séparons  pas  de  sa  mère  en  lui  témoignant  nos 
regrets. 

Les  circonstances  devaient  bientôt  faire  prendre  à  la  car- 
rière de  Paget  une  direction  tout  à  fait  imprévue.  L'oncle 
mourut,  ne  laissant  qu'une  faible  part  de  sa  fortune  au 
neveu  qu'il  avait  élevé.  Tous  les  projets  d'avenir  étaient 
changés.  Le  goût  de  l'étude  était  resté  le  même.  Sur  les 


390  SÉANCE    PUBLIQUE. 

conseils  de  ses  amis,  MM.  Ernest  Constans  et  Henri  Bonfils, 
notre  confrère  rentra  résolument  à  l'Ecole  de  droit.  Le 
i^^  mai  1867,  il  était  reçu  avec  éloge  à  son  premier  examen 
de  doctorat;  le  15  novembre  1867,  il  passait  le  deuxième 
examen  avec  quatre  blanches  et  une  rouge;  enfin,  le  24  dé- 
cembre de  la  même  année,  l'éloge  récompensait  encore  la 
soutenance  de  sa  thèse.  Trois  épreuves  difficiles  brillamment 
subies  en  huit  mois!  Voici  comment,  dans  son  rapport  sur 
les  travaux  de  la  Faculté  de  droit  de  Toulouse,  en  novem- 
bre 1868,  s'exprimait  Adolphe  Ghauveau  :  «  M.  Paget,  lau- 
réat de  la  Faculté,  qui  a  été  l'un  de  ses  plus  dignes  repré- 
sentants au  dernier  concours  d'agrégation  et  s'est  fait 
remarquer  comme  un  candidat  plein  d'avenir,  M.  Paget  a 
présenté  une  thèse  sur  le  Payement  de  Vindu  en  droit 
romain  et  en  droit  français.  Remarquablement  écrite,  très 
complète,  cette  monographie,  par  Télévation  de  la  pensée, 
trahit  un  esprit  mûr,  sérieux,  ami  des  sommets,  et  on  s'ex- 
plique aisément  qu'elle  soit  l'œuvre  d'un  premier  lauréat 
d'un  concours  de  philosophie  entre  les  lycées  de  l'Acadé- 
mie (1856).  Mais,  comme  on  est  toujours  porté  à  exagérer 
ses  qualités,  on  pourrait  dire  que  M.  Paget  est  quelquefois 
un  peu  vague,  un  peu  indécis,  qu'il  craint  de  conclure  et  de 
se  prononcer  trop  nettement,  chose  pourtant  nécessaire  dans 
une  science  qui  n'est  pas  spéculative,  mais  d'application 
continuelle,  et  dans  laquelle  le  résultat  est  un  besoin  pres- 
sant et  quotidien^  ». 

Gomme  l'indiquent  les  premières  lignes  que  je  viens  de 
citer,  aussitôt  après  avoir  été  reçu  docteur,  Paget  se  mit  à 
préparer  l'agrégation  des  Facultés  de  droit.  Il  fut  nommé 
agrégé  le  11  mai  1870,  avec  le  numéro  2. 

Entre  temps,  il  avait  publié  un  livre,  première  monogra- 
phie française  sur  une  matière  délicate  du  droit  civil. 

V essai  sur  la  mise  en  demeure  et  ses  effets  est  la  plus 
considérable  de  ses  publications.  Il  est  dédié  à  Gustave  Hum- 

1.  Pp.  25-26. 

2.  Le  premier  du  concours  était  M.  Guillouard,  qui  devait  être  plus 
tard  le  continuateur  de  Demolombe. 


ÉLOGE   DE   M.  JOSEPH   PÀGKT.  Sdi 

bert,  alors  professeur  de  droit  romain  à  la  Faculté  de  droit 
de  Toulouse,  dont  renseignement  avait  laissé  sur  l'esprit  de 
son  élève  une  ineffaçable  empreinte'.  Après  une  bibliogra- 
phie du  sujet  et  une  introduction,  quatre  chapitres  traitent 
successivement  de  la  Notion  générale  delà  demeure,  de  la 
Mise  en  demeure,  des  Effets  de  la  demeure  Qi  de  la  Ces- 
sation de  la  demeure.  Au  chapitre  ii,  l'auteur  discute  la 
maxime  fameuse  Dies  interpellât  pr^o  ho)7iine  et  montre 
qu'elle  n'a  jamais  été  celle  des  jurisconsultes  romains.  Mais 
je  ne  veux  pas  m'attarder  ici  à  des  considérations  d'ordre 
juridique;  j'ai  pour  cela  deux  bonnes  raisons.  D'une  part, 
vous  pourriez  à  bon  droit  mettre  en  doute  ma  compétence, 
et,  d'autre  part,  dans  une  enceinte  plus  spécialement  réser- 
vée aux  discussions  de  ce  genre,  une  voix  autorisée  dira 
avec  sa  netteté  et  son  éloquence  coutumières  les  mérites  du 
■jurisconsulte  2.  Je  préfère  citer  la  conclusion  de  l'œuvre, 
conclusion  qu'il  n'est  pas  besoin  d'être  spécialiste  pour  en- 
tendre;  déjà  s'y  révèlent  les  idées  maîtresses  que  Paget  de- 
vait toute  sa  vie  défendre  et  propager...  «  Qu'on  ne  parle 
plus  de  réprimer  les  exigences  du  créancier,  ou  de  protéger 
l'emprunteur  contre  ses  propres  entraînements  !  Ces  résolu- 
tions peuvent  paraître  justes  en  morale,  elles  sont  fausses 
en  droit.  Le  créancier  n'a  nul  besoin  que  la  loi  le  favorise; 
il  suffit  qu'on  respecte  les  obligations  librement  contractées. 
Et  quant  à  la  protection  accordée  à  l'emprunteur,  elle  mé- 
rite à  tous  égards  le  blâme  le  plus  complet.  Ce  serait  le  cas 
assurément,  pour  ce  protégé  malgré  lui,  de  s'insurger  con 
tre  son  protecteur  ;  car  cette  ingérence  dans  les  conventions 
privées  lui  est  en  définitive  plus  nuisible  qu'utile.  On  doit 
appliquer  ici  (dans  la  question  des  dommages-intérêts  pour 
retard  dans  le  payement  d'une  dette)  à  fortiori  les  mêmes 


1.  Victor  Molinier  et  Théophile  Hue  contribuèrent  beaucoup  égale- 
ment à  sa  formation  juridique.  Son  éloge  du  premier  est  inséré  dans 
nos  Mémoires,  année  1889. 

2.  M.  le  doyen  Deloume,  secrétaire  perpétuel  de  l'Académie  de  Lé- 
gislation, doit  prononcer  au  sein  de  cette  Académie  l'éloge  de  son 
«ioUègue. 


392  SÉANCE   PUBLIQUE. 

raisons  que  dans  la  question  de  la  liberté  du  taux.  Les  ca- 
pitalistes garderont  leur  argent  s'ils  ne  peuvent  pas  éluder 
ce  danger  par  des  stipulations  détournées  plus  onéreuses 
encore.  Puisque  la  loi  se  tourne  contre  eux,  en  vertu  de 
cette  idée  fausse  et  dès  longtemps  absurde  qu'il  faut  proté- 
ger les  débiteurs,  ceux-ci  ne  trouveront  à  emprunter  que 
plus  difficilement.  Tel  est  le  résultat  inévitable  de  ce  sys- 
tème de  protection  dont  nous  faisons  abus.  Cette  immixtion 
,constante  du  pouvoir,  quel  que  soit  son  nom,  dans  nos  affai- 
res personnelles,  tue  notre  initiative  et  paralyse  les  transac- 
tions. C'est  un  signe  incontestable  de  la  faiblesse  de  notre 
esprit  que  ce  besoin  de  protection  à  tout  propos.  Nous  en 
avons  fait,  pour  tous  les  actes  de  notre  vie,  une  habitude 
pernicieuse  ;  nous  nous  plaignons  souvent  de  n'avoir  pas 
assez  de  liberté,  et  nous  semblons  nous  faire  un  devoir  de 
restreindre  celle  que  nous  pourrions  exercer  facilement  et. 
sans  danger.  Le  plus  sûr  moyen  de  nous  former  à  l'exercice 
des  libertés  politiques  est  de  faire  d'abord  l'apprentis- 
sage, bien  retardé,  de  nos  libertés  civiles ^  » 

Henri  Rozy,  appréciant  dans  la  Revue  critique  de  légis- 
lation et  de  jurisprudence^  la  monographie  en  question, 
insistait  avec  raison  sur  la  critique  de  l'article  1153  limi- 
tant au  taux  légal  de  l'intérêt  les  dommages  dus  pour  le  cas 
de  retard  du  payement  d'une  somme  d'argent;  il  ajoutait  : 
«  M.  Paget,  qui  aime  les  idées  élevées,  la  généralisation  du 
droit,  les  aperçus  philosophiques,  a  donné  à  toutes  ses  dé- 
monstrations une  forme  nette,  mais  en  même  temps  élé- 
gante, qui  sait  toujours  attacher  et  retenir  le  lecteur.  » 

Henri  Bonflls  fit  un  compte  rendu  non  moins  élogieux 
dans  la  Revue  de  législation  ancienne  et  moderne^  fran- 
çaise et  étrangère^  :  «  Ouvrage  fortement  conçu  et  vigou- 
reusement écrit  »,  disait-il.  Il  signalait,  entre  autres  méri- 
tes, l'ordonnance  de  l'œuvre.  «  Au  lieu  de  suivre  la  division, 
devenue  banale,  en  deux  ou  trois,  fractions,  destinées  l'une 

1.  Pp.  274-275. 

2.  T.  XXXVn,  20e  année,  1870,  pp.  186-189. 

3.  1870-71,  pp.  325-332. 


ÉLOGE  DE  M.  JOSEPH  PAGET.  393 

au  droit  romain,  Tautre  au  droit  moderne,  la  troisième  au 
droit  philosophique  ou  rationnel,  M.  Paget  a  préféré  fondre 
ensemble  ces  divers  aspects  d'un  même  sujet.  »  Je  n'aurai 
pas  la  témérité  de  rien  ajouter  à  de  telles  appréciations. 

Cependant,  le  nouvel  agrégé  faisait  ses  premiers  pas  dans 
la  carrière  qu'il  ne  devait  plus  quitter.  Le  2  juin  1870,  il 
était  attaché  à  la  Faculté  de  droit  de  Douai.  Un  de  ses 
concurrents,  admis  le  sixième,  M.  Emile  Alglave,  reçut  la 
même  destination.  Le  poste  était  assez  recherché,  surtout  à 
cause  de  la  proximité  de  Paris. 

Douai,  qui  dispute  à  Gaen  le  titre  d'Athènes  du  Nord, 
avait  longtemps  désiré  une  Ecole  de  droit ^  Cette  Ecole, 
alors  nouvellement  créée,  était  destinée  à  n'avoir  qu'une 
courte  existence.  Née  en  1865,  elle  devait,  pour  des  raisons 
que  je  me  garderai  d'apprécier,  étant  un  peu  douaisien,  dis- 
paraître, ou  plutôt  être  transférée  à  Lille,  en  1887.  Une 
Ecole  nationale  d'industries  agricoles  a  été,  en  1893,  donnée 
comme  compensation  à  la  vieille  ville  universitaire. 

Paget  trouva  dans  celle-ci,  sous  le  ciel  doux,  mais  bru- 
meux de  la  Flandre,  le  meilleur  accueil,  accueil  qui  adou- 
cit pour  lui  le  regret  d'être,  au  moins  temporairement, 
éloigné  de  Toulouse.  Malheureusement,  la  guerre  franco- 
allemande  éclata  presque  aussitôt  après.  Douai,  alors  place 
forte,  put  plus  d'une  fois  se  croire,  dans  le  cours  du  funeste 
hiver  1870-71,  menacé  par  l'armée  du  général  de  Gœben. 
J'ai  retrouvé,  dans  la  correspondance  de  mon  père,  des  let- 
tres du  Recteur  de  l'Académie  de  Douai,  M.  Jules  Fleury, 
datant  de  cette  époque.  Le  25  janvier  1871,  quelques  jours 
après  la  capitulation  de  Péronne  et  la  bataille  de  Saint-Quen- 
tin, il  écrivait  :  «  Le  flot  qui  menace  de  nous  engloutir  monte 
de  plus  en  plus.  Notre  situation  me  rappelle  un  fait  de 
l'histoire  d'Ecosse,  qui,  autrefois,  m'avait  beaucoup  frappé. 

1.  Dès  1822,  M.  de  Cîimi)igneullos,  substitut  du  j)rocureur  général» 
publiait  des  réflexions  sur  l'utilité  d'établir  un  enseignement  du  droit 
dans  cette  ville.  Voyez  Mémoires  de  V Académie  d'ArraSy  1908, 
p.  153. 

10e  SÉRIK.   —  TOME  X.  28 


394  SÉANCE   PUBLIQUE. 

Dans  les  Lçiierres  de  religion,  des  femmes  presbytériennes 
furent  attachées  par  les  Jacobites  à  des  poteaux  plantés  à 
l'extrémité  de  la  plage  la  plus  rapprochée  de  la  mer.  On 
voit  le  flot  montant  baigner  le  pied  des  victimes,  puis  la 
poitrine,  puis  tout  fut  dit.  Ce  qui  nous  menace,  c'est  une 
mer  de  feu',  et  nos  remparts  impaissants  seront  peut-être 
les  poteaux  auxquels  nous  périrons.  »  Malgré  toutes  les  in- 
quiétudes et  toutes  les  menaces,  les  établissements  d'ensei- 
gnement supérieur  continuaient  à  fonctionner.  Les  inscrip- 
tions de  novembre  avaient  même  été  assez  nombreuses  à  la 
Faculté  de  droit.  Plus  rares  étaient  certainement  les  présen- 
ces, et  bien  des  étudiants  combattaient  dans  les  rangs  des 
mobiles.  Paget  faisait  son  cours  et  en  même  temps  son  ser- 
vice de  garde  national  avec  l'armée  de  ligne  par  le  plus  ri- 
goureux des  hivers,  donnant  à  tous  l'exemple  d'une  régula- 
rité et  d'un  zèle  que  rien  ne  lassait. 

Heureusement  pour  la  Flandre  et  l'Artois,  l'armistice 
arriva;  heureusement  pour  Douai  surtout,  où  l'on  tentait  pé- 
niblement de  reformer  l'armée  du  Nord,  mais  sans  sérieux 
espoir  de  succès. 

Les  mois  terribles  de  la  guerre,  puis  de  la  commune  pas- 
sés, la  France  se  ressaisit.  Le  relèvement  de  la  patrie  fut 
chez  tous  les  honnêtes  gens  la  préoccupation  dominante. 
Paget,  chargé,  en  sa  qualité  de  nouveau  venu,  du  rapport 
sur  les  concours  de  la  Faculté  de  droit  en  1871,  ne  pouvait 
manquer  de  se  faire  l'écho  de  cette  préoccupation  dans  un 
noble  langage.  «  ...Vous  leur  direz  l'exemple  de  ces  grands 
jurisconsultes  de  Rome  qui,  sous  le  despotisme  des  empe- 
reurs, enseignaient  et  pratiquaient  le  droit;  qui  préféraient 
mourir  que  de  se  souiller  par  l'éloge  d'un  fratricide,  et  qui, 
par  la  force  de  leurs  vertus,  reculaient  de  trois  siècles  la 
chute  d'un  empire.  —  Vous  réveillerez  ces  honnêtes  gens, 
mauvais  citoyens,  qui  végètent,  croient  vivre  entre  un 
coffre-fort  et  l'égoïsme  de  quelques  affections  privées,  qui 

1.  La  même  lettre  donnait  quelques  détails  sur  le  bombardement 
de  Mézières.  Le  collège  de  Gharleville  en  avait  notamment  souffert. 
Un  professeur  avait  péri  avec  sa  famille. 


ELOGE  DE  M.  JOSEPH  PAGET.  395 

parlent  de  dévouement  et  de  patrie  et  n'en  connaissent  que 
les  noms  *.  » 

Vous  me  pardonnerez  de  retenir  un  moment  votre  attention 
sur  ce  rapport.  J'eii  veux  citer  un  autre  passage  où  Fauteur 
affirme  la  supériorité  du  Droit  romain  sur  le  Droit  français 
et  donne  de  sa  préférence  des  motifs  que  l'on  peut  discuter 
mais  qu'il  est  intéressant  de  connaître.  «  Le  Droit  romain 
suit  la  stricte  raison  et  la  logique  des  faits;  il  veut  au  droit 
des  signes  matériels  qui  frappent  les  sens  et  portent  avec 
eux  révidence;  il  hait  l'abstraction  et  n'en  tient  nul  compte. 
—  Notre  droit,  au  contraire,  qui  se  ressent  des  emprunts 
faits  aux  brouillards  de  la  Germanie,  préfère  souvent  la  fic- 
tion à  la  réalité,  et,  trop  spiritualiste,  ouvre  aux  difficultés 
et  aux  controverses  des  horizons  sans  fin'.  » 

A  signaler  aussi,  dans  un  autre  ordre  d'idées,  les  pre- 
mières lignes,  contenant  les  compliments  et  remerciements 
d'usage  :  «  Mes  premières  paroles  sont  pour  le  chef  éminent 
de  cette  Académie,  dont  la  bonté  parfaite  n'a  pas  besoin  d'élo- 
ges, mais  dont  je  veux  proclamer  ici  la  haute  et  impartiale 
justice.  Je  fais  à  mes  nouveaux  collègues  mes  remerciements 
de  bienvenue;  et  je  confonds,  dans  l'expression  de  ma  recon- 
naissance, nos  chers  voisins  de  la  Faculté  des  lettres,  qui 
m'ont  reçu  comme  un  vieil  ami,  et  nos  collègues  du  Lycée 
de  Douai,  au  milieu  desquels  j'ai  trouvé  la  plus  cordiale 
sympathie ^..  » 

La  cordialité  de  la  vie  universitaire  dans  Tantique  cité 
flamande  revit  dans  ces  lignes;  retenons-les.  Certes,  à  Douai 
comme  ailleurs,  il  a  pu  y  avoir  des  caractères  difficiles 
ou  peu  sociables,  des  rivalités,  des  brouilles,  —  il  y  en  a  au 
sein  des  familles,  au  sein  même  des  Académies,  —  mais 
nulle  part  peut-être  ne  dominait  au  même  point  un  esprit 
général  d'entente.  N'y  a-t-il  pas  des  villes  où  les  membres 
des  diverses  Facultés  et  les  maîtres  de  l'enseignement  se- 
condaire se  connaissent  à  peine  de  nom  ? 

1.  P.  54. 

2.  p.  52. 

3.  Pp.  39-40. 


396  '  SÉANCE   PUBLIQUE. 

Quelque  bien  accueilli  qu'il  eût  été  sur  les  rives  de  la 
Scarpe,  Paget  n'oubliait  pas  celles  de  la  Garonne.  Il  était 
devenu  le  seul  maître  de  la  propriété  de  l'Union,  où  le  rat- 
tachaient tous  les  souvenirs  de  son  adolescence.  Renonçant 
à  la  perspective  d'une  titularisation  prochaine  à  Douai,  il 
demanda  à  rentrer  dans  sa  petite  patrie  d'adoption. 

Les  Facultés  de  notre  ville  d'ailleurs,  ne  l'oublions  pas, 
plus  que  maintenant  peut-être,  grâce  au  système  alors  en 
vigueur  de  Véventuel,  faisant  dépendre  en  partie  les  émolu- 
ments du  personnel  du  nombre  des  étudiants  et  des  examens, 
les  Facultés  de  notre  ville,  dis  je,  étaient  considérées  à  cette 
époque  comme  Facultés  dC avancement ,  et  les  postes  n'y 
étaient  le  plus  souvent  donnés  qu'après  des  services  plus 
ou  moins  longs  dans  d'autres  établissements  d'enseignement 
supérieur.  Il  fut  transféré  à  Toulouse  le  30  juin  1873,  heu- 
reux d'y  retrouver,  comme  collègues,  la  plupart  de  ses  an- 
ciens maîtres  et  plus  d'un  ancien  condisciple. 

L'année  suivante,  j'arrivai  à  Toulouse  vers  la  fin  de  no- 
vembre, licencié  frais  émoulu  de  la  1^'aculté  de  droit  de 
Dijon.  Paget  était  alors  chargé  des  conférences  facultatives 
pour  la  première  année  de  doctorat,  consacrée  surtout  à 
l'étude  du  droit  romain.  Je  puis  retracer  fidèlement  son  por- 
trait tel  qu'il  m'est  apparu  alors.  De  taille  peu  élevée, 
d'apparence  encore  fort  jeune,  le  teint  frais,  les  cheveux  et 
la  barbe  —  il  variait  souvent  alors  la  coupe  de  celle-ci  — 
d'un  blond  clair,  les  yeux  très  bleus,  réfléchis,  toujours  gra- 
ves, la  bouche  d'ordinaire  souriante,  ne  se  départant  guère 
de  son  calme  extérieur  même  lorsqu'il  sentait  le  plus  vive- 
ment, vêtu  sans  prétention  mais  avec  une  correction  impec- 
cable, il  contrastait  singulièrement  avec  la  jeunesse  exubé- 
rante, volontiers  bruyante,  qui  remplissait  les  bâtiments, 
plus  délabrés  qu'antiques,  de  l'école  à  cette  époque.  La  con- 
férence ne  comptait  d'ailleurs  qu'un  auditoire  restreint,  sut- 
fisamment  attentif  et  plein  de  déférence  pour  son  directeur. 
Celui-ci  accueillit  dès  l'abord  par  des  paroles  encouragean- 
tes le  fils  d'un  collègue;  et  pendant  près  de  trente-cinq  ans 
les  sentiments  de  bienveillance  amicale  de  la  part  du  maître. 


ÉLOGE    DE   M.  JOSEPH   PAGET.  397 

de  respect  reconnaissant  du  côté  de  l'élève  n'ont  jamais 
varié. 

Les  qualités  d'ordre  et  de  méthode  de  Paget  se  révélaient 
bien  vite  à  nous  dans  ces  séances  plus  intimes  que  les  cours 
ordinaires.  Je  me  rappelle  encore  les  notes  qu'il  apportait, 
d'une  écriture  posée,  admirablement  nette,  avec  des  divi- 
sions à  l'encre  rouge,  et  le  petit  Corpus  juris  elzévir,  où  il 
trouvait  tout  sans  peine,  tandis  que  nous  labourions  d'un 
pouce  encore  inexpérimenté  les  marges  de  nos  énormes  Ga- 
hsset.  Son  caractère,  ses  idées  ne  se  manifestaient  pas  moins 
clairement.  Comme  il  aimait  à  faire  ressortir  la  beauté  mo- 
rale du  fragment  de  Papinien  assimilant  à  l'impossibilité  le 
caractère  illicite  d'une  condition  :  «  Quae  facta  laedunt  pieta- 
tem,  existimationem,  verecundiam  nostram,  et  (ut  genera- 
liter  dixerim)  contra  bonos  mores  fiunt  :  nec  facere  nos 
posse  credendum  est^  !  »  Volontiers,  en  bon  Toulousain  aussi 
bien  qu'en  romaniste  fervent,  nous  parlait-il  de  Gujas,  la 
meilleure  gloire  peut-être  de  la  cité  palladienne,  qui,  l'un 
des  premiers,  associa  l'histoire  et  les  lettres  à  Texégèse  des 
textes.  —  Il  n'enseignait  pas  le  Droit  romain  en  1875  comme 
on  l'enseigne  aujourd'hui,  mais  sa  manière  nous  paraissait 
alors  bien  plus  jeune  et  plus  vivante  que  celle  du  professeur 
beaucoup  plus  âgé,  chargé  du  cours  de  Pandectes.  Nul 
enseignement  peut-être  n'a  plus  évolué  que  celui  du  Droit 
romain.  Ce  droit  mort  est  allé  très  vite  :  die  Toten  reiten 
schnell.  C'est  aussi  de  ces  morts  qu  il  faut  qu'on  tue.  N'est-on 
pas  en  train  de  le  tuer  aujourd'hui,  en  lui  donnant  une 
place  de  plus  en  plus  restreinte  dans  les  programmes  et  en 
ouvrant  toutes  grandes  les  portes  de  l'école  aux  bacheliers 
sans  latin?  —  Mais  le  discrédit  des  études  anciennes,  clas- 
siques ou  juridiques,  commençait  à  peine  à  se  faire  sentir 
au  moment  dont  je  parle,  et  si  cette  décadence  devait  préoc- 
cuper les  dernières  années  de  mon  ancien  maître 2,  il  n'y 
songeait  guère  encore. 

1.  Fr.  15,  Dig.,  De  conditionihus  inslilulionum,  28,  7. 

2.  «  C'est  un  signe  de  nos  temps  troublés,  de  nos  idées  de  justice 
perverties,  des  atteintes  journellement  portées  ù  lu  sécurité  des  per- 


398  SEANCE   PUBLIQUE. 

L'année  suivante,  il  dirigea  les  conférences  de  la  seconde 
année  de  doctorat  avec  la  même  conscience  que  celles  de 
Tannée  précédente  :  avec  moins  de  conviction  peut-être;  il 
ne  se  cachait  pas,  nous  l'avons  déjà  vu,  de  préférer  le  Droit 
romain  au  Droit  français. 

Les  titularisations  se  font  parfois  attendre  longtemps  à 
Toulouse.  Notre  confrère  en  fit  l'expérience;  il  dut  attendre 
dix  ans,  jusqu'au  21  avril  1883,  avant  de  remplacer  comme 
professeur  de  Droit  romain  M.  Massol,  mis  à  la  retraite.  Et 
même  alors  sa  nomination  n'alla  pas  sans  quelques  difficul- 
tés. Durant  ces  dix  ans  d'attente  il  avait  été,  comme  l'étaient 
souvent  les  agrégés,  ballotté  d'enseignement  en  enseigne- 
ment; en  dernier  lieu,  il  avait  été  chargé  d'un  cours 
d'histoire  générale  du  Droit  français,  création  nouvelle 
(l«^mars"l881  ^). 

Il  ne  devait  plus  quitter  une  chaire  qui  lui  permettait  de 
poursuivre  ses  études  de  prédilection.  De  temps  à  autre, 
suivant  les  exigences  qu'imposaient  au  personnel  de  la  Fa- 
culté des  programmes  souvent  modifiés,  il  y  joignit  quelques 
enseignements  accessoires,  mais  pour  des  périodes  relative- 
ment courtes.  Jamais  son  ardeur  ne  se  lassa  :  il  considérait 
la  tâche  du  maître,  non  comme  une  profession,  mais  comme 


sonnes  et  à  la  propriété  que  l'amoindrissement  qu'on  a  fait  subir  déjà 
et  dont  on  nous  menace  encore  dans  ces  études  fondamentales.  Rela- 
tion de  cause  à  effet,  ou  simple  coïncidence  de  phénomènes  sociaux, 
le  jour  où  le  droit  romain  sera  rayé  de  nos  programmes,  le  sens  ju- 
ridique (je  pourrais  dire  le  sens  moral)  sera  bien  près  de  disparaître. 
Heureusement,  cette  éventualité  est  encore  lointaine  et  peut  être  écar- 
tée par  d'heureux  retours  au  bon  sens  et  à  l'honnêteté.  »  Mém.  de 
l'Acad.  des  Sciences  de  Toulouse,  1894,  p.  195. 

1.  Devenu  titulaire  à  quarante-six  ans,  il  ne  fut  promu  à  la  se- 
conde classe  que  quelques  mois  avant  le  décret  qui  l'admit  à  faire 
valoir  ses  droits  à  la  retraite.  Les  règles  actuelles  de  l'avancement, 
dans  l'enseignement  supérieur,  n'ont  plus  guère  de  défenseurs;  la  pé- 
nurie du  budget  est  la  seule  raison  de  leur  maintien.  Paget  reçut 
d'ailleurs,  en  leur  temps,  des  distinctions  qui  mériteraient  vraiment 
le  nom  d'honorifiques  si  elles  étaient  toujours  aussi  bien  données  :  il 
fut  officier  d'Académie  en  1880 ,  officier  de  l'Instruction  publique 
en  1885,  chevalier  de  la  Légion  d'honneur  en  1891,  chevalier  du  Mé- 
rite agricole  en  1907, 


ÉLOGE   DE   M.  JOSEPH   PAGET.  399 

un  véritable  sacerdoce;  il  y  mettait  toute  son  exactitude, 
toute  sa  science,  toute  sa  conscience.  Le  seul  reproche  que 
j'aie  entendu  lui  adresser  les  nombreux  élèves  qu'il  a  for- 
més, c'est  que  les  débutants  avaient  quelque  peine  à  le  sui- 
vre. La  chose  est  fréquente  chez  les  spécialistes.  Habitués  à 
considérer  un  ordre  d'idées  donné,  ils  en  viennent  à  regar- 
der comme  facile  pour  tous  ce  que  la  réflexion  et  l'habitude 
leur  ont  rendu  si  aisé  à  eux-mêmes. 

Il  aimait  les  jeunes  gens,  s'intéressant  à  leurs  études,  les 
écoutant  toujours  avec  la  même  courtoisie  bienveillante,  in- 
dulgent pour  eux  —  irai-je  jusqu'à  dire  le  fond  de  ma  pen- 
sée? peut-être  trop  indulgent  pour  eux  — jusque  dans  leurs 
écarts. 

La  Faculté  n'est  pas  le  seul  champ  ouvert  à  l'activité  d'un 
professeur.  Les  Sociétés  savantes,  à  Toulouse,  ont  des  liens 
étroits  avec  l'Université,  et  si  parfois  il  y  a  entre  elles  et 
celle-ci  de  petites  «  hargnes  et  riotes  »  dues  à  des  suscep- 
tibilités trop  en  éveil,  il  ne  s'est  jamais  agi  que  de  querelles 
de  sœurs.  Paget  entrait  à  l'Académie  de  législation  en  1876; 
secrétaire  adjoint  dès  1878,  il  était  élevé  à  la  présidence 
en  1887  et,  en  prenant  possession  du  fauteuil,  il  prononçait 
une  courte  allocution  où,  après  avoir  justifié  la  théorie  en 
face  de  la  pratique,  après  avoir  proclamé  son  affection  pour 
les  conceptions  de  l'idéal  qui  font  oublier  les  misères  humai- 
nes, il  ajoutait  :  «  Je  désire  que  noire  Académie  ait  ce  mé- 
rite de  propager  une  doctrine  libérale,  de  progrès  et  large- 
ment spiritualiste;  qu'elle  fasse  autorité  par  sa  haine  des 
préjugés,  par  son  unique  préoccupation  des  principes,  lais- 
sant  aux  juges  du  fait  le  soin  de  les  concilier  avec  les  con- 
ditions dans  lesquelles  gravite  la  taiblesse  humaine;  qu'elle 
étende  son  domaine  par  son  amour  de  toutes  les  vraies  liber- 
tés, entre  lesquelles  la  liberté  de  la  pensée  suffira  à  rendre 
ce  domaine  infini  '.  »  Le  Recueil  de  l'Académie  de  législa- 
tion contient  de  nombreux  mémoires  et  rapports  sortis  de 
sa  plume. 

1.  Recueil  de  V Académie  de  législation,  1887-88,  p.  18. 


400  SÉANCE    PUBLIQUE. 

C'est  le  24  janvier  1884  que  vos  suffrages  l'appelèrent  à 
siéger  parmi  vous.  Et  je  ne  puis  oublier  —  ça  été  une  des 
joies  de  ma  vie  —  que  le  même  jour  vous  avez  admis  au 
même  honneur  son  ancien  élève,  heureux  de  le  retrouver 
toujours  le  même  dans  un  milieu  nouveau.  Quand  je  dis 
vous^  je  me  conforme  à  l'usage  qui  confond  les  académiciens 
et  la  compagnie  elle  même;  celle-ci  seule,  hélas!  jouit  d'une 
immortalité  relative.  De  la  section  des  lettres  qui  nous 
accueillait  alors,  combien  peu  restent  aujourd'hui!  Deux 
membres  libres,  et  c'est  tout.  Un  quart  de  siècle  à  peine  a 
suffi  pour  ce  renouvellement  presque  complet. 

Ce  que  fut  pour  nous  Paget  pendant  sa  carrière  acadé- 
mique, vous  le  savez.  Aussi  assidu  à  nos  séances  que  le  lui 
permettaient  ses  multiples  occupations,  il  prit  pendant  quel- 
ques années  une  part  des  plus  actives  à  vos  travaux  comme 
membre    du   bureau.    Notre  secrétaire   perpétuel,    Gatien- 
Arnoult,  après  avoir  été  plus  de  vingt  ans  l'âme  de  l'Aca- 
démie ^  avait  cessé  d'habiter  ordinairement  Toulouse;  nous 
ne  voulions  pas  accepter  sa  démission,  tenant  à  lui  conserver 
jusqu'à  la  fin  un  titre  qu'il  avait  si  longtemps  et  si  digne- 
ment porté.  Cependant  la  tâche  eût  été  trop  lourde  pour  un 
seul  secrétaire  adjoint.  On  en  nomma  deux,  et  Paget  devint, 
en  1885,  secrétaire  pour  l'ordre  des  lettres.  Bientôt  après, 
Catien- Arnoult  mourait  et  était  remplacé  comme  secrétaire 
perpétuel.  Pour  reconnaître  les  services  rendus  par  Paget, 
ses  confrères  le  nommèrent  directeur  trois  années  consécu- 
tives, puis  par  deux  fois  président.  Je  dois  une  mention 
particulière  au  discours  qu'il  prononça  à  l'ouverture  de  la 
séance  publique  du  24   mai  1891  ;  c'est  un  bel  éloge   du 
régime  de  communauté  entre  époux.  Le  romaniste  montrait 
en  cette  circonstance   qu'il  savait,  quand   la  cause  de    la 
famille  était  en  jeu,  faire  abstraction  de  ses  préférences  pour 
la  législation  romaine,  et  l'homme  du  Nord  se  retrouvait 
sous  l'enfant  adoptif  du  Midi.  Les  travaux  dont  il  a  enrichi 
nos  Mémoires  se  réfèrent   naturellement  à   des  questions 

1.  Elu  membre  en  1832,  il  était  devenu  secrétaire  perpétuel  en  1864. 


ÉLOGE   DE   M.  JOSEPH   PAGET.  401 

d'ordre  juridique;  mais  comme  il  était  également  naturel 
dans  cette  enceinte,  ce  sont  les  idées  générales  qui  domi- 
nent; les  discussions  de  détail  y  tiennent  peu  de  place. 
Nous  y  retrouvons  constamment  les  préoccupations  de  l'au- 
teur et  l'affirmation  de  ses  doctrines  individualistes.  L'in- 
dividualisme est  fort  attaqué  aujourd'hui,  de  droite  et  de 
gauche.  Je  n'ai  pas  à  me  constituer  son  défenseur,  mais  je 
tiens  à  mettre  en  garde  contre  une  confusion  trop  fréquente. 
Pour  beaucoup  de  ses  adversaires,  l'individualisme  n'est 
autre  chose  que  l'égoïsme  :  «  Chacun  pour  soi.  »  C'est  là 
une  accusation  que  les  individualistes  repoussent  de  toutes 
leurs  forces.  Si  l'individu  exige  d'être  respecté,  s'il  veut  le 
champ  libre  à  son  activité  et  à  ses  efforts,  il  est  conscient 
aussi  de  ses  devoirs  envers  les  autres  individualités.  Il  aime 
la  liberté d'autrui  aussi  bien  que  la  sienne  propre.  Il  ne  veut 
pas  qu'on  le  confisque,  il  se  donne.  Les  lois  sont  nécessaires 
parce  que  l'homme  est  imparfait,  mais  elles  peuvent  facile- 
ment devenir  un  mal  ;  le  législateur  ne  doit  légiférer  qu'avec 
des  précautions  infinies  ^ 

L'individualiste  tient  généralement  à  une  forte  constitution 
de  la  famille;  c'est  la  famille  qui  est  la  meilleure  forteresse 
de  l'individu.  Ne  nous  étonnons  donc  pas  de  voir  Paget  en- 
tretenir volontiers  ses  confrères  de  ce  sujet  toujours  actuel. 
Je  rappellerai  notamment  sa  lecture  sur  les  Dfvits  des  en- 
fants naturels  dans  la  succession  de  leurs  père  et  mère  (1896). 
C'est  là,  il  le  fait  bien  ressortir,  un  des  chapitres  les  plus 
délicats  et  les  plus  changeants  des  législations  de  tous  les 
temps.  Peut-on,  sans  encourager  les  situations  irrégulières, 
sans  ébranler  la  famille  légitime,  lui  assimiler  la  famille 
simplement  naturelle?  Peut-on,  d'autre  part,  sans  injustice, 
faire  souffrir  des  innocents  d'une  faute  qui  n'est  pas  la  leur? 
Un  court  aperçu  historique  est  suivi  d'un  examen  détaillé 
de  la  loi  du  25  mars  1896.  Je  cite  la  conclusion  malgré  son 
étendue.  Qu'on  partage  ou  non  les  appréhensions  de  l'au- 

1.  Voyez  un  article  de  M.  Aug.  Deschamps,  Revue  d'histoire  des 
doctrines  économiques,  i908,  no  2,  pp.  210-212  (Compte  l'endu  d'un 
livre  de  M.  Bochaux,  L'Ecole  individualiste.  Le  Socidlisme  d'Étal). 


402  SÉANCE   PUBLIQUE. 

teur,  ses  paroles  appellent  la  réflexion  et,  en  tout  cas,  le 
font  mieux  connaître  qu'un  portrait  intellectuel  tracé  par 
une  plume  même  plus  habile  que  la  mienne.  «  Notre  légis- 
lateur a  été  bien  inspiré  quand  il  a  voulu  améliorer  le  sort 
des  enfants  naturels,  mais  il  a  parfois  dépassé  la  juste  me- 
sure. —  Les  imperfections  de  la  loi  du  29  mars  1896  tien- 
nent au  vice  organique  de  notre  pouvoir  législatif.  Le  Parle- 
ment est  formé  de  deux  assemblées  dont  les  préoccupations 
politiques  dominent  tous  les  actes.  Précédemment,  pour  une 
grande  réforme,  on  avait,  dans  une  longue  et  minutieuse 
enquête,  pris  l'avis  des  Cours  judiciaires  et  des  Facultés  de 
droit.  11  est  sorti  de  cette  élaboration  une  loi  qui  donne  lieu 
à  peu  de  critiques  :  l'esprit,  le  dispositif,  la  forme  de  la  loi 
de  1891  sont  généralement  approuvés  '. —  Peut-on  prédire  le 
même  succès  à  la  loi  de  1896?  —  Je  ne  le  pense  pas  :  on  a 
voulu  flatter  les  sentiments  ou  même  les  passions  populaires; 
—  certaines  expressions  semblent  avoir  trahi  la  pensée  du 
rédacteur;  —  certaines  assimilations,  certaines  communautés 
de  droit  soulèveront  fatalement  des  conflits.  —  En  somme,  il 
y  a  dans  la  loi  nouvelle  de  hautes  et  bonnes  idées  de  justice 
et  d'humanité.  Mais  parfois  transpire  un  esprit  d'hostilité  et 
comme  un  parti  pris  d'abaissement  de  ce  qui  est  légitime, 
c'est-à-dire  conforme  à  l'ordre  et  à  la  tradition.  Un  souffle 
d'anarchie  tend  à  pénétrer  dans  l'édifice  social.  Qu'on  y 
prenne  garde  :  c'est  un  symptôme  grave,  alors  surtout  qu'il 
vient  d'en  haut.  Plus  que  jamais,  il  importe  de  s'unir  pour 
défendre  les  principes  sur  lesquels  reposent,  depuis  tant  de 
siècles,  la  famille  et  la  société.  » 

La  propriété,  elle  aussi,  est  une  des  institutions  les  plus 
précieuses  à  l'individualiste;  il  désire  voir  se  multiplier  le 
nombre  des  propriétaires,  mais  il  se  défie  de  tout  ce  qui  rap- 
pelle ou  annonce  le  communisme.  Deux  ans  avant  le  Mé- 
moire sur  les  enfants  naturels,  Paget  nous  avait  lu  une 
dissertation  intitulée  :  Observations  historiques  et  ration- 
nelles  sur  la  propriété  individuelle;  ai-je  besoin  de  dire 

1.  Il  avait  fait  de  celte  loi  l'objet  d'une  communication  en  1891. 


ÉLOGE   DE   M.  JOSEPH   PAGET.  403 

qu'il  prend  vigoureusement  la  défense  de  cette  institution 
presque  inconnue  des  temps  barbares  et  que  tous  les  pou- 
voirs tendant  à  l'absolutisme  ont  cherché  à  restreindre  ou  à 
battre  en  brèche? 

Bien  peu  de  temps  avant  qu'il  nous  quittât  pour  toujours, 
dans  une  communication  qui  n'a  malheureusement  pas  été 
imprimée  ^  il  traitait  de  l'instabilité  des  principes  des  insti- 
tutions politiques,  instabilité  plus  grande  que  jamais  depuis 
un  siècle,  quoique  tous  les  gouvernements  aient  prétendu  à 
l'éternité,  et  c'était  encore  pour  lui  une  occasion  de  nous 
exposer  ses  prévisions  et  ses  craintes. 

Ainsi  que  je  le  disais  tout  à  l'heure,  l'individualiste  qui 
sait  ce  qu'il  doit  aux  autres,  comme  il  entend  qu'on  res- 
pecte sa  propre  personnalité,  fait  constamment  don  de  lui- 
même.  Nul  ne  s'est  donné  plus  que  Paget.  C'est  sans  comp- 
ter qu'il  a  prodigué  son  temps  et  ses  peines  partout  où  il  a 
cru  pouvoir  rendre  des  services. 

A  la  Faculté  d'abord,  dont  il  fut  le  doyen  pendant  douze 
ans,  du  16  novembre  1888  au  15  novembre  1900,  ses  qualités 
natives  d'ordre  et  de  méthode  s'exerçaient  quotidiennement 
dans  cette  besogne  administrative  qui  répugne  à  d'autres 
natures  d'esprit;  nul  détail  ne  lui  était  étranger.  Evidem- 
ment, il  serait  fort  exagéré,  ridicule  même,  d'attribuer  au 
seul  doyen  la*  prospérité  d'une  Ecole  de  droit;  il  serait 
injuste  de  ne  pas  reconnaître  qu'il  y  contribue  générale- 
ment pour  sa  bonne  part.  En  1888-1889,  le  chiffre  des  ins- 
criptions avait  été,  à  la  Faculté  de  Toulouse,  de  1,472,  prises 
par  722  étudiants;  en  1899-1900,  on  comptait  1,756  inscrip- 
tions et  986  étudiants.  Je  ne  dois  pas  oublier  le  souci  cons- 
tant que  montra  le  doyen  de  maintenir  la  dignité  et  l'indé- 
pendance du  corps  qu'il  représentait.  Avec  d'incontestables 
avantages,  Torganisation  actuelle  des  Universités  laisse  par- 
fois les  Facultés  un  peu  trop  désarmées,  à  leur  gré,  à  ren- 
contre de  l'administration   supérieure,  représentée  i)ar   le 

1.  lu  décembre  1907. 


404  SÉANCE   PUBLIQUE. 

recteur,  président  du  Conseil.  M.  Paget  sut  toujours,  sans 
jamais  se  départir  de  la  plus  stricto  correction  et  sans  per- 
dre de  vue  l'intérêt  général,  ne  rien  sacrifier  des  intérêts 
qu'il  était  plus  spécialement  chargé  de  défendre.  Ici  encore, 
je  craindrais  d'empiéter  sur  un  domaine  qui  n'est  pas  le 
mien  si  je  m'étendais  trop  sur  l'histoire  de  son  décanat. 

Depuis  la  fondation  du  Lycée  de  jeunes  filles  de  Tou- 
louse jusqu'à  l'heure  de  la  retraite,  il  y  professa  la  législa- 
tion usuelle.  J'ai  eu  entre  les  mains  les  cahiers  de  quel- 
ques-unes de  ses  élèves.  Le  programme  est  bien  vaste,  les 
heures  de  cours  sont  bien  peu  nombreuses  ;  il  insistait  spé- 
cialement, à  ce  qu'il  m'a  paru,  sur  les  principes  du  droit 
civil.  Je  n'affirmerai  pas  que  son  enseignement  ne  passât 
pas  de  temps  à  autre  par-dessus  la  tête  du  jeune  auditoire 
auquel  il  s'adressait.  Mais  là  encore  il  s'acquittait  de  sa 
tâche  avec  son  zèle  accoutumé,  aimant  à  retrouver  les  filles 
sur  les  bancs  où  s'étaient  jadis  assises  pour  l'écouter  les 
mères.  A  l'Ecole  supérieure  de  commerce,  à  partir  de  1903, 
ses  leçons  ne  furent  pas  moins  appréciées. 

La  Commission  administrative  des  hospices  civils  le 
compta  parmi  ses  membres  du  26  janvier  1891  au 
25  avril  1899.  11  en  fut  le  vice-président  de  1893  à  1899. 

Le  public  ignore  souvent  combien  sont  délicates  les  fonc- 
tions d'un  administrateur  des  hospices  dans  une  grande 
ville.  Combien  d'intérêts  divers  et  parfois  en  conflit  à  conci- 
lier !  Les  hospices  et  hôpitaux  sont  ou  devraient  être  avant 
tout  consacrés  au  soin  des  malades,  à  l'entretien  des  enfants, 
des  incurables,  des  vieillards  sans  ressources.  Mais  ce  sont 
aussi  des  champs  d'études  et  d'expérience  —  in  anima  non 
vili  —  pour  les  médecins  et  les  étudiants  en  médecine.  La 
gestion  d'un  patrimoine  considérable,  souvent  encore  insuf- 
fisant, exige  une  surveillance  incessante;  ne  faut-il  pas  as- 
surer l'avenir  tout  en  pourvoyant  aux  besoins  actuels?  La 
Commission  est  composée  d'éléments  divers,  de  compétence 
et  de  bonne  volonté  inégales,  dont  l'origine  même  est  dif- 
férente. Par  eux,  la  politique  —  où  n'entro-t-elle  pas?  — 


ÉLOGE   DE    M.  JOSEPH   PAG ET.  405 

s'introduit  là  où  elle  n'aurait  que  faire.  La  question  du 
recrutement  du  personnel,  toujours  difficile,  se  complique 
depuis  longtemps  déjà  de  la  question  de  laïcisation.  Dans 
certains  quartiers  des  hôpitaux,  les  causes  de  désordre  sont 
permanentes.  Paget  trouva  dans  ce  nouveau  rôle  bien  des 
occasions  de  déploj^er  son  activité  et  son  énergie.  Chargé 
tout  spécialement  de  la  surveillance  des  propriétés  rurales 
appartenant  aux  hospices,  il  contribua  à  les  relever.  A  la 
suite  de  la  crise  phylloxérique,  les  fermages  étaient  tombés 
à  28,600  francs  en  1892.  Ils  remontaient  à  38,000  francs  en 
1899.  De  nombreux  legs  étaient  en  souffrance  depuis  un  cer- 
tain nombre  d'années.  Ses  démarches  pressantes  les  firent  au- 
toriser et  encaisser.  Des  libéralités  nouvelles  furent  aussi, 
grâceà  sa  diligence,  acquises  rapidement  aux  hospices,  de  telle 
sorte  que  la  dotation  en  rentes  3  p.  100  qui,  en  1893,  était 
tombée  à  122,000  francs  par  suite  d'aliénations  successives  % 
fut  reconstituée  en  grande  partie  au  bout  de  peu  d'années; 
elle  s'élevait  en  1900  à  138,000  francs.  «  M.  Paget,  m'écri- 
vait naguère  un  administrateur,  était  très  aimé  par  le  person- 
nel. On  lui  a  reproché  parfois,  peut  être  avec  quelque  raison, 
de  manquer  de  souplesse  vis-à-vis  des  puissants  du  jour.  On 
peut  dire  qu'à  rencontre  de  ce  qui  se  passe  ordinairement, 
s'il  fut  raide  à  l'égard  des  forts,  il  fut  plein  de  bonté  et  de 
bienveillance  pour  les  petits.  Nos  employés  no  l'ont  pas  ou- 
blié''*... >  Gomment  il  fut  amené  à  donner  sa  démission  en 
1899,  je  n'ai  pas  à  le  rappeler;  les  luttes  continuelles  finis- 
sent par  décourager  les  plus  vaillants  ^ 

Notre  distingué  confrère,  M.  Massip,  vous  dirait  mieux 
que  moi  ce  qu'il- fut  au  Comité  d'inspection  et  d'achat  de  la 
bibliothèque  municipale  (1885  1899).  Vous  ne  vous  étonne- 

1.  AUénalions  faites  pour  combler  les  déficits  des  hospices  de  1887 
à  1892  (environ  500,000  francs  de  capital). 

2.  La  môme  note  se  fait  partout  entendre.  Il  y  a  quelques  jours  à 
peine,  un  appariteur  de  la  Faculté  de  droit  me  parlait  avec  une  émo- 
tion et  une  affection  vraiment  touchantes  de  son  ancien  doyen. 

3.  Il  fut  longtemps  aussi  memhre  du  Bureau  de  la  Miséricorde  ou 
commission  de  surveillance  des  prisons  de  Toulouse. 


406  SEANCE   PUBLIQUE. 

rez  pas  qu'il  aimât  les  livres;  je  me  rappelle  lui  avoir  entendu 
dire,  il  y  a  bien  longtemps,  que  si  le  sort  avait  voulu  qu'il 
fût  commerçant,  il  eût  été  sûrement  libraire. 

La  politique,  a  dit  un  sage,  est  la  plus  noble  des  vocations 
et  le  plus  ignoble  des  métiers.  A  l'époque  où  Paget  faisait 
ses  premières  armes  à  la  Faculté  de  droit  de  Toulouse,  nom- 
bre de  professeurs  se  sentaient  attirés...  par  la  plus  noble 
des  vocations,  naturellement.  Paget  prit  franchement,  cou- 
rageusement, parti  pour  ceux  qui  se  réclamaient  des  idées 
les  plus  voisines  des  siennes,  mais  il  ne  chercha  pas  à  les 
imiter.  Il  avait  ses  fonctions  en  trop  haute  estime  pour  dé- 
sirer les  quitter;  et  puis,  il  lui  aurait  été  difficile  d'accepter 
en  bloc,  aveuglément,  un  programme  tout  fait,  imposé  par 
des  hommes  influents  ou  de  puissants  comités.  Le  mandat 
législatif,  les  hautes  positions  administratives  ne  paraissent 
pas  l'avoir  jamais  beaucoup  tenté.  Il  n'était  pas  homme 
pourtant  à  se  dérober  quand  il  croyait  pouvoir  rendre  des 
services  à  la  chose  publique.  Ces  services,  il  les  pouvait 
rendre  sans  renoncer  à  sa  chaire,  non  seulement  dans  les 
domaines  divers  où  nous  l'avons  vu  déjà  prodiguer  son 
temps  et  ses  soins,  mais  aussi  dans  le  domaine  de  l'admi^ 
nistration  communale.  Au  sein  d'un  état  idéal,  cette  der- 
nière n'aurait  rien  à  démêler  avec  la  politique;  mais  en  fait, 
dans  nombre  de  villes  et  même  de  villages,  les  programmes 
des  candidats  aux  conseils  municipaux  sont  beaucoup  plus 
étendus  et  ambitieux,  font  des  appels  bien  plus  pressants  à 
l'esprit  de  parti  que  ne  le  comporterait  le  jeu  régulier  des 
institutions;  les  élections  prennent  tournure  d'élections 
législatives  au  petit  pied. 

Ces  considérations  générales  ne  s'appliquent  guère  à  la 
commune  de  l'Union,  laquelle  paraît  justifier  son  beau  nom. 
Paget,  élu  maire  en  1879,  demeura  en  fonctions  jusqu'à  sa 
mort.  Son  affabilité  et  son  obligeance  ont  laissé  chez  ses  ad- 
ministrés un  souvenir  durable;  la  sévère  économie  de  sa 
gestion  permit  à  la  commune  d'amasser  un  petit  capital, 
chose  à  noter  à  une  époque  où  les  capitaux  de  tant  de  mu- 


ELOGR    DE    M.   JOSEPH   PAGET.  40? 

nicipalités  sont  affectés  du  signe  négatif,  comme  disent,  je 
crois,  les  algébristes. 

Notre  confrère  ne  se  désintéressait  pas  des  affaires  com- 
munales de  Toulouse,  bien  plus  compliquées  assurément 
que  celles  de  l'Union,  et  je  ne  puis  passer  sous  silence  une 
série  de  faits  que  je  me  bornerai  d'ailleurs  à  relater  som- 
mairement. Il  avait  été,  en  1885,  vice-président  du  Comité 
de  la  Caisse  des  écoles^  récemment  fondée.  Le  2  août  1891, 
présidant  la  distribution  des  prix  des  écoles  communales, 
au  cours  Dillon,  il  prononçait  un  discours  où  il  insistait  sur 
les  idées  qui  lui  tenaient  le  plus  à  cœur.  «  Il  est  du  devoir 
d'un  professeur  de  droit,  disait-il,  d'affirmer  hautement  le 
véritable  caractère  do  la  liberté  et  de  la  propriété  —  choses 
saintes,  conditions  de  vie  pour  les  personnes  comme  pour 
les  sociétés  —  que  l'intérêt,  l'ignorance  ou  le  crime  discu- 
tent cependant  et  tentent  trop  souvent  d'obscurcir.  —  La 
liberté  est  le  principe  moral  de  toutes  nos  actions,  la  propriété 
individuelle  en  est  la  fin.  »  Suivent  une  courte  critique  du 
communisme  et  du  socialisme  d'Etat  et  un  rappel  de  la  Décla- 
ration des  Droits  de  l'homme.  «  Habituez-vous  de  bonne 
heure,  poursuit-il,  à  ne  compter  que  sur  vous-mêmes  et 
non  sur  la  providence  d'une  association;  c'est  abdiquer 
ou  s'amoindrir  que  s'abstraire  dans  un  groupe  et  subir  la 
volonté  de  quelques  meneurs.  La  liberté  ne  consiste  pas  à 
enchaîner  les  autres  avec  soi,  mais  à  pouvoir  faire  tout  ce 
qui  ne  nuit  pas  à  autrui.  Soyez  partout  et  toujours  les  défen- 
seurs du  droit,  et  vous  serez  les  apôtres  de  la  liberté.  » 

Cette  allocution  fut,  à  droite  et  à  gauche,  l'objet  de  criti- 
ques dont  nous  trouvons  l'écho  dans  les  journaux  des  jours 
suivants  :  la  Dépêche  du  3  août  1891  la  fait  précéder  des 
lignes  ci-après  :  «  M.  Paget,  doyen  de  la  Faculté  de  droit, 
que  M.  le  Préfet  avait  délégué  à  la  présidence  sur  la  propo- 
sition de  l'administration  municipale,  a  prononcé  le  discours 
suivant  dont  nous  lui  laissons  toute  la  responsabilité.  Nous 
ne  saurions  laisser  passer  sans  réserves  les  théories  qu'il  a 
développées,  et  nous  devons  ajouter  que  l'auditoire  en  a 
paru  surpris...  » 


408  SÉANCE   PUBLIQUE. 

Le  Messager  du  4  août  1891  l'appréciait  comme  suit  : 
«  Tout  ce  qu'on  peut  reprocher  à  M.  Paget,  c'est  que,  parlant 
du  droit,  il  ne  soit  pas  remonté  à  sa  vraie  source  qui  est 
Dieu.  On  peut  aussi  trouver  que  son  langage  était  un  peu 
bien  relevé  pour  des  enfants  et  qu'il  convenait  plutôt  à  des 
étudiants.  » 

Quoi  qu'il  en  soit  de  ces  jugements  divers,  les  paroles 
prononcées  sur  le  cours  Dillon,  devant  un  auditoire  im- 
mense, par  le  doyen  de  la  Faculté  de  droit,  eurent  un  grand 
retentissement  et  révélaient  un  profond  dissentiment  de 
doctrines  avec  la  municipalité  alors  à  la  tête  de  la  ville  de 
Toulouse.  Quelques  années  après,  lorsque  cette  municipalité 
eut  été  remplacée  par  une  Commission  et  qu'il  fallut  procé- 
der à  de  nouvelles  élections,  Paget  fut  mis  en  tête  d'une 
liste  dite  républicaine  progressiste;  étaient  en  concurrence 
avec  elle  trois  autres  listes  dites  :  d'Union  toulousaine,  de 
Protestation  républicaine  (Union  radicale-socialiste),  et  de 
Protestation  de  la  Fédération  toulousaine  socialiste.  Le  scru- 
tin du  13  janvier  1895  ne  donna  aucun  résultat  définitif;  le 
second  tour  du  20  janvier  ne  trouva  plus  en  présence  que 
la  liste  progressiste  et  la  liste  radicale-socialiste.  Celle-ci 
fut  élue  en  entier.  Paget,  qui  avait  échoué,  mais  dans  des 
conditions  très  honorables,  puisque  le  ballottage  lui  avait 
donné  près  de  12,000  voix  sur  25,700  votants  environ,  ne 
renouvela  pas  sa  tentative. 

Mais  j'ai  hâte  de  quitter  un  terrain  où  nous  n'aimons 
guère  ici  à  nous  aventurer  et  de  revenir  dans  une  atmos- 
phère plus  calme.  Les  années,  en  se  succédant,  apportaient 
au  foyer  de  notre  confrère  de  nouvelles  joies  et  de  nouveaux 
objets  d'intérêt.  Le  6  février  1889,  sa  fille  épousait  un  jeune 
magistrat  d'avenir,  M.  Louis  Molinié,  et  le  27  mars  1891  la 
naissance  d'un  petit-fils,  Jean  Molinié,  venait  combler  ses 
vœux;  chez  lui,  les  affections  familiales  occupaient  toujours 
le  premier  rang.  Et  puis,  avec  quel  plaisir,  toujours  renou- 
velé, il  allait  se  retremper,  aussitôt  qu'il  le  pouvait,  à  l'air 
de  la  campagne!  Chaque  année,  dès  le  mois  de  juin,  il 
s'installait  dans  sa  propriété  de  Belbèze,  ne  revenant  à  Tou- 


ÉLOGE    DE  M.  JOSEPH  PAGET.  409 

louse  que  les  jours  où  le  devoir  professionnel  l'y  appelait.  Il 
goûtait  pleinement  le  contraste  entre  la  grande  ville  bruyante, 
poudreuse,  étouffante,  et  les  coteaux  paisibles,  aux  croupes 
un  peu  molles,  qui  dominent  la  rive  droite  de  l'Hers.  De  la 
vieille  maison  familiale,  entourée  d'épais  massifs  de  verdure 
—  oasis  d'ombre  close  sur  la  coUine  ensoleillée,  —  on  dé- 
couvre à  travers  les  arbres  la  vallée,  large  et  riante,  d'un 
côté  tranquille,  presque  déserte,  semée  sur  l'autre  rive  de 
villas  sans  nombre,  jusqu'au  bas  du  plateau  de  la  Colonne. 
Au  delà,  un  peu  à  droite,  sur  un  horizon  souvent  noyé  de 
brume,  les  clochers  des  Jacobins,  de  Saint-Sernin,  des  Mini- 
mes, jalonnent  la  partie  visible  de  Toulouse.  Combien  il  était 
heureux  de  vivre  au  sein  de  cette  nature  reposante,  au 
milieu  des  siens,  vivant  la  vie  de  gentilhomme  campagnard, 
inspectant  ses  champs  ou  soignant  son  vin  !  En  septembre, 
la  scène  changeait  ;  chez  son  gendre,  dans  le  Roussillon,  il 
retrouvait  la  pleine  montagne.  Chaque  matin,  chaussé  d'es- 
padrilles, il  faisait  une  ascension  de  quelques  heures,  respi- 
rant à  pleins  poumons  un  air  qui  pour  lui  était  presque 
l'air  natal.  Par  une  inconséquence  tellement  fréquente  que 
nous  la  rencontrons  tous  les  jours  sans  nous  en  étonner,  cet 
homme,  bon  entre  les  meilleurs,  aimait  la  chasse,  amuse- 
ment barbare  aux  yeux  des  profanes;  animé  d'une  ardeur 
toujours  la  même,  il  parcourait  ses  champs,  à  la  recherche 
d'un  lièvre  problématique  ou  d'une  caille  égarée. 

Ainsi  s'écoulaient  les  jours  et  les  années.  L'heure  de  la 
retraite  s'approchait  sans  que  le  poids  de  l'âge  courbât  le 
corps  ou  diminuât  la  vigueur  d'esprit  de  notre  confrère.  Ce 
n'est  guère  qu'en  1907  que  nous  avons  remarqué,  sans  trop 
d'inquiétude,  un  peu  d'amaigrissement,  une  pâleur  inusitée 
sur  ses  traits  d'ailleurs  toujours  calmes  et  reposés.  Pour 
beauTioup  d'hommes  vieillis  dans  les  fonctions  publiques  ou 
dans  les  affaires,  le  jour  où  ils  se  retirent  et  où  ils  entrent 
dans  une  existence  tout  à  fait  nouvelle  est  le  début  d'une 
crise  pénible^  parfois  fatale;  avec  les  habitudes  d'esprit  de 
Paget  et  les  multiples  emplois  qu'il  savait  donner  à  son  acti- 
vité, rien  de   semblable  ne  paraissait  à  craindre.  Et  pour- 

10»  SÉRIE.   —  TOME   X.  89 


410  SÉANCE   PUBLIQUE. 

tant  le  terme  de  cette  vie  si  bien  remplie  n'était  ^as  éloigné. 

C'est  en  pleine  montagne  qu'est  venue  le  surprendre  la 
maladie  qui  l'a  terrassé.  Ses  regards  ont  pu  encore,  presque 
au  dernier  moment,  embrasser  les  cimes  qu'il  aimait  tant  et 
parmi  lesquelles  il  revivait  ses  années  d'enfance. 

Le  mardi  29  septembre  1908,  à  Toulouse,  il  rendit  le  der- 
nier soupir,  et  le  jeudi  suivant,  par  une  belle  matinée  d'au- 
tomne, un  long  cortège  de  parents  et  d'amis,  qui  eût  été 
bien  plus  nombreux  à  une  autre  époque  que  celle  des  vacan- 
ces, suivi  de  la  population  entière  de  l'Union,  accompagnait 
sa  dépouille  au  cimetière  de  Saint-Jean-Kyrie-Eleison.  C'est 
là  qu'il  repose,  en  face  du  vaste  horizon  tant  de  fois  con- 
templé. Il  avait  exprimé  le  désir  qu'aucun  discours  ne  fût 
prononcé  à  ses  obsèques;  sa  volonté  n'a  été  qu'à  moitié  res- 
pectée. M.  le  recteur  Perroud,  au  nom  de  l'Université  de 
Toulouse,  M.  Hippolyte  Laurens,  au  nom  de  l'Association 
des  anciens  élèves  du  Lycée,  dont  Paget  avait  été  le  prési- 
dent et  à  laquelle  il  n'avait  jamais  cessé  de  s'intéresser  vive- 
ment, dirent  quelques  brèves  paroles  d'adieu  ^  M.  le  doyen 
Hauriou  s'est  fait  à  son  tour  l'interprète  des  regrets  de  la 
Faculté  de  droit  dans  son  rapport  au  Conseil  de  l'Univer- 
sité^. 

L'espace  me  manque  pour  reproduire  ici  plus  d'un  pas- 
sage qui  mériterait  d'être  cité  et  contribuerait  à  vous  faire 
mieux  connaître  et  apprécier  le  caractère  de  notre  confrère, 
«  homme  de  l'Est  transporté  parmi  ceux  du  Sud-Ouest, 
Franc  jeté  au  milieu  des  Latins  ». 

Il  y  a  quelques  années,  l'Académie  se  livrait,  ainsi  qu'il 
arrive  périodiquement,  à  l'exercice  un  peu  stérile  d'une  revi- 
sion de  ses  règlements.  Paget  se  prononça  pour  la  suppres- 
sion de  l'éloge  des  membres  défunts.  Une  sorte  de  pressen- 


1.  Voyez  le  Bulletin  de  l'Association  des  anciens  élèves  du  Lycée 
de  Toulouse,  juillet-août-septenibre  1908,  pp.  29  et  suiv.— Voyez  aussi 
Ja  notice  publiée  dans  le  Bulletin  de  la  Société  de  géographie  de 
Toulouse,  t.  XXVII,  pp.  409-410.  Paget  avait  également  présidé  cette 
Société,  en  1886,  fort  peu  de  temps  après  sa  fondation. 

2.  Pp.  25  et  suiv. 


ÉLOGE   DE   M.    JOSEPH   PAGET.  411 

liment  l'avertissait-il  qu'il  ne  trouverait  paimi  nous  (ju'iin 
biojiiM'aphe  in(liLî:i'(»  dr  lui?  Nul  phi^  qii/>  moi  —  hhm'  (m;  à 
cette  époque  u\  coinl)  Itu  sa  lUiiiiièi'  de  \oir  —  .*)*t'>l  mn- 
vamcu  de  cette  insulfisance.  Je  n'ai  pas  hésité  cependant  à 
me  charger  de  la  tâche  pour  laquelle  vous  avez  t'ait  appel  à 
ma  bonne  volonté.  La  gratitude  envers  le  maître,  le  collègue, 
l'ami,  ne  me  permettait  pas  de  m'y  dérober,  si  lourde  qu'elle 
fût  pour  moi.  Je  serais  trop  heureux  si,  dans  cette  faible 
esquisse,  vous  reconnaissiez  pourtant  les  principaux  traits 
d'une  figure  bien  digne  de  retenir  les  regards.  En  un  temps 
où,  Dieu  merci,  les  qualités  du  cœur  et  la  vigueur  de  les- 
prit  se  rencontrent  encore  souvent,  mais  où  manquent  sur- 
tout les  caractères,  Paget  sut  être  ferme,  presque  rigide.  La 
vieille  devise  de  ses  compatriotes  n'est  elle  pas  :  «  Comtois, 
rends-toi  !  —  Nenni,  ma  foi  !  »^  ?  11  réussit  à  se  garder  de 
deux  reproches  auxquels  les  plus  honnêtes  gens  n'échap- 
pent que  difficilement  aujourd'hui  :  le  reproche  d'arrivisme 
et  celui  de  parasitisme;  il  ne  rechercha  la  faveur  d'aucun 
homme  ni  d'aucun  groupe;  jamais  il  n'a  voulu  moissonner 
dans  le  champ  du  public.  Que  nous  partagions  ou  non  ses 
convictions,  son  souvenir  doit  nous  rester  présent  et  son 
exemple  nous  fortifier. 


PUBLICATIONS   DE   M.  J.  PAGET 


Du  payement  indu  en  Droit  romain  et  en  Droit  français.  Toulouse, 

Chauvin,  1867. 
£ssai  sur  la  mise  en  demeure  et  ses  effets.  Paris,  Thorin,  4870. 
Rapport  sur  les  concours  de  la  Faculté  de  droit  de  Douai,  1871. 
Rapport  sur  les  concours  de  la  Faculté  de  droit  de  Toulouse,  1874. 
Rapports  sur  les  travaux  de  la  Faculté  de  droit  de  Toulouse,  de  1887- 

1888  à  1899-1900. 

1.  11  a  défini  lui-même  son  idéal  dans  l'allocution  plus  haut  citée 
aux  élèves  du  Petit  Lycée  de  Toulouse  :  «  Gagner  dans  l'accomplisse- 
ment du  devoir  l'estime  de  nous-mème  et  des  autres.  »  «  Sachez  vou- 
loir, ajoutait-il,  et  résolument,  dans  la  droite  ligne,  marchez  au  but.  » 


412  SÉANCE   PUBLIQUE. 

Discours  prononcé  à  la  distribution  des  prix  des  écoles  normales  de 
Toulouse.  {Dépêche  de  Toulouse  du  3  août  1891.) 

Discours  prononcé  à  la  distribution  des  prix  du  Petit  Lycée  de  Tou- 
louse, 1897  {Télégramme  de  Toulouse,  31  juillet  1897). 

Dans  le  Recueil  de  l'Académie  de  Législation  : 

Mémoire  à  propos  d'un  ouvrage  de  M.  A.  Bonnet,  président  de  Cham 
bre  à  la  Cour  d'appel  de  Poitiers  :  Sur  les  partages  d'ascendants  ; 
t.  XXVII,  1878-79. 

Rapport  sur  les  concours  ordinaires  de  l'année  1878,  t.  XXVII. 

Les  institutions  et  la  législation  des  Gaulois,  à  propos  d'une  bro- 
chure de  M.  J,  Lefort;  t.  XXX,  1881-82. 

Sur  la  formation  de  notre  Droit  public  et  privé,  à  propos  d'un 
ouvrage  de  M.  Beaune  sur  le  Droit  coutumier  ;  t.  XXXI,  1882-83. 

Discours  d'installation  à  la  présidence  ;  t.  XXXVI,  1887-88. 

Rapport  sur  le  concours  du  prix  du  Ministre  ;  t.  XXXVI,  1887-88. 

Rapport  sur  les  Contrats  dans  le  Droit  coutumier ^  de  M.  Henri 
Beaune  ;  t.  XXXVIII,  1889-90. 

Rapport  sur  une  étude  sur  la  Législation  charitable  en  Hollande, 
de  M.  Léon  Lallemand  ;  t.  XLV,  1896-97. 

La  législation  hospitalière  ;  t.  XLVII,  1898-99. 

Éloge  de  M.  Gustave  Humbert;  t.  XLVIIl,  1899-1900. 

Abandon  de  la  propriété  d'un  immeuble;  t.  L,  1901-1902. 

Dans  les  Mémoires  de  l'Académie  des  Sciences,  Inscriptions 
et  Belles-Lettres  de  Toulouse  : 

Rapport  sur  les  concours  de  la  classe  des  Lettres,  1884. 

Éloge  de  M.  Victor  Molinier,  1889. 

Discours  d'ouverture  de  la  séance  publique,  1er  juin  1890. 

Droits  du  conjoint  survivant,  1891. 

Discours  d'ouverture  de  la  séance  publique,  24  mai  1891. 

Code  civil  du  Japon,  1892. 

Observations  historiques  et  rationnelles  sur  la  propriété  indivi- 
duelle, 1894. 

Les  droits  des  enfants  naturels  dans  la  succession  de  leurs  père  et 
mère,  1896. 

Nouveau  Code  civil  du  Japon^  1898. 

N.  B.  —  Je  ne  puis  répondre  que  la  liste  ci-dessus  soit  complète  ; 
elle  ne  mentionne  d'ailleurs  que  les  travaux  imprimés,  non  les  com- 
munications faites  aux  Académies  toulousaines  sans  être  reproduites 
dans  leurs  Mémoires. 


RAPPORT  GÉNÉRAL  SUR  LES  CONCOURS  DE  1910.   413 


RAPPORT  GENERAL 

SUR 


LES  CONCOURS  DE  1910 

Par  m.  F.  TOURNEUX. 


Messieurs, 

A  défaut  de  la  compétence  presque  universelle  qu'eût 
exigé  l'accomplissement  de  la  mission  que  vous  avez  bien 
voulu  me  confier,  j'ai  dû  m'inspirer  largement  des  indica- 
tions fournies  par  les  rapporteurs  de  vos  Commissions  spé- 
ciales; c'est  donc  en  somme  leur  œuvre  bien  plus  que  la 
mienne  que  je  vais  avoir  l'honneur  de  vous  présenter. 

L'Académie  avait  à  décerner  cette  année  le  prix  Gaussail 
et  le  prix  Ozenne,  pour  lesquels  les  travaux  de  l'ordre  scien- 
tifique pouvaient  seuls  concourir;  elle  disposait,  en  outre, 
de  prix  d'encouragement  sous  forme  de  médailles  de 
bronze,  d'argent  ou  de  vermeil,  permettant  de  récompenser, 
suivant  leu